Droit, histoire du droit, philosophie du droit...

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Iris
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Droit, histoire du droit, philosophie du droit...

Message : # 10Message Iris
17 févr. 2011, 21:49

SOMMAIRE

1 - Humanisme. Décisions collectives. (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=8#p10)
2 - Sur l'Assemblée des notables de 1787. (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=8#p139)
3 - Sur le Contrat Social de Jean Jacques Rousseau (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=8#p165)
4 - Rationalité & Sciences sociale - La question des concessions et de la répression (http://www.darkrunes.com/fortuna-impera ... 4&t=8#p200)
5 - Rationalité & Sciences sociale - Les émotions (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=8#p202)
6 - Rationalité & Sciences sociales - Au sujet de l'abolition des privilèges et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=8#p222)
7 - Des remarques sur les modes de votes influencés par les groupes minoritaires (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=8#p233)
8 - Perles de corrections (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php?f=4&t=8#p1438, http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php ... t=10#p2299)
9 - Éthique et catastrophe - Au sujet de la manière dont la peur et la certitude du pire influent sur la prise de décision tout en heurtant le sens éthique (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php ... t=10#p1606)
10 - Un point de correction sur les préjugés et erreurs les plus courantes rencontrés dans les copies (http://fim.pierstoval.com/viewtopic.php ... t=10#p2311)
11 - La récidive à partir de la Révolution (http://www.darkrunes.com/fortuna-impera ... t=10#p5018)
12 - Rationalité et science humaine - Lier le futur - Créer une constitution (http://www.darkrunes.com/fortuna-impera ... t=10#p5637)
13 - Le miroir de l'histoire du droit par rapport à la politique actuelle (http://www.darkrunes.com/fortuna-impera ... t=10#p6259)
14 - Critères d'évaluation d'une dissertation en histoire du droit (http://www.darkrunes.com/fortuna-impera ... 6365#p6365)
15 - ...



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Puisqu'il faut lancer, inaugurer, démarrer... Le principal sujet sur lequel je puisse actuellement parler est celui de l'histoire du droit puisque je suis censée l'enseigner le mieux (ou le moins mal) possible. Je me propose de signaler régulièrement ce que je peux trouver comme lien ou éléments de réflexion intéressant.


1 - L'humanisme- http://www.college-de-france.fr/default ... umanis.jsp

La conférence dont il est question décrit l'évolution du concept d'humanisme, depuis sa création au XVIe siècle et ses manifestations jusqu'à nos jours, la manière dont il a généralement été utilisé pour s'appliquer aux seuls "hommes civilisés", et donc ni aux femmes, ni aux esclaves, ni aux indigènes sauvages, de sorte qu'il fut possible d'utiliser l'humanisme pour justifier la domination occidentale et la colonisation...

2 - Les décisions collectives - http://www.college-de-france.fr/default ... _2011_.jsp

John Elster enseigne pour la dernière année à la chaire "Rationalité et sciences humaine" au sein de laquelle il étudie la manière dont les décisions collectives, somme de décisions individuelles, se prennent. J'ai trouvé ses interventions lumineuses et à même d'apporter un éclairage vraiment intéressants sur des événements institutionnels très importants (la mise en place de Constitutions) mais qui paraissent souvent un peu secs ou ardus. Tout est dans sa manière d'étudier les rapports de force, l'évolution dans le temps et l'espace des modalités de votation... Je pense en particulier à des détails qui me reviennent :
  • le fait que les états généraux ont connu des rapports de force variables, ainsi si en 1789 le Tiers État craignait d'être en position minoritaire contre les intérêts conjugués des ordres privilégiés, Noblesse et Clergé, n'était en réalité qu'un cas de circonstance, ce n'était pas du tout systématique ; ainsi auparavant le Clergé fut mis en difficulté par l'alliance de la Noblesse et du Tiers, et à une autre occasion, la Noblesse par le Tiers et le Clergé...
  • le Clergé en difficulté avait pu dire "Le Tiers ne saurait être tenu par les deux autres", et par là rappelait que les États généraux prennent leurs décisions traditionnellement à l'unanimité... ce point est particulièrement amusant si on songe à la grande polémique de 1788-1789 qui portait sur le mode de vote qu'adopteraient les États généraux, (convoqués pour la première fois depuis 1614 car seuls estimés compétents en matière fiscale par le Parlement de Paris), à savoir par tête ou par ordre. Le problème venait du fait que le Tiers avait vu ses membres doublés, donc avait autant de députés que Clergé + Noblesse mais qu'en cas de vote par ordre, on craignait une alliance Clergé + Noblesse contre Tiers, donc deux contre un. Or logiquement, si on appliquait le principe le l'unanimité, le Tiers n'aurait pu être contraint par les deux autres. A l'ouverture des États généraux, Louis XVI ne tranche pas le débat en choisissant un mode de votation, les deux thèses étant vote par ordre ou par tête... en revanche le vote par ordre à l'unanimité n'est même pas abordé. Bon, de toute façon, le Tiers plus une partie du bas Clergé se sont déclarés Assemblée Nationale et à partir de là l'histoire a connu un tournant, mais j'ai trouvé plutôt amusant le fait qu'une vieille assemblée, oubliée, au point qu'on la croyait même peut-être tombée en désuétude, a pu donner lieu à des débats enflammés sur son mode de prise de décision et finalement le débat n'a même pas pris en compte son mode de prise de décision initial... il y a là comme un côté absurde...
Dernière modification par Iris le 01 janv. 2012, 15:09, modifié 3 fois.
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L'assemblée des notables - suicide des élites

Message : # 139Message Iris
05 mars 2011, 10:47

L'article http://www.nonfiction.fr/articleprint-4 ... ation_.htm commente l'ouvrage :
Titre du livre : Overture to Revolution. The 1787 Assembly of Notables and the Crisis of France's Old Regime
Auteur : John Hardman
Éditeur : Oxford University Press
Date de publication : 19/11/11
N° ISBN : 0199585776


Situation : règne de Louis XVI, les finances publiques sont dans un état critique, ruinées par la coûteuse guerre d'indépendance américaine et incapables de se remettre sur pied en développant une économie libérale dynamique ou en taxant efficacement les propriétés foncières, protégées par des privilèges exemptant en particulier Noblesse et Clergé... Le roi cherche une issue, nomme à la chaîne des ministres chargés des finances, les renvoie les uns après les autres. Pour passer par dessus les privilèges et créer de nouveaux impôts plus efficaces, une Assemblée de notables est convoquée en 1787. En général, on se contente de constater son échec qui poussa à la convocation en 1788 des États généraux dont l'assemblée s'ouvrit le 5 mai 1789 à Versailles et qui se proclama le 17 juin 1789 Assemblée nationale.

Hardman aborde la question de la fin de l'Ancien Régime non pas comme une succession inéluctable d'événements menant à la Révolution de 1789-1799, mais comme un suicide des élites, une faillite des tentatives de réforme de la monarchie. "Charles-Alexandre de Calonne, contrôleur général des finances depuis 1783, présente au roi un vaste plan de réformes financières et administratives qui visent à remodeler les institutions d’Ancien Régime. Il en a compris les faiblesses structurelles et il en propose un profond renouvellement à l’avantage des pouvoirs centraux. [...]L’impôt devrait être appliqué de manière uniforme et proportionnelle à tous les propriétaires fonciers [...] Ce volet fiscal devrait s’accompagner de la création des assemblées provinciales, élues par les contribuables et destinées à répartir les montants des contributions. L’avantage du plan de Calonne pour la couronne est évident : en établissant un impôt durable et généralisé, la couronne aurait gagné une autonomie politique qui l’aurait soustraite aux compromis et aux tractations, qui caractérisent la vie politique de l’Ancien Régime. [... Par] la convocation d’une Assemblée des Notables. Son espoir est de gagner l’accord de principe des élites du royaume sur les points décisif de la réforme et, fort de cet appui, de l’imposer à tout le royaume, en dépit des prévisibles résistances des Parlements. [...] La résistance des notables aux mesures de Calonne est [...] relue et réinterprétée par une partie des acteurs politiques de l’époque comme une défense des droits de la Nation." Calonne démissionne en avril 1788.

L'ouvrage souligne que l'abolition des privilèges fiscaux aboutissant à l'abolition des privilèges durant la nuit du 4 août 1789 était déjà débattue en 1787 dans cette assemblée des notables, l'idée existait donc déjà.

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J.-J. Rousseau

Message : # 165Message Iris
10 mars 2011, 10:55

Au programme des TD de ce semestre "estival" 2011, le Contrat social de J.-J. Rousseau, j'ai donc cherché à voir si je trouvais des sources utiles, qui pouvaient éclairer la lecture de cette œuvre et en l'occurrence, je suis tombée sur des rediffusions d'émissions de France Culture, donc accessible gratuitement durant une période limitée, voici les liens, suivis de mes prises de note à la volée (comprendre que je note pendant que j'écoute, histoire de garder une trace) :

(1) http://www.franceculture.com/emission-l ... cial-de-ro. Avec Marie-Franec Chevalier-Le Guyader, directrice de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie.& Céline Spector, maître de conférences à l'Université de Bordeaux III Michel de Montaigne

(2) http://www.franceculture.com/emission-j ... 03-06.html. Avec deux spécialistes de l'œuvre de Rousseau, le philosophe André Charrak, maître de conférences à l'université de Paris 1 et le musicologue Pierre Saby, professeur à l'université de Lyon 2.

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(1) Comment chacun s'unissant à tous pourrait-il conquérir sa liberté alors même qu'en se liant aux autres, il renonce à une partie au moins de sa liberté ? C'est un des principaux problèmes que cherche à résoudre le Contrat social de J.-J. Rousseau. Le pacte social est un fondement politique plus que social.

Un paradoxe assez croustillant : Hobbes (=l'homme est un loup pour l'homme) créa la notion de contrat social, mais Rousseau le déteste et construit son œuvre en réponse. Pour Hobbes chaque membre de la société contracte avec chaque autre, mais ces contrats génèrent un tiers non contractant mais partie prenante, en position d'arbitre, d'observateur, et comme il est non-contractant, il n'est pas lié. En revanche, chez Rousseau, il n'y a pas de "troisième homme", seulement deux : l'individu et le peuple qui reçoit l'effet de toutes les renonciations individuelles.

La difficulté dans l'œuvre de Rousseau est de parvenir à définir la "Volonté générale", "l'intérêt de tous", elle pourrait être ce qui reste de la volonté de tous, soustrait de la volonté de chacun. Il cherche à écarter les faits pour accéder à l'essence désincarnée. Ce concept renvoie en partie à l'œuvre de Diderot qui conçoit une volonté générale de l'espèce, un intérêt qui lui serait propre, mais Rousseau dédaigne cet aspect. Dans le contrat social il y a une aliénation total : chacun se remet entièrement au corps politique... Or Rousseau critique violemment toute forme d'aliénation dans les œuvres de Grotius et Hobbes en particulier. La particularité de l'aliénation radicale chez Rousseau est conçue comme un gain de liberté, l'aliénation est le cœur même du contrat, elle n'est pas dans l'extériorité (= soumission à un souverain), mais dans l'intériorité (= je m'aliène à moi-même dans ma contribution au corps social et politique que je contribue à créer). La volonté générale est la volonté du corps politique de défendre son bien propre, ce corps politique fonctionne comme un individu qui cherche à défendre son intérêt d'individu. La Loi est l'expression de la volonté générale, sa "voix". La volonté générale préexiste au vote d'une assemblée, lequel vote a pour but de s'en rapprocher.

Le contrat social chercher à allier intérêt et justice, ce qui passe pour le corps politique par l'amour de soi : les règles du juste et de l'injuste sont posées par la conservation de l'ordre politique ; pour Rousseau il n'y a pas de justice naturelle, de justice dans la nature.

La volonté générale n'est pas la volonté de tous (= somme des volontés individuelles), mais ma volonté rationalisée, mon "moi membre de la communauté". Est-ce viser à se libérer des passions qui font justement l'individu ? L'amour de soi de cet individu est un amour de la patrie. La vertu promue dans ce système est l'aptitude à viser l'intérêt général plus que l'intérêt particulier. Cela se manifeste au travers de l'égalité qui est capacité à accepter n'être qu'un membre parmi d'autres du corps politique. La réciprocité issue de l'égalité est un test de la rationalité et de la rectitude. L'échange du contrat social se veut un échange avantageux qu'il s'agit d'assumer : je ne peux travailler pour moi-même, sans travailler en même temps pour autrui. Rousseau ne perd jamais de vue l'utilité comme concept. Un citoyen est membre du corps politique, et en tant que tel ne peut que souhaiter ce qui est à l'avantage de ce corps. Celui qui est en minorité dans une assemble s'est trompé sur la volonté générale, l'a confondue avec des intérêts particuliers. La prise en charge de l'individu par l'individu tout au long de sa vie est la contrepartie des renoncement qu'il fait en faveur du corps politique.

Pour que le système visé par Rousseau fonctionne, il importe qu'il existe un Législateur qui connaît toutes les passions individuelles mais qui lui-même n'en ressent aucune. (je renvoie à ce propos à l'analyse proposée ici http://www.college-de-france.fr/default ... te__12.jsp lors du "Colloque 2008 - La pluralité interprétative. Fondements historiques et cognitifs de la notion de point de vue. Sara Cigada : L'émotion et la persuasion politique : lectures de Robespierre"). En quoi Rousseau ne promeut-il pas un gouvernement totalitaire qui contraint non seulement à abandonner sa liberté d'individu, mais également vise à la transformation même de la nature humaine ? Le public veut le bien qu'il ne voit pas. Les institutions doivent créer un peuple qui sera capable de voir son bien, son intérêt. Un des modèles de Rousseau est l'austère, frugale et rude Sparte antique. Il considère qu'il faut accepter de parfois suspendre les libertés pour protéger la liberté, ce qui rejoint le débat sur la figure du dictateur. Contrairement à Locke, il ne considère pas que tout individu a des droits inaliénables et que la société n'a d'autre raison d'être que de les protéger ; le droit essentiel chez Rousseau est la sauvegarde de vie et de la sécurité individuelle donc la sûreté, il ne faut en aucun cas sacrifier la vie d'un innocent sur l'autel de l'intérêt général.

La souveraineté ne doit pas être séparée, mais il distingue bien gouvernement et souveraineté, cette dernière ne pouvant être représentée. Le peuple a le pouvoir de ratifier les lois au sein du pouvoir législatif et il cherche à établir la légitimité de ce processus via des conditions matérielles et morales : il s'oppose à l'inégalité venant du luxe ; il veut éviter l'usurpation du pouvoir par une oligarchie ; la petitesse d'un état permet à chacun de se connaître.

Lorsque dit que plus l'état est grand, plus le gouvernement doit être petit, concentré, c'est un constat qu'il pose, rejoignant en cela Montesquieu. Critique en outre des corps intermédiaires et donc par extension des parties, l'Angleterre du XVIIIe siècle étant considérée comme un État asservi.

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(2) Rousseau s'est pensé longtemps davantage comme un musicien plutôt que comme un philosophe et la musique a inspiré son œuvre. Intérêt un peu anecdotique, surtout ludique pour voir le personnage différemment.


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Dernière modification par Iris le 10 mars 2011, 15:08, modifié 3 fois.
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rolender
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Re: Droit, histoire du droit, philosophie du droit...

Message : # 171Message rolender
10 mars 2011, 21:45

Ah, le Contrat Social de Rousseau ! Cela me rappelle de bons souvenirs ça. ^^

Pour le bac de Philosophie, c'est généralement l'hécatombe chez les scientifiques. On avait le choix entre 2 dissertations et un commentaire de texte à l'époque (Je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui). J'ai dit à mon professeur de Philo que je trouvais beaucoup plus sensé de prendre le commentaire de texte plutôt que la dissertation. Compte tenu que lors d'une dissertation, on n'est jamais à l'abris d'un Hors-Sujet, les notes peuvent aller de 0 à 20, tandis qu'avec le commentaire de textes, elles vont généralement de 6 à 14. Comme le but est à priori de limiter la casse, le commentaire de texte s'imposait... Mon professeur ne semblait pas d'accord avec moi.

Je me suis donc concentré sur le commentaire de texte, j'ai appris par coeur un certain nombre de citation de philosophes. Je suis tombé sur le Contrat Social de Rousseau, j'ai pu réutiliser deux ou trois citations que j'avais appris, j'ai brodé dessus et cela m'a value un 14/20. CQFD ^^

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!!!

Message : # 175Message Iris
11 mars 2011, 09:40

Excellente stratégie ! :lol:

J'ai bien aimé le calcul évaluation risque / résultat, marge visée !


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Quelques liens utiles pour l'histoire des institutions et le droit en général :
Dernière modification par Iris le 11 mars 2011, 16:21, modifié 2 fois.
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Rationalité et sciences sociales

Message : # 200Message Iris
16 mars 2011, 11:15

J'attire l'attention de ceux qui s'intéressent à la Révolution française de 1789-1799 sur la série de conférences de Jon Elster de la chaire Rationalité et sciences sociales :

Cours du 3 février 2011. La Constituante entre les soldats du roi et les foules parisiennes (http://www.college-de-france.fr/default ... 11___1.jsp, avec des parallèles notamment sur la situations des révolutions dans les pays arabes en janvier - février 2011)

Où il est mentionné que dans le règlement des États généraux du début 1789, le Roi avait souligné qu'une assemblée représentative ne pouvait être limitée par un mandat impératif. Un grand nombre de baillage imposèrent néanmoins des mandats impératifs (= députés liés par leurs électeurs) et le Roi comme les députés eurent tendance à ignorer ces mêmes mandats impératifs. Les mandats impératifs étaient incompatibles avec l'existence même de l'assemblée constituante. Il apparaît que dès les années 1780, les esprits éclairés et bien informés avaient une conscience aiguë de la fragilité du régime de Louis XVI, certains pariant même qu'il n'y aurait plus de royauté "d'ici un demi-siècle" (!). La solidarité du groupe du Tiers + Bas clergé était nourrie par le mépris délibéré de la Cour à leur égard ; mais s'appuyait également sur la grande organisation interne à certaines provinces, comme la Bretagne ; le temps laissé par le roi, sans réaction, après la réunion des États généraux, a également contribué à permettre aux députés du Tiers à s'unir et ostraciser les opposants et dissidents à l'intérieur du groupe.

Les gouvernements disposent d'un certains nombre de mesures à l'encontre des opposants :
  • La répression sévère, par la violence : ne fonctionne que si le gouvernement est totalement sûr que l'armée sera prête à tirer sur la foule, sinon, si elle s'y associe, c'est la fin évidente du régime
  • La préemption des demandes anticipées de l'opposition
  • La répression modérée de l'opposition, par la censure, l'emprisonnement... : effet contreproductif généralement ; cette répression déclenche à la fois de la peur (= incite à subjuguer et soumettre) et de la haine (= incite à la révolte), mais il est généralement difficile de prévoir quelle émotion l'emportera. L'arbitrage entre peur et haine peut se faire à divers niveaux d'intensité de la répression, ainsi ce raisonnement vaut-il aussi pour les degrés modérés : vexation & irritation (plutôt que haine) et précaution prudente (plutôt que la peur)
  • Les concessions aux demandes de l'opposition : effet aisément contreproductif dans le cas de concessions en faux-semblant qui renforcent la colère ; dans le cas des vraies concessions, elles diminuent le risque de rébellion, mais elles sont aussi un signe de faiblesse du régime = le mal est devenu moindre, mais la sensibilité est encore vive dans le peuple qui peut se montrer déçu de ce que tout ne soit pas résolu, soit une situation délicate admise quand la répression sévère est plus "coûteuse"
  • La diversion de l'opposition, par la guerre ou autrement
Les demi-mesures défendues par Louis XVI, loin de réunir tous les avantages, réunissaient tous les inconvénients. Entre 1789 et 1790 la "droite" (= les défenseurs de la monarchie) pratiquèrent la politique du pire pour détruire la constitution qui était en cours d'établissement.
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Les émotions en constitution

Message : # 202Message Iris
16 mars 2011, 12:11

Jon Elster. Cours du 10 février 2011.. Les deux grandes peurs de 1789 (http://www.college-de-france.fr/default ... _2011_.jsp)

Pour créer une constitution, il faut un temps d'émotions, les constitutions ne se rédigent pas "à froid".

Les émotions négatives : mépris, honte, haine, peur, envie, déception
Les émotions positives : l'espoir et l'enthousiasme

L'enthousiasme actif (celui de l'acteur) : croyance que l'on est capable de réaliser une fin importante ; l'énergie ressentie est plus importante car les autres objectifs, les autres fins sont réduites ; le sujet ressent moins le sommeil ; il allie la raison et l'émotion. La subjectivité sous le coup de la passion est modifiée : "Chacun croit aisément ce qu'il croit et ce qu'il désire" ; hâte, besoin d'agir rapidement.

Une vision des foules révolutionnaires : leur droit de tuer et détruire... mais non de violer et piller !

Les mécanismes de la Grande Peur sont comparables à la peur de complots de famine causés par des auteurs variés (de marchands, de brigands, de la reine, de prêtres...) ; les populations paysannes croyaient qu'on cherchait à les affamer, et en même temps que le Roi avait déjà accordé des réformes pour apaiser les souffrances de son peuple, mais les privilégiés avaient tout mis en ordre pour empêcher la diffusion de ces bonnes nouvelles, aussi les Nobles avaient-ils payé des brigands pour affamer la population et cacher les réformes ; les paysans se sentirent donc fondés à brûler les châteaux et les archives en juillet-août.
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La déclaration des droits de l'Homme de 1789

Message : # 222Message Iris
17 mars 2011, 15:32

Jon Elster, Cours du 3 mars 2011. L'écriture de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (http://www.college-de-france.fr/default ... 11___1.jsp)

Pour comprendre la nuit du 4 août 1789, il faut imaginer un climat de peur et de vengeance ; chacun par ailleurs voulait montrer aux autres son dévouement à la patrie en donnant plus. Dans tous les cas les émotions sont la clef de ces événements, largement regrettés par les Constituants une semaine après (!) :
  • Les émotions induisent l'urgence, c'est à dire une préférence à l'action immédiate plutôt que l'action différée
  • Les émotions induisent l'impatience, c'est-à-dire une préférence à un plaisir immédiat plutôt que différé
  • Les émotions, à l'image de certains éléments radioactifs, ont une "demi-vie" brève
  • Dans un état émotionnel, l'acteur pense, au contraire, que cet état va perdurer indéfiniment
Mirabeau aussi bien que Sieyès se rendirent compte qu'une assemblée unique était assez aisément portée par une émotion, dont la peur.

Parmi les débats liés à la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, on peut noter la liberté, l'égalité, la sûreté, la propriété, en revanche le droit à l'honneur fut supprimé, car trop lié à l'image de la noblesse.

La "propriété inviolable et sacrée" n'est pas suffisamment définie dans la déclaration : propriété d'une personne humaine ? de la force de travail ? intellectuelle ? non défendue ? ... ? Qu'en est-il de donner un monopole temporel limité à un inventeur ?

Pour Bentham (2002), les droits de la déclaration n'existent que comme garantie contre la Loi, et donc a contrario, quel intérêt d'avoir des droits qui pourraient être limités par ces mêmes Lois ? L'article 10 paraît ainsi donner d'une main et reprendre de l'autre.

Sieyès proposait de distinguer citoyens actifs et passifs. Tous ont des droits de base (sûreté notamment), mais les citoyens actifs sont ceux qui participent directement à la vie politique, ce qui revient à exclure de la citoyenneté active : les femmes, les étrangers, les mineurs et certaines catégories professionnelles. Il faut ainsi distinguer un droit universel et droit inconditionnel ; il est possible d'avoir un droit universel et conditionnel dans le cas de conditions que toute personne peut remplir avec un effort raisonnable. Les Constituants français imposèrent le cens, donc une distinction économique plutôt qu'éducative. Ici on trouve cependant la limite des théories juridiques de la réciprocité : aucune femme ne peut se transformer en homme, de même qu'un infirme trouver facilement du travail, et donc ces deux catégories se trouvent exclues.
Dernière modification par Iris le 17 mars 2011, 17:21, modifié 1 fois.
Raison : Ajout de précisions
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Séparation du pouvoir et veto royal

Message : # 233Message Iris
18 mars 2011, 12:45

Jon Elster - Cours du 10 mars 2011 - Séparation des pouvoirs : bicaméralisme et veto royal (http://www.college-de-france.fr/default ... parati.jsp)

Les techniques de vote en force permettant à une minorité d'enragés / fanatiques / radicaux de l'emporter sur une majorité de modérés :
  • Le vote nocturne : les radicaux et extrémistes forcent le vote à avoir lieu plus vite, quitte à pousser jusqu'à un vote nocturne ; les modérés très souvent abandonnent, usés, et "lâchent" par rapport à leurs opposants qui sont bien plus tenaces et l'emportent en définitive sur une épreuve politique "physique"
  • Le vote nominal : les courants extrémistes insistent pour le choix du vote nominal plutôt que secret afin d'identifier les modérés
Durant la période de la Constituante (1789-1791), il y a eu contre la Révolution des éléments avérés de la politique du pire et une véritable peur pour sa vie et celle de sa famille. Il est impossible de savoir si le vote contre le bicaméralisme a sauvé la vie de certains Constituants, mais il y a une ambiance de crainte qui a certainement eu une influence sur le comportement des députés. Il y a ainsi eu des menaces à peine voilées à l'encontre des membres du parti aristocratique.

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Perles

Message : # 1438Message Iris
26 avr. 2011, 14:40

Suis occupée à des corrections et je vais me fendre d'un post sur les quelques perles que je trouve...

"Les droits naturels dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789 sont : la liberté, la propriété, la sûreté, le droit à l'oppression. "
commentaire a écrit :La bonne réponse est tout simplement l'article 2 de la DDHC : « Art. 2 — Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. ». Donc nous avons plusieurs personnes qui ont tout simplement renversé le droit de résister en droit d'opprimer ! :twisted:
" Les privilèges de la bourgeoisie sont le droit de chasse à la cour."
commentaire a écrit :La bourgeoisie fait partie du Tiers État et n'a donc pas de privilège d'ordre, simplement des privilèges ponctuels d'appartenance à une ville ou à une corporation... quant à la chasse, c'est un privilège nobiliaire. Et bien sûr la "chasse à cour"... n'est pas la même chose que la chasse à la Cour (donc à Versailles)... J'en suis donc à imaginer des bourgeois qui viennent à Versailles chasser du nobles :lol:
" Le prédécesseur de Louis XVI a réaffirmé les principes de la monarchie absolue de droit divin en 1776. Louis XVI devient roi à la mort de Louis XV en 1774."
commentaire a écrit :Donc en fait, Louis XV meurt en 1774 mais deux ans après sa mort il vient devant le Parlement de Paris durant la séance dite de la Flagellation, sous la forme d'un terrifiant zombie royal pour réaffirmer la suprématie de son pouvoir ! :mrgreen:
La citation "Louis XVI roi de France et de Navarre par la Grâce de Dieu" fait référence à la légitimité du roi qui lui est conféré par Dieu. Il justifie sa prise totale du pouvoir législatif avec Navarre son ministre par ce droit divin afin de tout modifier à son avantage."

Et encore chez un autre :

""Navarre" serait le domaine d'exercice que lui confie Dieu sur le peuple, donc les provinciaux, caractérisant son pouvoir et son autorité de droit divin sur le petit peuple"
commentaire a écrit :Rappel que la Navarre est un territoire et pas un ministre :shock: ... Ni un domaine particulier du pouvoir sur la province ! :shock:

La Navarre a été rattachée à la France depuis Henri IV fondateur de la lignée Capétien-Bourbon... hum et que le souverain absolu ne fait pas tout ce qu'il veut... ;)
Dernière modification par Iris le 26 avr. 2011, 15:10, modifié 2 fois.
Raison : Il fallait que j'ajoute celle-là !!
Meneuse : Ombres d'Esteren | Dragons
Joueuse : /

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