[OdE Chap.10.01] Survivants - Vieux parchemin

[Cialf]

Le vieil homme prend le papier, le tourne et retourne dans tous les sens, fronce les sourcils et gronde:

- Où est-ce que tu as trouvé ça?

[darkbaron]

"Je n'ai pas eu à beaucoup chercher... Il est tombé d'un des livres de la bibliothèque du château quand j'en cherchais un que j'avais commencé à lire."

Le jeune homme ôta ses lunettes pour les essuyer et les remit calmement avant d'ajouter :

"Alors, qu'est-ce que c'est, au juste ?"

[Cialf]

- Ah oui? Tu vas dans une bibliothèque, tu vois un papier qui te plaît et tu l'embarques sans rien demander? Des fois, je me dis que Paid ne t'as pas flanqué assez de claques quand tu étais gamin. Pour commencer, tu vas ramener ce papier à la bigl... la maîtresse du trésor, et t'excuser! Tu t'imagines que nous pouvons faire des coups pareils à des bons clients?

[darkbaron]

Aedan serra légèrement les dents et s'abstint de répondre à son grand-père. Piran était un ours dans la peau d'un homme, avec un caractère de cochon. Il était toujours inutile d'insister...

Et puis, d'une certaine façon, il avait raison : il avait emprunté le papier, mais il ignorait son importance pour la bibliothèque du château et ça pouvait être apparenté à du vol.

"Bien, je vais le rendre et sans doute le recopier. Je reviendrai avec une copie... Et les mêmes questions, grand-père. Je ne les aurai pas oubliées pour autant.

Le petit-fils de Piran peut être encore plus têtu que son ancêtre. Surtout quand on parle de livres, de savoir et de magience... Tu sais que ce sujet m'intéresse vraiment, non ?"

Il reprit donc le papier et se dirigea vers le château en espérant que l'archiviste s'y trouvait bel et bien toujours...

[Cialf]

Sur le chemin
Entre le village et le château, il y a un chemin creux assez étroit entre deux murets. Aedan doit se ranger tant bien que mal dans un coin pour laisser passer un caernide allant dans l'autre sens, avec une pile de pièces de bois sur le dos. Le caernide est tenu en longe par une personne qu'il ne connaît pas mais qui lui rappelle quelque chose.

A la bibliothèque
Nino est en train de se servir une tisane. En voyant entrer Aedan, elle sort une deuxième tasse.

- Asseyez-vous, si vous voulez boire quelque chose.

[darkbaron]

Aedan s'écarta pour laisser passer le Caernide ? Était-ce donc celui qu'il avait vu il y a peu ? Dans ce cas, la personne devait être celle qui discutait avec le maître de chasse...

Bien, ce n'était pas comme si c'était quelque chose de particulièrement bizarre ! Les gens travaillaient tout le temps, non ? En revanche, la présence d'un inconnu était plus surprenante.

Cela importait peu : il avait son propre travail à accomplir et n'était pas du genre à faire ami-ami avec des inconnus qu'il croisait dans la rue. Il ne savait jamais quoi raconter...

Une fois à la bibliothèque, Aedan salua l'archiviste (qui a quel âge, d'ailleurs) et acquiesça :

"Bien volontiers. Je crois avoir emprunté par mégarde ceci. C'est tombé d'un livre... Savez-vous ce que c'est ?"

Il tendit le papier avec moult précautions afin de ne pas l'abîmer.

[Cialf]

La femme prend le papier et, à travers ses verres de lunettes, le jeune homme pourrait entrevoir une lueur d’amusement… Elle n’est pas si vieille qu’elle en a l’air, elle doit avoir à peu près l’âge du père d’Aedan, mais c’est vrai que les gens pensent généralement à elle comme à une vieille femme. Elle a passé l’âge de se marier, c’est ce qu’on peut en dire de plus sûr. Elle a l’air de faire partie du décor de cette bibliothèque, avec ses grimoires usés et son vitrail, dans la salle de lecture, qui laisse filtrer une douce lumière multicolore…



-Vraiment, vous faites des trouvailles… Asseyez-vous, servez-vous, sinon la tisane va refroidir.

Elle lui désigne un fauteuil, au pied de l'escalier, et examine longuement les deux faces du parchemin.

-C’est l’écriture de mon père… Sa main ne tremblait pas encore, en ce temps-là. Le récit du varigal, je veux dire. Ca va peut-être vous surprendre, mais quand j’étais jeune, je rêvais de partir sur les routes, au point que mon père m’interdisait d’écouter les récits des varigaux. De sorte que j’ai manqué celui-là. J’aurais eu l’air malin sur les chemins avec ma myopie, non ? Allez-y, buvez…

Nino se laisse aller doucement à la nostalgie.

-Le menuisier Piran, c’est votre grand-père, évidemment. Il avait beaucoup de travail au château en ce temps-là. Les rayonnages que vous voyez, c’est lui qui les a fait. Un superbe travail. Avec son apprenti, Paid, votre père… Un polisson, celui-là. Je pourrais vous en raconter… Mais ce n’est pas ce qui vous amène, je suppose ?

[darkbaron]

Aedan obéit à l'archiviste et s'installa en se servant une tasse, buvant de temps à autre une gorgée en écoutant attentivement le récit de son interlocutrice. Il s'abstint de faire le moindre commentaire sur son âge ou ses rêves brisées. Effectivement, il ne la voyait pas varigale, mais ce n'était sans doute pas le genre de choses qu'il fallait dire... Même en ayant conscience de la vérité, les gens pouvaient se vexer.

Ensuite, elle confirma ce qu'il avait deviné : son grand-père avait bien travaillé sur cette machine... Et fait pas mal d'autres choses aussi. Il ne connaissait que trop bien la réputation de son grand-père en tant que menuisier et n'avait généralement pas besoin d'un rappel quant aux talents de ce dernier. En général, il s'en chargeait très bien lui-même : "à ton âge, j'avais fait ci, quand j'avais 20 ans, j'avais déjà fait ça..."

En revanche, la façon dont elle parla de son propre père le fit tiquer... Un "polisson" ? Que voulait-elle dire par là ?

- Des histoires sur mon père ? C'est à dire ? Quel genre d'histoires, si je puis me permettre ?

Enfin, non, je ne viens pas pour ça : je suis ici pour obtenir des informations sur ce papier et la machine qu'il décrit. Néanmoins, j'aimerais savoir...

[Cialf]

Nino reste un long moment songeuse, ses verres de lunettes embués par la vapeur de la tisane.

- Le varigal Iollan passait tous les ans pour nous vendre son almanach, et quand il avait des récits particulièrement intéressants, le vieux seigneur Glezran le retenait pour la soirée et même pour plusieurs jours. Je guettais ses apparitions. Et puis il n'est plus revenu. J'ai su plus tard qu'il était mort sur les routes... Comme souvent pour les varigaux, malheureusement. Puis mon père a eu une attaque qui lui a laissé la main tremblante et il ne pouvait plus se passer de mon aide. Le seigneur Glezran est mort plus tard, et mon père, il y a trois ans... Eh oui, tout passe...

"Cette histoire de fabrique magientiste, Iollan a dû la noter dans son almanach. Nous avons la collection complète. Quant à savoir à quoi elle servait...

Elle finit sa tasse et va ouvrir un rayonnage du bas du meuble. Elle en sort une pile de vieux cahiers usés. Elle en confie la moitié au jeune homme et amène l'autre sur une des tables de la salle de lecture.

- Votre grand-père ne vous a pas dit en quelle année? Alors, il va falloir chercher dans toute la pile.

Les cahiers sont remplis de tout un fatras hétéroclite, des prédictions, des recettes pour cuisiner ou écarter les puces, et puis, en un bref résumé, les principaux événements de l'année écoulée. Aedan se laisse distraire par un récit plus développé, un numéro spécial sur la "Guerre des Galeries", l'invasion de la grande ville de Kalvernach par une horde monstrueuse de feondas surgis des galeries minières. Les dessins naïfs qui illustrent l'almanach donnent le frisson... Mais c'est finalement Nino qui trouve le bon cahier.

- Eh bien, je crois que nous y sommes... Lisez...

Dans la forêt de Boischandelles, non loin de la frontière de Gwidre, une fabrique magientiste aurait été entièrement détruite par un incendie. Les habitants du plus proche village ne savent que très peu de choses sur cette fabrique, très isolée au milieu des bois . Son ravitaillement et son personnel venaient de régions éloignées. Un demorthèn a voulu faire un rite de purification, mais il n'a pas pu retrouver l'emplacement exact. Selon lui, certains arbres de de secteur sont nécrosés par l'exploitation du Flux végétal et les feux-follets qu'il a pu croiser étaient rares et d'une teinte qu'il a jugée "peu naturelle". Je n'ai pas pu avoir d'autres précisions.

La suite de l'almanach était consacrée au récit d'un mariage princier, puis à la nomination d'un nouveau prêtre de l'Unique à Farl et à d'autres événements sans intérêt scientifique.

- C'est le dernier almanach de Iollan... Dommage, il en aurait peut-être reparlé dans le numéro suivant. Peut-être que son successeur est retourné y voir.

Mais une recherche dans les almanachs plus récents ne donne rien. L'incendie remonte à sept ou huit ans.

[darkbaron]

Aedan écouta l'archiviste parler encore et encore. Il constata qu'il n'avait pas répondu à sa question au sujet de son père, mais soit... Au moins, elle parlait aussi d'un sujet qui l'intéressait. Certes, le sujet semblait se perdre au milieu de faits moins intéressants, mais c'était ainsi : apparemment, l'archiviste avait tellement passé de temps parmi ces archives qu'elle avait fini par être à leur image, complètement brouillonne. Ou peut-être que les archives étaient ainsi parce qu'elle l'était à la base ? Dans tous les cas, cela ne changeait pas grand chose à l'affaire... Et il allait devoir se plonger dedans pour trouver le bon cahier.

Il y avait indéniablement beaucoup de sujets intéressants qu'il aurait volontiers lus en entier, mais il ne trouva pas celui pour lequel il était venu. Heureusement, Nino le trouva de son côté. Le jeune érudit se pencha donc dessus et se plongea dans sa lecture avec intérêt. Une fabrique incendiée et des êtres vivants corrompus par l'exploitation du Flux... Voilà quelque chose qui méritait d'être creusé.

- Voilà qui est intéressant... Et ce papier semble en dire plus que l'almanach sur l'emplacement exact de la fabrique, bien que je n'en comprenne guère les signes. Je suis persuadé qu'une personne dotée d'une bonne connaissance de la forêt saurait retrouver cette fabrique, en supposant bien sûr qu'elle soit en mesure de comprendre les indications du papier. Il doit encore rester des choses intéressantes là-bas : des reliques du passé ou même des ouvrages qui ont survécu à l'incendie, qui sait... Qu'en pensez-vous ? Cette fabrique est isolée, mais elle ne doit tout de même pas être aussi loin que ça... Je pense qu'on peut la trouver.