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Journal de Romen.
Publié : 29 juil. 2012, 11:27
par Maëlys
Je vais essayer de poster les chapitres du Journal de Romen les uns après les autres, ils révèleront peu à peu son histoire, ses sentiments et impressions.
Afin d'avoir une unité globale, je vous prierai de ne pas poster à la suite des chapitres.
Merci
Chapitre I
Je ne sais pas pourquoi j'en viens à écrire sur ce carnet. Peut-être le sentiment d'avoir raté quelque chose jusque là, la piste est froide et je ne réussis pas à retrouver sa trace. Un infime détail aurait-il pu passer à côté de moi ? Sûrement...
Il vaut donc mieux que tout soit consigné.
Je ne lui laisserai aucune chance et je ne trouverai de répit tant qu'il vivra.
A moins que ce simple désir ne soit que le résultat de ces longues semaines sur les chemins, à suivre ce fantôme, je ne m'attarde guère plus d'une journée dans les villes et villages, juste de quoi refaire mes rations et obtenir suffisamment d'informations.
Tout ce silence en devient usant, fatiguant et jusque là je n'ai pas encore pu trouver de personnes avec qui parler franchement de ce qui s'était passé. Je n'ose pas, je ne sais que très bien ce qu'ils en penseront, je connais déjà à l'avance les formes que leurs visages prendront.
Je pensais avoir été formé à bien des choses, mais finalement tout ce que j'ai pu apprendre ne m'aurait jamais préparé à tout ce qui s'est passé et tout ce qui se passera sûrement.
Cela me ronge, certaines nuits je me réveille encore en sursaut, le corps en sueur, le cœur affolé, l'esprit détruit par ces songes qui me dévorent peu à peu. Si seulement tout avait pu se passer différemment...
Et dire que cela fait désormais plus de trois semaines... Et j'ai à peine avancé par rapport aux premiers jours.
Trois semaines, cela semble bien court dans une vie, mais quand je repense à celles-ci, cela me semble tellement, tellement long. Une éternité quasiment tant les choses sont dures à vivre par instant. Néanmoins je me souviens encore avec précisions les premiers jours de cette traque, c'était quasiment six semaines après l’événement, le temps que je puisse au moins me remettre de celui-ci. J'avais décidé de partir vers le Nord, après tout se rapprocher encore plus du Reikland semblait une idée bien étrange, étant donné le nombre impressionnant de patrouilles présentes sur les routes en temps normal. Un village se dressait à une journée et demi de Carroburg, à mi-chemin de Senden, cela semblait un bon point pour commencer.
La route semblait infiniment longue et mon esprit s'était entièrement tourné vers autre chose que ce qui m'entourait, je ne cessais de repenser à mon geste, au sien, à ce qui en avait découlé, j'étais comme plongé dans une torpeur dont je ne trouvais aucune solution. Je ne sais pas quelle bénédiction était posée sur moi pour que rien ne m'arrive au cours du chemin.
A dos de cheval, toutes mes douleurs revenaient mais sous une autre forme, tiraillant chacune des parcelles de mon torse et du reste de mon corps, ce n'était plus cette souffrance localisée, mais cela suffisait pour laisser celui-ci aussi dévasté qu'un champs de ruine.
Enfin, je fus en vue de ce village de deux cent ou trois cent âmes, la nuit était déjà en train de renforcer son emprise dans le ciel, plongeant cette ville bordée par la forêt dans une atmosphère étrange et effrayante, chacune des maisons étaient encore illuminées par les derniers rayons du soleil, teintant de rouge chacune des structures.
J'étais fatigué, à bout de force, la douleur lancinante continuait d'irradier de mon torse, je me dirigeais donc vers la plus grande bâtisse du village, qui devrait sûrement remplir la fonction d'auberge. Je n'aspirais qu'à une bonne nuit de sommeil, reposer mon corps endolori voir même ravagé. Mais comme toujours, cela se passa bien différemment. À peine étais-je entré qu'un silence de plomb s'était abattu dans la pièce. Tous s'étaient tus, me regardant avec insistance. Ma gorge se serra, je pris finalement une longue respiration et m'approchait du tenancier pour obtenir une chambre et un bon repas.
Je réussis à avoir les deux sans trop de soucis, même si j'avais trouvé l'opulent homme fort cérémonieux sans que je sache pourquoi, me saluant à coup de Monseigneur et autres termes.
Ce que j'avais oublié par contre, c'était les effets de l'alcool, maudite substance qui délie les langues et qui transforme l'homme le plus morose et malheureux en joyeux luron. Je m'étais donc retrouvé à peine une heure plus tard à raconter mon histoire à ces hommes et de proposer de l'argent pour quelques informations. Je ne me souviens pas très bien ce qui s'est passé par la suite, mais j'en ai tiré une leçon... D'une part ma bourse s'en est retrouvé très fortement diminuée, sans que je ne sache rien de plus, et d'autre part quoique l'alcool m’ait fait oublié, le visage de ces hommes restera gravé dans ma mémoire. Leur pitié, je ne leur faisais éprouver que de la pitié à mon égard, ainsi qu'une étrange expression que je ne réussissais pas à comprendre.
Mais dès le lendemain matin, les regards lourds de sens n'avaient pas tardé à apparaître. Je n'étais plus le bienvenue par ici, sans que je ne comprenne exactement pourquoi.
J'avais remis mes vêtements de route, raidis par le voyage, mais d'une qualité qui marquait indéniablement mes origines et mon appartenance à ce monde, ce qui finalement devait être à l'origine du silence lors de mon arrivée ainsi que des manières du tenancier, puis m'étais dirigé vers la sortie Nord sous le regard de nombre d'entre eux.
A quelques centaines de mètres de la sortie du village, un jeune homme, à peine plus jeune que moi, était néanmoins adossé à un arbre, attendant vraisemblablement quelque chose. Dès que je fus à sa hauteur, il me héla, s'approcha puis se présenta sous le nom d'Alfred, le plus jeune fils de l'aubergiste du village. Je dois avouer que je ne me serai pas arrêté si il ne m'avait pas parlé d'un étrange homme qui était passé par ici il y a près d'un mois et demi. Je fis stopper immédiatement mon cheval, avant de vider les étriers et d'entamer la discussion avec lui.
Après quelques pièces d'une valeur pas si insignifiante que ça, il me confia que l'homme que je recherchais partait aux dernières nouvelles vers Breuna. Il s'agissait selon lui d'un brigand qui passait à l'occasion par le village pour se ravitailler avec certains de ses hommes de main, certains murmuraient par instant son nom dans l'auberge, Lorenz. Un visage que je pouvais désormais associer à un nom. Un seul prénom mais une piste qui pouvait être suivie maintenant.
Re: Journal de Romen.
Publié : 29 juil. 2012, 13:13
par Maëlys
Chapitre II
Les semaines avancèrent, j'avais tiré des leçons de ce qui s'était passé dans le premier village et donc mes anciens vêtements riches et flamboyants furent échangés contre des des vêtements de voyage de bonne qualité, afin de ne plus me faire assimiler aux bourgeois de ce monde. La seule chose qui semblait étrange aux villageois était que je voyage ainsi seul alors que l'hiver approchait de plus en plus, seul avec mon cheval, sans mule de bât.
Au fur et à mesure des villages, je créais une histoire à laquelle je croyais de plus en plus afin de justifier cette recherche. Même si je me rendais compte que je me mentais à moi-même, cela n'était pas important, tout ce qui l'est, c'est de le retrouver lui et d'enfin pouvoir lui faire payer...
Peu à peu, les villages et villes défilèrent, tout comme la richesse que j'avais emmené avec moi. Mais son avance diminuait, aux dernières nouvelles il était avec sa bande sur la route de Bröckel, avec à peine trois semaines d'avance. C'était très loin, mais la route jusqu'à là-bas était on ne peut plus directe, n'offrant bien peu de bifurcations.
Pour chaque information, je laissais quelques pistoles ou sous pour peu qu'elles me semblent fiables.
Et pendant quasiment un mois et demi, la chance m'avait souri. Mais depuis peu, tout semble contradictoire, j'ai perdu le temps que j'avais gagné, les souvenirs sont aussi froids que la piste. Plus personne ne semble avoir entendu parler de cet homme.
Re: Journal de Romen.
Publié : 29 juil. 2012, 13:16
par Maëlys
Chapitre III
Dix nouvelles semaines se sont écoulées, cela fait désormais près de quatre mois que j'ai quitté Carroburg. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais écrire dans ce carnet me fait de plus en plus de bien, comme si cela me permettait d'alléger ma conscience. Je m'en veux tellement de ce que j'ai fait. Si cela s'est passé ainsi, c'est uniquement de ma faute car je me croyais si fort, si expérimenté alors que ce n'était qu'une illusion, je n'étais et je ne suis toujours pas une telle personne.
Je ne suis qu'un jeune homme né il y a de cela 24 ans dans la ville de Marxheim.
Je ne doute pas que certains diront que dès ma naissance, j'avais été destiné à de grandes choses, après tout selon eux toute personne naissant noble est destiné à de grandes choses. Mais quand je pense à de telles paroles, je ne peux que essayer de les réfuter avec ardeur. Je ne suis que le fils puîné du seigneur des lieux, un second fils qui n'apporte rien de plus par rapport au premier. Dès mon plus jeune âge, cela s'en était ressenti dans mes relations avec mon père, nous avions des rapports courtois mais rien de plus, il gardait toute son attention et sa fierté pour mon frère, Alarich.
Néanmoins je ne devais pas déshonorer la famille, j'ai donc pu apprendre tout les coutumes et us par un précepteur. Un homme ne se différencie d'un autre que par son attitude qui découle de son éducation.
Alarich a cinq ans de plus que moi, un grand frère destiné à de grandes choses tel que reprendre le pouvoir familial par la suite. De même ma petite sœur, Sidonia, qui naquit deux ans après moi, était aussi destinée à de grandes choses, mais tout cela je ne l'avais compris que bien tard alors que mon adolescence était déjà bien avancée.
J'en étais donc resté à mes rapports courtois avec mon père, à vrai dire je n'en pris pas conscience avant ce même âge, jusque là j'étais bien trop occupé à essayer de l'impressionner par quelques moyens pour attirer son attention loin de mon frère. Cet aîné qui passait tant d'heures avec nôtre père, devisant jusqu'à des heures avancées de la nuit. Celui-là même que je ne pouvais qu'envier tant notre père s'occupait de lui alors qu'il me délaissait...
Mon précepteur était et restera toujours un vieil ami de mon père, un Estalien qui s'était arrêté pour je ne sais quelle raison en cette demeure et n'en bougeait plus depuis plus de quinze ans. Il avait entre la quarantaine et la cinquantaine, je n'ai jamais su tant le temps ne semblait pas avoir prise sur lui.
Il ne me demandait pas tant de choses que ça si ce n'était de l'attention et de la rigueur, ainsi que le fait que je l'appelle Maestro, là où mon père pouvait l'appeler Orazio ou Diestro.
Au fil des années, il m'apprit bien des choses sur le monde, l'histoire, les sciences, l’arithmétique, la géométrie, l'astronomie ou bien même encore l'étiquette et toutes ces habitudes du monde de la noblesse, même si il ne semblait pas appartenir à cette même noblesse. Je ne pouvais qu'être subjugué par la quantité de connaissances qu'il détenait et dont il n'essayait jamais de faire étalage comme bon nombre d'amis de mon père, malgré tout ce qu'il savait il était simple et heureux dès qu'il pouvait jouir des choses les plus simples tel que un bon repas, du soleil, une agréable compagnie ...
Même si je ne m'y intéressais pas tant que ça, ses cours portèrent leurs fruits, faisant de moi un jeune homme éduqué et civilisé selon les canons de la noblesse, bien que certains critiquaient légèrement mon parler avec son léger accent, comme si je ne venais pas de la région. Ce que je me privais de leur dire, c'est que ce petit accent que le Maestro avait fait naître était pour moi une vrai bénédiction qui me différenciait si simplement de mon frère et ma sœur, j'avais certes leur sang mais eux jouissaient d'un statut particulier par rapport à moi, et cette simple intonation dans ma voix faisait ma fierté et me donnait ma touche « d'exotisme » personnelle.
Néanmoins ce dont je lui suis le plus reconnaissant, ce fut mon instruction martiale qui commença dès mes 16 ans, après tout l'art de l'escrime ne s'apprend pas tout seul. Il faut certes manier une arme, mais le faire avec élégance et intelligence dans un style toujours plus flamboyant et selon les règles en vigueur.
Dès qu'il me mit une arme dans les mains pour la première fois, notre relation changea brusquement. Ce n'était plus un homme simple et posé qui parlait et m'inculquait des connaissances, mais également un soldat accompli je dirais. Il s'évertua à m'enseigner toute la noblesse de son art, l'escrime.
Pour sa part, il manipulait principalement des rapières ainsi que des fleurets voir même des épées mais rien de plus lourd, même si après coup je ne me demande s'il n'était pas capable avec beaucoup plus d'armes... Et c'est donc naturellement qu'il me proposa ces mêmes armes. Rapidement, j'en vins à en choisir une, la rapière.
A vrai dire, je ne pensais pas au début que j'aurai pu tant me passionner pour une telle pratique, mais comme je l'ai écrit avant, cela a clairement changé ma vision des choses. L'homme qui m'instruisait devint brutalement un maître et compagnon d'arme, un ami lorsqu'il parlait à cœur ouvert avec moi, un adversaire par instant.
En peu de temps, je me mis à me lancer corps et âme dans cette pratique, allant même jusqu'à négliger les autres enseignements du Maestro (ce qui me valut à plusieurs l'occasion de voir le cours d'escrime annulé pour reprendre des leçons précédentes), ainsi que les contacts que je maintenais avec les rares personnes que je pouvais qualifier d'amis ou de connaissances.
Auparavant j'avais cherché à impressionner mon père avec mes connaissances, mais celui-ci y était insensible, alors j'avais jeté ce besoin de reconnaissance sur l'Estalien, de façon à être son digne élève.
Bien sûr j'en parle désormais comme si cela avait été facile, mais la réalité en était bien lointaine et cela était dû en grande partie à moi. Aux premiers instants, je n'avais pas cherché à le contrarier, rien ne m'aurait plus déstabilisé que de perdre ces moments d'évasion et d'indépendance, mais j'étais mal à l'aise avec le port d'arme qu'il me demandait, ainsi que de bien d'autres choses, j'avais beau mettre toute la volonté du monde dans ce qu'il m'enseignait certaines refusaient de rentrer, je ne voyais pas ce qu'il voulait m'expliquer, n'en comprenait pas le principe et tant d'autres éléments.
Au cours des jours, il me semble qu'il remarqua peu à peu ce malaise, car après tout bien peu de choses passaient à travers les mailles de son attention, et un jour il me lança par surprise une des épées d'entraînement. Instinctivement, je la pris de la main gauche, ce qui lui tira un de ses rares demi-sourires avant qu'il n'ajoute :
« Eh bien, on dirait qu'on va avoir plus de travail que prévu... »
Et c'est vrai, il y eu beaucoup plus de travail que prévu car le fait que je sois gaucher de main d'arme et que lui soit droitier ralentissait d'une part son enseignement et d'autre part mon apprentissage. Les mouvements étaient plus durs à réaliser contre un adversaire de main opposée et les techniques pour rendre l'escrime belle à regarder en demeuraient par moment impossible...
Pendant plus de trois mois nous nous escrimâmes à m'inculquer les bases, mais bien que je sois des plus attentifs les progrès étaient minimes et ridicules au plus grand désespoir de nous deux.
Puis un jour, lors d'un entraînement, il s'exclama d'une voix forte et enjouée « Mais oui bien sûr ! Pourquoi n'y avais-je pas pensé avant ! » avec son accent du Sud si caractéristique. Il s'en alla sans rien dire d'autre vers ses appartements pour ne revenir qu'une bonne demi-heure plus tard avec un ouvrage relié sous le bras, il me fit signe de le suivre dans une salle puis me dit :
«Je me souviens de l'époque où je vagabondais à travers les territoires Estaliens en quête de savoirs et d'adversaires... J'avais rencontré un jour un escrimeur inconnu mais qui m'avait absolument subjugué par sa maestria, après m'avoir vaincu nous avons longuement devisé tous les deux et il m'a confié la source de son savoir.
Un art qu'il nommait lui-même Verdadera Destreza et qu'il avait appris dans un ouvrage rare, livre que tu vois désormais devant toi.
J'ai moi-même appris pendant quelques temps cet art, dans l'espoir de pouvoir l'ajouter à mon panel de techniques, mais c'est un art trop singulier qui ne peut être employé avec d'autres. Il a ses propres caractéristiques qui ne peuvent être négligées.
Néanmoins avec toi, je pense que cela serai bien plus facile. Je pense justement à ceci car mon adversaire en cette époque lointaine était lui-même gaucher et m'avait surpris par ses techniques et feintes... »
Ce qu'il ne m'avoua pas directement, c'était que le fameux ouvrage était écrit en Estalien... Langue que je ne maîtrisais pas du tout, mon précepteur et compagnon d'arme devint donc en plus un professeur de langue qui m'inculqua les bases d'estalien afin que je puisse comprendre le compendium. J'aime à me dire que je suis capable de comprendre cette langue mais en réalité je n'ai que de bien piètres bases...
Peu à peu, je mis donc en pratique cet art que j'appris par fraction en même temps que mon maître se remémorait de ce qu'il avait apprit. C'était infiniment plus dur à appréhender et réaliser que les pas de bases de l'escrime commune mais cela vint peu à peu. Les déplacements furent le plus difficiles je pense. Il fallait supprimer tout les mouvements rectilignes pour ne voir que des cercles à ne pas dépasser et à tracer autour de soit, de même l'espace autour de soit n'est constitué que de sphères et quadrants à protéger et fendre.
Comme il me le disait si souvent, cet art est tellement différent de l'escrime classique où l'on se contente de se ruer sur l'adversaire en espérant le toucher. Avec la Destreza, il faut se jouer de lui, esquiver et parer ses coups, se déplacer autour de lui continuellement, se rendre aussi insaisissable que le vent, le pousser à la faute et dès qu'elle se présente s'engouffrer dedans pour vaincre.
Mais bien plus que ça, la Verdadera Destreza est un état d'esprit. L'escrime n'est rien sans les connaissances théoriques qui l'accompagnent, qui portent certes sur les armes et les autres styles, mais également sur des sujets bien différents comme la géométrie, la philosophie, le sens de l'honneur ou encore l'art de lire les mouvements de l'adversaire, négliger la théorie est tout aussi fatal que de négliger la pratique, l'un n'est rien sans l'autre.
Il s'agit d'un art logique qui repose sur les mathématiques et la géométrie Et je dois avouer que cet état d'esprit et cette logique étaient bien plus proche de moi que ne pouvaient l'être les enseignements martiaux purs et durs.
Les mois passèrent et tout ces enseignements portèrent leurs fruits, faisant de moi un escrimeur au style que j'adorais me dire si surprenant et flamboyant.
L'ardeur que j'éprouvais pour l'escrime ne s'en était pas allée mais j'avais appris par bien des manières à faire la part des choses, la Destreza était certes une passion et un art mais je me mis à revoir plus souvent mes amis que j'avais laissé de côté bien trop longtemps. Nous nous retrouvâmes tranquillement et heureusement je dois l'avouer ils ne m'en voulurent pas.
En même temps, mon désir de perfectionner toutes mes connaissances se renforça peu à peu, au point de ne plus négliger aucun des enseignements de mon mentor.
Re: Journal de Romen.
Publié : 11 août 2012, 01:40
par Maëlys
Chapitre IV
Je n'avais pas osé écrire dans ce carnet depuis plus de deux semaines, c'est étrange comme par instant la vie semble dénuée d’événements et qu'à d'autres instants tout ceux-ci se condensent en si peu de temps.
Tout d'abord, une violente fièvre s'est emparée de moi il y a de cela dix jours, j'ai eu de la chance d'être à proximité d'une ville lorsque mes forces arrivaient presque à bout. En bien des choses, celle-ci était semblable à celle des mois précédents, sûrement de la même origine car même si cela fait plus de quatre mois et demi, les traces de sa forfaiture sont toujours aussi présentes, certes un peu plus nettes mais présentes quand même. Par instant, je commence à me dire que je ne pourrais jamais m'en débarrasser dans l'avenir...
J'avais juste eu le temps de m'affaler contre une porte avant que la fièvre n'emporte ma raison, à mon réveil quelques deux journées plus tard, j'ai pu découvrir qu'il s'agissait de la demeure d'une veuve. Elle s'était occupée de moi comme elle se serai occupé d'un fils, surveillant ma température et me nourrissant, sans que je ne lui ai rien demandé. Néanmoins, à son air grave, j'avais pu deviner dès mon réveil qu'elle devait savoir... Avant même que je n'ouvre la bouche, elle m'avait répondu avec son air désolé :
« La fièvre nous fait dire bien des choses, pour l'instant repose-toi c'est uniquement ce dont tu as besoin, nous parlerons plus tard. »
Complètement exténué, je n'avais pas osé la contredire et laissais donc mon corps se reposer. Quand j'y repense désormais, il me semble m'être entendu à plusieurs instants lors de mon épisode de fièvre, de rares instants de lucidité qui me permettaient de prendre mesure de toute la folie qui s'échappait de ma bouche lors de ma faiblesse. Je n'ose imaginer exactement ce qu'elle a pu entendre en s'occupant ainsi de moi, j'espère juste ne pas avoir livré jusqu'au fond de mon âme ce qui me tourmente tant.
J'étais resté deux autres journées chez cette femme dont je ne connais toujours pas le nom ni le prénom avant d'avoir récupéré suffisamment de force.
Et quoiqu'elle m'ait dit lors de mon réveil, nous ne parlâmes pas, elle me laissa uniquement dans mon abîme de réflexion.
Puis lorsque vint enfin le moment de partir, elle me prit totalement au dépourvu. Alors que je m'attendais entièrement à ce qu'elle demande de l'argent, elle passa uniquement sa main ridée sur mon visage en ajoutant :
« - Renonce tant qu'il en est encore temps, rentre chez toi et refait ta vie. Tant d'autres choses peuvent t'attendre.
-Vous savez très bien que je ne peux pas, je le lui dois...
-Tu pourrais uniquement si tu te pardonnais »
L'univers s'était assombri d'un coup, ce qu'elle me demandait je savais très bien que je ne pouvais jamais lui accorder, à elle ni à personne d'autre. Quoique l'on fasse pour moi, je ne pourrais jamais renoncer. Pas après ce qui s'est passé. Étrangement, ce qu'elle me dit me sembla étonnement proche de la demande émise il y a près de six mois. Ne pas le pourchasser, juste reprendre la vie comme elle vient... mais eux ne savaient pas tout, ils ne savaient pas que je ne pouvais pas rester auprès d'eux sans repenser à tout ceci nuits et jours, mettant mon âme toujours plus à vif.
« -Je ne peux pas... Je ne pourrais pas... »
Je lui fis donc mes adieux, laissant quelques unes de mes rares pièces restantes, avant de tourner le dos à cette femme.
Alors que j'allais perdre de vue sa maisonnette, elle me héla puis me rejoignit :
« -Cela me rappelle tellement mon fils parti il y a de cela 15 ans... Désormais il a rejoint ses ancêtres. Faites attention à vous, je ne voudrais pas vous retrouver comme lui. Au fait, vous pouvez passer par l’appentis à côté de l'auberge, votre cheval y est. Et si vous continuez sur la route de Bröckel, vous devriez parler un peu avec Keran, il s'occupe de l'écurie du prochain village sur cette route, on ne sait jamais cela pourrait être intéressant. »
Juste avant de me dire adieu, elle me serra tendrement les mains avec ses toutes petites quenottes, comme une mère aimante l'aurait fait à son fils qui partait pour la dernière fois, puis elle quitta ma vie tout aussi brusquement qu'elle y était entrée.
Elle fut, je dois l'avouer, une apparition étrange dans ma vie, à tel point que des fois je me demande si je ne l'ai pas rêvée.
Je continuais donc sur la route de Bröckel comme précédemment et fit halte dans le petit village comme elle me le conseilla, ce qui m'amène au deuxième point.
Ce petit village, je n'ai même plus souvenir de son nom. Je vois à peu près où il se situe mais son nom m'échappe totalement même si j'aurai dû m'en souvenir pour y repasser plus tard. Quoique, les chances qu'il s'y trouve encore sont tellement faibles...
J'ai donc pu rencontrer le Keran dont la vieille femme m'avait parlé. C'était un bonhomme qui ne payait pas de mine, avec son ventre rebondi, sa grande moustache poivre et sel ainsi que ses quelques derniers cheveux grisonnants menant bataille en haut de son crâne dégarni. Dès le premier instant, il ne me plut guère, je ne peux expliquer comment mais j'avais le sentiment...
Il m'accueillit avec chaleur dans son « humble écurie », où un nombre étonnement important de chevaux vu la taille du village étaient parqués.
« Alors que puis-je pour vous, voyageur qui venez voir mon commerce ? Je ne pense pas que vous ayez besoin d'un autre cheval et celui-ci m'a l'air au premier coup d’œil en parfaite forme ! »
J’hésitais l'espace d'un instant, juste avant qu'il n'ajoute :
«-A moins que quelqu'un ne vous envoie ?
-Lorenz, répondis-je sans hésiter, ne sachant sous quelle folie je prononçais son nom. »
Il hésita plusieurs secondes, me détaillant des pieds à la tête, regardant avec insistance mon arme passée à la ceinture. Je me contenais pour essayer de conserver le même visage lorsqu'il poursuivit :
« -Ah, venez donc un peu derrière avec moi. Vous avez fait une jolie prise on dirait, une très belle bête... On part donc sur le prix habituel ? Même si celui-ci mériterait plus je dois l'avouer. »
Il le connaissait donc, il devait bien le connaître pour traiter ainsi sans rien demander de plus. Mon cœur se serra quand je pensais qu'il rachetait ainsi les chevaux et autres prises que ce brigand de grand chemin volait aux personnes.
Je suivis lentement le vieil homme dans son écurie, menant par la longe d'une main mon cheval.
Il rentra dans une pièce juste devant moi et se retourna soudainement devant moi, une dague pointée vers moi, me menaçant avec la lame.
« Qui êtes-vous ?! Lorenz est déjà passé, et vous venez de l'ouest ! Il ne laisse jamais d'hommes derrière lui ! »
D'un mouvement rapide, je fis un pas en arrière tout en dégainant ma rapière d'un geste précis et rapide. En un instant, la pointe de la lame se trouva sous sa gorge. Un mouvement simple, rapide, gracieux et extrêmement efficace comme bien d'autres que le Maestro m'avait enseigné.
Je le repoussais lentement dans la pièce de la pointe de l'épée puis le fit asseoir sur la chaise, un léger sillon de sang suintait déjà de son cou. La vue du sang fit courir un sentiment de peur dans mon cœur, mais bien rapidement il fut refoulé par le besoin de connaître tout de ma proie :
«-Qui je suis n'est pas important mais toi tu vas me dire tout ce que tu sais de Lorenz si tu tiens à la vie, car je n'hésiterai pas un seul instant à plonger ma lame dans ta gorge. Et surtout, n'y pense même pas, dis-je en le voyant glisser une main discrètement dans son dos.
-En même temps, si je ne vous dis rien vous me tuerez, mais si je dis quelque chose je n'y gagnerai que la vie sauve mais un ennemi qui sait exactement où me trouver... Je ne vois pas trop ce que j'ai à y perdre.
-La vie, à tout hasard, ajoutais-je d'une voix qui me semblait sarcastique
-Quitte à risquer ma vie, je préfère autant le faire pour un peu d'argent. Je parlerai à une seule condition...
-Je ne négocie pas avec toi, je ne t'offre que la vie sauve si tu me dis tout
-Le cheval, vous me le vendez, vous en tirez un bon prix et moi je m'en vais d'ici et vous saurez tout. »
Discuter avec l'homme avait déjà entamé ma volonté de lui faire du mal, mais ma jument, je ne pouvais m'y résoudre, il s'agissait du deuxième que mon père m'avait offert, une jeune pouliche à cette époque là qui désormais avait cinq ans. Ce n'était pas mon préféré mais elle avait un sacré caractère et depuis que j'étais parti sur les routes, il s'agissait en quelques sortes de mon confident.
Je me fis hésitant l'espace de quelques instants puis finalement acquiesçais.
J'en tirais une bonne somme qui regonfla ma bourse qui se vidait de mois en mois mais j'y perdais une bonne bête qui m'avait mené déjà bien loin.
Même si ce n'était qu'une question de temps avant que je ne doive m'en séparer car entretenir un cheval coûte cher et attire bien des convoitises, je ne le fis qu'à contrecœur.
Mais quand je repense désormais aux informations que l'homme me livra, j'aurais mieux fait de l'entailler un peu plus profondément et de repartir avec mon fidèle destrier quitte à le revendre après auprès d'un meilleur homme...
Me voilà donc désormais sans cheval, continuant lentement à pied ma route vers le Nord afin de débusquer l'homme responsable de toute mon horreur.
Re: Journal de Romen.
Publié : 11 août 2012, 12:19
par Maëlys
Chapitre V
Quelques jours se sont écoulés depuis que j'ai dû me séparer de ma jument et je dois avouer que la vitesse à laquelle j'avance est bien plus faible. Il m'a fallu au moins trois fois plus de temps pour rallier le village suivant par rapport à ce que le trajet à cheval m'aurait demandé...
Plus j'y repense, plus j'ai envie de rebrousser chemin pour la récupérer. Mais, au fond de moi je sais très bien que lorsque j'arriverai le bâtiment sera déjà froid depuis longtemps.
Je continue donc ma route inlassablement, afin de rejoindre le plus rapidement possible cette ville qui me semble de plus en plus loin alors que je m'en approche d'heures en heures...
La dernière fois, je m'étais arrêté aux alentours de mes 18 ans.
J'étais à cette époque un jeune homme bien dans sa peau, fier de ce qu'il était, fier de ce qu'il savait faire, fier de beaucoup de choses, et sûrement trop même. J'avais ce statut si particulier, l'indifférence de mon père faisait que je n'étais contraint à rien. Je pouvais faire ce que je désirais tant que je n’entachais pas le nom de la famille ou ratais des enseignements du Maestro.
Quand j'y repense désormais, je me demande des fois si j'ai réellement profité de cette période...
Je me souviens que j'attendais avec impatience de savoir ce que mon père ferai de moi. Après tout, Sidonia avait été promise deux ans plus tôt, alors qu'elle n'avait que 13 ans à un fils d'un noble d'une cité proche, quant à Alarich, Père lui faisait rencontrer depuis déjà quelques années plusieurs autres familles, sans pour autant en choisir une. Lorsque je m'en étais ouvert avec le Maestro, il m'avait répondu avec un haussement d'épaules en émettant l'hypothèse qu'il ne prendrait peut-être femme qu'une fois à la place de Père...
Mais mois après mois, rien ne vint, j'étais toujours en train d'apprendre, de m'entraîner, de continuer cette vie qui en devenait lassante par instant.
Je ne comprends toujours pas pourquoi il a autant attendu, à cette époque là, je me souviens que j'avais émis l'éventualité qu'il trouvait que je ne représentais pas assez notre famille, tant j'étais différent de mon frère et ma sœur. J'avais beaucoup plus hérité de mère qu'eux. Ils partageaient tant de points communs sur le point de vue physique, et mental aussi. La ressemblance en était tellement frappante entre père et Alarich, qui selon les dires de certains auraient pu être confondus s'ils n'avaient pas 25 ans d'écart.
Pour ma part, j'adorais ce que mère m'avait légué, tant le caractère et que le physique. Nous passions souvent du temps ensemble, parlant, plaisantant également par instant. Il lui arrivait même de venir avec une ou deux de ses dames lorsque je m'entraînais avec l'Estalien dans la cour. L'escrime ne semblait pas trop lui plaire, mais elle restait quand même, nous regardant moi et mon maître avec intérêt. Par instant, il me semblait même qu'elle le regardait... étrangement, je ne saurais dire comment exactement, et il semblait le remarquer et lui renvoyer son regard chaque fois.
Lorsque je lui posais la question, il me répondait juste que cela faisait un peu moins de 20 ans qu'ils se connaissaient et donc que c'était totalement normal.
De même, je m'étonnais parfois de trouver des caractéristiques du Maestro chez moi, enfin c'étaient surtout mes amis qui m'en parlaient, autant sur le point de vue de la psychologie cela me semblait normal car après tout il m'avait formé depuis mon plus jeune âge, autant sur le point de vue physique cela m'intriguait par instant. Mais bon, vu que je suivais le même entraînement que lui, cela devait être normal...
Désormais, son souvenir est un peu trop lointain pour que je continue à me poser ce genre de questions.
C'est étrange comme le simple fait de me mettre à écrire dans ce carnet permet d'éloigner tout ce qui surgit dans mon cœur en temps normal, la peur n'est plus là, la haine commence à se dissoudre, la rancœur disparaît peu à peu.
Par moment, une vague de nostalgie me prend, j'ai l'envie de rebrousser chemin, de retrouver les miens, reparler avec le Maestro et faire tant d'autres choses normales. Mais elle disparaît juste après car d'autres souvenirs resurgissent, me rappelant ce que j'ai fait, me rappelant que plus rien ne sera pareil, que désormais elle n'est plus là...
Re: Journal de Romen.
Publié : 19 août 2012, 10:13
par Maëlys
Chapitre VI
Une nouvelle semaine s'est écoulée...
Je ne sais dire pourquoi, mais j'ai l'impression que l'homme que je cherche est depuis peu un fantôme. Quoique je fasse, plus personne ne semble le connaître.
Cela fait désormais trois jours que j'ai rejoint Bröckel et la trace s'arrête net ici, comme si il n'avait jamais mis les pieds dans cet endroit alors que tout ce que j'avais appris jusque-là me mène ici...
J'ai beau avoir questionné des dizaines de personnes, voir même graissé la main de certains d'entre eux, rien ne vient.
Ma motivation qui déjà avait été entamé par la perte de ma jument ne s'améliore guère. Mes pensées ne cessent de divaguer vers Ilena, vers notre bonheur passé, vers la vie que l'on aurait pu mener ensemble. Je me retrouve même à avoir envie de rentrer par instant, même si je sais que c'est strictement impossible...
Je venais d'avoir 20 ans depuis quelques semaines lorsque Père me fit mander un soir dans son bureau de travail, il s'agissait de sa pièce personnelle, où je n'étais jamais entré par le passé. C'était dans cette pièce où il parlait tant avec Alarich...
L'heure venue, je vins le rejoindre. Je ne dirais pas que j'étais entièrement tranquille lors de ma venue mais grâce à ce que m'avait appris le Maestro je réussis à maîtriser mes sentiments.
À peine étais-je entré qu'il attaqua le vif du sujet et ses paroles restent encore scellées dans ma mémoire :
« Mon fils, je suis tellement fier de ce que j'ai réussi à faire de toi...
Tu as tant de qualités, sûrement plus que ton frère ou ta sœur, et pourtant ils en ont beaucoup !
J'ai reçu ce matin une demande d'une de mes vieilles connaissances, une demande te concernant. Un de ses amis est passé ici il y a de cela plusieurs mois et on peut dire que tu l'as impressionné, je ne sais pas comment mais il a été impressionné par toi, ça c'est sûr !
En tout cas, Herr Rodrik Frischholz de Carroburg qui est un des plus puissants marchands de cette ville m'a demandé d'unir nos familles par le sang et je compte bien accepter !
Ah, Romen, vraiment je suis tellement fier de ce que j'ai fait de toi. Je me demande toujours par instant pourquoi ta mère a tant voulu que tu portes ce prénom... Mais par Sigmar, il te correspond si bien, un jeune homme vigoureux, intelligent et avec un tel charisme !
J'espère que tu porteras notre nom avec fierté là-bas, tout comme nos intérêts ajouta-t-il à voix plus basse.
Maintenant laisse-moi, j'ai à faire, je dois commencer à m'organiser pour tout ceci.. »
Sans ajouter un mot, j'étais reparti de la pièce, le cœur infiniment plus lourd que lorsque j'étais entré et la tête pleine de questions et de contradictions.
Je m'en étais ouvert quelques heures après avec le Maestro, qui était depuis plus de quatre ans mon confident. Il avait aussitôt prit son air sérieux, marchant d'un pas décidé d'un bout à l'autre de la pièce. Au bout de plusieurs minutes, il me donna enfin sa réponse :
« Tu ne te sens peut-être pas prêt mais en tout cas tu ne peux pas rester à sa charge toute ta vie. S'il t'a dit tout ça, c'est sûrement qu'il le pensait non ? Il n'avait peut-être juste pas le temps d'être avec toi. En tout cas, il a sûrement trouvé ce qui était le mieux pour toi. Je connais ton père depuis longtemps après tout, tu peux me faire confiance, prends la pour femme, et soit heureux.
Je suis sûr qu'on pourra même t'accompagner la première fois que tu iras là-bas, ta mère et moi, et qui sait peut-être ton père aussi. »
Mais je ne sais pas pourquoi, je sentais dans sa voix autre chose. Une petite note différente par rapport à l'habitude... Comme si il me disait quelque chose mais pensait autrement...
Re: Journal de Romen.
Publié : 25 août 2012, 10:13
par Maëlys
Chapitre VII
Les deux semaines passèrent bien rapidement. Peu à peu, je sentais venir la funeste échéance. Mon seul désir était que l'un des deux hommes vint me voir un soir pour m'annoncer que tout ceci avait été fait pour mesurer à quel point je tenais en estime l'honneur de ma famille, que je comptais l'honorer... Mais rien ne vint, j'étais toujours promis à une femme que je n'avais jamais vu de ma vie, une femme qui sûrement ne savait rien de moi,
qui ne partageait strictement rien avec moi.
Pour la première fois, je sentis la colère monter en moi, comme si une injustice avait été commise, je ne pouvais être voué à juste accorder un marché intéressant à mon père, j'étais son fils, son sang, le fruit de sa chair, tout comme le fruit de ma mère qui est aussi noble, de tels enfants ne pouvaient pas être voués à juste donner un titre à de simples marchands..
Je me permettais de ne pas me présenter aux enseignements du Maestro, préférant descendre dans les campagnes environnantes, à cheval ou à pied, pour rencontrer les gens des villages. Tout ce qui m'avait été appris n'aurait servi à rien si je me mariais à une fille de marchands, j'allai me retrouver cloîtrer dans une demeure à devoir faire de l'arithmétique du matin au soir pour gérer un commerce. Tellement loin, si loin, de la vie que je m'imaginais. Moi qui rêvais des histoires que me contait Orazio sur sa jeunesse, ses pérégrinations en Estalie, ses combats fantastiques contre d'autres maîtres d'armes, moi qui rêvais de pouvoir vivre un jour ces histoires moi-même...
Être sur les routes, protéger hommes et femmes des brigands et mercenaires, être reconnu comme Romen le digne fils du baron de Marxheim, être un modèle pour les plus jeunes...
Quand j'y repense, je trouve ces désirs de jeunesse de plus en plus fous et irréalisables, mais j'étais jeune et insouciant, je croyais que j'allai devenir ce genre de personne.
Malheureusement même si je parvenais à esquiver un certains temps mon précepteur, mes parents, mon frère, ma sœur ainsi que les hommes que mon père envoyaient pour me chercher, ils ne tardaient pas à me retrouver au bout de quelques heures tout au plus pour me ramener derechef au logis familial, ces quelques heures de pure liberté dont je pouvais difficilement jouir et où je laissais mes pensées divaguaient.
Des dizaines de fois, je m'étais imaginé milles et unes façons de me dérober à ma future vie mais je n'étais pas une jeune femme, je ne pouvais jeter l'opprobre sur une union en me donnant à quelqu'un avant le mariage, de même je ne pouvais commettre d'impair vis à vis de ma future famille car je ne les rencontrerai que lors de cette maudite cérémonie, il ne me restait que la possibilité de dire non lors de celle-ci mais je n'osais imaginer les conséquences d'un tel acte...
Voilà donc les idées qui hantaient mon esprit lors de ces deux semaines avant que notre départ soit annoncé. En y repensant désormais, je me dis que je n'aurai jamais dû avoir tels idées tant ce que j'ai vécu en valait la peine, mais j'étais tellement jeune et effrayé par cette vie rangée...
Finalement, l'échéance arriva. Un matin, Maestro vint me chercher dans mes appartements.
Cela faisait déjà plusieurs jours que toutes mes possessions avaient été rassemblées et préparées pour le voyage mais j'étais tout sauf prêt pour ma part.
Quelques heures plus tard, nous étions en route vers Carroburg. Un court voyage, tout au plus d'une semaine vu que nous emportions avec nous beaucoup d'affaires. Dès les premiers instants, je me souviens que je sortais la tête de la carriole pour regarder mon foyer qui s'éloignait lentement mais sûrement de moi...
Re: Journal de Romen.
Publié : 25 août 2012, 10:17
par Maëlys
Chapitre VIII
Une nouvelle aube se lève et je suis toujours le même.
Je ne peux m'empêcher de penser à elle, son souvenir en devient de plus en plus obsédant. Par instant, je referme mes yeux et je la revoie tel que je l'ai découverte au premier jour.
Hier soir, j'étais en train de revenir vers une des auberge de Bröckel lorsqu'il me sembla entendre sa voix, un cri de détresse. Sans réfléchir j'avais bifurqué vers l'origine du bruit, la main sur la garde de ma rapière, pour retrouver une femme maintenue contre un mur par un homme aux braies à moitié baissées. En un instant, ma lame se retrouva pointée sur l'aine de l'homme pendant que je l'intimais de la laisser et de ne plus chercher à s'approcher d'elle. Il tenta de parler mais ma prise se fit plus forte, ce qui le fit ravaler ses mots. Il releva hâtivement ses braies puis s'enfuit dans la nuit.
Juste à côté, la femme me regardait avec un regard ahuri, je m'adressais à elle tout en rangeant ma rapière :
« Ma Dame, vous n'avez plus à vous en faire, il ne vous approchera plus. Je me nomme Romen, je vous escorterai jusqu'à chez vous si vous le désirez, la ville n'est pas sûre », débitais-je tout en lui tendant la main pour qu'elle la prenne.
Sans crier égard, elle s'avança rapidement et me flanqua une gifle comme je n'avais plus eu depuis mon enfance en répondant :
« Pauvre imbécile, je n'en ai que faire de ton envie de m'aider, il aurait pu me prendre comme il voulait, je me serai laissé faire si cela lui faisait plaisir tant que j'étais payée !
« En dédommagement pour le dérangement alors » dis-je en lui tendant une pièce maladroitement et en me sentant honteux devant une telle femme.
«Je ne suis pas une mendiante ! »
Et elle s'en fut.
L'espace d'un instant, les enseignements du maestro avaient failli resurgir. J'avais vu le coup arriver, j'aurai pu très facilement éviter sa main, mais j'étais resté immobile, comme si quelque chose m'avait bloqué...
Bien trop rapidement à mon goût, notre modeste convoi arriva à Carroburg. Sur la route de nombreuses personnes nous jetaient des regards étonnés, essayant sûrement de deviner pour quelle raison un carrosse ainsi paré traversait les terres du Reikland. Et moi, durant tout ce temps, je ruminais ce qu'ils m'avaient tous dit, je ruminais de voir ainsi mon avenir envolé, je goûtais au triste goût de la désillusion.
Mais étrangement, je pense que je n'aurai jamais imaginé ce qui allait suivre.
Mes souvenirs n'en sont pas des plus exacts, certaines émotions rendent beaucoup moins attentif même quand on est le centre de l'action, mais je fus le plus rapidement possible marié à Ilena.
De la cérémonie, je ne pourrais rien dire, la seule chose que je peux me remémorer est que ma mère était là, tout comme le maestro mais aussi étrangement mon père ce dont je ne me serai jamais attendu. Chacun d'entre eux m'avait laissé un présent pour cette union.
Mon maître me donna une rapière d'une beauté toute particulière que j'ai conservé avec soin et dont je me sers habilement mais que parfois j'hésite à jeter tant il me rappelle de mauvais souvenirs.
Mon père quant à lui nous offrit, à ma nouvelle femme et à moi, deux toutes jeunes juments d'une belle lignée, ainsi qu'un document désignant notre fils à venir comme le maître d'une petite partie de son domaine. Je n'osais imaginer quel devait être le montant de la dot ou ce qu'il gagnait avec ce marché mais cela devait être colossal pour qu'il cède ainsi une partie de ses biens...
En tout cas, à peine avait-il donné ceci qu'il s'éclipsa avec le père d'Ilena puis il repartit vers Marxheim avec ses hommes d'armes sans passer nous revoir.
Ma mère, elle, me laissa uniquement la promesse qu'elle reviendrai me voir dans la mesure du possible, sûrement le cadeau qui avait la plus grande valeur à mes yeux.
Rien que de repenser à elle, je sens mon cœur qui se sert et essayer de me rappeler ses traits met toute mon âme au supplice. Si il y a une chose dont je me souviens d'elle avec précision, c'est son rire si caractéristique qui rendait le sourire même à l'homme le plus morose.
Re: Journal de Romen.
Publié : 25 août 2012, 10:20
par Maëlys
Chapitre IX
Les semaines s'étaient enchaînées les unes après les autres une fois notre mariage scellé.
D'Ilena je ne peux dire qu'une chose, elle était une très bonne épouse, elle me couvait du regard, parlait avec moi, s'occupait de moi.
Mais de moi, je pourrais dire bien autre chose, les premiers mois surtout...
Les semaines s'étaient enchaînées certes, mais je me sentais aussi enchaîné dans cette union. Je me sentais mal, j'avais l'impression d'être un exilé, un paria au sein de ma famille. Et inévitablement, ma rancœur s'était abattue sur la seule personne proche de moi... ma femme.
Je lui tenais rigueur de tout ce qui m'arrivait, même si je n'en disais pas grand chose. Mais je ne doute pas qu'elle le sentait, comme toute autre femme.
Néanmoins je découvris peu à peu ses parents ainsi qu'elle. Étrangement, ses parents me prirent rapidement en affection et je la leur rendis en feintant.
Mais avec le temps et à force de nombres discussions, tout cela changea.
Je me surpris un jour à en vouloir beaucoup moins à toutes ces personnes qui m'entouraient, après tout Ilena n'en était responsable en rien et puis ses parents, comment ne pas les apprécier.
Nous habitions dans la même demeure qu'eux, certes beaucoup plus petite que ma précédente mais pas dénuée de charme. La ville entière semblait en ébullition tandis que cet endroit s'imposait comme un havre de paix.
De sa mère, que dire si ce n'est qu'il s'agit d'une véritable bonté, une femme qui m'avait accueilli comme un fils dès les premiers jours.
Je pensais également en vouloir à son père, mais après de nombreuses conversations, il m'apparut comme un homme bon, qui cherchait uniquement à assurer une bonne situation à sa famille. Nous passions souvent de nombreuses heures à parler de divers sujets dont des plus improbables comme la philosophie ou bien même le sens de l'honneur. Cela me fait bizarre de dire ça mais il se présenta bien rapidement comme le père que je n'ai jamais eu, m'écoutant, devisant avec moi, m'instruisant sur ce qu'il faisait et tant d'autres choses qu'un père devait normalement faire.
Les mois passèrent ensuite, beaucoup plus sereinement que les premiers.
Je me sentais enfin à ma place, au sein d'une famille complète qui m'aimait et avec une femme que j'apprenais lentement mais sûrement à chérir. Je ne dirais pas que je réussissais à lui rendre tout l'amour qu'elle me témoignait mais je le tentais.
Je pris peu à peu ma place dans les affaires de ma belle-famille, apprenant bien des choses de Herr Rodrik. Il s'agissait à n'en pas douter d'un formidable marchand réussissant à toujours contenter ses clients, ce qui était sûrement la source de sa grandiose réussite.
Les mois devinrent des années, quatre formidables années dans ma vie.
Malgré nos efforts répétés, aucun enfant ne naquit. Nous vivions heureux mais j'avais toujours peur que ma belle-famille nous en veulent de ne pas réussir à avoir un enfant afin qu'ils tirent enfin le profit de notre union.
Je m'en étais ouvert à Ilena, qui m'avait répondu avec son si magnifique sourire en me disant :
« Tu devrais aller poser directement la question à mes parents au lieu de te tracasser pour rien. En tout cas, j'espère que si il vient à naître, il n'aura pas cette caractéristique de toi, tu t’inquiètes toujours pour un rien. »
L'instant d'après elle se mit sur la pointe de ses pieds pour planter un baiser sur mes lèvres avant de replacer une de mes mèches derrière l'oreille. Je lui avais souris, tendrement, amoureusement.
Puis je pris mon courage à deux mains pour poser la question à sa mère. Je la trouvais le plus souvent dans la salle commune en train de s'occuper à différentes tâches. Mais cette fois-ci elle était assise tranquillement sur un des bancs, souriant dès que j'entrais, comme si elle attendait ma venue.
Les femmes peuvent sentir ce genre de choses, je ne sais pas comment mais je suis convaincu qu'elles peuvent le sentir.
J'avais abordé le sujet avec douceur mais à peine avais-je entamé qu'elle m'arrêta puis me répondit avec un sourire aussi tendre que celui de sa fille :
«Mon fils, tu es le bienvenue dans cette famille et tu le seras toujours. Nous ne pouvons t'en vouloir. Rodrik et moi avons attendu quasiment dix ans avant d'avoir Ilena, ce n'est pas parce qu'on en a le souhait que cela arrive, il faut être patient et d'après ce que je sais tu n'en manques pas de patience. Tout ce que l'on désire avec Rodrik c'est qu'elle soit heureuse et qu'elle n'ai pas à vivre dans le besoin comme on a dû le faire au début. »
Je vivais donc heureux et comblé dans cette famille jusqu'à cette horrible journée...
Re: Journal de Romen.
Publié : 25 févr. 2013, 02:12
par Maëlys
Chapitre X
Après plus d'une semaine passée à Bröckel en vain , je me suis enfin décidé à partir vers le nord.
Seule deux routes partent de la ville, une vers Altdorf et l'autre vers Middenheim, la cité si célèbre.
Cela me donne une chance sur deux de retrouver la bonne route et le bon homme... mais c'est largement mieux que de rester cloîtrer ici à me morfondre. J'ai peur par instant de ressortir, de recroiser cette femme, de revoir cette expression sur son visage, son expression ne me quitte plus...
Cela fait plus de deux journées que je suis parti de Bröckel. Je ne sais pas si c'est à cause de la route ou de la fatigue mais je me réveille de plus en plus au cours des nuits, le cœur horriblement douloureux battant la chamade comme si il vivait ses derniers battements.
Les premières fois, je pensais que c'était des bruits qui m'avaient réveillés mais j'étais toujours seul, horriblement seul, autour de mon feu de camp, le long de la route royale. Aucun bruit ne filtrait sous le couvert de la lune, même les animaux sauvages étaient muets, créant un horrible silence autour de moi, comme si l'univers tout entier s'était tu à mon réveil.
Puis peu à peu, différents sons refaisaient leur apparition, me rassurant quelques peu, m'entraînant de nouveau dans les méandres du sommeil.
Depuis les nuits semblent de plus en plus longues et de plus en plus noires, la terreur me prend à chaque instant à tel point que je ne réussis même pas à fermer l’œil par moment.
J'espère atteindre Schoningen sous une semaine au grand maximum, revoir une véritable ville et me poser durant quelques jours ne pourra que me faire du bien. L'agitation perpétuelle d'une ville me permettra sûrement d'enfin dormir correctement...