Mystères, légendes, histoire des mentalités

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Iris
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Re: Mystères, légendes, histoire des mentalités

Message : # 34351Message Iris
16 mars 2014, 15:10

moderagio a écrit :Pourquoi l'ours ? Tout simplement parce que c'est le roi de la nature, non ? C'est un symbole fort de suprématie qui semble assez logique pour donner de la carrure à un roi.
Je ne dis pas non, en fait, je n'ai pas vraiment d'avis... il est évident que l'ours a une fonction et symbolique très riche, mais le sanglier et le loup sont bien chargés aussi

Au fond, ce qui m'importe, c'est avoir des éléments intéressants pour créer des histoires avec un contenu métaphorique aussi dense que possible, parce que ça contribue pas mal à les enrichir :)
moderagio a écrit :La transition de dragon a ours s'explique aussi probablement avec l'abandon progressif de la culture païenne par une culture chrétienne.
Sauf que l'ours est roi chez les anciens germains... qu'on a déjà des dragons vaincus d'ailleurs chez les germains / celtes / anciens grecs...

... et que le lion devient roi uniquement à partir des chrétiens (influencés par les symboliques du Proche-Orient)...

Du coup, le passage dragon => ours ne peut pas s'expliquer par le passage paganisme => christianisme. Au contraire même, l'ours est largement diabolisé par les chrétiens (cf. travaux de Pastoureau) (tu notes toi-même l'importance du lion)... Donc la seule question dans ces puissances et leur hiérarchie : pourquoi un passage du dragon à l'ours ? (puisque ours => lion s'explique par la suite assez bien avec l'arrivée du christianisme)
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moderagio
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Re: Mystères, légendes, histoire des mentalités

Message : # 34352Message moderagio
16 mars 2014, 17:02

Iris a écrit :Je ne dis pas non, en fait, je n'ai pas vraiment d'avis... il est évident que l'ours a une fonction et symbolique très riche, mais le sanglier et le loup sont bien chargés aussi

Au fond, ce qui m'importe, c'est avoir des éléments intéressants pour créer des histoires avec un contenu métaphorique aussi dense que possible, parce que ça contribue pas mal à les enrichir :)
Si l'imagerie est forte sur ces animaux, il n'ont jamais été établi avec la position que l'ours lui a occupé dans l'imaginaire médiéval ouest européen. Y a surement plusieurs raisons à cela, j'pourrais m'aventurer à quelques suppositions de part les caractéristiques qu'on leur prête mais ça resterait des suppositions sans une vrai recherche derrière. Toujours est-il que l'ours est défini comme un animal dominant ayant la suprématie dans la nature et comme le seigneur dans l'époque médiéval jusqu'à ce que l'Europe de l'Ouest finisse son isolation ou effectivement, que l'Eglise finisse son travail idéologique.

Pour les Gallois particulièrement, la symbolique de l'Ours est celui de la royauté d'ailleurs, Arthur étant une figure mythique, en tout cas jusqu'à preuve du contraire, son nom, qui tire son étymologie de l'animal, semble logiquement avoir été modelé à partir de cette idée.
Iris a écrit :Sauf que l'ours est roi chez les anciens germains... qu'on a déjà des dragons vaincus d'ailleurs chez les germains / celtes / anciens grecs...

... et que le lion devient roi uniquement à partir des chrétiens (influencés par les symboliques du Proche-Orient)...

Du coup, le passage dragon => ours ne peut pas s'expliquer par le passage paganisme => christianisme. Au contraire même, l'ours est largement diabolisé par les chrétiens (cf. travaux de Pastoureau) (tu notes toi-même l'importance du lion)... Donc la seule question dans ces puissances et leur hiérarchie : pourquoi un passage du dragon à l'ours ? (puisque ours => lion s'explique par la suite assez bien avec l'arrivée du christianisme)
Tu mélanges un peu tout là... Pastoureaux, Arthur, l'origine du mythe du dragon, les anciens germains, les anciens grecs... Y a des contextes à respecter si tu veux argumenter.

Déjà, la lutte contre l'image de l'Ours, roi de la nature, est une réalité effectivement selon les écrits de Pastoureaux... mais voilà, tu parles d'un lutte idéologique pour la chrétienté qui a porté sur presque un millénaire et qui est à fortiori loin de peser lourd dans ce contexte. J'te rappelle que le mythe arthurien est censé avoir lieu à la fin du Ve siècle, au début du VIe. Il tire ses origines de textes plus jeunes eux même recompilés et probablement modifiés plus tard par d'autres moines au début du 2e millénaire et ces premiers sont plus vieux que l'aboutissement du travail qui remplacera l'ours par le lion dans l'imagerie chrétienne.On parle de textes datant des IXe et Xe siècles alors que des bâtiments portent encore l'image de l'ours comme seigneur de la nature alors qu'il sont construits au XIIe siècle (comme par exemple le beffroi de Bruges). Le remplacement de l'ours par le lion dans l'imagerie n'est pas encore complètement faite au XIIe siècle même si on a déjà une imagerie du Lion présente dans la culture avec Richard Ier par exemple. L'ours reste encore une création divine comme tous les animaux (enfin la plupart d'entre eux) et n'a pas été totalement "diabolisé" par l'Eglise lors des origines du mythe.

Si les contes qui ont donné l'origine du mythe arthurien raconte la christianisation de l’Angleterre, ils sont néanmoins largement inspirés et influencés par une culture galloise pré-datant cette christianisation. Et comment pourrait-il en être autrement ? La christianisation, qui a été un changement parfois violent, a été aussi largement marqué par le procédé de syncrétisme. (un procédé à l'origine de nombreux saints eux-même issus de mythes païens). On peut noter à ces écrits des caractéristiques assez particulières qui les singularisent des écrits compilés par les ecclésiastiques pendant le moyen-age. Notamment, ces premiers textes, et c'est pas anodin, sont en gallois. A mon avis, ça marque à quel point ils sont une étape intermédiaire avant une christianisation complète du mythe et de la culture de la zone. Le mythe arthurien de l'époque est donc encore marqué par l'imagerie galloise. Ce qui explique le choix de l'Ours, animal royal.

Mais le dragon lui, a une imagerie qui, elle, est, sans nul doute, une imagerie païenne. Uther, dans les mythes, est assisté de manière direct par Merlin bien plus que Arthur ne l'est dans les contes. C'est un roi plus celte que chrétien. C'est Arthur qui, dans les récits, instaure l'image de noblesse telle qu'elle est imaginée par la culture chrétienne européenne et par l'imagerie courtoise.

L'image de l'Ours chez Arthur d'ailleurs s'estompe avec les différentes réécritures de De Monmouth et puis de Chrétien de Troyes qui y installera les mythes de Lancelot et de la quête du Saint Graal et cette image définitive courtoise des chevaliers de la table ronde. Entre temps, le travail de diabolisation de l'ours s'étant installé, le lion s'empare de la part du gâteau. Et diabolisation est un terme très fort pour un procédé qui est naturellement imposé par les origines du culte biblique.

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