Je réponds vite fait, à ce sujet, en espérant ne pas être à côté de la plaque.
Je commencerai par une question : dans quelle optique et dans quel contexte ces analyses de personnage ont-elles été écrites?
Je m'explique : l'impression que j'ai en lisant ces analyses, c'est que le personnage et son évolution sont vraiment disséqués en détail, mais que cette dissection va trop loin pour aboutir à une application pratique efficace.
En effet, dans l'exemple de Shawn, l'analyse privilégie une seule évolution et va vraiment très profond dans le détail psychanalytique et symbolique, ce qui pourrait très bien fonctionner dans le cadre d'un roman, où l'auteur maîtrise ses personnages de bout en bout, mais pourrait s'avérer problématique dans un jeu de rôles où le meneur 1) ne maîtrise pas totalement le personnage de son joueur et 2) n'est pas dans la tête de son joueur, avec lequel il ne partage pas son caractère, son vécu et son référentiel symbolique.
Evidemment, cette réflexion ne vaut que si je ne me plante pas totalement : si l'objectif est uniquement d'analyser l'évolution d'un personnage à postériori et d'en tirer des principes intéressants, ma remarque n'a pas lieu d'être.
En revanche, s'il s'agit plutôt d'anticiper une évolution pour construire une adversité et une thématique adaptée, alors ma remarque me semble plus cohérente.
Dans ce dernier cas, j'aurais alors plutôt tendance à rester à un niveau d'analyse basique mais qui laisse une marge de liberté, une flexibilité d'adaptation et qui privilégie plusieurs potentialités plutôt qu'un parcours (et un final) unique. Cela correspond à la proposition que je t'avais transmise par mail, Iris, et que je développerai dès que j'aurai le temps ici.
En résumé, plutôt que de prévoir l'évolution d'un personnage de A à Z avec analyse symbolique en profondeur, j'aurais tendance à tourner autour de deux-trois concepts-clé génériques que je combine entre eux pour déterminer plusieurs évolutions potentielles.
Ensuite, une fois ces évolutions potentielles connues, j'en tire des adversités adaptées, sans pour autant privilégier une évolution plutôt qu'une autre.
Enfin, au niveau du groupe, j'aurais tendance à rechercher les concepts-clé communs pour qu'une adversité serve à plusieurs personnages en même temps (qui auront un point de vue différent sur cette adversité).
Concrètement, mon modèle (dérivé de ton aide de jeu "la part de l'ombre" des ODE) se base sur trois concepts-clé :
- personnalité (extraverti/introverti)
- quête (interne/sociale)
- ombre (destruction)/lumière (création)
Prenons l'exemple d'Eoghan dans les ODE :
En se basant sur cette analyse, il est possible de développer des adversités (épreuves, personnages...) adaptées. La figure "Jerryl des Marais" est un exemple d'une telle adversité, car elle fait croiser au personnage son archétype "personnalité/sombre". De plus, la possibilité d'amener Jerryl à la rédemption (en lui faisant se rendre compte qu'Aïnlis ne l'aime pas, mais que l'amour est une force positive en soi qui peut être utilisée dans un but noble, qui fera honneur au sentiment vécu et à Aïnlis) peut faire réfléchir le personnage sur lui-même, et le faire tendre davantage vers un archétype "quête, lumineux".Personnalité : extravertie (désordre frénésie)
Quête : sociale (amour)
Archétypes sombres (ou destructeurs):
- la personnalité l'emporte : il vit son amour au travers de sa personnalité frénétique : il est jaloux, et vit son amour à travers la violence.Si son amour lui est retiré, il tournera sa violence vers les autres.
- la quête l'emporte : Il devient esclave de son amour, qui seul comptera à ses yeux : il y sacrifiera sans remords amis, famille, ambition, et même sa propre vie. Si son amour lui est retiré, il tournera sa violence vers lui-même, développant peut-être même des pulsions suicidaires.
Archétypes lumineux (ou créateurs):
- la personnalité l'emporte : il vit son amour au travers de sa personnalité passionnée. Il sera toujours là pour protéger et soutenir l'être aimé, mais ne fera pas de concession à sa personnalité. Ses sentiments seront vécus de manière positive, ce qui le poussera également à s'investir émotionellement pour les autres (exemple : si son amour est fort, il développera également des amitiés fortes, car il connaît la valeur d'un sentiment positif). Si son amour lui est retiré, il basculera soit dans un archétype sombre (vengeance, vraisemblablement, ce qui correspond à l'archétype sombre/personnalité dans son cas), soit se servira des autres relations fortes qu'il a développées (amitiés) pour se reconstruire, même si la blessure de la séparation sera à jamais présente.
- la quête l'emporte : son amour devient son idéal, ce qui le rend meilleur. Il parvient même à tempérer son caractère impulsif : les idéaux de l'être aimé deviennent les siens, il fait volontiers des compromis au nom de son amour... Si son amour lui est retiré, il continuera cependant à honorer les choses positives que cet amour lui a apportés (exemple : continuer la mission de l'être aimé en sa mémoire)
Enfin, le personnage de Jerryl peut être utilisé comme adversité pour un personnage ayant, par exemple, un arc de la vengeance, soit comme miroir (personnalité extravertie, quête vengeance), soit comme moteur d'évolution (personnalité introvertie, quête vengeance). Il pourra aussi servir d'opposé à un personnage ayant une personnalité introvertie et une quête plus interne, comme mysticisme/foi...
Qu'en pensez-vous? Suis-je à côté de la plaque, ou...?