La veille pendant le trajet.
La décision fut prise de ne pas pousser la curiosité trop loin. Lockyel de son côté avait un sentiment mitigé. Savoir s que ceux qui étaient à l’origine des pires évènements de sa vie étaient si proche le tracassait. Ces hommes étaient aguerris et dangereux, et si quelque chose leur était arrivé cela ne pouvait provenir que d’un danger encore plus important. Restait cependant le doute sur l’existence d’éventuel survivant. La certitude de les savoir tous morts et leur chef en particulier aurait peut-être aidé à cicatriser les blessures du passé, mais pour le moment Lockhyel devrait continuer de vivre avec ses doutes. Quoiqu’il en soit, il ne fallait pas trainer dans le coin.
Plus tard….
La meute était en danger ! A mesure qu’ils avançaient, Lockhyel était de plus en plus nerveux et ne faisait rien pour le cacher. Faisant des allés retours le long du convoi pour tenter de rassurer les bêtes et pousser tout le monde à avancer. Il parlait très peu, mais tout le monde pouvait voir à quel point il focalisait son attention sur les bois qui les entouraient, l’arc à la main, tous les sens aux aguets.
Il y avait ces choses en périphérie qui semblaient les suivre. Ce voyage parmi les hommes avait eu un étrange effet sur sa relation avec Œil de Nuit. Le lien qu’ils partageaient s’était renforcé et sa perception sensorielle du monde s’étaient encore rapprochés de celle du loup.
Seulement dans le cas présent, ses sens affutés le mettaient sur les nerfs car il percevait avec plus d’acuité la menace constante qui rôdait autour d’eux.
Des fauves…. n’ayant qu’une forme de loup… mais son instinct lui disait qu’ils n’en étaient pas… Œil de Nuit aussi était sur le nerf, et grondait en direction des sous-bois.
La nuit commençait à tomber et avec elle les risques augmentaient. Il fallait avancer, passer la nuit dans ces bois ne leur apporterait rien de bon. Finalement ils émergèrent de la forêt et furent accueillis dans une angarde. Etrangement et pour la première fois depuis longtemps, Lockhyel ressentit un soulagement de quitter les bois pour rejoindre la sécurité auprès des hommes …
Pendant la nuit :
Lockhyel se réveilla en sursaut. Il ne se souvenait pas d’être retourné dans les bois mais pourtant il y était à nouveau. La forêt qui l’entourait était sombre et inquiétante et il était seul. Des champignons et lichens aux formes étranges poussaient sur la plupart des surfaces, et l’air était imprégné d’une forte odeur de nature en décomposition. Lockhyel se mit doucement en mouvement, écrasant sous ses pieds quelques champignons blancs sphériques qui rependirent une nuée de spores jaunes dans l’air qui le firent tousser. Partout où les sports entraient en contact avec une surface végétale une étrange moisissure jaune apparaissait, puis se répandait en grouillant le long des branches et des troncs avec une incroyable célérité.
Couvrant sa bouche d’une main il pressa le pas pour s’éloigner du nuage toxique et arriva finalement dans une clairière que la moisissure jaune semblait éviter. Les champignons y étaient moins nombreux mais d’étranges fleurs blanches aux pétales filandreux en parsemaient le sol. Il y avait une pierre au centre de la clairière, éclairée par une unique raie de lumière qui perçait la voute sombre des arbres. En s’approchant prudemment, il vit qu’une étrange scène avait été peinte sur la pierre. Il y avait des hommes et des animaux, et à côté ce qui ressemblait également à des hommes avec une longue tresse partant de l’arrière de leur tête qui entouraient une sphère de laquelle sortait des sortes de branches ou de racines. Le tout était peint en rouge et le varigal ressentait un étrange malaise en le regardant.
Il sentit soudain quelque chose qui tirait sur sa manche, il regarda vers le bas pour voir qu’Œil de Nuit était à ses côtés. Le loup tirait sur la manche et lui pulsa à plusieurs reprises dans la tête «
Revient !... Revient ! » , de plus en plus fort .La température baissa soudain, puis tout devint noir.
Quand Lockhyel ouvrit de nouveau les yeux, Il était de retour dans l’angarde, dans le coin où il s’était endormi. Le loup l’avait tiré par le bras le sortant ainsi de ses couvertures, privant le Varigal de leurs chaleurs. Œil de Nuit le regardait fixement de ses grands yeux jaunes, puis voyant qu’il était réveillé il revint se lover près de lui et lui pulsa sa satisfaction de le voire de retour parmi eux..
Le lendemain
La journée était belle et ensoleillée, et le trajet jusqu'au Bas Mudan s’était fait sans encombre.
Alors qu’ils patientaient tous dans la cour du château en attendant d’être reçu par le seigneur des lieux, Lockhyel avait toutes les peines du monde à se débarrasser de la désagréable sensation que lui avaient laissées les évènements de la veille et ceux de la nuit.
Il y a encore quelque- temps il serait peut-être allé voire l’une des jumelles où Raen, mais tous les trois semblaient distants ou peu enclins à l’écouter.
La remarque que Serah lui avait faite de la veille restait vive dans son esprit…
Serah a écrit:
Serah a écrit :"- Lockhyel, dans la liste des mauvaises idées que tu as eue, celle-ci arrive probablement en tête de liste. »
Quelle liste ? Qu’avait-il fait pour provoquer sa colère…Cela l’avait blessé, et il ne comprenait pas . Ne sachant pas vraiment comment réagir, il se contentait d’éviter de croiser son regard …
Léorah de son côté l’inquiétait. A mesure que leur voyage avançait elle s’était renfermée sur elle-même restant vigilante et professionnelle, pour sombrer dans un quasi-mutisme depuis l’épisode des mines. Lockhyel se souvenait de la jeune femme pleine de vie qui lui avait souri lors de leur première rencontre et ce sourire lui manquait. Quand il croisait son regard il lui adressait un pâle sourire, mais là encore il ne savait pas comment combler cette distance qui s’était créé entre eux.
Raen n’avait pas non plus beaucoup réagi ces derniers temps, perdu dans son monde. Il semblait à Lockhyel qu’il jetait par moments des regards au bracelet de sa sœur mais peut-être Lockhyel projetait-il ses propres préocupations sur le sujet.
Œil de nuit vint frotter sa tête contre sa jambe et Lockhyel se reprit .Pendant des années ils n’avaient été que deux dans la meute et le loup avait toujours été là pour lui. Cela lui avait suffi et devrait lui suffire pour le moment.
Se baissant au niveau du loup il enfouit sa tête dans son coup en lui glissant à l’oreille «
Merci d’être là pour moi ».
Ce bref moment de complicité avec son frère de meute lui fit le plus grand bien. Et c’est donc un peu plus serein qu’il se prépara à ce qui allait venir.