Hello !
1. Ce qu'il y a de bien : attention, mon analyse porte sur "comment c'est composé ? qu'est-ce que je vois comme éléments de structure ?" C'est à dire, de la dissection.
Dire que la justice et les valeurs sociales "positives" sont absentes n'est pas une critique de l’œuvre, juste le constat qu'elles sont inexistantes. Il n'y a guère que Lady Stark pour prier les Sept pour ses enfants, la foi paraît uniformément absente. On la voit un peu affichée avec Margery Tyrell, mais c'est présenté de manière instrumentalisée plus que sincère. J'aurais tendance à dire que ce positionnement est délibéré de la part de l'auteur : si jamais on avait quelque chose de plus équilibré, le message sur "infirmité métaphore de la vie" (qui est quand même très présent) perdrait son sens et se déliterait. Une grande partie de l'histoire tourne autour d'une vision pessimiste du monde qui est considéré comme un lieu d'ambition et d'égoïsme.
... on ne va tout de même pas me dire que l'univers raconte que le bien triomphe automatiquement, hein ?
... en regardant je "constate" une focale extrêmement pessimiste. Et je dis qu'elle est pessimiste (et non réaliste) en m'appuyant sur ma pile d'érudition qui me permet de dire que certes, nous avons eu des périodes horribles sur Terre, mais ... ça n'a pas pris ce genre de forme, aussi "épuré" dans le fait que seule la violence soit le mode normal de règlement de tous les problèmes et qu'elle constitue par excellence l'essence de la vie dans l'histoire qui se déroule.
Notez que
1984 ou
Le meilleur des mondes sont des œuvres tout à fait respectables... et d'un extrême pessimisme aussi, car ce qu'ils décrivent est un extrême qui sert une démonstration, une représentation du monde crainte par l'auteur, une métaphore de ce qu'il perçoit... Ne me paraît pas être une attitude particulièrement négative que le constat qu'un auteur décrive un contexte "noir" et que c'est un message littéraire de sa part (
et non une description réaliste, parce que la réalité, j'en consomme pas mal, c'est toujours plus nuancé, compliqué et inattendu, ça n'a rien de systématique, bref, croire qu'on la "maîtrise", c'est risquer de se planter à chaque fois)
Alors pour rappeler que faire de la dissection n'est pas synonyme de descente en flèche :
L'histoire est dynamique, bien rythmée, offre une fresque épique, façon récit légendaire historique, avec des apports tragiques modernisés. L'éclatement géographique de personnages liés et la diversité de rôle (âge, sexe, tendance générale des caractères, place dans la famille) permet le survol de l'ensemble de l'histoire de ce monde, le rendre vivant et dans une certaine mesure attachant. C'est assurément un bon cadre de JdR, et son développement sur plusieurs supports (roman, série, JdR, jeu vidéo...) fonctionne bien du fait d'un bon niveau de détail par endroit et de vastes zones qui ne sont pas décrites en détail, ce qui permet aisément d'y insérer de nouvelles histoires, destins, rêves... On perçoit un contenu métaphorique relativement clair, signalant que l'auteur a de même une vision claire de ce qu'il veut transmettre comme message, et il parvient à gérer, par une conception en boule de neige (local & personnel, puis de plus en plus d'ampleur et d'implications & personnages), ce qui est indiscutablement quelque chose de très complexe à réaliser et donc tout à son honneur. De même on a un millefeuille métaphorique assez chargé, ce qui participe indiscutablement de la richesse de l'ensemble et permet à des conversations (longues) de s'étaler joyeusement. Enfin, l'auteur est parvenu à réaliser quelque chose de difficile : une œuvre qui soit "aimée", à la limite de la passion par certains. C'est un tour de force difficile à réussir délibérément, c'est de l'ordre de l'alchimie et de l'intuition, mais c'est un fait, elle entre en résonance avec la part émotionnelle de nombreux contemporains qui s'y reconnaissent.
C'est bon, là, j'ai redis que l'histoire faisait son boulot, je peux reprendre mes dissections de littérature comparée sans être soupçonnée d'être juste vilaine ?
2. Contexte & démonstration : Thalgrim, je suis d'accord pour dire que Robert Baratheon a géré n'importe comment et que les emprunts généralisés du grand argentier ont créé une bombe à retardement. Il faudrait vérifier sur quelle période l'auteur a écrit, parce que ces considération des Etats qui fondent une prospérité fictive sur la dette, ça fait vraiment clin d'oeil à la situation actuelle, et pour le coup des dettes à rembourser, je me demande s'il n'y a pas un peu de la crise de 2008 dans l'ADN de cet élément de l'histoire...
De même, la rengaine sur le retour de l'hiver après un long été, ça fait terriblement penser à l'économie contemporaine. De manière générale, j'ai la nette impression qu'aucune œuvre n'a de succès si elle ne fait référence aux inquiétudes de son époque en "métaphorisant", pour que le lien ne soit pas si apparent qu'il en devient bloquant. J'ai le sentiment (déjà dit il me semble) qu'on a une peinture des "puissants" (jet set, finances, politique...) avec une couleur légendaire, mythologique.
3. Magie
Le fait, souligné par Thalgrim, qu'on démarre avec magie absente ou quasi et qu'on assiste à son retour, est également une forme de souhait contemporain diffus : le réenchantement du monde, perçu comme un champ de bataille capitaliste où les puissants patrons amoraux vivent leur vie et où les ouvriers & paysans ne sont que des données comptables, des pertes gênantes, mais guère plus, tant que la saignée reste modérée et compensée par d'autres bénéfices.
Thalgrim a écrit :Mais à mon avis, elle fait partie de la base de l'univers, c'est pas juste un artifice.
Je suis d'accord que c'était prévu, mais la manière dont il apparaît, au moins dans la série, me semble assez maladroite. Rien, puis "bam"... Note que je suis sensibilisée à la question du surgissement du surnaturel car le même problème se pose pour Esteren : la métaphysique des Secrets est présente dès la conception, mais glisser de "low fantasy" à "vous saurez tout" n'est pas évidente.
En l'état, on a Daenerys qui fait une fixette sur les œufs de dragon depuis le début, donc le climax de la naissance des dragons, à mon sens est bien pensé. C'est après que je trouve que ça boite un peu. Soit de gros morceaux d'un coup, soit toujours la sècheresse... Peut-être que c'est amené trop brusquement, sans effet d'annonce, de mystère, d'inquiétude. Autant on a eu une progression côté Daenerys (transformation du personnage, approche progressive de la magie...), autant, côté Westeros...
Certes, il y a Bran et les vervues / changepeaux... mais ça reste limité et amené de manière un peu ... je ne sais pas... on passe de "rien" à "je rencontre plein de gens qui savent des choses", un peu effet "pousse de champignons surnaturel
C'est là que je trouve l'aspect artificiel, du côté des "champignons mystiques"
Mon impression est que c'est surtout "bizarre" car on a l'évolution en parallèle de trames politiques (j'intrigue / j'assassine) et de l'autre, des trames mystiques à révélation (Daenerys, Bran). Ce sont deux genres différents, et là, ils sont juxtaposés. Donc techniquement, c'est vraiment difficile à gérer pour l'auteur, car on a un temps long avec pas mal d'introspection (mystique) et un temps court de l'action et passion (politique, guerre). Comme le temps politique est ultra-dense, il écrase un peu le temps long de l'évolution insidieuse, et même si "bien sûr", on voit venir le glace vs. feu, il n'empêche qu'il est difficile de suivre les deux, côte à côte, en les appréciant tout autant, parce qu'ils sont trop différents.
DukeTogo a écrit :Barristan Selmy est l'exemple du chevalier qui agit avec droiture mas ne se fais pas tuer, etc...
... c'est qui lui ? Je l'ai vu ?
... pis attend, il va finir sûrement par périr tragiquement par excès d'honneur, la droiture trop rigide tue aussi sûrement que l'hybris
Allez, j'arrête là, ça doit déjà être dodu ... (faut que je motive pour aller disséquer d'autres choses
)