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Etmer_Fachronies
21 sept. 2016, 00:59
Partout, il faisait nuit noir. Enfin, presque nuit noir. Parce qu’à bien y regarder, pas mal de lampes venaient mettre le bazar dans le voile d’obscurité de la nuit. C’était comme ça les villages, beaucoup de lampes sans gênes pour une pauvre nuit de plus en plus mise à l’écart. Entre la pleine lune et les lampes, la noirceur faisait grise mine.
Depuis la place du village, on ne voyait presque plus les étoiles qui trônaient là-haut. En même temps, il fallait avoir envie de lever la tête pour les regarder. Dans certaines ruelles sordides des grandes villes, l’envie de regarder les étoiles était souvent coupée nette à coup de lame aiguisée. La voûte céleste, c’était une occupation à plein temps, et les malandrins et les égorgeurs de tout bord en adoraient les amateurs occasionnels. Mais dans le cas présent, il s’agissait bien d’un village, donc tout allait bien.
Enfin, tout allait bien… encore une fois, tout dépendait d’où l’on se trouvait. Les pauvres bougres qui s’en prenaient plein les arpions sous les coups de boutoirs des tabourets usés de la taverne ne partageaient certainement pas cette affirmation optimiste. Mais pour l’humain présent sur la place des pendus, c’était le cas. Ce mec croyait dur comme fer que le sort lui souriait. Et pour boucler ce qui peut l’être, cet homme était précisément en train de regarder les étoiles.
Pour être vraiment précis, il l’avait été. Il les avait bien regardées, ces étoiles. Et après un court instant de dialogue avec lui-même, il en avait conclu qu’il était bien là où il devait être. Le coup de la navigation stellaire, qu’il appelait ça. Un moyen très hasardeux de lire les constellations, qui tenait plus du charlatanisme pour esprit crédule que d’un moyen de prédiction effectif, mais notre bougre l’appréciait. En plus, avec la lumière des astres qui se reflétait sur sa cuirasse huilée, c’était classe. Quand il était encore gladiateur, ça en imposait de poser ainsi au-dessus des cadavres des vaincus. Spartacos cilla à ce souvenir. Oui, décidément, il manquait une bonne pluie de pièce de monnaie sur cette place pour en arranger le tableau.
Spartacos éternua, et songea un instant à celui qui lui avait fourgué le coup des étoiles. A vrai dire, il tenait ça d’un de ses anciens amis, le vieux Fistus, qui avait partagé ses quartiers fut un temps. Mais ça, c’était avant le drame. On ne le dit jamais assez, mais on lit beaucoup moins bien les étoiles dans la panse d’un rat mutant, quand on y réfléchit. Enfin, l’important pour Spartacos, c’était qu’il était au bon endroit, et au bon moment. Il en était convaincu, sa Destinée était en marche, et Adathie elle-même devait couper des tranches de saucisson en son honneur en cet instant.
Le gladiateur blond platine inspecta la place qui sentait la boue et les feuilles mortes. Au loin, il vit l’auberge s’agiter. Des chaises passaient par les fenêtres, et des hommes en armures se mettaient à hurler. De toute évidence, il se tramait enfin quelque chose dans le coin. Alors qu’il se demandait s’il devait aller y jeter un œil, un groupe hors du commun sorti vivement de ce capharnaüm pour se diriger vers la place où Spartacos se trouvait.
- Rouuuuuuh rouuuuuuuh, fit un pigeon de passage.
- Je le savais, s’exclama Spartacos ! Ce sont eux ! Merci, fier compagnon à plume !
Et l’intrépide batailleur s’élança au devant du groupe qui s’en venait à lui. Il les apostropha avec sa verve intrépide qui lui était propre :
- Holà, fiers aventuriers ! Oui, c’est à vous que je parle !
Il s’avança à la rencontre du groupe disparate, tout en les détaillant de plus belle. Une elfe alanguie qui semblait reposer sur les épaules solide d’une amazone, une amazone qui semblait stoïque sous le poids d’une elfe, un nain plastronné qui dépassait le tout, une elfe noire tapie dans les ombres et un mage elfe qui semblait prendre garde à sa tunique plus que de raison... Bigre, c’était une belle équipée qui se présentait. De sa longue carrière de gladiateur, Spartacos avait rarement croisée troupe aussi bigarrée. Il sourit de plus belle, son émail au diapason de son armure lustrée. C’était eux, sans aucun doute. Confiant dans ses paroles qu’il savait irrésistibles, il laissa la verve héritée de ses parents ménestrels prendre le dessus alors qu’il s’exprimait comme il savait si bien le faire :
- Sachez, futurs compagnons de toujours, que c’est le Destin qui m’amène à vous ce soir ! Etes-vous là pour une noble quête ? Etes vous-là pour faire frémir l’orpheline et trousser la veuve ? Comme je vous comprends ! Tout le monde attend ce qu’il attend, après tout ! Je me nomme Spartacos, et je suis ici pour mener la lutte classe avec vous, car il était écrit que j’allais me joindre à vous. Accompagnez-moi, et vous m’accompagnerez ! Suivez-moi, et vous me suivrez ! Partons ensemble en quête de Justice et de gloire !
Il avait pris sa pose habituelle pour ses discours au public en liesse, alors qu’il haranguait la foule lors de ses derniers combats de la journée. Les bras levés dans une supplique inaudible, il savait évidemment que son discours allait faire mouche. Comment pouvait-il en être autrement ? Il attendit donc la réaction des interpellés dans cette posture grotesque pour toute personne saine d’esprit, alors que l’elfe sur les épaules de l’amazone semblait lutter pour retomber sur le sol.
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Etmer_Fachronies le 21 sept. 2016, 12:37, modifié 1 fois.
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