Les collines de Kôlsa emergeaient de la Grande Forêt, reliefs massifs et accidentés formant une crête tel le corps ondulant d'un dragon de roche louvoyant dans un mer forestière, un océan de sapins, de hêtres et de chênes. Ce jour-là, la neige tombait abondemment dans cette région située à l'est du Talabecland où les vents du nord descendant du Kislev soufflaient régulièrement en cette saison.
Les braves de Dunadun sentirent en premier lieu le mordant du froid malgré leur pelage ou leur plumage, avant même que leur vue s'adapte à ces yeux qui n'étaient pas les leurs, dans un corps qui n'était pas le leur. Ils n'étaient pas seuls, ils sentaient la présence de leur hôte, comme endormi à leur côté, mais ils sentaient également les autres, leurs compagnons, discernant leurs pensées mais aussi la direction et la distance où ils se trouvaient.
Ils étaient distants au maximum de 500 mètres, éparpillés dans un bois couvrant largement le versant nord de la plus haute colline.
Robert humait l'air frais par ses naseaux et de ses sabots, il grattait le sol par instinct pour trouver de l'herbe sous le tapis de neige. Le cerf qui avait accueilli son esprit portait de majestueux bois robustes. Il ne mis pas longtemps à sentir les vents, ceux de magie, qui tourbillonnant avec force dans les environs.
Son initiée, la jeune Joliesse, dressa ses longues oreilles quand elle assimila les sensations qu'éprouvait son maître. La hase qui l'avait reçue se trouvait dans son terrier qu'elle quitta avec vivacité et agilité pour rejoindre le site magique qu'indiquait les sens de Robert.
La Nature avait sa propre volonté, et ce fut un puissant loup, un loup solitaire, qu'elle permit à Morgan d'investir. Comme les autres, il visualisa ce que le troisième œil de son homologue verénéen percevait, ces vents de toutes les couleurs dans l'air, se séparant et se mêlant en fonction des obstacles, chacun y réagissant différemment, c'était un spectacle à la fois magnifique et terrifiant. Les vents de magie étaient partout dans ces bois et soufflaient dans le même sens, vers les hauteurs des bois, devenant de plus en plus denses.
Ce mélange de pensées, de visions et de souvenirs avaient de quoi donner la nausée... Voir le vertige, surtout quand ce furent les sens d'Ulfang qui se melangèrent aux leurs. Il se trouvait perché au sommet d'un sapin dominant les bois. De là haut, la buse qu'il avait rejoint pouvait tout surveiller et ses yeux perçants déceler le moindre rongeur tapis entre les racines des arbres. Mais un de ces rongeurs dont il repéra le pelage roux flamboyant pensa suffisamment fortement "Viens pas me casser les noisettes le piaf". Silk œuvrant dans le corps d'un écureuil évoluait à vive allure sautant d'arbres en arbres en direction du cercle de pierre. Ulfang prit son envol pour prendre de la hauteur et surveiller les alentours.
Son double féminin, la malicieuse Faldia, avançait quand à elle d'un pas lourd entre les troncs. Sa peau épaisse et son dense pelage la tenait bien à l'abri du froid. L'ourse n'était pas rapide mais pas grand chose ne pourrait faire face à sa force.
Enfin, Thorgrim leva son groin et ses défenses qui labouraient le sol quelques instants plus tôt à la recherche de nourriture au milieu des feuilles mortes. Le poil hirsute, un caractère de cochon... la peau du sanglier qu'il empruntait lui allait comme un gant.
Au milieu de cette réunion spirituelle, tous sentirent que Pavlina n'était pas parmi eux.