Fortuna Imperatrix Mundi

Suite à l'encouragement d'Iris, j'ouvre ce post.

Ceux qui auront lu le journal de Carmine auront vu son idéal politique. Je me suis très fortement inspiré du système de clientélisme romain, que je vais résumer ici :

A la base, il faut comprendre la politique romaine. Au niveau extérieur et gestion des crises, la République (et aussi l'Empire, au début du moins) gère chaque crise de la même façon que celle d'avant a été géré. Par exemple, une agression extérieure, on envoie les légions. Pourquoi ? Parce que ca avait marché. Donc qu'on vote pour un populares ou un optimares ("gauche" ou "droite"), c'est à peu près pareil. De plus, toute la politique était fondée sur la fortune personnelle, car c'était à l'homme politique de payer de ses propres deniers monuments, fêtes, évènements, etc... Une façon pour que tous profitent de la richesse de quelques uns.
Donc voter pour l'un ou pour l'autre, c'est quasiment pareil. Un riche romain passait sa matinée à recevoir ses clients, à qui il fournissait argent, nourriture, assistance juridique et sociale. En échange, le client votait pour son patron ou celui que son patron soutenait.
C'est un peu une forme de corruption organisée, mais elle assurait une relative redistribution des richesses jusqu'au bas de la société, jusqu'aux plus pauvres. Je ne complexifierais pas en parlant des Tribuns de la plèbe, du cursus honorum, etc.

Je m'en suis donc très fortement inspiré pour Shade. Il faut savoir que le Doge de Venise avait extrêmement peu de pouvoir, mais énormément de contraintes, et était contraint de plus au niveau politique par le Conseil des Dix. Donc, pour moi, dans une société inégalitaire au niveau social, cette forme de gouvernance a énormément de qualités, et aussi quelques gros défauts (quid de la démocratie, au final ?) mais que je considère mineurs dans le contexte romain.

En fait, j'ai l'impression que la démocratie n'est pas toujours bonne (je ne parlerais pas forcément IRL, ce n'est pas le sujet, sauf si vous me le demandez, mais en ce cas pas d'attaques ad hominem, juste des arguments !). Il faut à mes yeux réfléchir à un système politique dans son univers de JdR non-historique, car il est le reflet de la société, de sa conception, de ses valeurs.
Je vais même pousser plus loin, en parlant de la vision que cela apporte des PJs, en prenant les systèmes au sens large. Dans un système communiste, très égalitaire, des PJs qui vont forcément sortir du moule seront certainement mal considérés, devront redistribuer leurs richesses, et ne gagneront pas nécessaire de la reconnaissance sociale ou politique de toute façon. Dans un système très libéral, au contraire, les PJs seront l'incarnation du système même, et seront portés aux nues pour cela.
Un système féodal se rapprocherait d'un système libéral, pour faire simple. Mais il faut en ce cas étudier les relations féodales elles-mêmes : un pouvoir centralisé, fort, avec des vassaux simples gérants ? Ou un pouvoir avec des barons très puissants, et donc très peu de pouvoir laissé au roi, qui devra composer avec des alliances mouvantes et le fait de devoir contenter tout le monde. Si le pouvoir est centralisé, le gain des personnages sera limité en pouvoir, alors que dans l'autre cas, ils pourraient devenir eux-même des barons puissants, voire roi !

La SF et le Space-Opéra me semble très intéressant à ce niveau. Sans parler de Star Wars ou de Fading Suns (je suis fan de SW et j'aime bcp FS, soit dit en passant), l'abondance de planètes permet d'explorer divers pouvoirs politiques. Dans un très très bon forum auquel j'ai joué, Hegemony, la planète Séranon est organisée sur un système... Centre-gauche à extrême-gauche. Original, n'est-ce pas ? Sur la planète à côté, c'est une fourmilière type, avec un pouvoir totalitaire. D'ailleurs on peut faire un parallèle avec Warhammer 40,000 qui présente un pouvoir autoritaire, à la limite du totalitaire, avec - particularité intéressante - une forte puissance religieuse. C'est intéressant parce que dans les régimes autoritaires et totalitaires (modernes plutôt), la religion est rejetée, mise au ban.

La place de la religion est aussi à penser dans la politique et la société, car elle va formater (au sens large) la vision des choses des habitants et du pouvoir. Une caste dirigeante de droit divin n'aura pas la même possibilité de renversement qu'une simple caste "king of the hill".

Et vous, qu'en pensez-vous ? N'hésitez pas à débattre, présenter vos idées. Evitons par contre de partir sur les idées IRL, je vais passer pour un fasciste ou un marxiste ^^

Bonjour bonjour,

Pour avoir lu Shade et apprécié l'histoire de l'Italie de la Renaissance (terme impropre il est vrai), la comparaison avec l'Empire Romain est parfaite. De fait, il y a toujours eu des élites (bourgeois ou noblesse sénatoriale) qui sous le couvert d'un système "démocratique", dirigent d'une main de fer la Société des clients.
Après, le gros soucis de faire une semi-comparaison historique/JDR (je grossis le trait de ta pensée), c'est que nous vivons actuellement avec une histoire et des systèmes politiques que nous plaquons grosso modo sur les univers fantastiques, et là plupart du temps, en exagérant les vices et vertus de ces systèmes.
Exemple type, la plupart des "grands méchants" de fantasy sont souvent des aristocrates corrompus et pervers type fin d'Empire Romain (ce qui est historiquement totalement faux ^^), ou alors des salauds arrivistes et des dictateurs en puissance (pour ne pas dire des petits Adolph). Après, le tout est matiné de religion (Fading Sun, Dark Heresy) et mixe un gros bouillon bien dense. Mais n'oublions pas que la plupart des régimes totalitaires, s'ils excluent religions pré-existantes, substituent aussi une sorte de culte (de la personnalité, du bien commun, du travail) à ces systèmes anciens pour légitimer leur pouvoir.

Après, j'avoue que j'ai du mal à saisir ta pensée sur le système féodal et le libéralisme économique. Outre que ces termes sont anachroniques, il n'y a pas de réel libéralisme (au sens où John Locke l'a développé en premier, repris Adam Smith et autre) à mon sens à l'époque médiévale. En effet, il est "mal vu" jusqu'au bout XIII° grosso modo de sortir des rangs par une richesse exacerbée, privilège de la "classe" dirigeant, la noblesse, qui n'a de cesse d'interdire le port de vêtements de soies ou de certaines couleurs à des marchands par exemple, pour creuser le clivage social. De même, ces marchands, soumis plus ou moins à l'influence de l’Église Apostolique Romaine, ne travaillent pas comme le ferait un grand négociant au XVIII° par exemple, j'entends par là que la recherche du profit est certes u objectif, mais ce profit ne va pas à la personne, mais généralement à la communauté par des dons, des actes charitables, qui dans ce sens peuvent être perçus comme un acte méritoire...Mais je ne crois pas que les contemporains hissaient aux nues ces personnages qui ne font que leur devoir civique et moral (bon après, je ne nie pas que cela dépend aussi de la période du MA que nous prenons en compte, et n'étant moi même pas médiéviste ni économiste, j'ai surement du mal saisir des paramètres).

Pour finir quant à la question de la démocratie, oui ce n'est pas le meilleur des systèmes (parenthèse IRL, nous ne sommes pas dans une démocratie par ailleurs mais dans un régime représentatif) mais comme disait Churchill:
Democracy is the worst form of government - except for all those other forms, that have been tried from time to time.

Je connais cette citation ^^ D'ailleurs, la démocratie, stricto sensu, n'existe plus depuis Athènes, où chaque citoyen pouvait siéger lui-même ^_^
En fait, par "libéral" (je ne suis pas économiste, sinon de comptoir), je voulais parler d'un système qui mette en valeur l'individu par rapport à la communauté. Je me suis peut-être mal exprimé, je le reconnais ^_^ C'est sans doute plus proche de la définition anglo-saxonne que française.
Et pour les régimes autoritaires et totalitaires, c'est vrai que ce culte de la personnalité (type Staline ou Mussolini) remplace le culte religieux, en fait une substitution d'icône.

C'est vrai que c'est difficile de calquer nos modèles connus, avec leurs vices et leurs vertus, sur des JdR historiques, semi-historiques ou autre. Mais je trouve que ca s'améliore dans les JdR du commerce, qu'ils sont pris avec de plus en plus de recul ; mais ca tient peut-être au fait que j'achète des JdR français plutôt historiques en ce moment, type Tenga ou Keltia.

Et je te rejoint sur les méchants en noir et blanc ; là aussi, j'en vois de moins en moins, peut-être là aussi parce que je me dirige vers des jeux plus en nuance, plus d'ambiance, que (par exemple) D&D.

Je repensais à Esteren en relisant mon texte, et je trouve qu'il manque un détail : le niveau d'autorité des différents rois. En Gwidre, c'est un niveau très fort, en Reizh, il me semble beaucoup plus faible, plus proche d'un régime à l'anglaise. Et en Taol-Kaer ? J'ai du mal à le saisir.
En fait, c'est pour dire qu'il est à mes yeux important de préciser ce genre de détails, soit en l'explicitant directement, sous en le sous-entendant clairement. Les aventures que je proposerais ne seront pas les même selon le niveau d'autorité des rois. En fait, pour aller plus loin, ces récompenses politico-sociales dépendraient énormément du régime politique.
Dans un système type romain, les persos qui gagneraient en richesse deviendraient des notables, avec tout ce que ca importe, donc d'énormes dépenses et une grande responsabilité sociale. Dans un système démocratique ou représentatif, cette richesse ne sera pas forcément très utile, mais les récompenses pourraient plutôt être en terme de relations, d'amis.

Enfin voilà, je sens que je m'embrouille encore ^_^

La preuve que je m'embrouille, je n'arrive pas à bien formuler ce dont je parle, ce dont je voudrais débattre.

En JdR, vous inspirez-vous des formes de gouvernements historiques, ou pas, ou est-ce que vous les repompez ? Variez-vous les formes selon les époques, ou avez-vous toujours plus ou moins le même format ? Récompensez-vous vos PJs à ce niveau politique ?

J'ouvre un peu le débat, parce que franchement, ca m'intéresse.

Coucou !

Est-ce que je m'inspire de formes de gouvernement historiques : OUI & NON.

• Oui : dans les grandes lignes (monarchie, république...)
• Non : comme l'histoire est écrite par les hommes et que je mène une recherche en vue de concevoir des systèmes égalitaires et viables, je me casse beaucoup la tête pour que les institutions ET le droit intègrent ces facteurs... or ça influe sur tout (succession, perception & légitimité de la noblesse...)... du coup, chaque civilisation créée est une utopie / dystopie... qui en prime doit être viable pour des aventuriers ! (détail ici sur mes questionnements : http://iris-d-automne.over-blog.fr/arti ... 68923.html)

Formes variées ou pas : OUI

Pourquoi ? ... parce que c'est nécessaire pour l'ambiance. Je ne peux pas induire le même type de scénario dans des sociétés qui se ressembleraient toutes... Un empire théocratique ne propose pas les mêmes thématiques, pressions, difficultés, récompenses... qu'une république libérale et matérialiste façon Artland... La place du surnaturel, des aventuriers, de la religion, des sectes, ... tout est influencé par le choix des institutions !

Place & rôle des PJ : pour l'instant, tous ceux que j'ai eus se fichaient éperdument des détails politiques et se contentaient de prendre acte des rapports de force, c'est tout.