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Casaïr
16 juin 2017, 01:56
« Chercher des informations sur place sera difficile. Nous ne savons pas qui est impliqué. Je ne saurai que trop vous conseiller de ne pas trop vous faire remarquer. Cela fait des mois que j’enquête à ce sujet avec un succès plus que mitigé. Peu importe qui gère cette histoire, il sait très bien brouiller les pistes ou les rendre inexistantes.
- Elle a raison, Oncle Edogaï, renchéris-je. Nous avons eu ces renseignements par des moyens détournés, je nous vois mal frapper à la porte de l’Ordo Magica et demander « Excusez-nous mais pouvez-vous dire pourquoi vous complotez dans Davokar ? » On se ferait repérer avant même de partir. »
Quand elle nous montra la paperasse accumulée dans la petite pièce et qu’elle avait utilisée pour tenter de découvrir ce que les mages manigançaient, et qu’elle nous permettait implicitement de lire, je m’abstins, préférant en laisser la jouissance à mon oncle adoptif. À la place je m’agenouillai devant Sénia pour prendre ses mains dans les miennes.
« Je n’ai pas encore la chance d’être mère, lui dis-je en souriant chaleureusement, mais étant aussi à la recherche d’un être cher, je peux comprendre en partie la souffrance que vous vivez nuit et jour. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous venir en aide, soyez-en assurée. »
Je me relevais pour me tourner vers mes camarades et ajouter à leur attention : « nous avons deux mois et demi pour nous préparer, c’est plus qu’il n’en faut mais il vaut mieux ne rien laisser au hasard et réunir ce dont nous avons besoin dès maintenant. Je vous remercie pour votre hospitalité, madame, et si jamais vous aviez besoin de nous parler, vous pourrez nous trouver à l’auberge de la Sorcière et du Familier – excepté Thar qui loge à la garnison. »
Je pris congé de Sénia avec une légère révérence avant de quitter sa maison. Sur le chemin du re-tour, j’expliquais à mes compagnons ce que je comptais faire :
« Avant toute chose, je vais me rendre à Noirelande demander à Tulga de nous accompagner ainsi que son avis sur le trajet qui lui semble le plus pertinent. Je voudrais aussi connaitre son avis et savoir s’il faut prévenir Méhira pour notre expédition ou non, d’autant qu’on y va pas vraiment pour trouver des trésors mais plutôt pour obtenir des réponses, quitte à casser des têtes. Et comme les recherches de l’Ordre sont proches de l’endroit où se trouvait mon frère, il est fort possible qu’on y apprenne quelque chose aussi, elle sera donc d’autant plus désireuse de venir avec nous. À ce propos, ajoutais-je à destination de Thar, si tu désires m’accompagner pour y chercher Urfrons, tu es le bienvenu ; avec ces deux gobelins, notre force de frappe sera considérablement accrue, et leur connaissance de la forêt dépasse largement les nôtres réunies, on gagnera sur tous les tableaux. »
Secouant machinalement mes cheveux, je repris, espiègle : « Maintenant, si ces messieurs veulent bien m’excuser, je retourne à l’auberge passer des vêtements moins seyants pour aller à Noirelande. Je te retrouve d’ici une heure à la porte Sud, Thar, ça te convient ? »
Une fois ma réponse obtenue, je filai sans attendre, Cendres à mes trousses, esquivant désormais les gens sans y penser, empruntant les raccourcis me permettant de gagner du temps, repoussant gentiment mais fermement les camelots tentant de me vendre de prétendus trésors symbars aux vertus incroyables et à l’aspect peu reluisant.
L’auberge rejointe, j’entrai, demandai à Alomar s’il pouvait me préparer un casse-croûte, et intimai à Cendres de m’attendre ici, ce qu’il fit en s’allongeant de tout son long devant l’escalier, tel un gros tapis sur lequel il valait mieux éviter de poser les pieds sous peine d’en perdre au moins un dans l’action. Je pénétrai rapidement dans ma chambre, ôtai ma robe tout aussi vite pour me changer, assurai mes armes dans leur fourreau et sur mon épaule puis, réfléchissant, en profitai pour me faire deux courtes tresses sur l’oreille droite. Dans ma tête, la coquette qui sommeillait en moi remarqua que mes cheveux avaient bien poussé depuis un moment, et qu’il faudrait sûrement bientôt les faire couper. La pragmatique était d’accord mais plus dans un souci de praticité : se balader cheveux au vent dans une forêt sombre et dangereuse n’était sans doute pas l’idée de l’année. Je me promis ainsi d’y remédier un jour prochain.
Apprêtée, je quittai ma chambre et redescendis l’escalier, sautant par-dessus Cendres qui, visiblement, refusait de bouger ses fesses, pour me rattraper au comptoir d’Alomar. Je pris le repas qu’il m’avait préparé et lui demandai avec mon plus beau sourire :
« Ma question va sans doute te sembler idiote, mais pourrais-tu m’aider ? Je cherche à savoir s’il existe un moyen pour renforcer le lien que j’ai avec Cendres. Avant, j’étais capable de savoir où se trouvait mon frère sans qu’il me le dise, ou de sentir s’il était heureux ou triste. Du coup, je voulais savoir s’il était possible de faire pareil avec lui. » Je posais un regard blasé sur l’intéressé qui se contenta de bailler en m’ignorant superbement, puis repris : « Chez les miens, je sais que ce genre de chose n’existe pas, mais peut-être… ? »
Il est toujours utile d'affronter un ennemi prêt à mourir pour son pays. Vous avez en définitive, lui comme vous, le même objectif en tête.
- Terry Pratchett, Va-t-en-guerre.