TDF - Chap. 7 - Un fief paisible (3)

[Iris]

Fenêtre ouverte, la jeune fille passa un long moment à regarder le ciel, perdue dans ses pensées, ses cheveux dénoués tombant en cascades. Elle se perdait dans la contemplation des étoiles, vaguement mélancolique et incertaine, se sentant terriblement seule et espérant ... quelque chose... mais ne parvenant pas forcément à le déterminer.

L'écharpe conçue et brodée en songeant à Jack était terminée. Demain, elle commanderait le nécessaire pour de nouveaux ouvrages. Elle avait une idée depuis Rubriant pour une écharpe consacrée à Ser Emmon. Aleth doutait de l'offrir à l'intéressé de la même manière qu'elle n'était pas sûre d'avoir l'occasion de donner la précédente. Peu importait au fond : elle illustrait ses pensées et son ressenti ; elle n'imaginait pas que quelqu'un eut assez de sensibilité pour les déchiffrer et y répondre.

D'un oeil critique, elle avait examiné ses tenues et les avait mentalement comparées à celles du tournoi. Demain elle commanderait une soie noire à l'artisan Bartheld, pour une nouvelle robe nocturne ornée de chèvrefeuille, de lucioles et peut-être d'étoiles. Lady Silva était une peste, mais elle n'avait pas totalement tord : s'habiller avec la modestie attendue d'elle au septuaire n'était plus guère approprié... et elle n'avait plus envie de plaire à ses parents... quant à espérer ainsi repousser le moment de se marier, c'était une illusion vaine. Rien ni personne ne la protègerait contre cette échéance. Dès demain, elle donnerait des instructions pour faire retoucher les robes, qu'elles rendent justice à sa poitrine, sa plus l'écraser et chercher à la faire disparaître ; que les cols soient plus échancrés... Enfin, qu'elle respire et sentent le vent, à défaut de pouvoir s'y fondre et être emportée.

Quant à ses cheveux... elle avait longtemps été fière de les laisser pousser, qu'ils ruissellent sur ses épaules... mais elle se demandait comment changer quelque chose, ne plus se sentir confrontée au même reflet qu'hier et avant, et auparavant... Il faudrait peut-être les couper un peu et essayer d'autres coiffures ?

[DukeTogo]

Myrosh d'Asshaï toisa le nouveau venu.

"Celtigar. Une maison des Terres de la Couronne, du coté de Claquepince je crois. Vous êtes loin de chez vous.
- Bah, oui et non. Je me sens comme chez moi ici, y'a la mer pareil. Pour arriver là, il suffit de suivre le littoral toujours à gauche. C'est pas le plus court, hein. Et après, venir d'Asshaï, c'est encore plus compliqué, non?"

Le prêtre rouge fixa lourdement ce Corbin. Ce n'était pas tellement ce qu'il disait, c'est plutôt son intonation qui avait un air de gouaillerie irreverencieuse. Celtigar compris l'avertissement muet mais en avait cure car il gardait son air amusé. Il y'avait aussi la possibilité qu'il soit un benêt bienheureux.

"Il est des chevaliers errants moins hardis. Vous ne vous ferez aucun nom en voulant croiser le fer avec le champion de Rubriant, vous ne feriez que vous exposez à la lumière de Rh'llor."

Les quelques soldats se turent, sentant bien comme tout un chacun que la tension montait. Celtigar dédramatisa à coups de grands sourires.

"Aah non, pas du tout. Ah vous avez cru que... Je comprends. Non voyons, en tant qu'épée à louer, je ne combats personne si on ne me paye pas à le faire, hé. Je ne vais pas vous importunez davantage, messers. Je vais plutôt agiter ma bonne humeur dans une alcôve accueillante."

Et il s'éloigna discuter avec d'autres personnes, tout en lançant des oeillades appuyés à la pulpeuse rouquine.

[Crépuscule]

Jolan sourit malgré la réponse. "Une simple indication du chemin peut parfois nous amener loin, les dieux seuls savent où celle ci me conduira."

"Eh bien, parlons affaire alors.
Si un secteur qui n'attend qu'à être conquis s'ouvrait à vous, souhaiteriez vous que nous en discutions?
Dans le cas contraire, je ne vous importunerai pas plus longtemps que le temps de convenir d'un rendez-vous pour lady Castellane."

Dame Adrienne lui souriant, Jolan poursuivit.

"Quelque part au sud du Bief, non loin des marches de Dorne, sur les terres de ma maison, un port va éclore d'ici peu, face à la Treille. Lord Cendregué investit en effet pour faire construire un port et un marché digne de son nom. Ce lieu ne va demander qu'à croître, lord Cendregué n'est pas du genre à s'engager hasardeusement. Je suis certain qu'une maison de qualité telle que la votre y aurait sa place.

[Iris]

Il était tard et toutes ses résolutions ne pourraient s'accomplir que dans les jours suivants. Elle souffla la bougie et laissa fenêtre et rideaux ouverts. Même le plus intrépide voleur ne gravirait pas le mur jusqu'à sa chambre. Elle était inaccessible, à l'image de ce qu'elle ressentait. Il lui pesait de ne pouvoir parler à quiconque librement : elle avait dit la vérité à Darren toute à l'heure, il en avait résulté une vive colère... quant à sa mère...

Partagée entre résignation et espoir, elle se glissa entre ses draps, se demandant ce que cela pouvait représenter de partager sa couche avec un étranger pour lequel elle n'avait aucune affinité. L'idée ne lui plaisait pas et elle songeait de nouveau à fuir, tout abandonner, si jamais elle devait être contrainte de suivre ce chemin.

Une drôle de vie d'aventures, dans laquelle il lui faudrait gagner son pain sans compter sur sa naissance. Elle supposait qu'on avait toujours besoin de soigneurs ?... au moins savait-elle quelque chose de plus utile que le seul fait de se tenir en société... elle s'imaginait disparaître dans les forêts, quitter le Bief, puis embarquer pour Essos depuis Port-Réal...

[Maëlys]

Béric écouta avec attention les paroles de leur nouvel arrivant mais n'eut même pas le temps d'essayer de calmer le jeu entre Myrosh et ce Celtigar dès qu'ils commencèrent à monter en ton.
Il laisse couler jusqu'à ce que l'homme s'éloigne puis revint vers le prêtre rouge :

"Merci Myrosh mais j'ai surtout l'impression qu'il venait se présenter en vue de rechercher du travail.
Tu as déjà connu ces terres ou tu connais bien plus Westeros que nombre d'entre nous dis moi ?"

Puis une fois que la situation s'était correctement détendu il ajouta :

"Au fait, ce n'est pas la peine de mettre Rubriant en tête des gens. Ceux qui s'en soucient doivent déjà le savoir et je ne veux pas que les autres me caressent dans le sens du poil pour ce prétexte."

Par la suite, il ne contait faire grand chose si ce n'était profiter encore un peu de l'ambiance de l'auberge puis regagner ses quartiers, la journée avait déjà été bien harassante.

[DukeTogo]

Dame Adrienne marqua un temps d'arrêt en écoutant Jolan. Visiblement, sa curiosité était piquée.

"Voilà une information intéressante et étrange à la fois. Pour un peu, j'avais oublié que vous étiez bien né et si je ne m'abuse le successif putatif du domaine Hastwyck."

Elle marqua une pause.

"Merci pour vos bons mots sur ma maison mais si vous vous basez sur les couinements d'une gourgandine, vous êtes très... en dessous... de la vérité."

Elle avait ralentit son phrasé, faisant jouer ses longs cils, susurrant presque, tandis que les doigts de sa main gauche glissaient sur la surface de l'eau jusqu'à l'épaule de Jolan.

"Détendez-vous, messer Hastwyck. Je ne vais pas plus vous noyer dans ce baquet que vous n'êtes là pour m'inviter à déménager, n'est ce pas?" Elle était maintenant derrière lui, l'autre main pareillement sur l'autre épaule. Elle pressa ses pouces derrière la nuque du jeune homme en un mouvement circulaire. C'était étrange et pas désagréable. En repliant ses doigts, la pulpe de ceux-ci ceda la place à ses ongles longs."Je quitterais Waterford quand un prince charmant viendra me chercher. Pas moins."

[DukeTogo]

Myrosh sourit à Béric et commenta.

"Tu es bienveillant et cela t'honore. Bien sur, celui-là cherche du travail mais on ne peut pas laisser un homme croire qu'il peut se gausser de soi à loisir. Quand tu seras chevalier, ce dont je ne doute pas, tu devras certainement mettre la main sur ton pommeau pour moins que ça. Libre ensuite à ton vis à vis de vouloir continuer maarris au moins, il saura à quoi s'en tenir."

Ser Darren savait que Myrosh disait vrai. Il en était ainsi des chevaliers. La frontière entre honneur, fierté et orgueil était ténue. Toujours est-il qu'un chevalier se devait ne jamais céder du terrain car les piques verbales étaient monnaies courantes entre gens d'armes et nobliaux.*

Béric continua. "Et a dire vrai, votre ami Jolan m'a demandé de veiller sur une certaine rouquine. Je n'en vois qu'une ici et elle me semble une brave fille. Or, ce Celtigar me donne plus l'impression de vouloir la souiller qu'autre chose. Un geste de trop..."

Darren et Béric échangèrent un regard entendu : leur compagnon de table n'était pas la moitié d'un homme et Ser Risley n'avait pas à rougir de sa défaite.

* : Je vous conseille d'acheter et lire "L'oeuf de Dragon" de GRRM, un petit bouquin qui se lit très vite, relatant les "aventures" de Ser Duncan le Grand, des décennies avant la série. C'est très instructif et vous verrez ce que les types s'envoient comme répliques, ç'est gratiné !

[Crépuscule]

Il est clair qu'il y avait un fossé entre les manières de Janice et celles de dame Adrienne ....

"Un prince à Waterford, nous allons avoir la chance de vous voir en ces lieux encore quelques année alors.

Loin de moi l'idée de vous faire déménager, je pense plutôt à vous voir grandir, tenter l'expérience de conquérir cette ville naissante.
Je ne suis sûr que d'une chose, quelqu'un le fera.

Ce qui m'importe, c'est là manière dont va évoluer ce lieu, je ferai tout pour qu'il ne devienne pas comme ce port prêt de Noircouronne dont je vous ai parlé. Je sais que la présence d'une maison de qualité comme la votre y aidera.

"

[Casaïr]

Darren avait écouté Myrosh, aussi bien quand il rembarra Celtigar que lorsqu'il parla à Béric. Il serait définitivement constamment surpris sur l'étendue des capacités et connaissances sur Westeros d'un homme venant de l'autre côté de l'océan. Il but une gorgée, regardant la salle et écoutant sa rumeur apaisante, posa son verre dans un geste profondément théâtral, affichant à nouveau un grand sourire.

"Je crois que Béric ferait un parfait chevalier, il en a la mentalité si ses capacités martiales restaient à prouver, ce qui est loin d'être le cas. Et si nécessaire, et bien que ce ne soit pas ma spécialité, je veux bien me faire barde d'un jour pour conter à mon oncle tes exploits et tout le mérite que la maison des Castellane retirerait à avoir un chevalier issu de ses propres rangs !"

Il vida son verre d'un trait comme pour saluer sa propre tirade avant de se lever et de déposer une pièce pour payer ses consommations.

"Ne m'en veuillez pas de vous quitter aussi tôt, mais je tiens à être aussi frais et dispo que possible demain, afin de pouvoir discuter posément avec ma tante."

Il les salua d'un clin d'œil, attendit leur réponse avant de s'en aller d'un pas serein, s'attardant le temps d'un regard sur la rouquine qui semblait attiser les attentions et que son père était prêt à protéger à coup de fourche, un sourire en coin sur les lèvres. Sortant enfin, il récupéra son cheval qu'il dirigea d'un pas tranquille jusqu'au château.

[DukeTogo]

Dame Adrienne eut une expression gracieuse quand Jolan précisa son propos et ria : "Conquérir... Ah !"

Rassurante et subtile, tout en faisant le tour du baquet d'eau : "Mais oui, messer, je vais m'enquérir du développement providentiel dont vous parlez... en espérant qu'il ne s'agisse pas d'une énième promesse masculine de grande tour ou crépiterais un feu inextinguible et souverain..."

Allusions équivoques et regard de velours se frayaient un chemin dans l'esprit de l'héritier Hastwyck dont les mains se crispèrent sur les bords du baquet. Il ne perdait pas une miette de la démarche lente de cette femme qui sur l'instant représentait la somme de tout ses désirs conscients ou inconscients. Le passage de sa silhouette parfaite devant la lanterne haute révéla par un jeu d'ombre des courbes affolantes à la faveur des soieries légères. Une sensation de vertige gagna Jolan tandis que son ventre se contractait dru malgré l'eau qui tiédissait.

"...A votre décharge, je dois reconnaitre que votre fougue ne rime pas avec Villevieille."

Elle s'arrêta au trois quart du tour, dévisageant le jeune homme qui frissonnait le souffle court et demanda plein de sollicitude: "Vous étiez venue avec l'image d'une amie en tête?"