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Faute d’être pourvu d’attributs masculins, Silva s’avère un beau bébé puis une enfant admirable et fort jolie. Un barde dira d’elle que « les rayons du soleil couronne sa chevelure d’éblouissants reflets.» Vivotant entre les jupons des servantes et les bras de sa mère, elle fera l’objet d’attentions particulières quand l’âge aidant du lord, la naissance d’un héritier mâle semble définitivement compromise. C’est ainsi qu’elle reçoit une éducation plus poussée afin de briller en société. Le lord n’était pas le premier seigneur à ne pas avoir de fils et il valait mieux que la fille ainée paraisse exemplaire et digne d’intérêt.

A l’âge de 9 ans, Silva manqua de rejoindre l’Etranger. C’était lors d’une grande fête annuelle organisée par son père et son vassal, lord Holbein (nom de la maison vassale), sur les rives du lac d’Oeil-Dieu. Silva avait échappé à la vigilance de sa chambrière et serait morte noyée sans l’intervention courageuse d’Amaury Rivers, homme fait et demi-frère de Trenn, l’héritier présomptif de lord Holbein.
Cet acte de bravoure valut au sauveur, malgré sa bâtardise, le droit de gîte et couverts à la table même de lord Torrence Wayfarer, qui montra enfin des signes réels d’affections pour sa fille Silva, perle entre les perles.
Interrogée sur son geste, Silva expliqua qu’elle avait entendu des voix en provenance de l’Ile-Aux-Faces et vu des silhouettes semblables à des nuages d’eau lui dire dans une langue étrange de les rejoindre. L’enfant pourtant toujours docile s’acharnant dans ses fantasmes puérils au point de s’en réveiller la nuit, on lui administra lait de pavot et bonsomme pour lui faire oublier ses inepties car l’on obtiendrait un meilleur mariage d’une fille pleine de bon sens que d’un esprit fantasque.
Silva était au centre de toutes les attentions et obtenait nombreuses louanges. Sa jeune soeur fit par défaut les frais de cette nature avide d'attention comme ses cheveux dorées capturaient les rayons du soleil. Moins gâtée par la nature pour lui donner des traits angéliques, la cadette Shiera vivait dans son ombre.
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A l’âge de 13 ans, Silva pris pleinement conscience des comportements masculins qui l’entouraient, des regards discrets ou appuyés à son attention qui était devenu autre chose que de l’affection pour une enfant charmante.

Il ne fallut pas très longtemps pour le lord commence à recevoir des propositions de mariage. Horace Wayfarer, l’oncle de Silva, également intendant du domaine exhorta son frère a ne pas accepter hâtivement des propositions, convaincu que viendrait un jour une véritable opportunité qui serait vraiment profitable à la maison. Et pourquoi pas un héritier d’une maison majeure? Par exemple, ce Jaimie Lannister de Castral Roc qui a sensiblement le même âge que Silva. L’oncle se faisait fort de pouvoir un jour organiser une telle rencontre.
Silva attira l’année suivante sans le vouloir l’attention de lord Walder Frey qui voulait la marier à un de ses nombreux fils. Refuser était compliqué car il n’était jamais bon de s’aliéner l’influent seigneur des Jumeaux. Le lord et ses frères n’étaient pas dupes : lord Frey voudrait prendre possession du domaine ainsi qu’avoir la main mise sur la maison vassale. On ne lui faisait à juste titre aucune confiance. Il pourrait faire semblant d’accepter que le premier né de cette union soit un Wayfarer au lieu d’un Frey, condition impérieuse pour préserver la lignée et le nom de la maison. Lord Holbein de la maison vassale proposa en privé à lord Wayfarer que Trenn, son fils et héritier épouse Silva afin de consolider les liens historiques entre eux. S’ensuivit une période de froid entre le fieffé et son lord car il n’était pas question pour ce dernier de marier son héritière avec une noblesse inférieure.
Quand lord Frey se montra plus insistant, l’on se hâta d’envoyer la lady parfaire son éducation au grand septuaire de Baelor de King's Landing en laissant croire que l’enfant pourrait devenir septa ou soeur du silence, une façon comme une autre de la soustraire des ambitions du seigneur des Jumeaux. L’artifice n’était pas totalement improvisé car l’instruction religieuse de Silva au sein même du grand septuaire de Baelor faisait partie des voeux de sa mère, la regrettée dame Flora née Smallwood, qui fut un exemple de piété.

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C’était l’an 290 et l’hiver touchait à sa fin. Lady Silva contemplait la silhouette majestueuse du Donjon Rouge, l’immense édifice surplombant King’s Landing où elle venait de vivre presque trois ans durant. Lady Roslin remarqua les regards en arrière et interrogea la fille de lord Wayfarer qui éluda la question en gardant pour elle que le faste de la capitale lui manquait déjà. Pour ce voyage retour, Silva avait tenu à être noblement vêtue, séduisante sans être aguichante, avec des tissus de qualité en évitant les couleurs trop vives. Elle avait quitté le domaine familial pour suivre l’enseignement des septas et ne pouvait pas rentrer avec une allure ostentatoire.
Rentrer… Rentrer n’était pas le terme exact car lady Roslin, la mère d’oncle Horace et seconde épouse de l’aïeul de Silva, avait réussit à mettre sur pied un mariage où il fallait d'abord se rendre pour voir et être vu. Celui de Ser Jerrick et lady Lenda Feirth, lui héritier de la maison Buckwell et accessoirement son neveu, elle d’une maison à la courte généalogie mais aux revenus conséquent dans les métiers de la tannerie. Trois peaux de bêtes brunes sur fond jaune, voilà le genre de blason que Silva espérait ne jamais épouser, rêvant d’avantage de lion d’or, de faucon d’argent et de dragon tricéphale.
Le convoi retrouva Rogan Wayfarer, l’autre oncle et frère cadet de lord Wayfarer, tout deux fruits d’un premier mariage. Rogan, veuf depuis sept ans, avait peu changé et restait l’homme impassible qu’elle avait toujours connu, un roc armé d’un immense maillet - ou était-ce une masse, elle l’ignorait -, imposant le respect par sa réputation militaire. Rogan se montra toutefois chaleureux et complimenta sa nièce qui était devenu une fort charmante jeune femme.

Prévenante, Silva demanda des nouvelles de ses cousins et cousines. La fille de Rogan avait maintenant vingt ans et n’était toujours pas mariée. Son fils, parti embrasser la foi des Sept au lieu de prétendre à la succession de la maison Wayfarer en l’absence d'héritier mâle pour lord Terrence, ne donnait toujours pas signe de vie.
C’est quelques heures plus tard qu’arrivèrent son père lord Terrence Wayfarer, l’oncle Horace ainsi que Trenn Holbein, l’héritier de la maison vassale et son demi-frère Amaury Rivers.
Si Silva avait cru un instant que son retour serait un moment de retrouvailles célébrées, elle dut se rendre à l’évidence qu’il n’en était rien. Lord Terrence a qui il manquait - et manquerait toujours - un fils pour nourrir sa joie absente avait gagné en embonpoint, preuve qu’il quittait peu le confort du domaine. L’oncle Horace s’était visiblement davantage endurci, ce qu’elle n’aura pas cru possible. Trenn Holbein, l’héritier de la maison vassale ne se déplaçait pas sans sa garde rapprochée, composé de soldats triés sur le volet. Le plus aimable s’avéra être Ser Amaury, ce qui n’avait rien de très surprenant car il sied mal aux bâtards de se montrer acariâtres.
Le convoi vers la maison Feirth prenait maintenant une taille fort remarquable rendant la progression plus lente sur la route boueuse. L’on s’arrêta dans un grand relais sur les terres des Hogg, une maison vassale d’Hayford réputée belliqueuse. C’était un meilleur choix que de solliciter le pain et le sel à ces derniers sans s'être fait annoncé. L'on avait d'ailleurs guère besoin de côtoyer Barnas Hogg, l’oncle de l’héritier de la maison à la sinistre réputation, marié à une Frey à qui il fit un fils nommé Walder, sans doute pour complaire à l’inusable lord des Jumeaux.
La bâtisse était vaste et son emplacement sur la route lui assurait une clientèle régulière, parfois même prestigieuse, comme ser Oswald Whent, chevalier de la garde royale qui fit une entrée remarquée accompagné de son écuyer Geoffrey Mallister suivi de Ser Quarlton Storm et de Ser Florent Brune qui nota rapidement la présence de lady Silva. Le Manteau Blanc accepta de s’asseoir à la table des Wayfarer, d’abord par égard pour Amaury qu’il connaissait bien puis pour converser avec Trenn Holbein qui lui parlait d’égal à égal afin de découvrir la raison de sa présence dans la région au lieu d’être tout à son office près du roi des Seven Kingdom.
Connaissant sa place, lady Silva se garda d’interrompre ses messieurs en faisant mine de ne pas entendre les quelques grivoiseries salaces que le vin encourageait. Prenant conscience du peu d’aura de son père affichant une mine épuisée, elle souhaita se retirer pour dormir, incitant de facto lady Roisin à faire de même et suggéra en vain au lord de se reposer pareillement pour le soustraire au regard d’un des proches du roi.
Alors que dans la grand salle, Horace soutirait de Ser Oswell le récit de la victoire contre les bandits de Kingswood et de la vaillance du prometteur Jaimie Lannister puis que Trenn Holbein ne lui fasse révéler le projet d’organiser un immense tournoi à Harrenhal le fief des Whent, Silva endurait à l’étage la bienveillance de lady Roisin.
« N’hésitez pas à m’appeler mère, lady Silva. Je vous considère et vous chérit d’ailleurs comme ma propre fille. »
Non, cela n’arrivera pas car faire partie des murs du domaine ne change rien au fait que nous n’avons aucune goutte de sang en commun furent les mots qui ne franchirent pas les portes du sourire que la lady porta à ses lèvres.
C’est alors qu’il y’eut des cris. Des bandits assiégeaient l’établissement. Lady Roslin commença rapidement à s’affoler alors que Silva avait toute confiance en la garde Holbein mené par le capitaine Jor. D’ailleurs, les mécréants seraient rapidement fort maris de découvrir qu’ils affrontent un rassemblement de chevaliers émérites. Ser Amaury et Horace vinrent aussitôt à l’étage pour tambouriner à leur porte quand déboulèrent trop rapidement d’autres bandits, preuve que certains complices étaient déjà sur place. Dame et lady durent se réfugier, recroquevillées derrière leur lit basculés sur chant. Horace prit une position avantageuse pour décocher des flèches que ce soit à l’intérieur comme dans la cour en contrebas tandis qu'Amaury fit rempart de son corps dans l’embrasure de la porte.
Approches, n’ai pas peur, viens. Viens nous rejoindre, disaient le reflet des visages enfantin dans l’eau huileuse du lac d’Ile-Dieu. L’air venait à manquer, l’eau s’engouffrait dans sa gorge, dans ses yeux, son nez fin, son ventre. Ses vêtements blancs flottaient tout en l’emmêlant. N’ais pas peur, viens. Quand une main l’agrippe...
Curieuse et avide d’expériences, Silva se redresse de derrière le couchage où elle et Roslin sont cachées pour regarder le combat, fascinée de voir l’acier déchirer chair et cuir bouilli pour se teinter d’un rouge carmin. Approches, n’ai pas peur, viens. Les assauts répétés des brigands sont vain face à Amaury qui ôte la vie à chaque idiot qui prétend rentrer de force dans la chambre. Une fois la menace défaite, Horace constate l’état de panique inhabituelle de sa mère tandis que Silva enjambe un cadavre pour s’approcher d’Amaury, dans le but d’écouter son coeur en posant sa main sur son torse, curieuse de sentir à travers ses doigts l’adrénaline du chevalier.
« Voyez ce que vous avez fait : vous avez retourné ma chambre. » a t’elle juste le temps de susurrer innocemment avant qu’oncle Horace ne vilipende Amory afin qu’il s’écarte de sa nièce. Les yeux baissés, Silva acquiesce et demande à ce qu’elles soient seules pour parfaire leur mise avant de descendre quand le calme sera revenu.
Dans la grande salle comm à l’extérieur où Rogan a fait une percée meurtrière, la débâcle des brigands est totale. Le nom d’un chef est lâché, Dylon le Faucon, ancien sergent des Hogg aujourd’hui en fuite. Une fois descendue, Silva s’approche d’un garde légèrement blessé arborant le blason Wayfarer avant d’être vivement interpellé par l’oncle Horace soutenu par sa mère Roslin pour circonscrire toute velléités de familiarité avec des gens du commun. Qu’importe, la lady exprime sa sollicitude et sa gratitude au nom de sa maison. Une fois docilement assise, les sermons continuent, sermons qu’elle écoute avec autant de gravité que ceux prononcés au grand septuaire de Baelor tout en serrant les dents. N’en supportant pas davantage, Silva rappelle le devoir de bienveillance de la foi des Sept personnifié par la Mère et la Jouvencelle, ce qui a le don d’agacer son oncle, peu concerné par la religion des andals.
L’attention glissa progressivement vers lady Roslin qui céda à l’interrogatoire tenace de son fils et révéla deux détails d’importance. Tout d’abord, elle transportait en catimini depuis King’s Landing la dote conséquente du mariage, très certainement la cause de l’attaque des brigands. A ce stade, il manquait trop d’informations pour découvrir d’où venait la fuite et qui était derrière le projet de razzia. Puis, en l’absence de lord Terrence Wayfarer, elle révéla qu’elle projète de lui présenter une jeune veuve qui a le double avantage d’être une charmante gironde apte à accoucher d’un fils, ce qu’elle a déjà fait avant de perde son époux et d’être une parente de lady Roslin.
Le ban où était assise lady Silva finit d’être totalement inconfortable quand Trenn Holbein lui demanda sans détour ce qu’elle pensait de ces dispositions. Non, il ne m'a pas échappé que si mon père devait avoir un fils d'un second mariage, je perdrais mon statut d'héritière.
« Mon devoir est de servir ma maison », répondit-elle en faisant appel à toute sa bienséance et maintenant sa litote devant la question répétée.
Hors de question de me dévoiler à cette vieille guenaude qui ambitionne de m'écarter de mon héritage.
Au petit matin, le temps était à peine meilleur mais suffisamment adouci pour que lord Terrence puisse monter à cheval. Silva chevaucha un moment à ses cotés et attendit qu’ils soient un peu isolée pour l'entretenir.
« Père, je me souviens de vos leçons d’équitations. J’ignorais combien cela m’avait manqué d’être à vos cotés. Je… je vous dois des excuses. Je confesse que quand j’ai été conduite à King’s Landing pour suivre l’enseignement des Sept comme le souhaitait ma mère, j’ai… pu nourrir quelque amertume puérile à l’idée de quitter notre maison. Aujourd’hui, je vous remercie de ce cadeau qui m’a était fait et guide mes pas désormais. Puis-je vous demander de me parler de… mère? »
Trop tôt, trop vite. Lord Terrence s’assombrit. Ban et selle ne réussissait donc pas à la lady qui s’appliquait à garde un port de tête digne pour ne trahir aucun agacement ni lassitude. Le convoi arriva enfin à une colline où une demeure fortifiée domine une basse cour et l’on peut entendre que les festivités ont déjà commencés. C’est le temps d’une pause pour ajuster les tenues et faire bonne figure. Silva choisit de finir le trajet sur un chariot et non avec un cheval entre les cuisses. L’ordre est donné aux soldats de rester en retrait tout en veillant à ne commettre aucun accrochage avec des gens d’autres maisons. « C’est ici que les réjouissances commencent », dira avec entrain lady Roslin à lord Terrence.
Faux. La partie de cyvosse de la maison Wayfarer avait commencé depuis de nombreuses années et toute menue qu’elle fut au milieu des pièces aguerries en duplicité et autres viriles, fortes en gueule, en prestige ou en carrure, lady Silva entendait y participer.
