Esper était optimiste si elle croyait qu'un manteau informe passait habituellement inaperçu au théâtre, à l'auditorium ou à l'opéra. En général au contraire, on mettait ses manteaux les plus élégants et on descendait avec l'allure la plus stylée possible du fiacre ou d'une voiture fermée à cheval, flanquée de ses armoiries pour les plus riches, et on montait les marches sous les regards, nombreux dans les lieux les plus en vue. Encore une fois, heureusement, le Théâtre du Portique était plus bohème et par conséquent, un lieu où elle risquait moins d'être jugée... Avec un peu de chance elle en profiterait pour comprendre un peu comment se passaient les choses. La vie sociale était une source sans fin de complications ! Pas étonnant qu'on puisse très facilement repérer qui avait les codes et qui sortait du ruisseau. En soi, c'était une matière à réflexion socialiste : les codes et les manières n'étaient-ils pas qu'un instrument d'oppression, un signe de reconnaissance de la classe dominante ?
Un bibi et un manteau trop grand... oui, Esper avait un peu de mal à équilibrer et ajuster les tenues... D'ailleurs si elle avait du mal à faire tenir son minuscule chapeau sur la tête c'était peut-être parce qu'il lui manquait une épingle à chapeau. Tiens, ce drôle d'accessoire dont les hommes parlaient parfois en riant, ce n'était peut-être pas si ridicule et inutile que ça en fin de compte ? ... Ce qui manquait à Esper, c'était une amie, une femme qui pourrait la guider, la dépanner, la mettre au parfum. Il n'y en avait pas vraiment au club qui pouvait l'aider pour l'instant... Walter Emsley était une crème, mais ça restait un homme et il n'avait pas l'air de vouloir jouer de rôle du Pygmalion dans My Fair Lady... Une comédie pimpante qui en fait aurait peut-être des chances de plaire à Esper ? ... en tous cas son sujet était indiscutablement plus facile que Médée... Mais les critiques sur Laurianne étaient unanimes, ça restait tout de même un bon choix de spectacle.
Personne ne les suivait. Ou bien si quelqu'un les suivait, il était discret.
Enfin, le Théâtre du Portique !
Une volée de marches menait à une petite galerie extérieure, rythmée de colonnes (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Portique_% ... tecture%29) et continuait vers une massive porte à double battant, flanquée de colonnades de style melytain (
http://pinterest.com/joelledeschamp/melyten/). Le style était unifié autour de code couleur "ivoire - noir - doré", donnant une atmosphère qui évoquait déjà une scène de théâtre.
Une fois dans le hall, on passait devant la billetterie, où Walter Emsley fit confirmer sa réservation en payant ses billets. Etant partis en avance et ayant finalement pressé le pas, les amis arrivaient assez tôt. Ils pouvaient découvrir les lieux : deux escaliers partaient à gauche et à droite pour se rejoindre à la galerie qui permettait d'atteindre le parterre du théâtre ; pour ceux qui étaient dans les loges, il fallait encore emprunter d'autres escaliers montant plus haut ; au niveau d'entrée, on descendait quelques marches et on aboutissait au vestiaire ainsi qu'aux toilettes, et à une porte "réservé au personnel" non loin. A l'étage principal se trouvait un bar où il était possible bien sûr de se faire servir à boire, mais également de manger une sommaire collation.
Vu l'heure, une fois les manteaux & accessoires déposés au vestiaire, les amis pouvaient rejoindre leur place, boire quelque chose de chaud ou flâner et admirer la décoration des différents couloirs où des artistes d'avant-garde avaient été mobilisés pour les décors (style :
http://commons.wikimedia.org/wiki/File: ... mt_039.jpg ;
http://commons.wikimedia.org/wiki/File: ... fries4.jpg ;
http://fr.wikipedia.org/wiki/Klimt).