Fortuna Imperatrix Mundi

Le titre fait évidemment référence à L'anatomie du scénario de John Truby et à la mention de dissection de PJ dans un sujet parallèle portant sur la question des traits récurrents chez les PJ des uns et des autres... L'objet de ce sujet est la discussion, l'analyse, la réflexion autour des potentialités dramatiques de différents PJ. L'objectif que je poursuis, au gré des échanges, est de découvrir des moyens plus efficaces pour concevoir une adversité sur mesure,

• soit pour concevoir directement une chronique tournée autour de Personnages "pro-actifs" (ou dramatiquement tellement chargés qu'il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que dérouler les actions & réactions),
• soit pour adapter des scénarios "officiels" d'un JdR.

J'appuie sur cette donnée évidente : on trouve pas mal de documentation sur la conception d'histoire en roman / série / film / théâtre ... mais le scénario de JdR reste une bête un peu à part car dépendant de trois niveaux de création :

• Auteur (univers, système, campagne officielle),
• Meneur (adaptations et règles maison, scénarios sur mesure ou créations personnelles),
• Joueur (historique du personnage, demandes plus ou moins pittoresques qui influencent le Meneur).

La fin n'est pas écrite à 100% à l'avance, il y a des choix, et donc là où un auteur de roman choisit nécessairement une inflexion, il y a un aspect dynamique et vivant, inattendu aussi. Comment, en dépit de cela, réussir à proposer des rebondissements et des antagonismes aussi profonds que ceux de fictions où l'auteur a eu tout le temps de réfléchir à ses enjeux et à sa mise en scène ? ...

... Comme déjà mentionné, mon sentiment est actuellement que la solution réside dans une meilleure compréhension des Personnages, perçus chacun comme des Personnages principaux de fiction. Mais jusqu'à quel niveau d'analyse faut-il aller pour obtenir des données pertinentes (= exploitables, intéressantes) ? Probable qu'il ne soit pas nécessaire de traîner chaque PJ sur les divans d'un psychanalyste pour avoir une histoire riche, mais comme j'ignore le degré de profondeur requis pour trouver les outils, il n'y a pas 36 solutions : attaquer un sujet (PJ) puis un autre, ... creuser... et voir ce qui pourrait être bien, ce qui finalement ne servirait à rien, ou encore, en donnée intermédiaire, ce qui pourrait servir mais demande tellement plus d'effort pour être obtenu que ce que cela rapport en intérêt dramatique que le bénéfice est inexistant.


Mon plan de bataille ? ...

1. Prendre des PJ dont je ne suis pas MJ pour que mes spéculations ne laissent pas deviner un quelconque plan machiavélique pour la suite de la chronique
2. Les traiter indépendamment chacun comme "le" héros d'une histoire (la sienne en toute logique), et voir quels outils de construction d'intrigue de fiction "fermées" s'avèrent utiles (= donnent envie d'en savoir plus, sont inspirants pour la suite de l'histoire...).

Le critère de réussite ?

Si en lisant un élément on (= plusieurs personnes) se dit "c'est une chouette idée, ça donne envie de voir ce dilemme / cette épreuve", alors c'est une bonne piste.

Ma première victime est issue de Z-Corps : Shawn Pallin.

Pourquoi lui ? (oui, qu'est-ce qu'il m'a fait le pauvre pour mériter ça ?)

• il a du charme : oui, c'est arbitraire, mais c'est comme ça, donc quitte à me casser la tête sans garantie de trouver une solution à mon problème, autant que je commence par un perso que j'aime bien
• je ne connais pas assez le Joueur pour être influencée par ses autres PJ ou la personne réelle derrière le pseudo
• apparemment ce Personnage a assez d'instinct de survie pour qu'on puisse espérer le voir sur plusieurs chapitres et du coup, ça permettrait de voir son évolution réelle (et donc si je me suis plantée du tout au tout par exemple)

Comment concrètement procéder ?

Aucune idée de ce qui est vraiment pertinent, donc je vais avancer en descendant l'Anatomie du scénario et d'autres notes synthétiques que j'ai dans les tiroirs, et voir ce qui est sympa et ce qui n'apporte pas grand-chose. La clameur de la vox populi, les avis divers, sont aussi un bon moyen d'avoir un avis extérieur (après tout, c'est bien joli si un truc me plait, mais si ça ne parle qu'à moi, ça n'est guère exploitable en jeu et devient au mieux un élément "à revoir").


...(suite au prochain épisode)

Pourquoi Shawn ferait-il un bon héros ?

"Toujours raconter l'histoire de votre meilleur personnage. [...] Le meilleur ne signifie pas le plus sympathique. Cela signifie le plus fascinant, stimulant complexe." On le reconnaît à ce qu'on a envie de le voir agir, la manière dont il pense est intéressante, et les défis qu'il doit relever captivent le lecteur.

Remarque : on part d'une perspective écrite par commodité. Et l'axe étant de se dire qu'il est le héros de son histoire signifie qu'on réfléchit à ce qui le met en valeur et permet de développer ses axes dramatiques. Je précise que cela n'empêche pas du tout l'histoire d'autres personnages d'être également intéressante, mais je commence l'analyse à l'échelle d'un individu avec projecteur braqué sur lui, ce qui signifie que tous les autres sont des alliés / antagonistes / personnages secondaires... (et qu'il sera lui-même dans cette posture une fois qu'il sera temps éventuellement de passer à un autre perso de la même campagne)

Réponses en vrac, et les questions qui en découlent :

• on ne sait pratiquement rien de lui => lacune globale d'informations => Qui est-il ? Qu'est-ce qui l'anime ?
• prend des risques conséquents pour sauver des gens qui sont des inconnus ou peu s'en faut, il aurait largement pu, avec les informations récupérées par le groupe, filer et tenter sa chance seul à l'aéroport, s'il ne s'encombrait pas du convoi, il serait déjà en sécurité => il va très largement au-delà du minimum de coopération requis pour s'en sortir ou pouvoir se regarder dans la glace => Pourquoi s'implique-t-il autant ?
• on devine un mode de vie un peu marginal, qualifié de nomade par le sujet => Quel parcours l'a amené à choisir cette vie ?
• choix d'un "personnage" pour ses spectacles qui est un tueur en série de fiction, or tout choix d'avatar dit quelque chose de la personne, a fortiori s'il est habité longtemps + un franc parler efficace, tendance brute => Choix d'un avatar effrayant pour quelqu'un qui a un métier où il doit dominer sa peur + habitude du danger et de la mort => Quelle est au fond sa relation à des problématiques telles que la peur, le danger, la mort ? D'où cela lui vient-il ? Où cela le mène-t-il ?

Entre la moto, l'aptitude à prendre de gros risques (sauver Tyler, détourner Hulk du convoi), et l'aspect assez sombre du personnage, je dirais qu'il y a comme axe déjà exploitable :

Dark Knight

• Vers la déchéance / les Enfers ? Se retrouver en situation de faire "des choix difficiles" ou d'être l'exécuteur d'un contaminé sans espoir (cf. sa veille presque funèbre de Walder), avec l'option destruction de la psyché, ou une tendance "ange de la mort", qui rejoindrait la seconde option principale que je verrai comme ligne de développement
• Vers une sagesse luciférienne ? Mise à profit de sa connaissance - maîtrise de l'habitude des situations stressantes et des crises pour guider les autres... Il pourrait avoir une fonction un peu "psychopompe", ce qui d'ailleurs serait assez élégant vu que le cheval (et le chien) sont des animaux psychopompes, guidant les âmes des défunts dans le monde des morts pour qu'ils n'errent plus sur Terre en harcelant les vivants... et du cheval à la monture - moto, sur le plan métaphorique il n'y a qu'un pas. On peut ajouter encore une nuance supplémentaire avec le "Pale Rider" / Cavalier pâle de l'Apocalypse... Ou en puisant du côté hindou, avec Kali, parèdre de Shiva, dont l'un des aspects est le Nataraja (roi de la danse) et le destructeur des mondes. Ici le contenu qui peut être mobilisé est si important que je ne développe pas plus, mais un des aspects qui est particulièrement intéressant pour moi avec Shiva est sa faculté à être à la fois l'ivresse et la destruction, la force de vie et l'ascèse... Et ce qui est raccord avec le personnage de Shawn, c'est qu'avec son métier, il est nécessairement discipliné, tout en étant marginal, qu'il est assez réfléchi et par aspect, décalé, pour jouer sur l'ambivalence, et donc sur les deux aspects à chaque fois.

Vous comprenez pourquoi je pense que Shawn est vraiment un personnage qui a du potentiel ? Il peut agir et porter du symbole à plusieurs niveaux simultanément, ce qui est joli et assez fort, et le mieux : c'est parfaitement raccord avec le thème de l'histoire, à savoir des revenants qui viennent hanter les vivants et qui transforment la Terre en Enfer... Il me semble donc idéalement taillé pour être le porteur d'un message quelque part "spirituel" (au moins philosophique / éthique), pas forcément facile à entendre, mais adapté à la crise.


(à suivre !)

Cerner le conflit central

Je l'ai déjà évoqué dans d'autres sujets, pour moi les histoires de zombies sont surtout un moyen de travailler sur la thématique de la trahison : (1) figure absolue du traître devenu étranger à lui-même, monstre à détruire ; (2) chute du Léviathan, donc du gouvernement et rupture du contrat social ; (3) égoïsmes divers et variés qui achèvent de saper les efforts pour maintenir l'ordre existant et / ou qui compliquent considérablement ceux entrepris pour créer une nouvelle société.

Cependant une figure de type "Dark knight" ne me paraît pas vraiment combattre à ce niveau, bien trop "social" et donc terre-à-terre alors que son rôle est plus proche de la mystique et ses combats me semblent surtout à orienter ainsi :

• enseigner à accepter la mort :
  • les sociétés occidentales contemporaines sont régulièrement dénoncées comme hypocrites à l'égard des vieux, des malades, des mourants, en les enfermant dans un cadre aseptisé pour les cacher à la vue = face à cela, à la volonté de mentir ou tricher, ce personnage serait dans la dénonciation violente, mettant ceux qui veulent se voiler la face, directement devant l'horreur. Sur le plan mythologique & religieux, cette démarche peut être comparée à celle de courants bouddhistes où les méditants s'installent face à un cadavre pour travailler sur l'horreur, la lucidité, le désir (de jouissance, d'existence et d'inexistence), la vacuité, ... Côté indien, Kali elle-même est une divinité qui oscille, selon les moments, entre beauté et horreur, avec une violence sans pareille dans la lutte contre les démons.
  • les mouvements transhumanistes sont tentés par l'immortalité, via la copie de la conscience sur des ordinateurs, ou des travaux sur la génétique ou d'ailleurs tout moyen possible et imaginable. Or les "Zombies" ont tout l'air de défier la mort. De là à penser qu'ils sont le résultat d'une recherche profanatrice visant à acquérir l'immortalité... (mais dépend donc surtout de la réalité du problème, donc du cadre du jeu). A défaut, on peut imaginer des opportunistes apprentis-sorciers qui croiront tenir un élixir de jouvence ... Là aussi, le "psychopompe" devrait être particulièrement impliqué.
• Séparer les monde :
  • rôle mythique assez classique, héros qui remet de l'ordre dans la création en ramenant les morts dans leur domaine, et les vivants dans le leur
  • purification, répartition, tri, veille... et donc concrètement, guerrier luttant contre les forces de la mort / non-mort
• Condition humaine
  • Guide des âme : consoler ceux qui doivent accepter leur mort pour ne pas devenir des monstres (= confronté à quelqu'un qui va se transformer mais qui a quelques heures devant lui avant que cela arrive... cf. étapes du deuil) ;
  • thématique directement liée à l'acceptation de la condition humaine et de la mortalité inhérente, l'acceptation face à une injustice apparente, alors qu'il n'est question ni de bien, ni de mal, mais de faire au mieux dans le temps imparti, sans remettre à demain pour réaliser sa vie, pour "vivre". Corolaire : promeut de vivre au au présent, intensément, et donc sans faux-semblant, sans se mentir à soi-même

Scènes d'adversité

Si on part sur ces éléments, des scènes où le personnage est amené à s'illustrer se dessinent d'elles-mêmes :

• Hypocrisie : confrontation à la presse, au gouvernement ou autre "notables" qui voilent la réalité, ou bien qui instrumentalisent les "héros" qui affrontent les zombies, en en faisant des instruments d'une propagande ou politique de communication... Le Personnage étant susceptible de rappeler la vérité sur l'horreur des combats et le fait que les monstres étaient autrefois de véritables personnes...
• Profanation : découverte de la cause du fléau et / ou de manigances de certains pour en tirer profit, cherchant l'immortalité en dépit du prix dément payé par des foules entières ... dans ce cas, dans une optique assez mythologique, le Psychopompe risque d'avoir une réaction assez radicale d'élimination de ceux qui ont fait preuve d'Hybris, et avoir quelque chose d'un enfant de Némésis ou des Erinyes / Furies...
• Guerrier du seuil de la mort : tout type d'opération visant à retrouver et éliminer des Enragés parmi des zones "saines" ou a contrario, retrouver des survivants au milieu de zones infestées
• Consolateur : une personne est contaminée, les tests assurent qu'elle ne s'en sortira pas... mais pour l'instant, tant que le mal ne se déclare pas, elle se sent très bien, physiquement, et est profondément horrifiée de ce qui l'attend, supplie qu'on l'épargne etc. L'apaiser revient à l'aider à faire le point sur qui elle est, ses vœux, ce qu'elle voulait encore faire, ... éventuellement réaliser une dernière volonté... Il reste jusqu'au bout avec les mourants et les accompagne jusqu'au seuil.
• Simplement vivre : confrontation à tous ceux qui remettent à demain, à ceux qui sont si terrifiés qu'ils cessent de vivre, se contentant de survivre... Acceptation du risque, mais aussi des bons moments et des opportunités heureuses quand elles se présentent

Remarque : une fois qu'on dresse les axes majeurs, ce qui doit faire la grandeur du Personnage, les obstacles à la révélation de celle-ci apparaissent assez facilement... Je dirais donc que c'est bon outil, mais cela implique tout de même de s'interroger sur les valeurs du Personnage, là où il représente un modèle, des idéaux, une sagesse, une philosophie...

Remarque : C'est bien joli de causer métaphysique, symbolique et autre, mais en l'état, Shawn ne transpire pas la mystique ! Mais pas grave, limite ça tombe bien, car tout héros qui se respecte connaît une transformation / évolution au fil de l'intrigue. On a ponctuellement des personnages qui sont fixes mais transforment les autres, avec une fonction de catalyseur, d'agent du changement, mais même s'ils sont marquants pour l'histoire, ils ne sont pas vraiment les héros. Je pense par exemple à une figure comme Hannibal Lecter dans le Silence des Agneaux, c'est un personnage essentiel, central, marquant, mais il ne change pas vraiment, par contre, il contribue nettement à la transformation de Clarice Starling.

"L'action centrale doit être l'action la plus susceptible de forcer le personnage à gérer ses faiblesses et à changer. [...] Si les faiblesses de votre héros sont similaires à l'action principale qu'il va entreprendre au cours de l'histoire, il ne fera qu'approfondir ces faiblesses et restera le même" (p.40)

Au début de l'histoire, nous avons comme éléments potentiels de faiblesses...

• un homme dont l'épouse a divorcé car elle ne supportait plus les prises de risque + un enfant inconnu = échec dans la vie personnelle, pas grand-chose à perdre ? ou bien preuve d'une incapacité sociale ? blessure narcissique face au sentiment d'abandon, attitude "même pas mal" ? Solitude ?
• s'accrochant à un métier dangereux, peut-être le seul où il a trouvé sa place et pense pouvoir se réaliser ? = quête de soi maladroite ou résultant du fait que la société "normale" ne propose rien à certaines personnes qui ont besoin de danger et de défis pour que leur vie ait un sens ?

La situation familiale ressemble à celle de beaucoup de héros de films, ces personnages paraissant d'une part inadaptés dans la vie normale, et d'autre part les seuls à même de survivre dans une situation de crise. En dépit du courage face à la mort, il semble y avoir une lacune sur le plan de l'estime de soi, une insatisfaction, un manque, surcompensé, qui pousse à prouver de manière éclatante qu'il est indépendant, fort, capable... Besoin de reconquérir sa famille après s'être découvert, être réconcilié avec lui-même ?


Difficulté sur laquelle je butte : D'un côté, on a du potentiel pour un personnage plutôt "Dark knigh" / sagesse luciférienne, de l'autre, on démarre prosaïquement avec un homme divorcé qui ne se connaît peut-être pas vraiment lui-même (le fils inconnu collerait bien comme métaphore et serait cohérent avec une recherche de réalisation qui passe par le spectacle, donc jouer un autre en un sens).

• Considérer que Shawn, au travers de son personnage, a déjà inconsciemment identifié son but, son idéal du moi, un psychopompe aussi effrayant que la réalité qu'il représente
• Le personnage de spectacle est aussi en un sens un aspect qui évoque la société de consommation, les faux-semblants, l'apparence, l'émotion superficielle. Ce serait un aspect de faiblesse à dépasser, une première prise de conscience.
• La confrontation à la famille, à l'enfant qu'il ne connaît pas, devient une épreuve : décide-t-il de se "ranger" et renier l'élan confus qui lui faisait refuser la vie que sa femme voulait ? Auquel cas, il abandonnera la lutte pour l'ensemble de la société, pour agir uniquement à une échelle personnelle. Ou bien il décide que sa façon à lui de protéger et veiller sur les siens est de rétablir l'ordre (au sens mythologique), et devenir consciemment et délibérément un héros

Ce qui est délicat, c'est qu'on a déjà au présent des éléments nets du Dark Knight révélé, mais aussi du début du personnage (tenue de spectacle, ex-épouse au coeur des préoccupations). Il me semblerait intéressant pour clarifier la psychologie & l'évolution du personnage, de rendre plus lisible les tendances, avec faiblesses & fragilités plus perceptibles.

Remarque : Quelque part l'évolution qui me paraîtrait la plus riche pour le Personnage serait celle d'un "scion" d'une divinité de la mort, un humain qui devient autre chose, qui est transfiguré.


Ébauche de progression de l'adversité

Pour que tout se tienne, il vaut mieux que l'adversité suivent une progression qui permet le développement et la révélation du personnage.

• 1. Guerrier du seuil (1) : émergence du thème du combat (EN COURS)
• 2. Derrière le masque : la fatigue, l'épuisement, les faiblesses & doutes, les fêlures (chapitre 2 - Intermède ?)
• 3. Profanation : début de révélation suscitant indignation
• 4. Guerrier du seuil (2) : l'héroïsme du personnage est connu plus largement
• 5. Hypocrisie : l'héroïsme reconnu et la gloire qui en découle ; mais connaissance de l'envers du décor, découvert avec colère, mais désormais choc du maintien du jeu des apparences, un jeu auquel on veut le soumettre mais qui désormais lui est insupportable
• 6. Famille : tournant et achèvement de prise de conscience avec le choix entre la possibilité réelle de se mettre à l'abri, de pouvoir reconstruire peut-être un foyer en endossant le rôle de héros qui pourrait être rapidement à la retraite, un peu comme un chanteur connu pour un unique "tube" ; le choix se fait entre la gloire, la reconnaissance sociale du public qui l'acclame... et le sérieux de la tâche qui l'attend, qui implique de plonger dans les ténèbres.
• 7. Guerrier du seuil (3) : Il devient un guerrier dans les ombres, délibérément et consciemment, parce que c'est ce qu'il est, et pas juste un masque. Il a toujours été qui il prétendait incarner.
• 8. Consolateur : il est désormais capable d'accepter pleinement la situation, la mort, la déception, la fatalité, la fin...
• 9. Simplement vivre : il est capable de guider vers la mort, tout autant que de vivifier la vie, les deux aspects d'une même réalité qu'il incarne et représente
• 10 : Profanation (2) : la vérité se dessine plus nettement, et donc l'ennemi à abattre est connu, la confrontation finale s'approche...

Remarque : finalement l'adversité et sa progression sont assez simple à identifier... Et on a des scènes - temps forts aisément insérable ou pouvant être accentués dans la campagne. A voir pour le réseau d'adversaires...

Une objection face à ce possible parcours tient à ce qu'il implique que le Personnage fasse tout le long des choix qui le mènent à une transformation / transfiguration en psychopompe. Cependant, je pense que ça reste un outil de travail potentiel pour une campagne car :

1. Une "bonne" transformation du Personnage doit déjà exister en germe dès le début, elle ne tombe pas du ciel, or tous les éléments que je propose ne sont que des développements de ce qui est déjà là

2. En réalité, à chaque conflit, à chaque étape, on pourrait imaginer un refus ou une autre direction, j'ai simplement signalé celle qui me paraissait la plus intéressante, celle qui recelait le meilleur potentiel dramatique. Shawn pourrait a contrario, confronté aux mêmes épreuves :

• Soldat inconnu : mourir tragiquement au combat, fauché ... c'est l'échec de la transformation en Guerrier du Seuil, il n'a pas su trouver les ressources pour faire face aux épreuves terribles qui en emportent tant dans la tombe
• Médaillé : il accepte la gloire, les lauriers, retrouver sa femme et son fils, ... mais il finit par comprendre qu'en acceptant ainsi la lumière, il a renié l'élan qui le poussait à poursuivre ses spectacles, il s'est "rangé", et à ce stade,
  • il peut être partagé entre les regrets voire une forme de rancœur ou de honte (en pensant à ses compagnons d'armes qui ont pu poursuivre et s'enfoncer dans les ténèbres, mais peut-être aussi en agissant contre le Mal), il porte désormais le masque de la normalité, mais au fond de lui quelque chose est mort (comparable à American Beauty ?)
  • à moins que finalement il ne retourne à sa vie d'errance, plus amer qu'il ne l'était initialement car il sait qu'il n'a pas pu devenir un autre et qu'il n'a pas réussi à franchir le seuil (Vétéran à la dérive)
• Spectre tueur : le combat est accepté, mais la dimension spirituelle n'est pas développée, il devient un guerrier efficace, mais également effrayant, intérieurement dévasté par l'horreur, insensible et implacable. Il ne sait désormais plus que survivre, il est devenu l'équivalent d'une arme maudite, une âme damnée, un spectre incarné,... finalement pas si différent des abominations qu'il combat ... et quelque part aussi... très proche du personnage dont il portait le masque durant ses spectacle, il est devenu un monstre

Remarque : vu le cadre, les épreuves envisagées et les données actuellement disponibles sur le Personnage, je doute d'une transformation positive en dehors de celle du "Dark Knight", toutes les autres me semblent avoir un coût psychologique très élevé. Ensuite rien n'interdit que le Personnage tourne mal... l'avenir nous dira quelle voie il emprunte au final (ou si je me trompe du tout au tout dans mon analyse)

Remarque : les transformations possibles et les épreuves reflètent par les actions des personnages, la vision du monde de l'auteur, donc ici, l'analyse étant la mienne, et n'étant ni Meneuse sur la campagne, ni la Joueuse du Personnage considéré, il est vraisemblable que je n'ai pas la même perception du cadre, de ses possibilités ou de ce qui est souhaitable ou possible en matière d'évolution psychologique. Cependant soit on part du principe que tout est relatif & subjectif, et dans ce cas, impossible de proposer analyses, outils ou péripéties adaptées en tant que Meneur, soit que malgré les possibles variations, il y a des tendances discernables et matières à discussion.

Concevoir les adversaires

" Un héros n'est intéressant que si le personnage contre lequel il se bat est intéressant. [...] Le héros et l'adversaire se tirent mutuellement vers le haut. [...] Le principal adversaire est la personne la plus à même d'attaquer la plus grande faiblesse du héros [...] L'adversaire nécessaire force le héros à surmonter sa faiblesse, ou bien il le détruit." Les valeurs de l'adversaire s'opposent à celles du héros, alors même que leurs désirs sont semblables, parfois identiques.

En l'état les faiblesses (psychologiques & sociales) de Shawn ne sont pas très saillantes, il faudra sans doute attendre un peu qu'il puisse s'installer pour que ce soit le cas, et pouvoir véritablement les exploiter pour créer des adversaires et situations d'adversité. Manquent également des données sur ses valeurs, ce qui compte pour lui et rend

Réseau potentiel d'adversaires :

• L'ex-épouse : représente les responsabilités sociales, le cadre, le masque de la norme, le parcours "bohème durant la jeunesse, puis une vie plus sérieuse"
• Les Enragés sous toutes leurs formes : adversité de base du "Guerrier", la pression qu'ils infligent peut pousser à abandonner tout sens moral et éthique, toute spiritualité ou valeur, pour amener le Personnage à devenir un "Spectre Tueur" (ou simplement un cadavre de plus...)

A vérifier, une fois plus d'informations disponibles, mais des Personnages comme Alice peuvent faire figure proche de l'adversaire, :

• intention de découvrir l'origine du problème MAIS pour connaître la vérité (et non pas forcément dans une optique d'ordre et une morale qui peut être celle du Personnage "Psychopompe")
• action avec une optique essentiellement sociale & politique TANDIS QUE le "Psychopompe" est au-delà de ces considérations qui ne le concernent pas vraiment
• par curiosité, peut chercher à trouver / comprendre les faiblesses qui se révéleraient, attirer l'attention sur les choix, rappeler qu'il peut tout arrêter etc.

...tandis qu'Akamu par exemple semble assez proche de la ligne "Guerrier philosophe" qui pourrait être celle de Shawn, l'un en version solaire, l'autre avec une variante nocturne...

Sondage en cours d'élaboration

Je compte voir encore ce que je peux faire côté réseau d'adversité et de relations dynamiques, mais dans tous les cas, je touche au bout pour ce personnage. C'est donc le moment pour les quelques personnes qui ont courageusement suivi ce sujet de donner un retour, même minimal :

(a) "Je ne voyais pas du tout Shawn comme ça, je pense que tu es partie complètement ailleurs. Trop de blabla / littérature comparée / spéculations fumeuses. "
(b) " Il y a des choses utiles & intéressantes pour penser le développement d'un personnage en s'y prenant de cette manière."
(c) " Il y a peut-être du vrai, mais ça ne m'intéresse pas en tant que Meneur / Joueur. Je préfère éviter de détruire l'émotion à force de dissection."
(d) "Les idées sont intéressantes voire inspirantes pour créer des scènes clefs."
(e) "Tout ça, c'est bien joli, mais je ne vois pas ce que je peux concrètement en tirer pour améliorer mes parties."

Et second sondage sur le décryptage / réflexion analytique :

(a) j'adore le décryptage, ça me passionne !
(b) je n'aime pas le faire, mais quand j'ai quelques recettes faciles ou éléments prêts à l'emploi, je m'en sers
(c) ça me gâche le plaisir de l'instant, je préfère éviter, c'est comme un spoiler au ciné, ça nuit à l'immersion


Merci d'avance pour vos retours !

Sur le premier, je dirais c et d.

D'un point de vue personnel je ne pourrais faire ce genre d'analyse sur un autre car comme tu le signalais, la conception et l'évolution d'un personnage est quelque chose de très subjectif. Cependant, quand on le conçoit on a ses propres idées et espoir d'évolution, et on espère probablement que le MJ les verra et nous permettra de les atteindre, de nous donner notre jour de gloire, même si c'est une gloire silencieuse. ( par ex Juste qui parvient à trouver un début de voie, une inspiration autre que celle qu'il cherchait initialement mais qui au final lui apporte la satisfaction, la sensation de se réaliser. )


Donc c'est intéressant pour alimenter la relation entre le joueur et le MJ.


pour le second sondage, je sais pas je suis partagé entre b et c ...

On verra bien

Personnellement, pour faire court, je vais dire comme crépu au premier sondage :

- (c) : ça peut éventuellement m'intéresser si je suis meneur sur la partie du joueur analysé, mais en dehors... Bien, je n'en ai que faire.
- (d) : si je suis MJ, ça peut m'aider à concocter des scènes correspondant précisément au profil du personnage.

Sur la partie décryptage, je dirai... comme crépuscule aussi, mais en fait, c'est lui qui a volé mes réponses en remontant dans le temps.