Hors campagne - Autre histoire, autre lieu

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Hors campagne - Autre histoire, autre lieu

Message : # 57063Message DukeTogo
17 janv. 2017, 00:13

C’est au début de l’an 265 que Silva Wayfarer vit le jour. Quelle ne fut pas la déception de son père le lord d’avoir une fille et non un héritier. Sans doute aurait-il du prier davantage les Sept car il en eut une seconde quatre ans plus tard. Non seulement, l’épouse du lord tardait à prendre un ventre rond mais en plus n’engendrait que des filles. Si la grossesse était l’affaire des femmes, aptes à consommer du thé de lune pour se prémunir contre des enfants non désirés, le sexe était l’affaire du géniteur, comme chacun sait en Westeros. Le lord eut grandement préféré pouvoir prétendre que « la graine était vigoureuse » à l’instar de son père qui lui donna des frères, Rogan qui embrassa une carrière militaire puis Horace, né d’une seconde union, plus porté sur l’instruction et les chiffres qu’à l’utilisation de ses bras et ses jambes.

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Faute d’être pourvu d’attributs masculins, Silva s’avère un beau bébé puis une enfant admirable et fort jolie. Un barde dira d’elle que « les rayons du soleil couronne sa chevelure d’éblouissants reflets.» Vivotant entre les jupons des servantes et les bras de sa mère, elle fera l’objet d’attentions particulières quand l’âge aidant du lord, la naissance d’un héritier mâle semble définitivement compromise. C’est ainsi qu’elle reçoit une éducation plus poussée afin de briller en société. Le lord n’était pas le premier seigneur à ne pas avoir de fils et il valait mieux que la fille ainée paraisse exemplaire et digne d’intérêt.

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A l’âge de 9 ans, Silva manqua de rejoindre l’Etranger. C’était lors d’une grande fête annuelle organisée par son père et son vassal, lord Holbein (nom de la maison vassale), sur les rives du lac d’Oeil-Dieu. Silva avait échappé à la vigilance de sa chambrière et serait morte noyée sans l’intervention courageuse d’Amaury Rivers, homme fait et demi-frère de Trenn, l’héritier présomptif de lord Holbein.
Cet acte de bravoure valut au sauveur, malgré sa bâtardise, le droit de gîte et couverts à la table même de lord Torrence Wayfarer, qui montra enfin des signes réels d’affections pour sa fille Silva, perle entre les perles.

Interrogée sur son geste, Silva expliqua qu’elle avait entendu des voix en provenance de l’Ile-Aux-Faces et vu des silhouettes semblables à des nuages d’eau lui dire dans une langue étrange de les rejoindre. L’enfant pourtant toujours docile s’acharnant dans ses fantasmes puérils au point de s’en réveiller la nuit, on lui administra lait de pavot et bonsomme pour lui faire oublier ses inepties car l’on obtiendrait un meilleur mariage d’une fille pleine de bon sens que d’un esprit fantasque.

Silva était au centre de toutes les attentions et obtenait nombreuses louanges. Sa jeune soeur fit par défaut les frais de cette nature avide d'attention comme ses cheveux dorées capturaient les rayons du soleil. Moins gâtée par la nature pour lui donner des traits angéliques, la cadette Shiera vivait dans son ombre.

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A l’âge de 13 ans, Silva pris pleinement conscience des comportements masculins qui l’entouraient, des regards discrets ou appuyés à son attention qui était devenu autre chose que de l’affection pour une enfant charmante.

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Il ne fallut pas très longtemps pour le lord commence à recevoir des propositions de mariage. Horace Wayfarer, l’oncle de Silva, également intendant du domaine exhorta son frère a ne pas accepter hâtivement des propositions, convaincu que viendrait un jour une véritable opportunité qui serait vraiment profitable à la maison. Et pourquoi pas un héritier d’une maison majeure? Par exemple, ce Jaimie Lannister de Castral Roc qui a sensiblement le même âge que Silva. L’oncle se faisait fort de pouvoir un jour organiser une telle rencontre.

Silva attira l’année suivante sans le vouloir l’attention de lord Walder Frey qui voulait la marier à un de ses nombreux fils. Refuser était compliqué car il n’était jamais bon de s’aliéner l’influent seigneur des Jumeaux. Le lord et ses frères n’étaient pas dupes : lord Frey voudrait prendre possession du domaine ainsi qu’avoir la main mise sur la maison vassale. On ne lui faisait à juste titre aucune confiance. Il pourrait faire semblant d’accepter que le premier né de cette union soit un Wayfarer au lieu d’un Frey, condition impérieuse pour préserver la lignée et le nom de la maison. Lord Holbein de la maison vassale proposa en privé à lord Wayfarer que Trenn, son fils et héritier épouse Silva afin de consolider les liens historiques entre eux. S’ensuivit une période de froid entre le fieffé et son lord car il n’était pas question pour ce dernier de marier son héritière avec une noblesse inférieure.

Quand lord Frey se montra plus insistant, l’on se hâta d’envoyer la lady parfaire son éducation au grand septuaire de Baelor de King's Landing en laissant croire que l’enfant pourrait devenir septa ou soeur du silence, une façon comme une autre de la soustraire des ambitions du seigneur des Jumeaux. L’artifice n’était pas totalement improvisé car l’instruction religieuse de Silva au sein même du grand septuaire de Baelor faisait partie des voeux de sa mère, la regrettée dame Flora née Smallwood, qui fut un exemple de piété.

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C’était l’an 290 et l’hiver touchait à sa fin. Lady Silva contemplait la silhouette majestueuse du Donjon Rouge, l’immense édifice surplombant King’s Landing où elle venait de vivre presque trois ans durant. Lady Roslin remarqua les regards en arrière et interrogea la fille de lord Wayfarer qui éluda la question en gardant pour elle que le faste de la capitale lui manquait déjà. Pour ce voyage retour, Silva avait tenu à être noblement vêtue, séduisante sans être aguichante, avec des tissus de qualité en évitant les couleurs trop vives. Elle avait quitté le domaine familial pour suivre l’enseignement des septas et ne pouvait pas rentrer avec une allure ostentatoire.

Rentrer… Rentrer n’était pas le terme exact car lady Roslin, la mère d’oncle Horace et seconde épouse de l’aïeul de Silva, avait réussit à mettre sur pied un mariage où il fallait d'abord se rendre pour voir et être vu. Celui de Ser Jerrick et lady Lenda Feirth, lui héritier de la maison Buckwell et accessoirement son neveu, elle d’une maison à la courte généalogie mais aux revenus conséquent dans les métiers de la tannerie. Trois peaux de bêtes brunes sur fond jaune, voilà le genre de blason que Silva espérait ne jamais épouser, rêvant d’avantage de lion d’or, de faucon d’argent et de dragon tricéphale.

Le convoi retrouva Rogan Wayfarer, l’autre oncle et frère cadet de lord Wayfarer, tout deux fruits d’un premier mariage. Rogan, veuf depuis sept ans, avait peu changé et restait l’homme impassible qu’elle avait toujours connu, un roc armé d’un immense maillet - ou était-ce une masse, elle l’ignorait -, imposant le respect par sa réputation militaire. Rogan se montra toutefois chaleureux et complimenta sa nièce qui était devenu une fort charmante jeune femme.

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Prévenante, Silva demanda des nouvelles de ses cousins et cousines. La fille de Rogan avait maintenant vingt ans et n’était toujours pas mariée. Son fils, parti embrasser la foi des Sept au lieu de prétendre à la succession de la maison Wayfarer en l’absence d'héritier mâle pour lord Terrence, ne donnait toujours pas signe de vie.

C’est quelques heures plus tard qu’arrivèrent son père lord Terrence Wayfarer, l’oncle Horace ainsi que Trenn Holbein, l’héritier de la maison vassale et son demi-frère Amaury Rivers.

Si Silva avait cru un instant que son retour serait un moment de retrouvailles célébrées, elle dut se rendre à l’évidence qu’il n’en était rien. Lord Terrence a qui il manquait - et manquerait toujours  - un fils pour nourrir sa joie absente avait gagné en embonpoint, preuve qu’il quittait peu le confort du domaine. L’oncle Horace s’était visiblement davantage endurci, ce qu’elle n’aura pas cru possible. Trenn Holbein, l’héritier de la maison vassale ne se déplaçait pas sans sa garde rapprochée, composé de soldats triés sur le volet. Le plus aimable s’avéra être Ser Amaury, ce qui n’avait rien de très surprenant car il sied mal aux bâtards de se montrer acariâtres.

Le convoi vers la maison Feirth prenait maintenant une taille fort remarquable rendant la progression plus lente sur la route boueuse. L’on s’arrêta dans un grand relais sur les terres des Hogg, une maison vassale d’Hayford réputée belliqueuse. C’était un meilleur choix que de solliciter le pain et le sel à ces derniers sans s'être fait annoncé. L'on avait d'ailleurs guère besoin de côtoyer Barnas Hogg, l’oncle de l’héritier de la maison à la sinistre réputation, marié à une Frey à qui il fit un fils nommé Walder, sans doute pour complaire à l’inusable lord des Jumeaux.

La bâtisse était vaste et son emplacement sur la route lui assurait une clientèle régulière, parfois même prestigieuse, comme ser Oswald Whent, chevalier de la garde royale qui fit une entrée remarquée accompagné de son écuyer Geoffrey Mallister suivi de Ser Quarlton Storm et de Ser Florent Brune qui nota rapidement la présence de lady Silva. Le Manteau Blanc accepta de s’asseoir à la table des Wayfarer, d’abord par égard pour Amaury qu’il connaissait bien puis pour converser avec Trenn Holbein qui lui parlait d’égal à égal afin de découvrir la raison de sa présence dans la région au lieu d’être tout à son office près du roi des Seven Kingdom.
Connaissant sa place, lady Silva se garda d’interrompre ses messieurs en faisant mine de ne pas entendre les quelques grivoiseries salaces que le vin encourageait. Prenant conscience du peu d’aura de son père affichant une mine épuisée, elle souhaita se retirer pour dormir, incitant de facto lady Roisin à faire de même et suggéra en vain au lord de se reposer pareillement pour le soustraire au regard d’un des proches du roi.

Alors que dans la grand salle, Horace soutirait de Ser Oswell le récit de la victoire contre les bandits de Kingswood et de la vaillance du prometteur Jaimie Lannister puis que Trenn Holbein ne lui fasse révéler le projet d’organiser un immense tournoi à Harrenhal le fief des Whent, Silva endurait à l’étage la bienveillance de lady Roisin.

« N’hésitez pas à m’appeler mère, lady Silva. Je vous considère et vous chérit d’ailleurs comme ma propre fille. »

Non, cela n’arrivera pas car faire partie des murs du domaine ne change rien au fait que nous n’avons aucune goutte de sang en commun furent les mots qui ne franchirent pas les portes du sourire que la lady porta à ses lèvres.

C’est alors qu’il y’eut des cris. Des bandits assiégeaient l’établissement. Lady Roslin commença rapidement à s’affoler alors que Silva avait toute confiance en la garde Holbein mené par le capitaine Jor. D’ailleurs, les mécréants seraient rapidement fort maris de découvrir qu’ils affrontent un rassemblement de chevaliers émérites. Ser Amaury et Horace vinrent aussitôt à l’étage pour tambouriner à leur porte quand déboulèrent trop rapidement d’autres bandits, preuve que certains complices étaient déjà sur place. Dame et lady durent se réfugier, recroquevillées derrière leur lit basculés sur chant. Horace prit une position avantageuse pour décocher des flèches que ce soit à l’intérieur comme dans la cour en contrebas tandis qu'Amaury fit rempart de son corps dans l’embrasure de la porte.

Approches, n’ai pas peur, viens. Viens nous rejoindre, disaient le reflet des visages enfantin dans l’eau huileuse du lac d’Ile-Dieu. L’air venait à manquer, l’eau s’engouffrait dans sa gorge, dans ses yeux, son nez fin, son ventre. Ses vêtements blancs flottaient tout en l’emmêlant. N’ais pas peur, viens. Quand une main l’agrippe...

Curieuse et avide d’expériences, Silva se redresse de derrière le couchage où elle et Roslin sont cachées pour regarder le combat, fascinée de voir l’acier déchirer chair et cuir bouilli pour se teinter d’un rouge carmin. Approches, n’ai pas peur, viens. Les assauts répétés des brigands sont vain face à Amaury qui ôte la vie à chaque idiot qui prétend rentrer de force dans la chambre. Une fois la menace défaite, Horace constate l’état de panique inhabituelle de sa mère tandis que Silva enjambe un cadavre pour s’approcher d’Amaury, dans le but d’écouter son coeur en posant sa main sur son torse, curieuse de sentir à travers ses doigts l’adrénaline du chevalier.

«  Voyez ce que vous avez fait : vous avez retourné ma chambre. » a t’elle juste le temps de susurrer innocemment avant qu’oncle Horace ne vilipende Amory afin qu’il s’écarte de sa nièce. Les yeux baissés, Silva acquiesce et demande à ce qu’elles soient seules pour parfaire leur mise avant de descendre quand le calme sera revenu.

Dans la grande salle comm à l’extérieur où Rogan a fait une percée meurtrière, la débâcle des brigands est totale. Le nom d’un chef est lâché, Dylon le Faucon, ancien sergent des Hogg aujourd’hui en fuite. Une fois descendue, Silva s’approche d’un garde légèrement blessé arborant le blason Wayfarer avant d’être vivement interpellé par l’oncle Horace soutenu par sa mère Roslin pour circonscrire toute velléités de familiarité avec des gens du commun. Qu’importe, la lady exprime sa sollicitude et sa gratitude au nom de sa maison. Une fois docilement assise, les sermons continuent, sermons qu’elle écoute avec autant de gravité que ceux prononcés au grand septuaire de Baelor tout en serrant les dents. N’en supportant pas davantage, Silva rappelle le devoir de bienveillance de la foi des Sept personnifié par la Mère et la Jouvencelle, ce qui a le don d’agacer son oncle, peu concerné par la religion des andals.
L’attention glissa progressivement vers lady Roslin qui céda à l’interrogatoire tenace de son fils et révéla deux détails d’importance. Tout d’abord, elle transportait en catimini depuis King’s Landing la dote conséquente du mariage, très certainement la cause de l’attaque des brigands. A ce stade, il manquait trop d’informations pour découvrir d’où venait la fuite et qui était derrière le projet de razzia. Puis, en l’absence de lord Terrence Wayfarer, elle révéla qu’elle projète de lui présenter une jeune veuve qui a le double avantage d’être une charmante gironde apte à accoucher d’un fils, ce qu’elle a déjà fait avant de perde son époux et d’être une parente de lady Roslin.
Le ban où était assise lady Silva finit d’être totalement inconfortable quand Trenn Holbein lui demanda sans détour ce qu’elle pensait de ces dispositions. Non, il ne m'a pas échappé que si mon père devait avoir un fils d'un second mariage, je perdrais mon statut d'héritière.
« Mon devoir est de servir ma maison », répondit-elle en faisant appel à toute sa bienséance et maintenant sa litote devant la question répétée.

Hors de question de me dévoiler à cette vieille guenaude qui ambitionne de m'écarter de mon héritage.

Au petit matin, le temps était à peine meilleur mais suffisamment adouci pour que lord Terrence puisse monter à cheval. Silva chevaucha un moment à ses cotés et attendit qu’ils soient un peu isolée pour l'entretenir.

« Père, je me souviens de vos leçons d’équitations. J’ignorais combien cela m’avait manqué d’être à vos cotés. Je… je vous dois des excuses. Je confesse que quand j’ai été conduite à King’s Landing pour suivre l’enseignement des Sept comme le souhaitait ma mère, j’ai… pu nourrir quelque amertume puérile à l’idée de quitter notre maison. Aujourd’hui, je vous remercie de ce cadeau qui m’a était fait et guide mes pas désormais. Puis-je vous demander de me parler de… mère? »

Trop tôt, trop vite. Lord Terrence s’assombrit. Ban et selle ne réussissait donc pas à la lady qui s’appliquait à garde un port de tête digne pour ne trahir aucun agacement ni lassitude. Le convoi arriva enfin à une colline où une demeure fortifiée domine une basse cour et l’on peut entendre que les festivités ont déjà commencés. C’est le temps d’une pause pour ajuster les tenues et faire bonne figure. Silva choisit de finir le trajet sur un chariot et non avec un cheval entre les cuisses. L’ordre est donné aux soldats de rester en retrait tout en veillant à ne commettre aucun accrochage avec des gens d’autres maisons. « C’est ici que les réjouissances commencent », dira avec entrain lady Roslin à lord Terrence.

Faux. La partie de cyvosse de la maison Wayfarer avait commencé depuis de nombreuses années et toute menue qu’elle fut au milieu des pièces aguerries en duplicité et autres viriles, fortes en gueule, en prestige ou en carrure, lady Silva entendait y participer.

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"Seuls les singes et les pitres sollicitent l'applaudissement" Tywin Lannister

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Message : # 57404Message DukeTogo
18 févr. 2017, 01:36

Les Wayfarer et les Trenn furent accueillis avec le respect qui leur était dû. A défaut d’être fortunés, les Buckwell connaissaient les règles de bienséances de l’étiquette. Silva s’appliqua à ne montrer aucun signe de fatigue dû au trajet et salua chacun avec un art consommé de l’étiquette, le regard candide assorti d’un léger pli à la commissure des lèvres car il était vulgaire pour une lady bien élevée de sourire à pleine dents. Si elle savait déjà dans les grandes lignes qui était présent, il était important de bien retenir le nom de chacun.

Une fois installés dans une grande pièce sommairement divisée en deux par une tenture pour que les ladys jouissent d’un peu d’intimité, l'ensemble du clan Wayfarer rejoignit le grand banquet animé par Arrondo Bon Pied, un bravosi maître de danse et des cérémonies assisté par les Prodiges de Kingslanding dirigés par Hyacinthe Beauregard, un roux bouclé au faciès drolatique et des yeux impropres à la couture.

Les uns trouvèrent rapidement la place qui leur était attribué tandis que les autres moins bien né avait l'embarras du choix en bout de tablée. C’était le cas d’Amaury Rivers. Tout bâtard qu’il fut, sa stature et son charme lui permettait de se mettre en valeur, rapidement entouré par d’autres chevaliers comme ser Quarlton Storm, un bâtard Buckler, ser Florent Brune de Brownhollow et écuyers comme Jeffroy Mallister, sans oublier les fils Hogg, Walder et Berrick. Après tout, Amaury n’avait-il pas été un temps aux cotés du manteau blanc Ser Oswald Whent?

Trenn Holbein engagea le dialogue avec Ser Barnas Hogg. Interrogatoire serait sans doute un terme plus approprié pour l’héritier Holbein, habitué à poser des questions auxquelles il est difficile de ne pas répondre. Pourtant, la réputation du redouté Barnas Hogg n’est pas usurpé et Trenn est contraint de revoir ses prétentions intrusives à la baisse.

Rogan Wayfarer est stoïque, un rien semblable à Ser Randir de Maltour le maitre d'armes local, et n’a pas remarqué le regard décontenancé du jeune septon Gelthar à son entrée.

Horace est calme, parle peu pour mieux écouter, regardant les pièces en place notamment sa mère Roslin qui n’a pas encore digéré l’interrogatoire coriace qu’elle a vécu quelques jours plus tot.

Lady Silva est à sa place, parmi les ladys. Les Sept savent qu’elle préférerait de loin attirer l’attention de lord Velaryon de Hightide, le plus illustre invité présent - nul autre que le Maitre des Navires siégeant au Conseil Restreint d’Aerys II Targaryen ! L’homme est l’objet de nombreuses sollicitations : pour espérer l'atteindre, il faut déjà franchir son secrétaire Armel Rykker ou son élégant bâtard Aurane Waters, qui a défaut d’hériter de son nom a au moins sa chevelure blanche. Une autre solution pour le rencontrer consisterait à passer par l’entremise de sa soeur, lady Loria, par ailleurs mère du futur marié.

Connaissant son devoir, Silva félicite tout d’abord Leinda Feirth, la future épouse de Jerrick Buckwell qui ne tarit pas d’éloge sur son promis. Agée de dix-sept ans, la lady est plutôt ravissante. Il juste dommage que les Feirth ignorent que l’excès de bijoux n’est pas du meilleur effet pour paraitre noble, comme s’ils voulaient faire oublier leur blason de trois peaux de bêtes sur fond or en faisant disparaitre les premières sous une avalanche ostentatoire.
Silva peut ensuite prêter toute son attention à sa cible véritable, lady Lucia Buckwell, une gironde demoiselle de vingt-deux ans dont la tenue de deuil ne saurait cacher les formes généreuses. C’est elle que lady Roslin projette de marier à son père lord Wayfarer. Silva commence d’abord par exprimer une compassion sincère pour la double perte de Lucia. Son époux d'abord, bref lord seigneur héritier de la maison Hogg puis le fils qu’elle lui fit et qui aurait du devenir le futur seigneur avant que son oncle Barnas ne décide de forcer le destin. Si Lucia apprécie la bienveillance dont elle fait l'objet, elle se hâte de changer de sujet en lançant une conversation sur la chevalerie et les tournois.

Que me parle-t’elle de ces sujets? Soit. Sois exaucée.

Lady Silva évoqua une rumeur dont elle n’avait pas tous les détails au sujet d'un grand tournoi prochain. D'ailleurs puisque Lucia était tant intéressé par la question, elle lui demanda lequel de tout ces messieurs là-bas serait le plus susceptible de remporter un tel tournoi. Celle-ci se fait un peu prier mais désigne finalement ser Florent Brune. Silva approuve en prenant lady Feirth à témoin : Lucia ne saurait choisir meilleur champion. La véhémence de cette dernière ne sera pas entendue car Silva s’applique à rendre la conversation légère et sans conséquence.

Ce que Silva ne remarque pas, c’est la réaction choquée de son père en voyant lady Jeyne Drox, dame de parage de lady Feirth, qui lui rappelle sa défunte épouse.

Peu après, Trenn Holbein demande à Silva d’obtenir les bons soins du mestre local pour le soldat le plus blessé. Mestre Harwal promets d’aller examiner le blessé au matin. La lady obtient cependant de l’accompagner à son office pour qu’il lui donne de quoi l’aider à passer la nuit. Le mestre est âgé mais étonnamment agité dans son office, comme s’il avait quelque chose à cacher. Il faut toute l’astuce de Silva pour le convaincre de céder du lait de pavot qu’elle identifie sur une table. Le fait qu’elle soit instruite de ces savoirs réservé aux hommes suscite la suspicion du vieux mestre. Elle explique alors qu’elle l’a aussi accompagné pour qu’il lui donne du thé-de-lune, cette infusion dont nombre de messieurs ignorent l’existence, permettant d’éviter une grossesse non désirée. Harwal refuse de prime abord et propose en tant que mestre une oreille compatissante.

« Oh, mais vous n’y êtes pas, bon mestre Harwal. Il ne s’agit en rien d’une cause personnelle, mon honneur est intact. Ma requête n’est que l’expérience du drame vécu par une amie au grand septuaire de Baelor de Port-Réal. Celle-ci fut séduite par un jeune homme de la cour qui connaissait des passages pour l’en faire sortir. Cette amourette prit une nouvelle tournure avec la rondeur naissante de son ventre. Mon amie fut mise à nue et chassée avant d’être renvoyée dans sa maison d’origine et je n’ose imaginer le sort qui lui fut réservée là-bas. Son amant, lui… n’a connu aucun déboire. Cette tragédie n’a rien d’unique. Ces choses… arrivent. Cependant, je me suis promise que si je pouvais dans le futur éviter à une jeune femme, quelle que soit sa condition, d’être ainsi jetée au ban de la société, j’interviendrais. Mais si vous préférez croire que je plaide pour mon propre usage… »

Silva affichait une mine désolée, emprunte d’une grande tristesse. Elle se rapprocha de lui en agrippant d’une main tremblante sa robe avec candeur.

« Mestre, si vous devez pour me croire vérifier par vous-même mon intégrité, je m’y résous car j’ai toute confiance en la rigueur de vos voeux d’abstinence pour n’en point tirer impérieux avantage. Je prie seulement pour que personne de ma maison ne vienne me chercher ici, l’on ne comprendrait pas. »
Mestre Harwal avait le souffle court, celui d’un vieil homme qui se demandait ce qui était en train de se produire. Ecoutant cette voix interne qui l’exhortait à la prudence, il jeta des regards inquiets vers la porte puis fouilla nerveusement dans ses affaires pour donner un sachet à lady Silva qui, en escamotant la tisane, le remercia par avance pour ses soins matinaux au garde blessé.

La lady rapporta à Trenn les bonnes dispositions du mestre ainsi que le lait de pavot. Silva ne tarde pas à cette première soirée. Une lady bien élevée ne veille pas outre mesure et elle voulait surtout regagner la chambre la première. Elle fit signe à Lysette de l’accompagner pour l’aider à se dévêtir. Elle n’a pas oublié cette servante, plus âgée qu’elle qui avait rejoint la maison Wayfarer à l’adolescence. Par chance, Horace avait eu la présence d’esprit d’emmener des chambrières pour elle et sa mère. La servante Lysette est devenue une femme à part entière, dont l’on remarque plus la gorge généreuse que le chignon imparfait, le contraire du corps sylphide de Silva. En la suivant, Lysette lance un sourire vainqueur à une autre servante contre laquelle elle avait pariée que la lady la voudrait à son service.

« Ne me touches pas avant d’avoir fait disparaitre ces traces de saletés sur tes mains. Ni moi ni mes vêtements. »

Lysette prit d’abord à la légère la remarque jusqu’à ce que Silva lui demande si elle souhaitait être recommandée à la maison Hogg pour son futur emploi.

« Tu es jolie, Lysette. Une femme au goût des hommes. Dis-moi donc le nom du garde qui a tes faveurs. » Silva rassura la servante, il n’était nullement question de punir qui que ce soit.

« Lysette. J’attends de toi de savoir tout ce qui s’est passé au domaine durant ces années en mon absence. J’attends de toi de savoir tout ce qui se passe, qui rentre, qui sort de notre bâtisse. Tu vas développer ta curiosité, te taire pour mieux écouter. Retiens-bien que je vais devoir choisir ma chambrière attitrée car je ne suis plus une enfant. Tu auras des vêtements propres, des gages meilleures et tes mains n’auront plus à gratter les fientes des corbeaux de notre mestre. Et avant toute chose, j’attends de toi de la loyauté. Trahis-moi, mens-moi et je te ferais fouetter puis chasser pour vol de bijoux, dussé-je les jeter au feu ou en avaler la moitié. »

La servante était effarée et lâcha le tissu humide avec laquelle elle faisait la toilette de la lady.

« Je suis désolé, ma lady. Je… bafouilla-t’elle en se baissant pour ramasser sa bévue.
Non. Laisses le par terre. Donnes-moi plutôt de quoi m’essuyer. », intervint Silva.

La lady prit l’étoffe qu’elle passa sur ses épaules dénudées avant de prendre les mains de Lysette pour lui parler d’une voix plus douce.

« Regarde. Regarde comme tes mains sont belles. Tu mérites mieux que d’être une simple servante. Je ne veux pas d’une chambrière choisie pour moi par lady Roslin. Je te veux, toi. »

Silva porta les mains les mains de Lysette à sa bouche pour les embrasser religieusement avant un sourire complice en coin. Lysette demeurait interdite, entre stupeur et fascination. Silva lui rendit l’étoffe pour qu’elle lui essuie le dos.

Un peu plus tard, l’on toqua à la porte. C’était l’oncle Horace qui s’assurait que sa nièce était vêtue avant d’entrer dans la grande chambre qu’on avait affecté à la maison Wayfarer. Lysette pris la grande cape que lui désigna Silva pour la passer sur ses épaules afin que la lady ne reste pas qu’en vêtements de nuit. Silva la retint avant qu’elle n’ouvre la porte.

« Les femmes qui se contentent de vouloir égaler les hommes manquent d’ambition. » Elle avait exprimé cette dernière phrase pour s’assurer de voir une étincelle brillait dans les yeux de Lysette. Confiante sur la motivation de celle-ci à la servir et améliorer sa condition, elle ajouta : « Ce sera notre secret. Ca et tout le reste. A demain. »

Horace n’était pas seul. L’entrée du clan tout entier mis fin au calme dans la chambre. C’était l’heure des bilans, des compte-rendu individuels et des théories sur ce qui pouvait advenir durant les festivités. Il y’avait trop de personnages de divers horizons pour ne pas pressentir quelque chose d’indéfinissable. Silva rejoignit le sentiment de Trenn Holbein, l’on pouvait craindre un empoisonnement. L’on débattit sur le risque de paraître des oiseaux de mauvais augure mais après tout, bien exprimé, il ne s’agirait que de sollicitude envers la maison hôte en invitant le seigneur a ordonné qu’un serviteur ou un garde de confiance goûte mets et boissons avant qu’ils ne quittent les cuisines.

Le lendemain rapprochait des célébrations et de la grande messe. Silva trouva le septon en train de nettoyer le dallage. Elle exprima à voix basse une prière devant l’autel de la Jouvencelle et s’agenouilla à ses côtés, entreprenant de l’aider à détacher la cire collée au sol.

« Merci, lady. Mais ce n’est pas à vous de faire ça… »

Je le sais et n’en ai aucune envie. Mais je vais le faire et tu vas me dire ce que je veux savoir.

« Voyons, je vous en prie. J’ai passé trois ans d'instruction au grand septuaire de Port-Real et n’ai point oublié mes leçons d’humilité. Il faut croire que certains personnes n’ont suivi aucun enseignement pour ignorer que les bougies doivent trouver leurs places sur des candélabres ou au pied des divines figures et non brûler au centre du septuaire.
Ah… Hum… Vous savez comment sont les jeunes gens… »

Silva se demanda vraiment quelle fantaisie pouvait prendre un couple à vouloir copuler dans un septuaire mais après tout, celui-ci a une porte et n’empeste pas le cheval comme une écurie. D’autant que trouver de la paille dans les vêtements de quelqu’un était un indice révélateur de polissonnerie.

Silva affecta une attitude étonnée en faisant les yeux ronds sans parvenir à obtenir de confidences de septon Gelthar. Elle le questionna ensuite paisiblement sur les raisons de sa surprise en voyant la veille son oncle Rogan et finit par découvrir qu’il savait où était son fils. Celui-ci restait très fidèle à son obédience et ses voeux de silence, quelque part dans le Conflans. Silva se montra admirative et apprécia de le savoir en bonne santé, ce qui ravira le coeur de son père. Elle promit au septon de n'en rien dire à Rogan avant leur départ pour qu'il ne vienne pas l’interroger et l’obliger à révéler le lieu de sa retraite. Silva lui proposa ensuite de l’assister pour la cérémonie de mariage, ce qu’il déclina poliment.

Et s’il me plait, à moi, de cultiver mon image angélique de vertu?

« Je m’en remet à votre sagesse et votre connaissance des usages, septon Gelthar. C’est que… je n’ai guère le désir d’être du nombre de celles qui déshabilleront le marié pour le porter dans sa chambre nuptiale. »

Silva simula d’être gagnée par le trouble et quitta rapidement le lieu saint en laissant le septon contrit. Une fois seule, elle inspecta ses mains d’un sourcil levé, appréciant de n’avoir abimée aucun ongle.

Elle croisa ensuite son oncle Rogan qui l’interrogea pour savoir ce qu’elle pensait de lady Roslin. Silva lui répondit sans détours puisque son oncle, tout comme l’autre d’ailleurs, était un homme qui n'avait aucune patience pour les circonvolutions.
« Je pense que lady Roslin croit bien faire. Mais ma conviction est qu'en son for intérieur, elle est restée fidèle à sa maison d’origine. En revanche son fils, votre demi-frère Horace, place vraiment toute son énergie dans l’intérêt de la maison Wayfarer. Jugez par vous-même, nous sommes ici parce qu’elle a oeuvré pour qu’un membre de sa famille fasse un bon mariage. Et elle oeuvre maintenant pour marier à mon père une autre personne de sa famille. »
Silva soupira et reprit : « Je sais bien que je n’ai pas vraiment répondu à la question de Trenn Holbein à l’auberge sur mon ressenti pour ce projet qu’elle préparait à notre insu. Mais cette question fut posée en sa présence. C’est par prudence que je ne voulais pas qu’elle ne connaisse pas mon sentiment profond que je vous livre sans détour : si on la laisse continuer en toute impunité, nous n’aurons plus de Wayfarer que le nom mais vivrons en réalité sous la devise Buckwell. »

Rogan réfléchissait à ce qu’elle venait de dire. Silva reprit avec un ton plus doux.

« Mon oncle, je sais que la préoccupation de voir un héritier pour la maison Wayfarer est grande mais cette femme, lady Lucia Buckwell est… un second choix. Libre à vous de croire que je refuse qu’une femme remplace feu ma mère auprès du lord mais Lucia a déjà été mariée et a déjà eu un fils. Le prestige de notre nom mérite mieux. De plus, elle vit et vivra toujours dans le deuil de son enfant perdu. Le premier revêt toujours une place prépondérante. Or, un futur héritier Wayfarer élevé par une femme triste et un père dans la force de l’âge ferait sans doute un piètre seigneur. Mes mots sont durs, mon oncle, mais mon devoir d’héritière est de voir notre maison prospérer et gagner en prestige… et non l’inverse. »

Rogan sembla apprécier la franchise de Silva et lui demanda de partager dans le futur toutes ses actions, ses intentions, ses intrigues. La lady resta éberluée et lui demanda de façon répétée ce qu’elle avait pu faire pour susciter un soupçon de duplicité. L’oncle n’avait aucun exemple à lui donner à moins qu’il eût la bonté de ne pas la mettre dans l’embarras par l’évocation d’un fait avéré qu’elle n’identifiait pas.

Au moins, il ne m’a pas été demandé de garder la bouche close sauf pour sourire aux mâles seigneurs de Westeros.

Patiente et s’appliquant à cacher son agacement, la lady regarda le roc s’éloigner pour rejoindre Horace qui se tenait à l’écart. Les deux hommes parlaient la tête penchée, comme on le fait quand on ne veut pas être entendu.

Elle ferma les yeux et inspira lentement pour chasser tout courroux de son visage. Que n’était-elle un homme pour parler plus fort que ses vis-à-vis, pour taper du poing sur la table et pour ordonner et commander? Elle n’avait de choix de vie qu’attendre la becquée, le bon vouloir d’autrui… ou prendre les devants avec malice tout en veillant à ne pas être démasquée. L’histoire de Westeros est ainsi faite qu’il est honorable pour un homme d’en tuer un autre en faisant valoir son bon droit et sa vérité par un duel judiciaire au nom des Sept tandis que le mensonge et le poison étaient l’affaire des femmes et des eunuques. Silva pinça ses lèvres en maugréant intérieurement.

Chers oncles, on éduque pas les ladys comme on dresse ses chiens. Ne comptez pas sur moi pour embrasser la main qui voudrait me tenir en laisse… ni pour demander la permission de défendre ce qui est mien.

Elle ajusta sa tenue, fit signe à Lysette de la suivre et prit la direction des leçons de danse prodiguée par le bravosi Arrondo Bon Pied. Marchant comme une ingénue sage alors qu’elle avait hâte de participer à la fête, elle ne cacha qu’à moitié un bref sourire à l’adresse de ser Florent Brune. Comme escompté, celui-ci vint la solliciter comme cavalière pour ces répétitions. Le chevalier avait de l’expérience et ne s’en cachait pas. Pourtant, une autre figure faisait sensation par son expression sérieuse et assurée. Pendant que d’aucuns admiraient l’élégance de Trenn Holbein, ser Florent commençait à signifier à la lady un interêt pour sa jeune personne, tantôt en appliquant une pression appuyée sur ses mains fines, tantôt en la sollicitant pour partager une danse de nature plus privée. La lady feignit d’être flattée tout en gardant ses distances devant les tentatives de son cavalier d’exécuter des pas trop rapprochés.

Pas de précipitations, ser Florent. Vous aurez tout le loisir de vous faire arracher la tête par ser Amaury.

« Ainsi vous prétendez être un habile jouteur ?
- Si fait, ma lady. Je n’ai d’ailleurs autre désir que de faire de vous ma reine d’Amour et de Beauté.
- Une promesse servie à combien de lady, ser?
- Votre question me peine, douce Silva, car je ne souhaites porter que vos couleurs.
- Voilà qui est aimable. C’est que… je ne saurais vous les donner sans que tout mes chaperons ne s’y oppose.
- Vous avez raison, belle enfant, l’endroit ne s’y prête guère. Tenez, prenez un moment ce soir durant le dîner pour vous échapper ! Retrouvons-nous dans le plus grand secret au septuaire que je puisse vous faire part de tout mon engagement."


…à me besogner à même le sol avec quelques bougies et les Sept pour témoin?

- La Jouvencelle ne saurait ignorer le caractère brave du Guerrier… et l’étendue de son talent, répondit-elle en baissant les yeux faussement troublée. Etre courtisée avec tant et plus de talent est le voeu secret de même la plus chaste des ladys. Cependant, si vous voulez faire de moi une Reine d’Amour et de Beauté à l’issue d’un tournoi, c’est que vous aurez triomphé de plusieurs adversaires pour être déclaré champion. »

Ser Florent souriait avec confiance, amusé que la jeune lady se prenne au jeu en voulant mener la danse. Qu’importe, il était ce genre de chevalier qui cache un loup patient.

« Et où sont-ils, ces parvenus, que je fasse taire leur prétention envers ma lady?
- Oh. Une simple démonstration de vos talents de courtisans suffira à confirmer votre statut d’homme d’expérimenté. »


Rompu à la pratique de l’Amour Courtois, Ser Florent Brune avait le verbe facile et souriait d’avance à une formalité accomplie d’avance. Silva fit mine d’hésiter en regardant l’assistance et trouva enfin l’épreuve pour le courtisan.

« Voyez-vous cette jeune femme triste, lady Lucia Buckwell ? Réussissez d’abord à la séduire et je n’aurais plus aucun doute que vous saurez changer ma solitude sage en espérance de vos bras. Mais peut-être est-ce une épreuve trop facile pour vous? A table hier soir, la pauvre veuve se pâmait déjà devant votre fière allure et vous disait homme à remporter un tournoi. Alors, une autre peut-être…
- Challenge accepté. »
coupa ser Florent.

La suite fut une déconvenue cuisante pour le chevalier. Il parvint effectivement à entretenir lady Lucia un peu à l’écart mais pas assez pour que l’on ne remarque la vive émotion de celle-ci, émotion qui jeta un froid sur les réjouissances matinales. Silva s’empressa de rejoindre la pauvre Lady Buckwell, non sans un regard rassurant vers sa grand-tante lady Roslin pour lui signifier qu’elle allait soutenir sa protégée.

Lady Buckwell était dans tous ses états et confia à Silva que le chevalier s’était montré grossier et lui avait fait des propositions sans équivoques.
« Ma pauvre amie… Ser Florent se sera imaginé des choses…
- … mais non, comment?
- Quelqu’un lui aura rapporté qu’il trouvait grâce à vos yeux. Oh je ne vous blâme pas, Lucia, l’homme est bien né et bien fait.
- …mais non, je…
- …je sais, lady Buckwell, vous êtes dans le deuil. C’est que… allons, vous savez bien ce que sont les mariages, les ladys y viennent pour être remarquées. »


Voilà que lady Buckwell devenait plus malheureuse que jamais, secouée par des sanglots étouffés. Impuissante à la raisonner, Silva jeta un regard désolé à lady Roslin déconfite.

Et c’est à cette pleureuse que vous voulez marier un lord triste?

Quand le courtisan éconduit repris place parmi la noblesse exerçant rondes et pas de deux, il fut critiqué sans détour par Rogan. Ser Florent usa de sa langue agile pour se gausser du caractère intrusif du vieux borgne et en fut quitte pour un poing fermé non moins intrusif sur la joue. Il fallut l’intervention de plusieurs hommes pour éviter que les choses ne dégénèrent bien qu’un seul aurait suffi. Le Manteau Blanc déplora l’incident et Rogan exprima avec honnêteté sa contrition. L’on ne s’étendit pas sur le sujet mais chacun avait compris le caractère volage de l’un comme le manque de patience de l’autre. Toutefois le premier avait plus de souci à se faire que le second que l’on ne ferait que craindre davantage.

Il y’eut plus tard dans la journée une nouvelle réunion du clan, toujours sans la présence de lord Wayfarer. La lady appris que ses efforts pour ridiculiser Lucia était en partie vain car son père était davantage intéressé par lady Jeyne Drox, le portrait craché de son épouse quand il l’avait rencontré.

Au moins, le discrédit de Lucia implique l’inaptitude de la vieille bique à faire de bons choix pour notre maison.

Maintenant qu’elle était informée, elle s’appliquerait à être vigilante aux attitudes de lord Wayfarer et à l’affut de la moindre faute de cette lady des Terres de l’Ouest.

Quand il fut seul, Silva trouva son oncle Horace pour lui relater avoir été interrogé par son oncle Rogan sur le sujet d’une descendance pour son père lord Wayfarer. Silva assura à Horace qu’elle se savait en assez bonne santé pour enfanter un jour un futur héritier mâle. Quant au maintien du nom, elle connaissait assez l’histoire de la généalogie des grandes maisons pour savoir qu’une maison noble n’ayant que des filles négociait pour que le premier né prenne le nom de sa mère et non celui du père, ainsi le nom d’une maison pouvait perdurer par ce truchement. Les rares maisons ayant connus l’extinction le devait à des conflits entre voisins, des courroux de leur suzerains, des serments d’allégeances non respectés et non à l’apparition ponctuelle d’une génération sans mâle.

« C’est à votre oncle Rogan que vous auriez dû répondre tout ceci. »

Pour qu’il vous le répète avec un risque de dilution?

« Bien entendu, mon oncle, je m’en remets à votre jugement. Je voulais simplement que vous sachiez bien ma fierté à représenter le futur de la maison Wayfarer.
- Ah oui, Silva? Mais bien sûr qu’il y’aura un héritier tôt ou tard, que ce soit un fils de mon frère ou l’enfant que vous aurez un jour. Laissons l’orgueil de côté, seul l’interêt supérieur de la maison compte.
- Vous n’avez pas prêté attention, mon oncle. Je suis fière d’être l’héritière et n’en tire aucun orgueil.
- Voyons Silva, fierté et orgueil, c’est pareil"
, éluda Horace.

Elle insista presque en vain pour qu’il admette le distinguo, vu que la fierté pouvait être jugée honorable alors que l’orgueil paraître de l’arrogance. Horace lâcha finalement :

« Silva, je serais le plus heureux des hommes si vous vous trouvez un époux à votre goût, dont le nom et les ressources serviront le développement de notre famille et que vous pourrez manipulez à votre guise.
Non, mon oncle. Le plus heureux des hommes sera mon époux. »


Horace sourit. Il avait toujours su que Silva n’était pas une oie blanche.

« Va pour orgueil » lâcha-t’elle après sa répartie.
« Va pour orgueil » répéta l’oncle en la regardant s’éloigner.

Le soir venu, Silva constata que lady Jeyne Drox ne semblait pas remarquer l’interêt de son père pour sa personne et que celui-ci était perdu dans sa nostalgie. Le danger semblait donc circonscrit de ce coté.

Elle sortit de table un moment, aussitôt accompagné par Lysette sa nouvelle chambrière et une fois dans les couloirs, bifurqua pour sortir rejoindre le septuaire de l’autre côté de la cour. Elle somma Lysette de rester dehors et attendit l’arrivée de ser Florent en priant la Jouvencelle de lui donner pour de nombreuses années encore son expression candide et l’Etranger pour lui donner la capacité d’agir sans être jamais reconnue.

Ser Florent vint la rejoindre comme présumé. Silva dut réfréner ses prétentions et lui rappeler qu’il n’avait aucunement réussi le test.

« Les gens du Nord ont coutume de dire qu’un homme reçoit ce qu’il mérite… quand il le mérite. »

Qu’importe, il tenta de la séduire avec empressement. Une voix intérieure soufflait à la lady de se laisser porter. Mais une voix plus impérieuse encore lui rappela que c’était elle qui clouait des trophées au mur et non un coureur de jupons. Lady Lucia n’était qu’un début. Ser Florent compris qu’elle l’avait poussé vers Lucia avec dessein. Mauvais perdant, il essaya malgré tout un baroud d’honneur en tentant d’obtenir un baiser, comme si le gout de ses lèvres de courtisan éconduit pouvait réveiller en Silva un désir irrésistible. Cynique, la lady ironisa en désignant du pied les maigres traces des bougies brulées la veille. Mais voilà que ser Florent blêmit et tenta de se donner une importance qu’il n’avait plus aux yeux de la lady. Qu’elle ne fut pas sa surprise d’apprendre que les bougies n’étaient pas là pour éclairer des amants de la veille au soir mais pour des accords très secrets concernant le devenir du royaume des Sept Couronnes. Ici même était réunis les lords Buckwell, Velaryion et Manning ainsi que les ser Oswald Whent, Florent et Storm pour comploter à l’insu d’Aërys II Targaryen. Silva laissa filer Ser Florent qui réalisa qu’il en avait trop dit.

Elle rejoignit le banquet pour finir son diner en silence. Les révélations de ser Florent étaient très dangereuses. Si la lady faisait généralement confiance à son intelligence, elle savait que son jolie minois ne serait d’aucun secours si on la jugeait capable de compromettre un plan ourdi dans le plus grand secret. Elle se coucha donc sans partager ces informations graves. Elle n’avait pas passé tant d’années à attendre son heure pour brûler ses ailes face un feu trop dangereux.

Mais au matin, la nouvelle tomba comme un couperet : ser Florent Brune avait été assassiné.

Silva sentit son ventre se nouer tandis que tant et plus d’idées contradictoires encombraient ses pensées. Elle avait peur. Peur de se noyer dans des sables mouvants semblables à la rivière de diamant de l’armure d’apparat du prince Rhaegar Targaryen.
"Seuls les singes et les pitres sollicitent l'applaudissement" Tywin Lannister

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