Karkal, l’étrange mage darken, et Zoth, l’artiste rebelle, furent enterrés dans cette langue de sable maudite perdue au milieu des jungles. La cérémonie se déroula en silence alors que la luminosité décroissait à une allure inhabituelle et qu’un siphon léchait les côtes de Monga.
Emportant tout ce qui pouvait l’être, les paquetages furent faits à la hâte, et le groupe de prisonniers s’enfonça bientôt dans ce décor lunaire, en direction opposée aux détonations précédemment entendues.
Les feux de la carcasse se perdaient peu à peu dans le linceul de brume blanche, le petit Yadyao multicolore s’était réfugié dans les plis de la combinaison de son maitre shaaniste, la troupe s’avançait vers l’inconnu en file indienne, tâtonnant à l’aveugle dans cette ambiance nébuleuse.
La tempête redoublait de violence. Le vent fouettait les visages, les averses turbulentes trempaient les bagnards jusqu’aux os et n’arrêtait pas les bourrasques de sable gris qui leur lacéraient les traits.
Peu à peu le sable devint de plus en plus compact, les dunes s’effacèrent de l’horizon pour laisser place à une vaste étendue sans fin perdue dans le brouillard.
Le sel des embruns se déposait sur les lèvres, brulant les yeux, collant la peau…
La cadence de la marche des détenus se fit plus lourde, chaque pas était aspiré par un effet de succion, à tout instant l’un des esclaves pouvait dans une lise à l’appétit vorace…
La morosité de l’immense paysage sablonneux n’était à présent bouleversée que par de rares ergs entre lesquels reposaient des eaux stagnantes, ponctués de champs de conques abandonnées par un hypothétique mouvement d’eau.
« Espérons que nous ne sommes pas à marée basse shhh Ne vous approchez pas de ces magnifiques coquillages shhh leur habitant ont un baiser… mortel shhh »
Des ombres massives découpèrent bientôt le brouillard. Leur immobilité, bercée par un halo rougeâtre au tempo régulier, rassura les voyageurs sur un possible prédateur à l’imposante stature.
Perdus au milieu des limbes, une grosse pelle motorisée équipée d’aéro-propulseurs était abandonnée là, entourée, à quelques dizaines de mètres, de structures métalliques de la taille d’un Woon. La carlingue de l’engin, couverte de rouille et mangée par le sel, laissait apparaitre nombres de renforts et de grilles de protection. L’arrière du véhicule de chantier était équipé d’un large dispositif chargé de lacérer le sable à la recherche des précieuses conques dont étaient si friandes ces dames de la bourgeoisie.
Les pyramides de poutrelles métalliques, qui accompagnaient la machine, étaient semblables à des bouées de signalisation posées en pleine mer de cristaux salins. L’une d’entre elles, celle qui émettait le signal lumineux écarlate, était renversée sur le flanc et partiellement tordue, comme pliée par une force titanesque. Les deux équipements étaient équipés de boutons poussoirs surmontés d’un symbole d’urgence en langdiv.
Au loin, une petite constellation de lumière perçait la barrière de nuages rasante… Le déchirement du vent ne laissait apparaitre aucun bruit de fond…