Re: Mode de narration
Publié : 31 janv. 2015, 21:41
J'avais découvert le récit à la deuxième personne (au "vous" de politesse, exactement) dans La Modification de Michel Butor, que j'avais étudié au lycée. A vrai dire, je n'y avais pas compris grand-chose, probablement parce qu'à 16 ans, on a du mal à se mettre dans la peau d'un cadre supérieur quadragénaire et marié qui prend le train pour l'Italie pour retrouver sa maîtresse italienne et lui annoncer qu'il veut divorcer pour elle... J'ai compris le roman tout à fait autrement, bien des années plus tard, quand j'ai entendu sur France-Culture un extrait lu par une jeune femme à l'accent italien. Là, j'ai entrevu une des lectures possibles du roman: la jeune Italienne qui reconstitue dans sa tête ce qu'a fait et pensé son quadra, et pourquoi, en fin de compte, il a ( 
No spoil!)
Ce que j'aime bien dans la première personne, c'est qu'elle autorise une totale absence de lucidité. Le PJ peut se méprendre complètement sur les sentiments et les motivations des autres persos (les miens sont redoutablement gaffeurs) et même sur ses propres sentiments. Si je devais écrire "Koebi ne comprend pas que sa copine de fac lui a fait une crasse" ou "Koebi trouve que le robot Bender est charmant", j'aurais l’impression de porter un jugement sur mon PJ au nom d'une lucidité supérieure, au lieu de laisser parler sa sensibilité.
No spoil!)Ce que j'aime bien dans la première personne, c'est qu'elle autorise une totale absence de lucidité. Le PJ peut se méprendre complètement sur les sentiments et les motivations des autres persos (les miens sont redoutablement gaffeurs) et même sur ses propres sentiments. Si je devais écrire "Koebi ne comprend pas que sa copine de fac lui a fait une crasse" ou "Koebi trouve que le robot Bender est charmant", j'aurais l’impression de porter un jugement sur mon PJ au nom d'une lucidité supérieure, au lieu de laisser parler sa sensibilité.