Peter Lester a écrit :- Messire Valence Bell, pensez-vous que si vous disposiez de plus de temps vous pourriez trouver de nouvelles lettres ? Peut-être pouvons nous vous aider dans vos recherches tant que nous sommes ici ?
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Est-ce que j'arriverais à trouver d'autres lettres ? Je n'en sais rien, j'ai déjà eu du mal à trouver celle-là. Je vérifierais. Mais le plus simple est sans doute de s'adresser à sa famille, ils doivent bien avoir gardé une partie de ses papiers, de même que des collectionneurs ont des carnets de dessin annotés... Ce ne sont pas les écrits qui manquent. Et non, je ne tiens pas à transformer cette entrevue en fouille méthodique de mes tiroirs et bureaux. J'apprécie assurément votre volonté d'éclairer cette affaire et vos efforts à ce propos, mais je vous remercierais de ne pas me traiter en suspect dans une affaire criminelle."
Apparemment ça ne lui plaisait pas plus que ça de se mettre totalement à disposition de quasi inconnus, a priori sympathique, certes, mais présentement trop invasifs. Il faut se rappeler qu'en Artland la notion de vie privée n'est pas loin d'être sacrée, on a horreur de s'étaler, de l'impudeur, tant par défense de soi que par égard pour autrui. Il faut un véritable rapport de confiance ou une nécessité impérative (enquête sur un meurtre ou autre crime) pour passer outre. Il en résulte globalement un rapport de fascination - répulsion avec le secret : on peut difficilement admettre être intéressé, on doit respecter ceux des autres, et en même temps, ce qui est caché, inaccessible est un aiguillon, une tentation forte... qui explique la passion pour les romans policiers et d'enquête en général (secret sur le passé, le lointain, la science...). Parmi tout ce que les gens gardent et n'aiment pas voir exposés : journaux intimes, lettres d'amour, autres courriers personnels... Bref, on ne fouille pas chez quelqu'un dans ses papiers personnels sauf à être "copain" avec lui ou avoir une dérogation.
Concrètement, dans l'instant, difficile de savoir si Valence Bell n'a aucune autre lettre d'Eric Reynolds ou simplement si les éventuelles autres lettres ne sont pas
trop personnelles.
Peter Lester a écrit :- Sinon, je suppose qu'il doit exister d'autres écrits quelque part... Savez-vous par hasard si Eric Reynolds a des héritiers encore vivant ? Connaissez-vous leur nom et adresse ? Nous pourrions ainsi essayer de leur rendre visite. Avec un peu de chance, un témoin vivant existe qui pourrait affirmer l'existence du tableau.
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Je ne connais pas à proprement parler la famille d’Éric, ils n'aimaient pas les peintres et la vie de Bohême en général, accusant d'un même trait les poètes, les artistes, le monde de la nuit... d'être la cause de la mauvaise santé d’Éric. Il est mort des suites d'une longue maladie, mais à l'époque nous n'avions plus que des contacts irréguliers. Je ne m'attendais pas à cette dernière lettre. Vu la date, il a dû mourir trois ou quatre mois après. Si vous cherchez à entrer en contact avec la famille Reynolds, vous devriez faire attention, ils étaient plutôt... rigides dans mon souvenir. Je ne les ai que rarement croisé, à quelques vernissages, guère plus. Ils habitent à Liberté, dans un quartier tranquille, à l'est de la Promenade, rue... Grillet ? Grive ? ... Quelque chose en "Gris". Un hôtel particulier avec petit jardin, enfin, une maison de deux étages, blanche, petite rue calme qui fait la jonction entre deux autres plus passantes... ça doit être facile à retrouver en passant dans un bureau de poste."
Peter Lester a écrit :- Pourriez-vous nous parler un peu plus d’Éric Reynolds ? Quel homme était-il ? Quelles sont les circonstances de sa mort ?
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Je ne sais pas quoi vous dire. Comment définir quelqu'un ? ... Il était passionné par la lumière, ses variations, le ciel et l'eau, les jeux de reflets, de diffractions... Même ses portraits prennent une allures de jeux de couleurs, soyeuses, presque humides, qui entretiennent une perméabilité avec le sujet, son costume... Il pouvait passer des heures allongés dans l'herbe à regarder le ciel, avant de retourner à son atelier pour peindre. A côté de ça, c'était un bon vivant, avec qui il était agréable de faire la fête, de discourir durant des heures en buvant dans un café. Il était indiscutablement talentueux mais luttait en permanence pour se libérer d'un milieu familial étouffant qui lui reprochait notamment de ne pas se marier, de ne pas choisir une profession plus raisonnable, plus sûre, plus "utile"... comme si les financiers et notaires étaient plus "utiles" que les artistes, à ne vivre que dans le soucis de faire fructifier un moyen pris pour une fin."
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Quant au détail des circonstances de sa mort, je ne peux vous répondre, j'avais quitté le pays depuis plusieurs mois à ce moment. Pour autant que je sache, il a succombé à la maladie qui le rongeait."
Peter Lester a écrit : - Autrement, si cette lettre est réellement arrivé avec 10 ans de retard, je pense que la poste a quelques explications à fournir. Pouvez-vous nous donner le nom de votre facteur ou bien de votre bureau de poste ? On devrait pouvoir ainsi s'assurer que la livraison est bien passée par eux et que les timbres et cachets sont authentiques. (NDLR: en supposant qu'il y a la date sur les cachets et que les images des timbres changent régulièrement)
Peter Lester est distrait, car la lettre n'a pas été postée mais déposée. Il y a bien un timbre, non précisément daté, mais qui n'est plus en circulation depuis un bon moment.
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Je vous demande pardon ? Vous voulez le nom de mon facteur ? Je regrette, je ne le connais pas personnellement. Pas plus que mon facteur d'il y a 10 ans. Et je n'habitais pas ici à l'époque. Si vous êtes attentifs vous verrez que l'adresse sur l'enveloppe n'est pas celle où nous nous trouvons. Seul le nom du destinateur, c'est-à-dire moi, est le bon. Pas de cachet. Seulement un vieux timbre. Si vous tenez vraiment à creuser la piste d'un facteur délinquant, le bureau de poste est à deux pas, en descendant, vous prendrez sur la droite puis la première à gauche, avant de marcher encore une vingtaine de mètres. "
La question paraissait plutôt incongrue. Certes, à la rase campagne, les gens connaissent généralement leur facteur, mais dans une grande ville, les gens ne croisent pas nécessairement leur facteur ; ce sont souvent les domestiques qui prennent le courrier, donc connaissent le facteur ; et pour finir, le connaître de vue, est le cas le plus fréquent. Quant aux bureaux de poste, ils sont visibles, un par quartier, plus ou moins grands.
Peter Lester a écrit :- Je me demande également si vous seriez capable d'authentifier un tableau de votre ami si jamais vous en voyiez un ? J'ai comme qui dirait l'impression que le tableau en question va faire son apparition prochainement...
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Expertiser un tableau est toujours difficile, surtout si un faux est bien fait. Je peux bien sûr vous donner mon avis. Vaut-il mieux que celui d'un expert contemporain ? ... je ne saurais le dire. "
Peter Lester a écrit :- Connaissez-vous par hasard des peintres ayant un style proche d'Eric Reynolds ? Avait-il un disciple par exemple ? Ou bien avez-vous entendu parler d'un faussaire de talent qui sévit ces temps-ci...
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Un disciple ? Non, pas que je sache. Nous avons bien sûr peint avec des amis, et j'imagine que des étudiants en peinture se sont entraînés dans les galeries, s'inspirer... mais je n'ai pas de nom qui me vienne immédiatement à l'esprit. Quant à la question d'un talentueux faussaire, je n'en connais pas. Je vous rappelle que je ne suis de retour en métropole que depuis peu, je n'ai aucune idée de l'actualité criminelle. Cela dit, si votre faussaire hypothétique est si remarquable, il peut tout simplement ne pas avoir été encore identifié et sévir, inconnu de tous."
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