Un soir, Aleth put en apprendre plus de sa mère. Même s'il ne devenait pas ser, Jared deviendrait le prochain lord. Son père était plutôt partisan d'un engagement volontaire. Si Jared manifestait un engagement physique et moral réel dans le métier des armes, de l'équitation, si lui même réclamait à devenir ser - comme l'avait fait en son temps Dugal -, bien sur, il suivrait le chemin d'usage de page et d'écuyer. Dame Guenièvre demanda à Aleth si Jared avait manifesté avec elle de pareils désirs mais il n'en était rien. Songeuse, la mère confia à sa fille qu'elle avait sans doute sa part de responsabilité dans la timidité naturelle de son fils.Il faudrait demander à Mère ce qu'elle avait prévu pour Lysanor et Jared. Lysanor allait-elle partir pour le domaine Risley ? Irait-elle au grand septuaire de Villevieille ? Et Jared ? S'il voulait devenir Ser, il fallait qu'il entre un jour ou l'autre en formation en tant qu'écuyer.
C'est bien naturellement pour Lysanor que Guenièvre était le plus inquiète. Elle confia ne pas savoir quoi faire et ne voulait pas s'écrouler en larmes devant sa fille cadette. Elle culpabilisait de n'avoir rien vu. Elle s'en voulait et en voulait à la terre entière. A son mari, à son beau-frère, à ses gens, aux Sept, la liste était longue. Guenièvre avait lâché sa rancoeur du bout des lèvres avant de s'excuser d'une manière générale disant qu'il était désuet de rendre les autres responsables de la course des nuages et de l'ignominie qui existait dans le coeur de certains hommes. Elle même était intéressé par l'avis d'Aleth pour Lysanor. Jugeait-elle que l'enseignement d'un septuaire lui serait bénéfique?
Il était vrai que Tristifer avait été trop heureux de verser un paiement annuel pour Corvin assez faible, mettant cela sur le compte de sa chance. Il exigeait un véritable mestre ! Il fallait pour cela écrire à la Citadelle pour en avoir un bon tout comme il faudrait justifier la mort de Corvin. Ayant beaucoup de travail - puisqu'il ne pouvait plus déléguer à son souffre-douleur et suspicieux à l'idée de donner toutes les cartes au main d'Aleth, il lui relégua la tâche d'écrire à la Citadelle.Le reste du temps était consacré à l'économie du domaine. Elle passerait ainsi du temps avec son irascible oncle -- totalement indifférente à ses sautes d'humeur -- pour clarifier différents points problématiques. Jusqu'ici la Maison avait payé trop peu cher les Mestres en obtenant en retour un mestre n'ayant pas terminé sa formation ; à l'avenir il faudrait un mestre pleinement formé, mais les finances du domaine ne le permettaient pas forcément, ou tout juste. Il fallait de l'argent, et toutes les pistes étaient bonnes à étudier.
La fouille des affaires de Corvin ne donna pas grand-chose. Tristifer pesta souvent sur le nombre d'opérations juteuses qu'il aurait pu réaliser si Corvin n'avait pas tout capoté par nullité caractérisé. A moins que l'agent de Ryam n'ai eu la mission de limiter l'essor de la maison Castellane, songea la lady.
Avec le prévôt, lady Aleth pu affiner ce qu'elle pensait savoir. Lyndal Flowers avait obtenu un contrat quasi exclusif sur les emplacements du marché. De ce coté, tout était en règle. Il était vrai toutefois qu'en tant que majoritaire, Flowers pouvait pratiquer ses propres prix, acheter aux locaux à des prix réduits et ainsi de suite. Tristifer avait dès le lendemain fait ajouter par le prévot aux exemplaires du contrat d'occupation du marché que Lyndal Flowers étaient coupable de contrebande avérée découverte dans un hangar de Waterford, résiliant de facto, ses prétentions sur le marché. Tristifer avait également sommé Seldon de lui envoyer tout candidat à occuper un étal. L'objectif de l'intendant était clair : les bénéfices du marché devait revenir à la maison Castellane.Le marché de Wateford était à réorganiser de fond en comble. Il n'était pas normal que des habitants des environs payassent leur place en sous-location à un marchand étranger, cela revenait seulement à appauvrir les gens d'ici alors qu'il fallait développer une économie peu diversifiée et fragile, dans un climat d'insécurité chronique. Quel était la position de Tristifer à cet égard ?.. Et que prévoyait-il pour résoudre les problèmes qui se poseraient avec Rubriant et Lord Florent -- bien trop amical envers Lyndal Flowers ?
Le vieux représentant des paysans avait sympathisé avec l'étonnant paludier. Il croyait en cette entreprise et fut surpris de la curiosité et du bon sens de la lady. Il s'inquiéta de savoir qui serait son interlocuteur. Aleth savait très bien ce qu'il voulait dire. Les choses étaient assez claires, il y'avait de la main d'oeuvre sur les terres, cela ne manquait pas. Le vieux paysan voulait qu'ils aient des journées modérées et deux jours de repos par lune au lieu d'un seul car il savait que travailler dans les marais était mauvais pour la santé. Enfin, d'ici quelques mois, il pourrait y avoir une production de sel non négligeable. Le paludier avait déjà son petit stock depuis longtemps...Il fallait identifier tout ce qui était nécessaire pour faire fonctionner le marais salant et dans quels délais. Qui pouvait la renseigner ? Comment organiser le travail ? D'ailleurs y'avait-il assez de bras dans le domaine ?
Sur ce point, Tristifer était buté ne comprenant pourquoi Rubriant réduira sa consommation de vins Castellane, jugeant qu'il rendait service aux Florent d'avoir démasqué ce gros porc de Flowers. Mais la réalité était bien là, des chariots étaient revenus avec plus de la moitié de la cargaison...Concernant le vin Castellane, il fallait au moins pour un moment oublier Rubriant, et donc trouver d'autres débouchés. Le domaine du Puits des Dulver n'était pas une piste valable -- quelque sympathique fût son fils -- faire affaire avec le Vautour revenait juste à se faire plumer et dépouiller. Quelles étaient les autres options envisageables ? Noircouronne ? Villevieille ? Les îles Boucliers ? ... Quelle était la position de son oncle ? Et quelle démarche avaient déjà été accomplies pour faire avancer ce dossier ?
"Puisque c'est ainsi, il faut l'exporter à Port-Real ! Tu mettras donc une bouteille au bout de la lance de Béric, qu'il la porte bien haut, tiens. Je compte sur toi pour faire connaitre nos cuvées, je ne peux pas être partout à la fois."
Tristifer noyait le poisson, faisant de la rétention. Sachant qu'il finirait par se noyer tout seul, Aleth sut qu'en étant patiente, elle finirait par connaitre tout les détails...Dans la mesure du possible, Aleth cherchait à en savoir plus sur l'état des comptes et des accords commerciaux, afin de voir quelles possibilités étaient envisageables. Ele songeait à la restauration du septuaire, et examina les coûts de ce projet, mais était trop amère pour le moment pour avoir l'élan de porter ce projet alors qu'il fallait surtout trouver des ressources et des alliés.
C'était une chose étrange pour eux qui n'avait jamais été regardant sur la gestion de ses points. Lord Rhéomar écoutait avec peu d'enthousiasme.Faisant taire autant que possible sa rancœur envers son père, elle tint ses parents au courant de la situation économique, des difficultés prévisibles (Rubriant et Lord Florent) afin de connaître leur sentiment sur chacun des dossiers. A défaut d'être heureuse ou d'avoir confiance en ses aînées, elle s'efforçait de se comporter en agent loyal.
Ce fut finalement lord Rhéomar qui vint la trouver un beau jour alors qu'elle était avec Lysanor.Avant de partir pour Hautjardin, Aleth comptait demander à sa mère si elle jugeait possible d'obtenir l'accord de Père pour réserver un pourcentage de l'exploitation du marais à Aleth (10%) et Lysanor (5%) sous forme de rente perpétuelle et transmissible à leurs propres filles par la suite.
"Je voulais que le marais revienne à Jolan pour qu'il apprenne, avec toute l'aide qu'il aurait pu trouver, comment tenir un domaine. Mais cela n'est plus possible... Une fois que les marais auront rapporté ce qu'ils nous auront coutés - Rhéomar du déglutir avant de pouvoir continuer -, tout ce qui en sors sera à toi et à ta soeur. Que ceux qui ont participé au nettoyage du marais en tirent profit aussi. Darren, les autres, c'est à toi de voir. Tristifer n'aura pas son mot à dire là-dessus. J'ai aussi autorisé le prêtre rouge à y tenir son culte, là où loge ce paludier dont j'ai entendu parler. J'apprécierais aussi que tu gardes également quelque chose pour la petite Alyse. Plus d'honneur que d'honneurs."
Il n'attendit pas de réponse et fit demi-tour, les laissant sans voix.