Droit, histoire du droit, philosophie du droit...

Bavardage léger ou sérieux
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Iris
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Ethique & catastrophe

Message : # 1606Message Iris
30 avr. 2011, 11:05

Pour ceux intéressés par la dimension psychologique des catastrophes (post apo, horror survival...), je pense que l'article dont le lien se trouve ci-dessous peut être une source de réflexion et d'inspiration, il ne manque pas grand chose pour l'utiliser et mettre des Personnages face à des dilemmes moraux, éthiques, philosophiques d'autant plus dérangeants qu'ils sont en écho direct à des événements qui marquent l'époque contemporaine : le désastre de la gestion de crise à la Nouvelle Orléans lors de l'épisode Katrina (l'article y fait directement référence), annonces de pandémies et irruption de maladies épidémiques graves (l'affaire H1N1, mais aussi le SRAS à Hong Kong, ou un peu plus loin dans le passé, Ebola, fièvre hémorragique aux caractéristiques "assez" terribles), le tsunami d'Asie du Sud-Est en 2004, et dans l'actualité proche, la catastrophe de Fukushima pour les 25 ans de Tchernobyle,... Bref, ce ne sont pas les épisodes majeurs qui manquent pour mettre à l'épreuve la "gestion de crise" et permettre de découvrir que le "pire" scénario envisagé dans les prévisions était en fait très en dessous du concours de circonstance qui peut être effectivement rencontré dans la "réalité".

Frédérique Leichter-Flack, « Sauver ou laisser mourir. Catastrophe et éthique médicale », La Vie des idées, 25 avril 2011. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Sauver-ou-l ... ourir.html


"La catastrophe convoque le souvenir du triage militaire sur le champ de bataille : faut-il régler à l’avance, selon des catégories de patients élaborées en amont de l’événement, la priorité et la limitation d’accès à des ressources médicales forcément inférieures aux besoins en temps de catastrophe ? Donner priorité pour l’évacuation aux blessés légers susceptibles d’être soignés rapidement ? Réserver l’attribution des ressources médicales, l’effort et le temps des soignants, à ceux dont les chances de survie sont suffisantes pour les mériter et ne proposer aux blessés à faible espérance de survie que les soins palliatifs nécessaires pour apaiser leur douleur ? En d’autres termes, faut-il décider à l’avance – pour s’y tenir le moment venu, et ne pas laisser l’émotion ou l’arbitraire en décider – qui se verra ou non offrir une chance de survie quand les ressources médicales viendront inéluctablement à manquer ? Mais alors, d’autres critères que le pronostic médical doivent-ils entrer en ligne de compte pour faire le tri entre les victimes à sauver ? "

L'article fait référence à une enquête sur l'affaire de l’hôpital Memorial de la Nouvelle Orléans au lendemain du cyclone Katrina. "Des membres du personnel médical y avaient été accusés d’avoir, dans les dernières heures de l’évacuation de l’hôpital, quatre jours après le passage du cyclone, euthanasié des patients : parmi les morts sur lesquels la justice avait enquêté, certains étaient très âgés, au dernier stade de maladies graves, intransportables ; pour d’autres, c’était moins clair." Je vous laisse vous informer si curieux des détails des cas, des choix, de l'indignation des proches de patients "abandonnés", des récits liés à l'épuisement moral, psychologique et physique du personnel soignant.

Ce que j'en retiens :
  • les premiers décès suivent de peu les coupures de courant ; il faut ventiler manuellement les patients ayant besoin d'une assistance respiratoire ; la climatisation ne fonctionne évidemment plus, ce qui implique pour tous de devoir agir dans une chaleur suffocante ; le contexte est donc d'une pression psychologique et physique constante, qui monte très vite et ne redescend pas
  • impossibilité d'être relevé, absence de contacts suffisants avec les autorités, impression d'être abandonnés à son sort, développement d'émotions marquées par le sentiment d'impuissance (destruction, impression de mort inéluctable, abandon, isolement, fatalisme)
  • le personnel soignant perd rapidement sa capacité de "lucidité créatrice" face aux épreuves, convaincu de devoir faire des choix sans entrevoir la possibilité d'inventer des solutions, d'espérer que l'improbable se produise, les certitudes sont systématiquement négatives, pessimistes, il se résigne, acquiert l'impression de n'avoir aucune prise sérieuse sur les événements, il n'arrive plus à voir "grand", craint et se limite au strict nécessaire quand parfois justement un peu de démesure et de refus de l'évidence pourrait donner une bouffée d'air frais et permettre de régler certains problèmes. Le plus "drôle" là dedans, c'est que la volonté d'être "rationnel" tue justement dans l’œuf la possibilité d'une résolution "créative" qui se nourrit de l'indignation ou du désir de sauver une personne, un cas en particulier
  • la peur, la terreur, l'épouvante de laisser en arrière des patients non évacués vivants qui seraient "abandonnés" aux hordes de pillards dont "tout le monde" est sûr qu'ils s'attaqueront à l'hôpital dans une violence inhumaine, il paraissait dès lors plus "humain" d'abréger les souffrances des patients par l'euthanasie plutôt que de les soumettre à ce destin fantasmé et horrible (cette même disposition d'esprit de terreur de l'autre a poussé nombre de familles d'Allemagne de l'Est à se suicider en groupe, vieux, femmes et enfants, à l'approche des troupes de l'Armée Rouge réputée monstrueuse... ladite Armée Rouge a effectivement commis de graves exactions, mais ses soldats ont été particulièrement choqués de trouver des villages vidés avec des pendus nombreux dans les greniers...)
  • dans le catastrophisme ambiant, il y a eu de graves erreurs de "triage", non remise en cause, par un effet qui peut sembler une sclérose de l'esprit, une perte de souplesse et d'adaptabilité : refus d'évacuer toute personne qui avait demandé de ne pas être réanimée alors que cette demande ne signifie concrètement pas qu'on refuse tout bonnement d'avoir une chance d'être sauvé, seulement qu'on s'oppose à une forme particulière de sauvetage considéré comme excessif ; non réévaluation de l'évolution de l'état des patients et donc non prise en compte d'améliorations ou dégradations ; triage qui abandonne les critères civils (on laisse les blessés légers qui peuvent "attendre") au profit d'un triage militaire (on abandonne ceux qu'il est "compliqué" de sauver)
Intéressant aussi la perception de "qui doit être sauvé", apparemment elle diffère pour les "élites" et les "populations", ce qui peut être une piste de réflexion sur des situations à mettre en scène ou les débats de société qui pourraient être organisés : "Car les experts (qu’ils soient médecins, policy planners ou spécialistes d’éthique) ne sont pas forcément les mieux placés pour décider pour le grand public comment il trouvera juste d’être traité en cas de catastrophe. Pour en reconnaître la légitimité, le grand public doit pouvoir retrouver ses valeurs dans les principes guidant le triage et les standards du soin en situation de catastrophe. L’exemple d’un exercice d’engagement du grand public sur ces questions, organisé aux États-Unis dans le cadre d’un scénario de préparation à la pandémie grippale, montre que l’appréciation des critères à retenir pour ces protocoles de triage, n’est pas exactement la même dans le grand public et parmi les experts . Le grand public, sensible à l’objectif de maximisation du nombre de vies sauvées, accepte la diminution de la qualité des soins comme une conséquence probablement inévitable de cet objectif, et favorise l’idée d’un protocole de triage cohérent et non aléatoire ; il reconnaît volontiers l’importance déterminante du critère des chances de survie pour la priorisation de l’accès aux ressources médicales et fait confiance au jugement médical pour l’évaluation de ce pronostic ; il rejette dans une très large mesure le critère d’utilité sociale (sauf en ce qui concerne le personnel médical, à qui est reconnue une priorité), et se montre particulièrement soucieux d’équité et de non-discrimination, notamment à l’encontre des groupes de population les plus vulnérable"


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Iris
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Perles II - Le Retour

Message : # 2299Message Iris
14 mai 2011, 18:58

Me reste sauf erreur 26 copies de partiel à corriger + 2 encore à la fac, mais juste quelques morceaux gratinés ...


Louis XVI succède à Louis XIV en 1774.

... Sachant que Louis XIV a un des règnes les plus longs parmi les rois de France, qu'il est mort à un âge avancé en 1715 ; qu'il "manque" aussi un numéro entre 14 et 16, genre "Louis XV"... :lol: Je ne pensais pas que les règnes d'une succession de "Louis" pourraient être pièges ! :lol:

Louis XIV comprend que la situation est mauvaise et pour reprendre le contrôle de la Révolution fait appel à l'armée et là, c'est le commencement de la Terreur.

... Je crains que l'actualité en Syrie n'ait une influence sur certains étudiants... Bon déjà Louis XIV n'a pas vécu la Révolution, c'est Louis XVI, et puis lui aussi il était mort au moment de la Terreur (1793-1794), laquelle est menée par Robespierre, non pour faire cesser la Révolution, mais au contraire pour la défendre ! ...


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Légalité des délits et des peines

Message : # 2311Message Iris
15 mai 2011, 09:05

J'ai aussi quelques erreurs courantes moins drôles, mais suffisamment fréquentes pour qu'elles me marquent :


Le principe d'égalité des peines et des délits théorisé par Beccaria

... Il s'agit du principe de Légalité des délits et des peines, ce qui signifie que les infractions et leurs sanctions doivent exister dans des textes de loi et ne peuvent être improvisées par les juges. Il mène à la conception du code pénal qui liste ce qui est interdit et ce qui est encouru. Le principe de légalité des délits et des peines est plein de noblesse et assure une certain prévisibilité de la justice, MAIS il pose aussi des problèmes pratiques de nos jours, avec des situations qui peuvent parfois aussi être "injustes". Plus particulièrement :
  • il n'est possible que de sanctionner un tort qui existe dans les textes de loi, or la technologie avance plus vite que la législation qui est toujours un train derrière, le vol d'identité sur Internet par exemple a longtemps été dépourvu de sanction... il est parfaitement possible d'être victime et de ne pouvoir pas porter plainte, en ce cas il ne "reste" que les actions civiles fondées sur l'article 1382 du Code civil "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." (en application depuis 1804), c'est la roue de secours universelles quand on tombe dans un "trou" de la législation, mais la charge de la preuve n'est pas facile à assurer puisqu'il faut prouver le dommage, l’intentionnalité, le lien de cause à effet. A réserver aux personnes les plus patientes et qui ont un dossier en béton armé.
  • il y a aussi d'autres domaines où la législation est souvent dépassée, c'est celui des organisations criminelles internationales de type mafieux qui sont particulièrement douées pour trouver des infractions qui ne coûtent pas cher si leurs membres se font prendre et qui rapportent énormément à court terme. La camorra (mafia napolitaine) est devenue une spécialiste du "retraitement des déchets", leurs hommes de paille récupèrent des contrats de recyclage ou de déchetterie etc. et au final, ils jettent les déchets toxiques dans la campagne ou la mer, au point que la région a désormais des sols durablement empoisonnés et que les entreprises honnêtes ne peuvent travailler (entre les menaces, le dumping social, la corruption des élus)... la particularité des grandes organisations criminelles est de savoir jouer sur tout un éventail d'infractions qui individuellement sont souvent "mineures" (le racket ne "coûte" pas cher, de même que la corruption, le travail dissimulé, les décharges sauvages...) mais qui cumulées & coordonnées sont d'une redoutable efficacité en plus de causer des torts durables à l'ensemble de la société, présente et à venir. Pour lutter efficacement contre ces structures, il manque à l'arsenal législatif des outils vraiment violents contre la "criminalité en col blanc" (corruptions, faux, détournements, fraude fiscale...) et contre les zones "grises" de l'économie (les franges presque normales de la population qui profitent ou travaillent avec à la petite semaine). A quoi il faut ajouter que nous manquons d'outils pour gérer les infractions au niveau international, commises par des groupes où la responsabilité individuelle semble se diluer jusqu'à devenir nulle, bref, il y a des lacunes très significatives et sérieuses autant que graves dans ces domaines (et c'est un doux euphémisme). Remarque : ce que j'écris sur les mafias et la quasi impunité révoltante dans de nombreux domaines vaut aussi pour des agences internationales propres sur elles, en particulier dans le domaine de la finance, le système des agences de notations qui peuvent dégrader la note d'un pays tout en pouvant en même temps spéculer à la baisse contre ce même pays procède de la même logique, le Portugal en fait les frais après la Grèce.
Conclusion la légalité des délits et des peines est un bon concept mais il est n'est pas la panacée et notre système est inadapté face aux infractions utilisant les "nouvelles technologies" autant que face aux "organisations internationales procédant d'un capitalisme sauvage".

... D'un point de vue ludique (JdR), il y a là un problème structurel qui peut être facilement exploité dans les contextes de jeux conspirationnistes contemporains ou en futur proche.

...

Les nobles paient l'impôt du sang, c'est pour ça qu'ils ne paient pas d'impôts.

Ce n'est pas formellement faux, mais c'est maladroit. En fait, le truc, c'est qu'à l'origine, donc à la "lointaine" époque médiévale, il n'existait pas d'impôt régulier, en cas de guerre, le Roi demande de lever la taille qui va servir pour payer les armées ; de leur côté les nobles avaient la charge de payer leur équipement et leurs gens, du coup en pratique, les seigneurs avaient des frais militaires chroniques : armure (avoir une bonne armure, c'est comme une voiture de luxe ou la haute couture actuellement, ça coûte cher, c'est complexe à fabriquer et c'est du sur mesure) ; cheval (ça mange toute l'année et un cheval de bataille doit avoir un entraînement particulier) ; entretenir ses troupes (écuyers, soldats piétons... et ils ont une famille à nourrir !) ; être prêt à tout instant à venir à l'appel du souverain, donc se garder en forme et s'entraîner au métier des armes depuis l'enfance... Bref, ils payaient vraiment leur participation à la guerre. SAUF qu'à partir du XVe siècle, la taille est devenu un impôt régulier, constant, et que la noblesse a vu ses frais militaires diminuer progressivement, d'ailleurs à partir de Louis XIV et la "domestication de la noblesse", beaucoup sont surtout des gens de cour... Quand on arrive en 1789, ça fait plus d'un siècle que la noblesse ne participe à l'organisation militaire que de manière marginale (postes d'officiers supérieurs qui ne s'exposent pas trop et sont payés).

Conclusion : au début il y avait une charge raisonnablement équilibrée entre seigneur & non-combattants, mais elle s'est totalement déséquilibrée au fil des siècles, et la justification initiale (et pompeuse) du "prix du sang" est devenue une fiction à l'aube de la Révolution de 1789.
Dernière modification par Iris le 15 mai 2011, 09:24, modifié 1 fois.
Raison : Mise à jour

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rolender
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Re: Droit, histoire du droit, philosophie du droit...

Message : # 2321Message rolender
15 mai 2011, 23:06

Ah ben, si je puis me permettre, si le "prix du sang" était une fiction à l'aube de la Révolution, le fait est que les nobles ont depuis bien payé leurs dettes avec toutes les indemnités de retards lors de la Révolution !

Je ne suis pas sûr qu'ils était 100 % d'accord de payer de leur sang, mais, de leur avis, les paysans, ils ont fait sans ! (et une alitération, une ! ^^)

Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates à la lanterne,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates on les pendra !

;)

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La récidive durant la Révolution et après

Message : # 5018Message Iris
17 août 2011, 13:52

Références a écrit :Jean-Pierre ALLINNE et Mathieu SOULA, Les Récidivistes - Représentations et traitement de la récidive - XIXe / XXIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, 2010.
Un ouvrage clair tout en portant une réflexion nuancée et riche, tout à fait "lisible" par un non-juriste. L'introduction fait un parallèle intéressant entre la passion de l'étude de la récidive sous la Troisième République et de nos jours, que ce sujet soit d'actualité témoigne vraisemblablement moins de sa croissance en tant que telle, mais plutôt d'une crise sociétale. « La stigmatisation de l’ « incorrigible » permet en creux de définir le groupe et participe finalement à ressouder ceux qui en sont : l’exclu, en disant qui est cet autre à part, permet de dire qui sont ceux qui se ressemble. » (Mathieu Soula, p.19) « « La tétanisation obsessionnelle » sur la récidive serait particulièrement sensible dans des moments de l’histoire fortement marqués par deux éléments : « une angoisse sociale » et « une panique des responsables qui craignent de se voir reprocher l’inefficacité de leurs politiques de contrôle social » » (p.20) « Deux siècles d’histoire de la récidive font apparaître deux moments clés, deux moments d’intense activité législative, d’ébullition scientifique et juridique : le début de la troisième République et depuis les années 2000. » (p.20) […] « Derrière la traque des récidivistes, la jeune et fragile République a pu se tailler une réputation de sévérité et de protection des classes bourgeoises et populaires. L’ennemi intérieur a servi de ferment à l’unité républicaine. » (p.21)

Après ces considérations politiques qui peuvent faire écho aux lectures de Luciole (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=30#p4833), quelques notes sur la période révolutionnaire.

"La répression de la récidive se veut exemplaire dans une philosophie pénale de la responsabilité. Le modèle suggéré par Beccaria est celui d'une peine utile car "prompte et certaine" et surtout fixe au nom de l'égalité des citoyens devant la loi" (Jean-Pierre Allinne, p.32) En dénonçant l'arbitraire de la Justice d'Ancien Régime, les Révolutionnaires renoncent également à ses avantages, à savoir une individualisation de la peine, même maladroite. On croit par ailleurs à l'époque à la "dissuasion générale, la dureté des peines et la discipline acquise en prison devant écarter les délinquants de la tentative de récidiver. L'isolement cellulaire qui va devenir l'antienne du premier XIXe siècle doit permettre une régénération du condamné par le travail et le retour sur soi."

LOIS PÉNALES (en France) :
  • 19 et 22 juillet 1791 sur la police municipale et correctionnelle aggravant les peines des récidivistes
  • 23 floréal an X : substitue la flétrissure à la déportation
  • Code des délits et des peines du 3 brumaire an IV dû à Merlin (25 septembre 1795)
  • Code pénal de 1810 : conserve l'automaticité des peines préconisée par Beccaria mais introduit un peu de souplesse au bénéfice du juge
  • Loi du 28 avril 1832 : étend les circonstances atténuantes aux récidivistes ; rend au juge la liberté de choix de la peine dans une fourchette allant du maximum de la peine encourue pour le second crime au double de celle-ci ; la loi de 1832 introduit parallèlement le bannissement pour les petits récidivistes, c'est-à-dire l'expulsion de leur ville ou village. Cette disposition destinée à conjurer le risque délictuel va se révéler en fait la principale source de condamnations pour récidive avec le délit de rupture de ban.
  • ...
  • 1938 : suppression du bagne colonial
  • 1960 : suppression de la condamnation aux travaux forcés
  • 17 juillet 1970 : suppression effective de la relégation
  • Loi du 22 novembre 1978 : introduction de la "période de sûreté" durant laquelle le détenu ne peut bénéficier d'aménagements de sa peine
...
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Lier le futur - éligibilité et amendements

Message : # 5637Message Iris
30 sept. 2011, 18:02

Références a écrit :Jon Elster
Chaire de Rationalité et sciences sociales (2006-2011) - Cours du 28 avril 2011. Lier le futur : éligibilité et amendements
(http://www.college-de-france.fr/default ... ier_le.htm)
Concevoir une Constitution signifie penser un texte qui engage l'avenir, il s'agit d'un acte lourd de conséquences, qui porte en lui les germes du fonctionnement ultérieur du système, dont la genèse est complexe, tiraillée entre des intérêts contraires, des calculs, des émotions, des luttes de faction, la pression populaire, l'état de crise, ...

Une des particularités des membres de l'assemblée constituante (1789-1791) est d'avoir opté pour une attitude de "désintéressement" à savoir qu'ils se sont interdits de pouvoir se présenter à l'élection de la première assemblée de la monarchie législative. Dans ce cours, Jon Elster présente les arguments qui ont mené à cette décision et souligne à quel point elle est le résultat de calculs contraires. Ainsi Robespierre voulait une assemblée constituée d'individus politiquement inexpérimentés pour permettre aux clubs radicaux d'avoir une meilleure marge de manœuvre ; tandis que les conservateurs royalistes espéraient qu'une assemblée inexpérimentée serait une moindre opposition en face du Roi Louis XVI. Les Historiens tendent à considérer que cette décision de "renoncement à soi-même" eut des conséquences désastreuses. La fuite à Varennes neutralisa totalement les royalistes et Robespierre obtint que les radicaux gagnent en influence.

Différence entre Constitution et Loi :
  • La constitution détermine les principes fondamentaux du système politique, dont les lois déterminent ensuite le détail
  • La constitution détermine les procédures par lesquelles on établit les lois
  • En cas de conflit entre la constitution et les lois, la première l'emporte sur la deuxième
  • Il est plus difficile de faire adopter un amendement à la constitution que de faire passer une loi
Pour réviser la constitution, il existe plusieurs régimes :
  • vote à la majorité qualifiée (3/5, 2/3, 3/4)
  • vote par plusieurs parlements successifs
  • dans les régimes fédéraux, un vote à la majorité simple dans une majorité simple ou qualifiée des états
Toutes peuvent se combiner entre elles ou avec un référendum.

Une des tâches de la Constitution est d'empêcher les tenants du pouvoir de le garder ou l'accroître. La constitution de ce point de vue est une "institutionnalisation du soupçon" :
  • faire obstacle à une justice politisée (préciser un mode de choix des jurys et / ou des juges tels qu'ils ne puissent être choisis par le pouvoir)
  • empêcher le gouvernement de manipuler les élections (le droit électoral doit figurer de manière très détaillée dans la constitution ; nécessité à défaut d'une commission indépendante)
  • empêcher le gouvernement de contrôler les informations (conseil d'administration indépendant de la presse, radio, TV...)
  • empêcher le gouvernement de manipuler la politique monétaire à des fins électorales (banque centrale indépendante)
  • empêcher le gouvernement de manipuler les statistiques officielles (nécessité de l'indépendance des agences)
  • empêcher le gouvernement de marginaliser l'opposition (en lui réservant des postes clefs comme la présidence de la commission aux finances)
  • empêcher le gouvernement de modifier trop aisément ce qui le dérange dans la constitution (en la rendant difficile à modifier)
(...)

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Histoire du droit & politique

Message : # 6259Message Iris
30 nov. 2011, 12:39

Références a écrit :Article : "Les gouvernements technocrates ou le retour de Necker" (23 novembre 2011)

Lien : http://www.nonfiction.fr/article-5215-l ... necker.htm
Une mise en parallèle de la situation de la France de Louis XVI avec la situation européenne actuelle. Ce n'est pas la première fois que de telles comparaisons sont faites, par exemple sur la base de l'existence de niches fiscales et vu côté "peuple" d'arrangements permettant à de grandes sociétés ou grandes fortunes de payer très peu en proportion de leurs rentrées. Je dirais que cela fait facilement cinq ans que j'entends régulièrement des remarques, critiques qui tendent à comparer les deux époques sur le plan fiscal. Il s'agit donc d'un article parmi d'autres, représentant d'un courant de pensée. Quelques citations ...

" La France de l'Ancien Régime partage avec l'Europe du XXIe siècle la profonde inadéquation de sa fiscalité au mode de production de nouvelles richesses. Comme le pays de Louis XVI demeurait prisonnier de la prédominance du foncier et des octrois intérieurs, notre Europe contemporaine s'imagine encore pouvoir taxer des stocks. [...] En organisant la baisse constante des prélèvements obligatoires au lieu de tenter de redéployer ceux-ci vers les activités les plus susceptibles de générer des recettes, en continuant à n'appréhender la vie des entreprises qu'en terme de comptes de résultat ou de bilan et non de flux, en n'instituant pas les taxes sur les transactions financières, nous nous sommes condamnés à l'impasse dans laquelle nous nous trouvons."

Les autres comparaisons tiennent à la formation de la caste dirigeante, coupée des réalités du terrain, avec une forte reproduction sociale, des carrières d'élu et une population qui se reconnaît peu.

Au final, l'auteur appelle de ses vœux :
  • le suffrage universel direct pour élire le sommet du fonctionnement des institutions européennes
  • une révolution fiscale fondée sur la taxation des flux financiers
  • une dé-professionnalisation du politique (fin du cumul de mandat ou des successions de mandat)
Sur la première proposition, le problème pratique que je vois : comment faire pour que les français ne votent pas pour le candidat français, les belges pour le candidat belge, les hongrois pour ... etc. Dire qu'il faut organiser des élections pour impliquer les citoyens dans la bonne marche des institutions au niveau européen, je n'ai rien contre, mais pour y parvenir, et surtout que ça fonctionne, il y a sans doute un peu de travail et des procédures adaptées à mettre en place... pas évident, en tous cas, je ne vois pas de solution "évidente"

Pour la dé- profesionnalisation, je suis partagée. La fin du cumul des mandats me paraît une nécessité (j'aurais aussi tendance à souhaiter une diminution des indemnités de fonction et une transparence de la comptabilité de tous les élus). En revanche sur la succession des mandats, je m'interroge. Bien sûr, une même personne en place pendant 30 ans, boulonnée et tout, ça n'est pas très réjouissant, et ça tend à stabiliser voire à scléroser un mode de fonctionnement. Cependant, il y a des écueils problématiques à éviter :
  • sur des mandats courts, il y a le risque que le politique soit trop dépendant de l'opinion publique pour s'engager dans des réformes de fond, je ne parle même pas des réformes impopulaires, mais du fait qu'avant qu'une réforme ait un effet visible il faut qu'elle soit pensée, transcrite en loi, discutée, votée, qu'elle ait son décret d'application, et qu'enfin, elle soit appliquée un certain temps avant qu'on puisse se faire un avis sur son efficacité. Y'a-t-il une durée de mandat minimale pour parvenir à une bonne efficacité, en l'occurrence pour travailler sur le long terme et non dans l'urgence du court terme ?
  • sur les non professionnels, certes ça apporte de l'air frais, mais à côté de ça, si on regarde l'expérience française de 1789-1791 avec la constituante qui a voté qu'aucun de ses membres ne pourrait être élu député ensuite, il y a le souci du manque d'expérience politique et par là certaines maladresses ou naïvetés qui pourraient être évitées... Je me demande s'il n'est pas possible de concevoir un état intermédiaire entre "complètement non professionnel" de la politique et "complètement professionnel". Serait-il possible de prévoir des formations continues, "citoyennes" comprenant des cours de sociologie, droit, histoire, économie... de qualité, également accessible sur le modèle du fonctionnement du collège de France (conférences pouvant être librement visualisées en ligne), et une validation des parcours personnels (implication dans la vie associative par exemple), afin de permettre à une large part de la population volontaire de pouvoir se mêler efficacement de politique, avec un jugement, un avis éclairé.
...
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La dissertation en histoire du droit

Message : # 6365Message Iris
01 janv. 2012, 12:50

Nouvelle année, nouvel agenda. Avant de ranger le précédent, il faudrait peut-être mettre au propre certaines choses de notées. Ici donc les critères d'évaluation que j'utilise pour noter les dissertations en droit.

1. La FORME. Une dissertation qui ne respecte pas la forme n'atteindra pas la moyenne et risque de descendre très bas.
Plan d'une dissertation de droit a écrit :
  • Introduction
    • Accroche
    • Présentation du sujet et du contexte utile pour le comprendre
    • Explication du sujet, de ses termes et limites (temporelles, thématiques...)
    • Dégagement d'une problématique
    • Annonce du plan (I) ... (II)...
  • Première partie annoncée par "I"
    • Chapeau introductif (A) ... (B) ... expliquant la logique du raisonnement de cette partie
    • A - ... titre, puis sous-partie
    • B - ... titre, puis sous-partie
    • transition qui permet de comprendre le lien, la succession des idées qui mène au II
  • Seconde partie annoncée par "II"
    • Chapeau introductif (A') ... (B')...
    • A' - ...
    • B' - ...
J'insiste en outre pour que les textes copiés chez un auteur ou sur Internet soient signalés par des guillemets de citation et une annonce de la source. A minima il faut citer puis (Auteur, date) et détailler l'auteur et l'étude dans la bibliographie à la fin ; sinon des notes de bas de page font tout à fait l'affaire. En cas de citations multiples d'un même auteur dans les notes de bas de page "op.cit." ou n'importe quelle indication signalant qu'on change juste la page d'origine de la citation à partir du même ouvrage.

Citation dont la source n'est pas indiquée ni signalée = plagiat = délit.

Le respect et bon usage de la langue française, orthographe et grammaire, font parti des critères de forme.


2. CLARTÉ. Le lecteur ne doit avoir besoin de lire qu'une fois pour comprendre ce qui est exprimé. L'écriture et l'enchaînement des idées est fluide.

3. EXPLICITE : les idées sont annoncées et développées, le raisonnement se comprend bien, il se suit de manière logique et articulée, en s'appuyant sur les paragraphes, les chapeaux introductifs, les mots de liaison. Les titres reflètent bien le contenu (pour y parvenir il peut être bon de les écrire après la rédaction de la sous-partie).

4. COHÉRENCE. L'argumentaire se tient, il n'y a aucune contradiction interne, ni dans les idées, ni dans les statistiques.

5. CONCENTRATION. Le devoir ne parle que de la question débattue, les explications de contexte n'apparaissent que dans l'introduction. Les sous-parties ne se répètent pas, une idée ou un concept n'est abordé qu'une fois en profondeur, une fois qu'une sous-question est réglée, on ne revient pas dessus.

6. PRÉCIS. Éviter les "quelques", "certains", "un peu", "environ", "en général", "la plupart" et tous leurs synonymes. L'argumentaire s'appuie sur des faits, sur des raisonnement structurés de manière logique, nette, carrée.

7. PERTINENCE. Tout ce qui est discuté dans le corps de l'argumentaire, parties et sous-parties, doit coller au sujet et y apporter une réponse. Les idées apportées sont semblables aux pièces d'un puzzle qui doivent donner un tableau d'ensemble. Il ne faut pas apporter de données qui n'éclairent pas la problématique. Il est possible qu'une idée puisse aider à résoudre la problématique mais uniquement en expliquant la démarche intellectuelle qui permet de les lier, dans ce cas il convient d'être bien explicite (point 3). L'explicitation justifie la pertinence et évite le hors-sujet. Il convient de bien montrer dans la manière de s'exprimer que c'est un juriste qui réfléchit et qui aborde la question : le droit et les institutions doivent constamment être au cœur des idées et des arguments pour qu'ils soient pertinents dans le cadre de dissertations universitaires en histoire du droit.

8. NUANCES. Une dissertation n'est pas un texte politique ou polémique, il n'est pas question de défendre une opinion dans un débat. Il faut oublier les affirmations gratuites ("les paysans sous l'Ancien Régime étaient des misérables maltraités") qui ne s'appuient sur aucune preuve, aucune justification. Oublier le ton péremptoire (="Qui présente un caractère décisif, excluant toute discussion", synonyme de catégorique, décisif, tranchant, absolu). La réflexion doit être nuancée, concessive, en finesse. Rien n'est jamais tout noir ou tout blanc, il faut savoir manier le gris dans un argumentaire. La difficulté étant de savoir garder une opinion individuelle en acceptant de traiter des contre-arguments ou les faits qui ne vont pas dans le sens de l'idée et les intégrer malgré tout dans la démarche de réflexion pour leur donner un sens.


Tout cela ensemble aboutit à avoir un argumentaire CONVAINCANT ce qui est le but. Cet objectif dépasse le seul cadre de l'enseignement de la matière pour être une formation à la défense d'une cause, d'un projet, d'une idée, d'une recherche.

Un bonus enfin est accordé pour la CRÉATIVITÉ, ce qui fait qu'un argumentaire se détache, qu'il a de la personnalité, qu'il marque le lecteur. Il peut s'agir d'une bonne accroche, d'un style, d'un ton, d'un angle d'analyse différent, voire d'une grande profondeur critique.

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Dernière modification par Iris le 01 janv. 2012, 15:08, modifié 1 fois.
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Message : # 7460Message Iris
20 avr. 2012, 18:39

Histoire de rendre les données plus accessibles, enfin, mieux décorées, j'ai démarré une rubrique de blog "Histoire du droit",
En espérant que ça me permette d'éviter de me répéter plein de fois encore...

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Message : # 12555Message Iris
22 févr. 2013, 16:19

Parce qu'un blog est plus joli pour développer une réflexion avec titres, sous-titres etc.


Une idée qui est aussi une interrogation : http://iris-d-automne.over-blog.fr/arti ... 81815.html


Il s'agit de l'observation du glissement entre un paradigme fondé sur la Foi, remplacé par la Raison, et puis un autre, qui a fait passer comme fondements du droit successivement Dieu, la Nature, la Volonté générale... En les regardant, j'ai l'impression qu'ils ont un cycle de trois siècles entre le moment d'apparition et celui où le concept est devenu dominant...

Tiens, en matière d'exemple, j'ai omis la diffusion du Christianisme, parce qu'il a fallu très exactement 330 ans pour passer de religion marginale / sectaire / persécutée à religion dominante sans contestation possible (de l'an 0 qui n'existe pas à l'an 330). ... du coup ça colle... maintenant, il faudrait plus de cas pour vérifier si c'est vraiment fiable comme observation, ou si c'est juste une idée élégante qui peut servir en JdR mais pas en recherche :P
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