Séraphine Uriel suivait les journaux... et pouvait découvrir avec une certaine tristesse que les membres de la bande dont avait fait parti Bobby Brown avait gravement blessé la personne qu'ils étaient venue cambrioler, ce qui est grave et leur vaudra assurément de la prison, ou un bannissement dans les colonies pour un certain temps, ou n'importe quelle autre peine visant à les éloigner et leur faire comprendre la leçon... et surtout à les neutraliser. En tous cas, Bobby Brown n'était pas prêt de revoir ses "amis" et il était très probable que les membres de la bande soient définitivement séparés les uns des autres.
Bobby Brown était pour sa part trop chamboulé pour se faire une idée lucide sur l'avenir de ses "amis" et sur l'état dans lequel ils sortiraient de prison. Si Séraphine voulait agir pour le mieux pour l'avenir, il faudrait plutôt voir avec les avocats de ces jeunes gens pour s'assurer qu'il suive leurs dossiers et fassent en sorte qu'ils bénéficient bien des programmes de réinsertion : formation professionnelle, prêt à taux réduit si projet, aide à l'installation, à la recherche d'emploi... La bonne nouvelle, c'était qu'en s'organisant bien avec le "système" elle n'aurait pas à s'en mêler de trop près..
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L'Ange... Séraphine devait être un peu au calme pour le chercher et il était difficile d'être sereine avec l'émotion, et puis à la maison, toujours de l'animation... Et un Asch qui lui coûtait en temps de sommeil, apparemment décidé à se rattraper des jours qu'il avait dû passer avec les puces... Mais avec un peu de persévérance, la médium apprentie spirite parvint effectivement à plonger dans les profondeurs du rêve.
Malheureusement, le temps, c'était ce qui manquait à l'Antiquaire blessé ! Comme les réponses célestes tardaient à venir, Asch, pragmatique, suggéra à Souris Chérie d'aller directement voir le bonhomme à l'hôpital, en douce, et le voir. Il l'y aiderait, en faisait diversion, ou bien en lui faisait escalader la façade, fonction de la disposition des lieux. Fort heureusement pour le duo, la surveillance n'était pas spécialement intensive et il n'était pas trop difficile de se faufiler jusqu'à la chambre du patient.
Là, elle put se recueillir un long moment près du vieil homme et prier pour son rétablissement, longtemps, dans le calme et le silence de la nuit... ne comprenant pas tout de suite que son vœu prenait une forme concrète, une lumière bleutée, légèrement scintillante, qui poussaient les plaies à cicatriser pratiquement à vue d'oeil... La respiration de l'antiquaire était plus calme et profonde, il semblait aller beaucoup mieux. Si elle persévérait elle avait l'impression qu'elle pouvait le remettre complètement sur pied, ce qui vaudrait assurément un article dans la presse... et puis il n'y avait pas d'urgence, à présent, il sortirait de l'hôpital d'ici une poignée de jour, probablement sans séquelles physiques.
Toute la question était donc de savoir : Séraphine tenait-elle à guérir entièrement la victime et risquer d'attirer l'attention ou bien le remettre sur la voie de la rémission, plus discrètement ?
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- traverser la couche des rêves superficiels, les plus étroitement liés à la journée passée et à l'activité physiologique du corps (sensation de froid, digestion...). Ces rêves-là étaient chaotiques, absurdes, vains ou répétitifs...
- traverser la couche des rêves profonds, ceux qui sont liés à l'inconscient, à l'état profond de l'être, ses désirs enfouis, ses aspirations, ses craintes... mais aussi les processus de mémorisation ou de création ou de recherche.
- enfin parvenir dans le rêve clair. Il s'agissait de voyager dans le monde onirique, dans les grandes étendues de l'astral, d'une île onirique à l'autre, d'une conscience ou d'une structure chimérique à une autre, voire aller dans les limbes, dans les royaumes des morts, ou au contraire, dans les terres crues des esprits sauvages, ou encore plus loin, vers les lumières célestes, ou les sombres rivages mystérieux du Léthé, le fleuve de l'oubli, ou du Styx, le fleuve du destin par inertie...
A l'issue de plusieurs essais, Séraphine commençait à reconnaître tel ou tel forme de rêve... C'était encore balbutiant, elle pouvait raisonnablement penser qu'il faudrait quelques mois pour être à l'aise. Une nuit cependant, elle se retrouva dans un paysage radieux, une aube rose et dorée, des vallons, des rivières et des brumes, ... avec celui qu'elle désignait comme l'Ange. Il ne s'exprimait pas tout à fait par mots, aucune entité dans les mondes spirituels n'utilise d'ailleurs vraiment de mots articulés, plutôt d'émotions que l'esprit, la conscience traduit en mots... Ce qui présente l'intérêt de pouvoir causer à une personne dans n'importe quelle langue de cette façon. En revanche, c'était plus long et intense que les seuls mots.
Tandis que le contact s'établissait, l'impression de proximité augmentait et la sensation de "mots" devenait plus claire, permettant à Séraphine de dialoguer.
Il était heureux que Séraphine ait pris cette affaire à cœur et qu'elle ait pu lui donner une issue favorable. Il acceptait le choix de la jeune femme d'aller sauver l'Antiquaire et était d'avis qu'elle n'avait pas à lui demander d'autorisation pour agir.
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Tu es en train d'apprendre des dons surnaturels, légendaires. Ils sont de l'énergie du Styx, du courant d'inertie, ou plus exactement, ils sont susceptibles de le courber, de le canaliser, c'est pourquoi on les appelle aussi des dons héroïques, les héros étant ceux qui se jouent du destin ou le crée."
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D'ailleurs ton ami le maître-chien est capable de même."
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