Lettres, littérature, philosophie, lectures

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Iris
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Lettres, littérature, philosophie, lectures

Message : # 92Message Iris
24 févr. 2011, 12:15

Salutations,

Les discussions sur les romans et livres lus sont souvent un peu lapidaires, se limitant à dire "j'aime / j'aime pas", je propose donc, pour qu'il soit possible de réellement discuter sur des questions littéraires de développer un peu, signaler bien sûr nom de l'auteur, du livre, première édition, un résumé fonctionnel pour que ceux qui ne connaissent pas du tout puissent comprendre l'avis formulé, des liens éventuellement vers des compléments d'information, avec une présentation succincte de l'intérêt du lien (rien de plus lassant que des listes interminables de liens dont on n'a aucune idée de ce à quoi ils correspondent, ils en perdent leur intérêt et utilité) ; par ailleurs, je propose de rajouter un peu de matière potentielle à ce sujet en étendant à la réflexion sur la littérature en général, sur les genres, ce qui les caractérise, la fiction, son utilité, sa manière d'être construite... et bien sûr, ce qu'on aime, ou pas !

Pour commencer, inaugurer, voici les liens vers trois articles du site de la "Vie des idées" (http://www.laviedesidees.fr/). Il porte sur la diffusion des débats au niveau international dans différents domaines, en présentant des compte rendu de lectures d'essai ou d'études mais aussi des points sur les théories et concepts qui sont travaillés dans les "Think tanks", une structure dont je n'ai découvert l'existence que récemment en fait ! :lol: Il s'agit de groupes de travail et réflexion qui s'intéressent aux questions sociales, éthiques, économiques, politiques et cherchent à élaborer des idées & concepts qui nourriront par la suite les programmes de mouvements politiques notamment. En pratique, il y a une infinité de possibilité d'expression et de diffusion des résultats de ces travaux constamment en mouvement, généralement il semble que le but soit tout de même d'être une force de proposition d'idées.

Dans le cas du sujet qui nous intéresse ici, trois articles ont attiré mon attention :

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1. Christophe Béal, « La fiction, outil philosophique », La Vie des idées, 16 février 2011. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/La-fiction- ... hique.html

2. Charles Delattre, « Lire Tolkien », La Vie des idées, 25 février 2010. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Lire-Tolkien.html

3. Stéphanie Sauget, « Les vampires attaquent !. Réflexions sur une mythologie 2010 », La Vie des idées, 2 février 2010. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Les-vampires-attaquent.html

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Le premier article porte sur l'utilisation de la fiction pour transmettre des concepts philosophiques (mythe de la caverne et bien d'autres), le lien entre fiction philosophique et science-fiction étant plus net de nos jours apparemment. "Plus qu’une simple expérience de pensée venant confirmer ou illustrer une thèse, la fiction narrative nous ferait accéder à une certaine connaissance du sujet et de l’esprit. [...] le récit de fiction découvre des possibles qui donnent lieu à des problèmes qui ont du sens [...] Qu’une forme de pensée puisse se déployer au sein des fictions narratives, c’est aussi l’idée que défend Franck Salaün, directeur de la collection « Fictions Pensantes » des éditions Hermann, dans son dernier livre Besoin de fiction qui rassemble une série d’études visant à définir ce que peut être une « expérience littéraire de la pensée » (p. 13). À travers ces ouvrages s’affirme indéniablement une autre manière de faire de la philosophie. ".

Dans quelle mesure cela me parle-t-il ? Eh bien dans le sens où insensiblement c'est une telle démarche que j'ai fini par développer en rédigeant Surface (alias roman n°3) et que j'ai également tendance à aborder un angle de réflexion semblable quand je me penche sur un univers de JdR. Oh, je ne vais pas aussi loin et je suis toujours un peu réticente avec les grandes tirades philosophiques, trop compliquées pour être honnête en quelque sorte, et quand une pensée est "compliquée" j'ai tendance à considérer que l'auteur n'a tout simplement pas su la développer suffisamment pour qu'elle devienne claire, donc qu'elle est inaboutie... et qu'on n'a pas besoin de s'embêter avec des pensées brouillonnes ! :mrgreen: ... Quoi qu'il en soit le fait de mettre du sens, de réfléchir au sens, et à l'évocation d'une fiction, ce que porte métaphoriquement un univers, ça m'interpelle.

...

Le second article m'a amusée en me faisant découvrir le champ des études sur Tolkien et l'étonnement qu'il a suscité parmi les chercheurs simplement pour avoir utilisé son savoir universitaire dans une création imaginaire merveilleuse (j'utilise cet adjectif pour distinguer ses œuvres de fantasy du fantastique ou de la science fiction plus que pour une question d'admiration, car en fait je reconnais l'importance de l'apport mais ne suis pas spécialement admirative pour autant ;) ). A mon sens l'imaginaire et le jeu peuvent-être traité avec autant de "sérieux" que des sujets purement académiques, et cette remarque rejoint celles que relative au premier article, il me semble même intéressant justement d'aborder le rêve avec une approche méthodique, minutieuse et réfléchie. Le but n'est pas de priver les créations imaginaires ou merveilleuses de leur aspect "magique" ou "évasion", mais au contraire, de parvenir à saisir son esprit, le comprendre, comprendre ce qui fait qu'une idée ou une formulation est évocatrice, ce à quoi elle fait écho en nous. Certes on peut aborder l'imaginaire sur le même mode que la littérature pour enfant ou adolescent, des trames et structures souvent simples et intemporelles, mais il me semble qu'il y a énormément à faire pour enrichir le rêve justement, le "nourrir" de la recherche notamment. C'est cela que j'ai beaucoup aimé dans la démarche de Tolkien sur la création de la langue elfique, s'appuyer sur la linguistique réelle pour créer un élément d'un monde imaginaire qui soit bien plus stable et finalement merveilleux, car permettant au "rêve" d'être plus cohérent et vivant.

...

Le troisième article présente l'état actuel du phénomène littéraire autour des vampires, terriblement à la mode, d'ailleurs il est signalé que 80% de la littérature et production fictionnelle vampirique vient des États-Unis. Alors qu'ils sont totalement compatibles avec les mythes chrétiens, ils s'épanouissent dans des sociétés à dominante matérialiste et utilitariste. Cette figure littéraire a connu une longue histoire et des visages différents : "vers 1930, Montague Summers a défini une nouvelle catégorie de « vampires » : les vampires psychiques qui aspirent la vitalité des autres sans forcément sucer physiquement leur sang. [...] depuis 1914, on qualifie de « vamps » les femmes séductrices et prédatrices, potentiellement dangereuses. Le dernier avatar du vampire est le criminel psychopathe, tueur en série, obsédé par le sang ou/et le sexe."

Amusant aussi la transformation des vampires, en passant de l'Orient à l'Occident : "En passant à l’Ouest, le vampire change de caractéristiques. De cramoisi, il devient d’une pâleur cadavérique ; il acquiert des incisives hypertrophiées qui laissent deux marques spécifiques sur le cou de ses victimes là où le vampire oriental aspirait le sang à travers la peau. Les vampires actuels [...] n’ont plus d’haleine fétide, de touffe de poils dans la main, ni de cheveux roux ou une calvitie inquiétante. Les vampires occidentaux sont des séducteurs, alors que ceux des légendes orientales avaient souvent tout du décérébré. La dimension érotique est même devenue l’une des caractéristiques principales alors qu’elle n’existait pas dans les légendes orientales."

J'ai bien aimé également le changement des vampires qui deviennent plus "propres sur eux" : "Selon Jean Marigny, la tendance actuelle la plus nette de la culture médiatique vampiresque vise à humaniser le vampire et à minimiser ce qui était chez lui inquiétant. La caractéristique la plus frappante est le fait que les héros vampires actuels semblent refuser de boire du sang humain [...] Le vampire n’est plus forcément un odieux criminel. Le besoin de boire du sang demeure, mais le vampire qui y est contraint semble désormais tout faire pour ne pas nuire à ses « donneurs » (et non plus victimes). Tout un ensemble d’expédients l’y aide : insensibilisation par hypnose, cicatrisation immédiate, oubli de la scène de succion, etc. Pour Jean Marigny, « cette vision aseptisée permet aux vampires de devenir des héros à part entière que l’on peut même envier ou admirer : ils ne sont pas nuisibles, ils sont pratiquement invulnérables et la vieillesse et la maladie n’ont aucune prise sur eux » (p. 63). Le vampire moderne est un beau jeune homme, défenseur de la veuve et de l’orphelin : une sorte de héros au cœur pur, aux antipodes du mort-vivant traditionnel. Il n’est plus un aristocrate décadent habitant loin des hommes dans un château maudit, mais un urbain qui fait des études [...] ou qui a un métier et qui est parfaitement intégré dans sa communauté, avec laquelle il cherche à cohabiter." Cet aspect d'édulcoration est assez pénible je trouve, finalement la dimension transgressive ou horrifique est gommée alors qu'elle constitue l'essentiel de l'intérêt de cette figure mythique, un être qui désire vivre au détriment des autres, qui place sa survie comme priorité absolue. On est tout de même au comble de l'égoïsme et de l'avidité, de pures émotions antisociales et parfaitement sombre autant que destructrices. "Alors que le vampire du XIXe siècle incarne l’horreur de la mort, de la déchéance et le charme ambigu de la nécrophilie, il n’y a rien d’aussi vénéneux dans les vampires « commerciaux » actuels. Il peut certes y avoir des représentations esthétisées de l’homosexualité, de l’inceste ou du sado-masochisme [...] dans les histoires qui triomphent aujourd’hui sur les petits ou les grands écrans, il est question d’histoires d’amour hétérocentrées et monogames, somme toute très platoniques : un vampire mâle dominant, qui a du pouvoir, y renonce et accepte de se montrer fragile pour conquérir le cœur d’une jeune femme sensible à sa virilité mais aussi à sa vulnérabilité et à sa solitude. Ces évolutions s’expliquent surtout par le fait que la littérature actuelle sur les vampires est désormais plutôt tournée vers un public de masse de plus en plus jeune, alors qu’à l’origine elle se destinait à un public adulte averti appartenant à l’élite intellectuelle.[...] S’il connaît un tel succès aujourd’hui, c’est parce qu’il a été ramené à des thèmes universels (la vie, la mort, l’amour, la fatalité, le sang) et qu’il s’est transformé au point de devenir méconnaissable. "

En définitive, le pouvoir de transgression, enfin, ce qu'il en reste, du vampire a été apparemment déplacé : "le vampire contemporain est aussi devenu le crypto-symbole ou le porte-parole de la demande d’intégration de toutes les altérités communautaires visibles (communautés noires, lesbiennes, gay, transsexuelles, etc.)." Cela dit, je ne suis pas très convaincue par cet usage du mythe, je veux dire par là qu'il y a tout de même d'autres moyens plus efficaces de parler de discrimination ou de demandes d'intégration, utiliser le vampire pour ce faire, c'est comme prendre un outil disponible mais qui n'est pas le plus adapté. A la limite, si on cherche du côté des mythes, le loup-garou est historiquement bien plus adapté pour parler de rejet de l'autre puisque sa figure est étroitement liée à celle du banni, donc d'un individu marqué par l'infamie et rejeté, socialement mort... et en même temps, il y a une richesse thématique qui peut être exploitée du côté anciennes religions : la proximité entre le loup et l'ancien dieu Lugh / Apollon ; la seconde peau du loup-garou et celle des voyages de chamanes et sorciers par exemple.

Un lien qui était proposé à la fin de l'article pour un blog qui concentre de manière assez impressionnante des résumés de livres, romans, comprenant un ou plusieurs vampires à l'intérieur : http://blog.vampirisme.com/vampire/, un bon moyen de voir l'étendu de la production existante, plutôt impressionnante... J'aime beaucoup les résumés de livre : ça m'épargne le temps d'une lecture parfois fade tout en soulignant les éléments constitutifs de la narration, les lieux communs aussi, et ceux-ci m'intéressent assez, presque en tant que sujet d'étude d'ailleurs :D
Dernière modification par Iris le 15 avr. 2011, 11:04, modifié 1 fois.
Raison : Précision
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Pour une relecture de la philosophie chrétienne

Message : # 1001Message Iris
15 avr. 2011, 11:17

Henri Laux, « Le salut, entre foi et philosophie », La Vie des idées, 25 août 2010. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Le-salut-en ... ophie.html

Souvent les notions de "salut" et "péché" sont lus de manière très rigides, totalement dévitalisées, sans intérêt pour la réflexion sur l'existence, au point que c'est à se demander comment 2000 ans de croyants, dont une part non négligeable d'intellectuels et théologiens ont pu y adhérer et les défendre. L'article dont je vous donne les références offre un angle d'attaque d'analyse qui me paraît intéressant d'un point de vue philosophique, pour apporter de la matière aux questionnements de chaque individu, mais également d'un point de vue plus "ludique" en ce qu'il rend défendable la position des prêtres et croyants sincères dans nombre d'univers de jeu, sans en faire des bigots aveugles aux positions dogmatiques indéfendables.

Mes notes :

L’erreur fondamentale des pécheurs

Profondément il y a dans cette philosophie religieuse un lien entre le mal moral et la mort. Ainsi le péché et les fautes mo-rales sont liés avec la représentation de la mort comme fin de la vie. Le rapport à la mort oriente au désordre en matière morale, spécialement quand la peur aggrave ce rapport. Elle amène à des comportements tels que l’avarice, la gloutonnerie, la luxure, l’homicide, l’orgueil et l’égoïsme. Ainsi l’avare exprime-t-il le désir d’accumuler du temps ; le glouton s’imagine tout faire pour prolonger la vie en l’accumulant en lui ; le luxurieux croit chercher des succédanés d’expérience d’éternité pour échapper à la finitude ; l’orgueil dénie la finitude elle-même…

La justification du salut

La religion peut se concevoir comme un remède à la peur de la mort envisagée comme terme absolu de la vie et par là racine du mal. La croyance du salut comme consolation et remède à l’épouvante de l’humain s’appuie sur quatre éléments fondamentaux :

1. La mort n’est pas la fin de la vie
2. Il y a une continuité de l’identité personnelle, une continuation réelle du moi
3. Cette continuation n’est pas une poursuite de ce qui est à l’identique, elle implique une rupture
4. La croyance doit permettre doit permettre d’espérer que la continuation post mortem de notre être ait des chances d’être heureuses

Le fait que le salut dépende de la foi permet de répondre à ces quatre conditions nécessaires. La résurrection est le passage de la négativité à la plénitude de l’existence sous l’action d’un intervenant extérieur, la foi en la résurrection appelle à sa suite la résurrection de tous et la libération du péché en même temps que la victoire sur la mort.

Le salut s’opère dans et par la résurrection. En chassant la peur de la mort, elle anéantit le besoin du péché et par là permet de rendre le monde meilleur. « Détruire la mort, tuer le péché, vivifier l’homme » (Irénée de Lyon). Dans cette optique, la religion plaide en faveur d’une intensification de l’existence et du courage d’être.
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Langues imaginaires

Message : # 1605Message Iris
30 avr. 2011, 10:18

Au sujet de l'article : Les langues du pays des merveilles [lundi 18 avril 2011 - 12:00] par Jean-Baptiste PICARD (http://www.nonfiction.fr/articleprint-4 ... eilles.htm)

Pour les curieux, il s'agit d'une porte ouverte sur plusieurs centaines de langues imaginaires présentées, la découverte déjà de leur existence, des ressources créatrices mobilisées pour parvenir à former un langage à partir de zéro. Il s'agit de "recenser celles qui se trouvent à la marge de la linguistique traditionnelle et universitaire."

Dans l'ensemble sont évoquées des langues sacrées, comme le dogon et le sanskrit. J'avais un peu entendu parler du sanskrit et du fait qu'il est à la fois d'une complexité effrayante (le latin et le grec ancien semblent simples en comparaison) et de l'idéal visé, pouvoir parler la langue des dieux. Cet objectif, cette pratique, se retrouve en JdR avec des langues secrètes (druidique...) et je pense qu'il y a matière à approfondir la question des langues et idiome, ce qu'ils symbolisent et impliquent.

Le Joueur sera sans doute sur sa faim puisque même l'auteur de l'article l'est : "celles enfin qui ont été développées par d’éminents linguistes professionnels ou passionnés, et qui ont su créer des trésors de complexité et de beauté linguistiques. On pensera dans ce dernier volet aux nombreuses langues développées par J.R.R. Tolkien, tout juste évoquées ; à celle des Klingons, qui a son autoethnonyme (“Tlhingan”), son propre alphabet et des tournures spéciales pour une phrase comme “à mon commandement, tire les torpilles” (cha yIbaH qara’DI’)"


En tous cas, la réflexion sur ces questions ou l'introduction à ce domaine est en soi intéressante et aiguise l'appétit (suis curieuse de voir des travaux d'analyse sur les langues les plus "célèbres" des univers imaginaires !).

Références a écrit :Titre du livre : Dictionnaire des langues imaginaires
Auteur : Paolo Albani, Berlinghiero Buonarroti
Éditeur : Belles Lettres
Nom du traducteur : Egidio Festa, Marie-France Adaglio
Date de publication : 29/10/11
N° ISBN : 9782251443997

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L'humour

Message : # 1911Message Iris
08 mai 2011, 14:21

Sur Arte, l'émission "Philosophie" présentée par Raphaël Enthoven, avec *** Ziegler comme invité, passée aujourd'hui (8 mai 2011), le thème du jour était l'Humour. J'ai trouvé leur analyse assez intéressante, j'avais assez aimé aussi celle qui portait sur le thème du Désir.

Bref, le résumé des points saillants (de mémoire subjective et critique) :


L'humour ne s'explique pas, il meurt des tentatives d'analyse, ce qui le rapproche de la beauté ou de l'amour dans une certaine mesure, il n'est pas rare d'entendre dire "si on peut dire pourquoi on aime, c'est déjà qu'on n'aime plus". Il est une manière de faire face à l'existence, qualifiée même de sublime, d'inverse de la métaphysique : une protestation que l'infime, conscient de sa nature, adresse à l'infini. L'humour nécessite d'être conscient de sa situation, lucide, de connaître les difficultés de l'existence, sans cette conscience, point d'humour possible. Le fait que l'humour soit l'ennemi des questions sérieuses, dont souvent les religions peut interroger. Les intervenants qualifient volontiers (et avec une certaine condescendance dans l'expression) l'humour comme ennemi des religions. Étant pour ma part portée sur l'humour et ayant néanmoins un goût sincère pour la théologie, je trouve que c'est une affirmation gratuite et facile : l'humour est avant tout incompatible avec le dogme et les certitudes, mais pas avec la spiritualité en tant que telle.
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Lecture au 9 juillet 2011

Message : # 4264Message Iris
09 juil. 2011, 18:16

Vu un article sur la Vie des Idées sur un ouvrage de philosophie qui se veut la proposition d'une éthique athée qui aide à traverser les catastrophes et douleurs de l'existence :
Sources a écrit :
Dans l'ensemble, la démarche me semble sensée et j'ai bien aimé certains passages : "P. Zaoui s’interroge sur ce que serait vivre un événement inattendu à la mode épicurienne – devenir responsable de ses actes, même lorsqu’ils apparaissent comme des accidents –, à la mode stoïcienne – savoir être digne de ce qui nous tombe dessus et y jouer son rôle –, ou encore à la mode cynique – transformer ses mauvais penchants en force vitale, avec comme risques le ressentiment et la vanité. " Là dedans, ce qui m'amuse bien, c'est le fait de se placer dans un paradigme, dans un système conceptuel, et de réfléchir à ce qu'il implique comme comportements face à une même situation. Cette démarche, je la perçois comme similaire à la science-fiction, la fantasy, la création d'univers en jeu ou en romans : confronter une situation réelle à des principes abstraits qui se trouvent alors appliqués. C'est une des chose qui me plait le plus dans la "fiction" et les "univers fictifs".

La réflexion sur le deuil et le malheur qui est présentée me paraît pas mal du tout pour donner un peu de corps aux "cultes des dieux de la mort", qui sont plutôt décoratifs, juste vaguement mélancoliques et dignes dans les créations que j'ai pu découvrir, me laissant vraiment sur ma faim. En l'occurrence l'approche est ainsi présentée : " l’auteur affirme que le devoir dû aux morts doit être dans une juste articulation avec la nécessaire préservation des survivants, que l’on n’a pas à apprendre à mourir, puisque toute mort arrive toujours de l’extérieur, comme par effraction, ou encore qu’il s’agit de ne mourir qu’au moment où on meurt, et donc d’affirmer la vie jusqu’au bout. Finalement, tout pourrait se résumer en cette phrase : la maladie, le mourir, le deuil sont avant tout des « expériences vivantes » ; et les traverser, c’est aussi savoir les expérimenter le moment venu."

...
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23 juillet 2011

Message : # 4527Message Iris
23 juil. 2011, 15:45

Source a écrit :Dominique Maingueneau, « À quoi servent les études littéraires ? », La Vie des idées, 14 juillet 2011. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/A-quoi-serv ... tudes.html
Si j'aime écrire, je lis en revanche très peu de romans, ne trouvant pas quelque chose qui me convienne, et d'ailleurs ce n'est pas évident de le définir... Cependant j'apprécie assez les réflexions autours de la littérature, il me semble qu'il y a parfois de bonnes idées, inspiratrices. Dans le cas présent, il s'agit d'un article sur l'utilité des études littéraires. Je n'ai pas vraiment tiré de conclusion ou d'éléments efficace de ce point de vue, mais l'apport du critique qui a travaillé sur la question lui aussi propose un angle d'analyse du problème :

"la crise actuelle a la particularité d’articuler, si l’on peut dire, trois crises, et non pas une seule : l’une est celle du livre, de l’imprimé, l’autre est celle de l’esthétique romantique qui soutenait la royauté de la « Littérature », la troisième est celle des conditions de l’étude de la littérature, tant sur le plan institutionnel qu’épistémologique. Ces trois crises interagissent, se renforcent, avec des effets d’ordres très divers [...] À mon sens, plutôt que de nier la crise de la littérature, il vaudrait mieux réfléchir sur la complexité de cette notion même et son instabilité historique. Le problème est alors de trouver l’approche pertinente. [...] La résistance des spécialistes aux sciences humaines et sociales est en effet constitutive de leur identité, et elle a une incidence directe sur la construction même de la « littérature » qu’ils se donnent pour objet. . "

En tant qu'utilisatrice / lectrice, j'ai l'impression que la littérature est composée de blocs :
  • les saints classiques, inlassablement étudiés au collège et lycée. Ils appartiennent au XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle, parfois première moitié du XXe siècle. En somme les époques de la "grandeur" de la France et ce sont toujours les mêmes, avec des analyses qui tournent en boucle pour les exercices pré-bac, il y a là quelque chose qui tient de la coquille vide, comme si les textes étaient dévitalisés. Je ne me suis mise à commencer à comprendre et apprécier ces textes que récemment, avec une lecture de mise en contexte historique et par rapport à la mode de l'époque, les mœurs, les questionnements philosophiques de l'époque, les scandales, ce qui indignait le plus les auteurs... et là, les textes reprennent vie, ils ont de nouveau un sens, un souffle, ils peuvent de nouveau interpeler.
  • la production post 1960-1970, existentialiste, cherchant les styles et les formes les plus inconfortables possibles pour obtenir un objet conceptuel. Et là, en parallèle, une tendance à se vider de toute histoire, en particulier dans la tendance à l'autofiction où en définitive, on ne raconte rien, il ne s'agit dans ce que je perçois de la démarche, que d'une mise en scène de soi et même s'il peut en ressortir des problématiques humaines intéressantes, je suis très sceptique sur cette démarche de forme que je trouve presque nihiliste. Mais c'est l'impression que j'ai aussi sur l'art conceptuel, plus il cherche l'essence, et plus je le trouve dénudé et vide. Il y a des éléments ponctuellement intéressants, mais tellement minoritaires, presque en détresse dans une agitation bavarde...
  • la littérature de gare : les best-sellers, ou au moins les romans faciles, avec de l'émotion toute disponible, de suite, à consommer (?). Il peut s'agir de roman policier, de thriller, de roman fantastique, de science-fiction, de fantasy, d'érotique, d'eau de rose...
Ce qui me choque, c'est le divorce entre le genre et la recherche formelle. C'est comme si l'histoire était éclatée : le suspense de la révélation pour tel genre, le merveilleux pour tel autre, la complexité des rapports humains pour un autre encore, la forme poétique dans un autre... Et finalement, l'impression de ne pas trouver d'histoire globale, qui "nourrisse" sur plusieurs aspects.

Ou alors je n'ai pas assez cherché, pas au bon endroit, pas trouvé...

...
Dernière modification par Iris le 23 juil. 2011, 15:45, modifié 1 fois.
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luciole
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En ces temps de crainte et de repli identitaire

Message : # 4833Message luciole
03 août 2011, 20:23

De la lecture.

Il y a quelques années, j'avais lu, parmis d'autres écris de Amin Maalouf un petit bouquin ... pas tres long, moins de 200 pages et pourtant bien plus copieux que de nombreux ouvrages plus volumineux.

Il s'agit des identités Meurtrieres.

Je suis en train de le relire et chapitre apres chapitre, je m'appercoit ô combien ces lignes sont actuelles.

Il s'agit d'un questionnement sur ce qu'est l'identité pour chacun de nous. Ce qu'elle represente pour nous.

Il y bati tout un raisonnement, une reflexion qui me semble à la fois extremement humaniste (dans le sens ouverte à l'autre, au respect d'autrui, à la notion d'echange et de liberté, d'ouverture, de partage ...) et d'une tres grande richesse de pensée.

Tout d'abors il s'interroge sur ce qu'est notre identité. Non pas une identité definie et figée, un noyau interne qui serait fixé une bonne fois pour toute, mais bien la somme de toutes nos identités. L'addition de toutes nos appartenances, qu'elles soient ethniques, religieuses, culturelles, professionnelles, etc. C'est aussi notre vécu, nos experiences.
A differents moments de notre vie, suivant le contexte, la façon dont nous nous percevons, nous pouvons decider de mettre telle ou telle facette de notre identité en avant.
L'idée ou la sensation qu'une partie de notre identité est menacée ou remise en cause peut nous pousser à la mettre en avant, à la revendiquer ouvertement (et parfois même l'imposer aux autres) alors qu'en d'autres occasions... Comment se construire lorsqu'on est sommé de choisir entre plusieurs appartenances? Comment en venir par avoir le sentiment de se trahir soi-même?

"C'est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c'est notre regard aussi qui peut les libérer"

Amin Maalouf enchaine sur l'idée de civilisation dominante, de culture ayant pris le pas sur d'autres (non pas comme une chose bonne ou mauvaise mais comme un constat) et l'effet sur les autres cultures. L'idée de de réciprocité est omnipresente. La necessité de l'empathie aussi. Ainsi, il raisonne sur le sentiment d'inferiorité, de mépris que d'autres peuvent ressentir.

Là où j'en suis, c'est sur la place de la religion et son lien avec la societé qu'il reflechit. Les religions catholiques et musulmanes surtout. Il analyse le sentiment d'appartenance religieuse. Pourquoi, et comment il fonctionne. Le tout en tenant compte de l'histoire et de ses changements qu'elle a apporté.

C'est parfois surprenant, toujours profondement humain et sensible. Et un appel au partage et à l'ouverture, un rappel de la richesse incroyable de la diversité.
Ce n'est pas une réponse, un essai de réponse, une proposition. Le partage d'une sensibilité et d'une liberté de penser.

Du moins, c'est ainsi que je l'ai ressentit...
Ne te fie pas à tes yeux mon vieux. Tout ce qu'ils te montrent ce sont des limites: les tiennes.

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