Plusieurs milliers d'années en arrière...
Le soleil se levait dans le dortoir des scribes et il était temps de s'activer. La salle était longue, austère, mais néanmoins belle. Les fenêtres donnaient sur des arbres majestueux aux fleurs éclatantes. L'habitat en revanche avait tendance à être dominé par le blanc et le bleu, les couleurs de la dynastie régnante. La toilette était brève mais appliquée. Le petit déjeuner serait frugal : un peu de poisson et de taro cuits à l'étouffée, avec un parfum de fumée d'autant plus apprécié quand il était accompagné de fruits tropicaux bien mûrs. Serviteurs dévoués de la caste supérieure de leur peuple, ils vivaient près des bibliothèques, des scriptoriums, des temple et du tribunal. Leur existence était studieuse mais dans l'ensemble assez paisible. Jusqu'à ce scandale... un crime... une trahison... la pire qu'on pût imaginer...
Anaxo, Séraph, Thuia et Sthenno allaient assister au procès de la princesse Leilith-Siri, initiée aux plus hauts mystères. L'affaire était si grave que l'on avait pris la décision de la juger à huis-clos, et qu'aucun détail de l'affaire ne devait jamais filtrer à l'extérieur. Ils seraient témoins et noteraient l'essentiel sur les tablette, pour que l'on garde la mémoire de ces heures sombres.
Tous les cas portant le même crâne rasé, la même tunique blanche, ils se dirigeaient, l'estomac noué par l'émotion. Ils marchaient, mais pressaient le pas. Ils devaient installer leurs instruments dans la salle, les tablettes de cire sur lesquelles ils prendraient des notes rapides, avant de copier par la suite le tout sur des tablettes d'argiles.
Même en s'occupant intensivement, le temps était long. Qu'avait-elle donc fait ? Comment cela pouvait-il être si grave ?
La salle commença à se remplir des officiels autorisés à connaître l'affaire, et des gardes d'élite escortèrent la prisonnière qui parut avec toute la dignité de son rang, altière, dans une robe noire set argentée stricte. Elle avait un teint de pêche, des cheveux blancs tirant sur l'argenté, des yeux d'un bleu très vif, et une expression de défi qui ne laissait aucun doute sur son absence de remords. Elle paraissait si jeune, mais en réalité, son apprentissage des arcanes et des énergies éthérées ne la ferait vieillir que très lentement, de sorte qu'elle aurait acquis, si on lui laissait le temps de vivre, une expression sans âge : à la fois jeune et vieille, juvénile et sage.
A la manière dont la princesse se comportait, on se demandait presque si elle ne considérait pas que les fautifs étaient en réalité ses juges.
Le procès commença avec des intitulés d'actes d'accusation très vagues, de sorte que les scribes en venaient à se jeter des regards interrogateurs, ne sachant pas où on voulait vraiment en venir : "trahison", "mensonge", "menace", "déchéance", "impiété"... sans jamais être plus précis. C'était d'ailleurs assez prodigieux qu'ils parvinssent à dire tant de choses, sans jamais rien dire... Comme s'ils avaient peur.
"
Avouez-vous ?" demanda le juge à la prisonnière.
"
Non." répondit-elle
"
Comment ?" s'insurgea le magistrat, jusqu'à perdre toute dignité
"
Aucune des accusations n'est fondée. Vous n'acceptez pas la vérité. Nous avons prospéré sur un mensonge et avons profané les engagements de nos aïeux. Notre règne est illégitime, nous avons dissimulé notre véritable nature. Nous nous sommes égarés, sans pouvoir décider d'une voie ou d'une autre, et ce faisant, par cette absence de décision, nous avons fait pire que ce qui aurait pu résulter de nos choix. Nous sommes voués à en payer le prix. "
Des murmures inquiets et hostiles accueillaient la déclaration.
Un autre reprit : "
Nous ne pouvons nous permettre de laisser de telles folies se répandre, pas alors que les tensions avec Mu sont à leur comble !"
Leilith-Siri réagit aussitôt : "
Voulez-vous donc entretenir un mensonge pour que nos troupes aillent combattre et mourir sans état d'âme ? Alors même que vous savez ce qui leur arrivera ? Vous ne serez pas épargnés ! Vos solutions futiles ne soignent que des symptômes, elles ne font que retarder l'inévitable. Vous serez emportés ! "
...
Anaxo était captivé.
...
La séance fut levée avant que la princesse ne pût aller plus loin. Apparemment les hauts-prêtres et elle savaient très exactement de quoi il était question, mais les scribes avaient pour seule charge de s'appuyer sur les discours des juges pour rédiger une histoire acceptable à destination des archives. Leilith-Siri était une traîtresse, une trainée séduite par l'ennemi, qui avait abandonné son peuple, son rang, sa foi, pour de vaines chimères, incapable jusqu'au bout d'accepter la vérité.
Un magistrat examina l'ébauche de version des quatre scribes qui avaient surtout travaillé dans la peur et en éprouvant un profond malaise. Anaxo en particulier était révolté. En son fort intérieur, il avait décidé de sauver la princesse du sort qui l'attendait.
...
Le procès reprit et on lut à l'accusée la "vérité" historique sur son cas. Elle resta stoïque, attendant la condamnation à mort. Mais la peine fut celle du sarcophage. Cette fois elle s'étonna, battant plusieurs fois des paupières, songeant à ce que cela signifiait. Elle serait enfermée pendant des décennies ou des siècles, ou peut-être pour l'éternité, dans un sarcophage. Elle ne mourrait pas, elle ne pourrait se suicider si l'envie lui en prenait. Elle serait immortelle, et tout à la fois coupée de tout, prisonnière d'un rêve ou d'un cauchemar sans fin. Elle blêmit et sembla un instant prête à supplier, mais on l'entraîna déjà de nouveau vers les geôles où elle attendrait sa peine, car le sarcophage impliquait un long rituel préparatoire.
...
De retour dans le dortoir, Anaxo était tourmenté : "
C'est injuste ! Elle est innocente, c'est évident ! " Pestant avec dégoût : "
Cet usage du sarcophage est une perversion ! Il avait été créé pour permettre à des sages de transmettre leur savoir, pour ne pas perdre la mémoire de nos temps anciens, et pas pour châtier une femme dont le seul tort est de se soucier vraiment de notre bien !"
Il était évident qu'Anaxo allait faire quelque chose de stupide sous peu.
... qu'allaient faire ses compagnons ?
Métajeu a écrit :Chacun prend le scribe de son choix, en optant pour un des prénoms proposés. Vous êtes libres de votre interprétation : servilité, lâcheté, héroïsme ou encore indifférence. Tout est possible. Vous êtes les scribes, et non vos Personnages. Si vous préférez rester sur la touche, il suffit d'un scribe "moi je ne m'en mêle pas" qui va se coucher et faire semblant de n'être au courant de rien