Obsidian a écrit :c'est pas du Z, c'est du trash sans recherche ni amusement ni décalage sympathique.
En même temps, on peut aussi considérer que les épidémies Zombies sont une tragédie et donc ne pas chercher quelque chose qui comporte un décalage, mais vouloir dénoncer toute la noirceur de l'humanité.
Fondamentalement, que racontent les histoires de zombies ?... j'avais commencé à réfléchir sur la question parce que d'un point de vue narratif c'est toujours instructif d'analyser un phénomène culturel massif, comprendre ce qui fascine et accroche (ben oui, une de mes activités pro, c'est quand même d'essayer de créer des histoires, hein !
) ... je ne suis pas au bout, loin s'en faut, de mes notes, et jusqu'ici aucune lecture que j'avais pu trouver ne m'avait pleinement satisfaite. Cependant, quelques éléments sur la guerre totale et les génocides m'ont paru intéressants.
Dumouchel, Paul. Le sacrifice inutile : essai sur la violence politique. Paris : Flammarion, 2011.
La guerre morale n’impose plus une distance culturelle et géographique pour avoir lieu et peut frapper des minorités de son propre peuple. « Le traître est tout à la fois l’ennemi le plus proche, le plus semblable, et le plus lointain, le plus étranger. C’est pourquoi il est aussi le plus dangereux, celui qu’il faut à tout prix extirper si l’on veut réussir à vaincre l’ennemi extérieur. La figure du traître inverse la logique du territoire. Celle-ci plaçait à l’extérieur et au plus loin les ennemis les plus dangereux, contre qui il est loisible d’exercer la violence la plus extrême. Le traître, tout comme la victime du sacrifice […] vient de plus près, […] de trop près. » (p.30) Il en résulte un risque maximal d’explosion de violence incontrôlée.
« Les guerres d’extermination ou d’anéantissement, visent la destruction de l’entité politique ennemie. Leur but est illimité, au sens où aucun gain partiel, aucun avantage particulier ne saurait mettre terme au conflit : seule le peut la défaite totale d’une des parties. Dans une guerre d’extermination, chaque groupe lutte pour sa survie, plutôt que pour un objectif limité ; c’est ce qui explique la « montée aux extrêmes » qui la caractérise. » (p.165)
Dans une lutte contre une épidémie « Zombie », on a les éléments d’une guerre d’extermination contre des individus qui furent des semblables et qui sont désormais une menace pour la survie. L’absence de pitié, l’habituation à la violence extrême et l’impunité dans les zones de combat où il est parfois difficile de savoir si un meurtre a eu lieu pour une raison justifiée ou pour un intérêt particulier, font des combattants, défenseurs de la société, de possibles prédateurs et dangers pour celle-ci.
Alors évidemment, ce sont des prises de notes, donc moi je sais ce que j'ai voulu dire, mais il vous manque quelques éléments pour suivre je pense...
"Guerre morale" : l'auteur, dans la lignée de Clausewitz distingue la guerre d'observation "classique" (= la poursuite de la politique par d'autres moyens ; donc une guerre qui peut être gagnée avec des objectifs limités) et la guerre "morale" (= poursuite d'un objectif idéologique, et donc tendance binaire, victoire totale ou échec total ; les premières qualifiées de la sorte furent les guerres révolutionnaires & napoléoniennes 1792-1815, et le dernier avatar est la guerre contre le terrorisme). On comprend bien que les guerres "morales" sont généralement vouées à l'échec, sauf à exterminer entièrement l'ennemi.
A côté de ça, on a la tendance à la dénonciation de la trahison ... hors le semblable qui devient hostile, c'est ça. Le zombie qui détruit la civilisation est l'archétype de la hantise de la trahison destructrice, avec une impossibilité radicale de communication, de négociation. Tuer ou être tué.
... et on rajoute une couche sur la peur de la transformation, devenir un autre, se perdre, ... et hop, on a un contenu polysémique ...
J'aurais donc tendance à dire qu'une épidémie zombie pose les questions dramatiques suivantes (entre autres) :
-
thème de la trahison :
- les zombies dans l'absolu, puisque représentant la trahison pure, radicale, parfaite
- mais également gouvernement, instances représentant le "Léviathan" (perspective hobbesienne, fin du contrat social, retour à l'état de nature, la lutte de chacun contre tous, l'homme est un loup pour l'homme etc.). Si on est optimiste, on adopte un point vue plutôt inspiré de John Locke (contrat social, oui, mais avec le droit de résistance à l'oppression, et donc si les gouvernants trahissent, on a le droit de les déposer, et de mettre en place un nouveau système social, nouveau gouvernement, nouveau contrat social qui s'installera après la crise) ;
- et puis au milieu de l'histoire, des tas de trahisons qui mettent l'accent sur le choix entre intérêt particulier & égoïste, et l'intérêt général (l'espoir que la société puisse survivre à la crise, voire se régénérer, mais impliquant de lutter pour le bien commun)
Voilà comment je vois le fond d'une histoire de zombie.
Les versions sont d'ailleurs souvent pessimistes, tendance "Hobbes" si j'ose dire : une fois qu'on enlève le vernis social, tout le monde devient un monstre, humain comme zombie. Aucun retour possible à la société, à la civilisation, il n'y a plus que la plus atroce sauvagerie.
Perso, je préfère une ligne plus constructive et donc... l'idée que l'après-crise Zombie puisse devenir un nouveau monde, un peu plus cyberpunk / shadowrun (peut-on vraiment éradiquer à 100% le mal ? ou y'aura-t-il toujours de petite poches de résurgence ? ... le monde après sera nécessairement différent, avec un gros choc démographique, culturel, économique... ), pas forcément plus "mauvais", mais "différent".
... et là en fait, on a tout simplement une base de débat éthique et philosophique qui peut être RP entre les pessimistes et les optimistes réalistes (oui, parce que bon, on ne va pas faire dans l'optimiste béat et niais, il est clair que la situation est mauvaise)... enfin, si vous avez envie de débattre en jeu dès qu'on sera plus en danger de mort !