TDF - Chap. 9 - Un fief (pas si) paisible

[DukeTogo]

Un nouveau jour se leva sur le domaine de Waterford.

Au fond des bois, Thalia Penn faisait le point avec ses brigands. Elle n'ignorait rien de ce qui était arrivé la veille au marché et l'on se demandait si c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle pour les rapines.

De bon matin, Rose Seldon se montra particulièrement aimable avec son époux et prévôt de Waterford. Sans doute avait-elle une idée derrière la tête.

Corbin Celtigar apparu dans la grande salle de l'auberge, particulièrement décoiffé, réclamant à boire et à manger, payant deux dragon d'or pour l'ensemble de son séjour car il partirait ce matin ! Hadrian Tor pris rapidement la pièce des mains de sa fille pour la mordre et en vérifier l'authenticité. De fait, grâce à cette somme mirobolante, il eut droit à une table pleine à craquer de victuailles qu'il partagea volontiers à qui voulait. Tom le Bref ne tarda pas à trainer dans les parages...

Au château, Tristifer mangeait de bonne heure, avec à minima la présence obligatoire de mestre Corvin.
"Vous écrivez ce que je dicte, Corvin ?!"

HRP : Up to you, people. Démarrez librement cette écriture collective !

[Iris]

Se retournant dans son lit, Aleth enfouit à moitié la tête dans un coussin, entrevoyant la lumière du jour qui entrait dans sa chambre. La nuit avait été courte et tellement étrange qu'elle avait encore peine à croire en sa réalité. Elle étouffa un gloussement en se demandant ce qui avait pu lui passer par la tête en embrassant -- se laissant embrasser ? -- Celtigar. Que fallait-il penser de lui ? Il était en fait vraiment bien informé. Comment savait-il tout cela ? Les informations qu'il avait semblaient de première main. Sur le moment elle s'était réjouie qu'il pût désigner Lord Baelish comme source de l'attaque à la Trémière. Mais est-ce que cela ne signifiait pas qu'il connaissait particulièrement bien les intrigues de Port-Réal ?

Portant la main à son visage, elle commençait à se demander si elle n'avait pas commis une erreur... En fait, elle s'interrogeait déjà hier soir... Mais à propos du prisonnier... Désormais, elle s'inquiétait d'être incapable de placer le commanditaire de Celtigar dans le tableau. Oh certes, elle voulait bien croire qu'il ne lui voulait aucun mal, mais dans ce genre d'affaires, l'ignorance et l'imprudence pouvaient rapidement causer des problèmes.

Il y avait peut-être un moyen d'éliminer une hypothèse relative à Celtigar -- si le prisonnier voulait bien parler... Peut-être serait-il sincère là-dessus ? Après tout cela n'aggraverait pas sa situation et ne mettrait pas non plus en cause son maître.

Soupirant, elle s'assit dans son lit, jouant distraitement avec ses cheveux, songeant à son puzzle, plus grand que prévu et essayant de calculer, estimer, parier... jusqu'à en avoir le tournis et décider de se lever. Ouvrant grand la fenêtre, elle laissa son regard voler vers l'horizon, en direction du sud-est, en direction des terres, le soleil se levant au-dessus des forêts. Elle se rendit compte qu'elle était un peu anxieuse à l'idée d'affronter son oncle et à la pensée de la réaction de son père aux récents événements. Père... Au vue de l'arrivée du messager annonçant son retour et de la fin du tournoi, il avait dû croiser Ser Emmon Cuy voilà peut-être deux jours et le chevalier devait lui transmettre la lettre narrant à la fois la victoire de Béric et les malheurs de Darren. Voilà qu'elle s'en voulait de lui avoir gâché la joie du succès de la Maison Castellane à Rubriant !

Faisant sa toilette tout en tournant tout cela dans sa tête, encore et encore, elle soupira -- encore. Ce qui était fait était fait. Elle ne pourrait rien corriger de ce qui avait eu lieu.

Il fallait désormais aller trouver son oncle. Quelle corvée ! Si elle regrettait de devoir quitter Waterford en se mariant, la perspective de ne plus avoir à louvoyer avec son oncle ne lui manquerait certainement pas !

Enfilant sa robe vert tendre -- tapissée de lierre -- elle se rendit à table pour découvrir Tristifer occupé à martyriser Mestre Corvin.

" Mon oncle." salua-t-elle avec la révérence appropriée avant de se tourner vers "Mestre Corvin."

"Comment allez-vous ?" demanda-t-elle à son aîné au triste caractère. S'attendant à ce qu'il pestât sur tout et n'importe quoi, elle poursuivit bientôt : "Je pense avoir quelques bonnes nouvelles de cette nuit. Je ne voulais pas vous déranger tant que la piste ne serait pas confirmée."

En vérité elle n'avait simplement pas eu envie de risquer une catastrophe causée par la folie d'un alcoolique irascible, mais c'était mieux d'enrober ce délai de déférence.

Plus gaiement : "Sait-on déjà quand Père reviendra ? Un banquet est-il prévu ?"

[Crépuscule]

La veille au soir, le pupille Hastwyck après avoir fini sa collation à la cuisine (le regard de la serviable servante n'en disant pas moins de se désapprobation de le voir partir mettre des miettes partout l'en avait dissuadé ), il s'était rendu à la chambre d'Aleth, se disant qu'elle n'était peut être pas encore allée se coucher, mais il ne la vit pas ... et, devant sa porte, hésita, mais ne frappa finalement pas contre le chêne et parti finalement se coucher à son tour avant qu'on lui demande ce qu'il faisait là.

Il tomba rapidement dans le sommeil, mais ce fut un sommeil troublé ...

L'Intrépide voguait sur une mer sombre, une tempête orageuse faisait rage tandis qu'il luttait à la barre et pourtant, là au milieu du pont, un nain rigolait ... était-ce Tom le Bref, peut être ... ou peut être pas, le rideau de pluie rageuse rendait son identification difficile. Le nain rigolait et gesticulait, valdinguant gaiement au rythme de la houle, s'agrippant à un corde et se balançant parfois comme ses animaux exotiques poilus mimant les hommes. Il récitait à tut tête, sa voix perçant le tumulte de la tempête, les vers d'une étrange fable :

"Sur son arbre, un vieux lion observait un serpent.
Se croyant très malin, le reptile, insolent,
Lui siffla son mépris et glissa sous le sable.

Le félin, avouons le, n'était pas très affable,
Et devant l'impudence, il devient furibond.
Il lui suffit d'un saut pour descendre du tronc.
Croyant aisément punir le mal-avisé;
Ignorant par taille, force et carrure le danger.

Le serpent l'arracha à sa vaine hauteur
En une morsure il répandit la douleur.
Le fluide paralysant dans le sang coulait.

Il ne resta plus au serpent, de l'étouffer.
Le majestueux félin, s'étant cru le plus fort,
Gisait seul, devant le reptile insolent, mort."

Puis soudain le fracas, ils s'échouèrent sur les rochers acérés de la côte d'une terre inconnue.
Mais la tempête qu'ils avaient eu en mer n'était qu'un en-cas, cette terre était aussi en rage, le sol tremblait, et des larmes de feu coulaient des montagnes, brûlant et détruisant tout sur son passage et elle expulsait des nuages sombres qui masquaient les étoiles.

L'Intrépide prenait feu à présent, le nain à présent immolé continuait de rire et de réciter ses vers, et à travers les flammes, Jolan vit s'avancer vers lui l'ombre d'une femme, une robe rouge et des cheveux flamboyants, mais il ne parvenait pas à discerner son visage. Et son cœur se mit à battre si fort qu'il sentait une chaleur intense s'en dégager dans sa poitrine et finalement, il le sentit brûlé ...

Rouvrant les yeux, Jolan se redressa subitement. Il était transpirant et pourtant tremblait. Son songe s'évaporait déjà, ne laissant que quelques vagues traces dans ses souvenirs. Il essaya de les saisir, ne souhaitant pas oublier cela. Il se leva, s'aspergea le visage et regarda un moment le ciel nocturne dégagé par la fenêtre.
Il n'était plus en mesure de s'endormir, pas maintenant. Il se vêtit et descendit aux geôles.

[...]

Au petit matin, Jolan était à l'entrainement.

[DukeTogo]

Le sujet du banquet fit faire grise mine à Tristifer qui commenta pour lui-même "dépense inutile".

"Bon, parlons peu, parlons bien. Vois-tu, ma chère nièce, mes voyages en Essos m'ont donné une acuité aigüe de la politique et de la gouvernance. J'ai décidé qu'il y'aurait ce soir une réunion avec quelques notables de la ville, des représentants triés sur le volet, afin de mettre en place des projets d'avenir pour Waterford. On prendra un petit peu de temps, mais pas trop non plus, pour calmer les âmes chagrines. Te rends-tu compte que Béric m'a fort mal parlé hier? De là à ce que sa conduite entraine du mimétisme chez nos gens...
Mais n'ai crainte, tout le monde sera mis au pas en temps et en heure. Manges-donc, Aleth, je te trouve bien maigre. Bon, des propositions?"

[Iris]

Aleth nota que son oncle était tellement obtus et obsédés par ses affaires qu'il n'écoutait apparemment pas -- ou peut-être sous-estimait-il ce qu'elle pouvait estimer être important ? Et qu'est-ce qu'il trouvait à dire sur son poids ?

" Mon oncle, un banquet est une manifestation sociale exprimant l'attachement, la loyauté et la fierté. Vous êtes un être rationnel et sérieux, préoccupé de ce qui est concret, ces choses immatérielles tout autant que la sensiblerie ne vous atteignent fort heureusement pas." N'est-il pas surtout dément et cupide ? "Père n'a pas la même sensibilité que vous et pourrait se sentir mal accueilli alors qu'il revient avec son fils d'une mission au loin. Il sera soucieux de montrer à Jared les choses telles qu'il estime qu'elle doivent être. Mon frère est par ailleurs à un âge où il commence à apprendre la charge qui sera la sienne dans le futur : tout ce qui le marquera, en bien ou en mal, pourrait l'influencer durablement. L'accueil que vous leur ferez leur procurera de la joie et les incitera à nouveau à l'avenir de vous confier les rênes du domaine en toute confiance, tout autant qu'à écouter vos conseils et appuyer vos décisions."

" Concernant cette réunion de ce soir, je comprends votre désir de remettre de l'ordre, mais tout le monde à Waterford sait que Lord Rhéomar reviendra sous peu. Je me demande si le message que vous comptez transmettre ne sera pas affaibli par la proximité de ce retour ? Certains pourraient imaginer qu'ils n'auraient pas à se soucier exagérément de vos directives si elles sont adoucies dans les jours qui suivent par votre aîné. Il me semble que votre entreprise aurait plus de force si elle se déroulait dans deux ou trois jours, afin que personne ne soit tenté de songer à demander confirmation de vos instructions. Si elles ont lieu quand Père sera là, il sera évident pour tous qu'il n'y a qu'une seule voix, une seule ligne directrice à la gouvernance de Waterford. Vos initiatives auront alors immédiatement et durablement force de loi."

C'était malheureusement vrai aux yeux d'Aleth : tant que Tristifer agissait seul, il créait des catastrophes qu'on n'imputait qu'à lui. Quand il agissait mal en présence du seigneur, il paraissait le faire avec son plein soutien. Son père était aussi faible que son oncle le pensait ? La jeune fille ne savait plus quoi en penser et en venait à douter du jugement d'un homme qu'elle avait toujours admiré, mais qu'elle ne connaissait finalement que peu. Avoir confié l'intendance à un alcoolique caractériel paraissait déjà être un signe. La manière dont son père réagirait aux dernières entreprises de Tristifer serait décisive : s'il passait sur les affaires de l'émeute du marché et de l'endettement du domaine, alors Tristifer avait raison de se croire le véritable seigneur. Si tel était le cas, la seule bonne nouvelle était la relative bienveillance dont elle jouissait étonnement -- pour combien de temps ?

[DukeTogo]

"De quoi tu parles, Aleth? s'agaça Tristifer. Mon frère ne quitte guère le château si ce n'est pour chasser. Crois-tu qu'il a pris seul la décision de sortir des hommes et Jared jusque chez les Hastwyck?"
Fronçant les sourcils comme s'il se rendait compte qu'il avait été un peu sec avec sa nièce, il reprit.
"J'ai conscience que nos sujets ont pu être secoués par la cohue d'hier matin, la faute en incombe au premier chef à notre milice incompétente. Nous allons les rassurer et s'il le faut, leur rappeler qu'ils sont sur nos terres par notre bon vouloir. Voilà.
Nous ferons ce petit conseil à Waterford même, on ne va pas commencer à inviter n'importe qui au château. L'auberge du Coeur fera l'affaire, je sais que les habitants aiment parler là-bas. Je compte sur ta présence, tout le monde t'apprécie."

Jolan s'entraina avec quelques gardes. Certains étaient meilleurs épéistes que lui et le pupille Hastwyck n'était jamais ménagé, contrairement à Jared. Il y'eut un peu de public quand ser Darren consentit à participer à l'entrainement. Le responsable du personnel dut rappeler à l'ordre certaines servantes. Quand Jolan s'occupa de réparer son arc, il eut le plaisir de voir que le bois n'était que peu touché.

[Casaïr]

Darren s'était levé d'assez bonne humeur ce matin, même si les événements de la veille resurgirent rapidement.Bougonnant tout en faisant une toilette rapide, il descendit ensuite jusqu'aux cuisines prendre de quoi manger sur le pouce (pain, fromage, quelques fruits), remerciant d'un grand sourire et même d'une légère révérence la jeune fille -Lyzette ? Il n'était pas encore bien sûr d'avoir bien retenu son nom- qui lui apportait ce qu'il avait demandé avant de sortir dans la cour d'entrainement où déjà les gardes s'affairaient. Une fois son déjeuner promptement avalé, il accepta de bonne grâce de se dégourdir un peu avec les hommes du château, histoire de ne pas non plus se ramollir ; les mouvements de ce Celtigar la veille l'avait quelque peu pris au dépourvu et il mit cela sur son manque d'assiduité à l'entrainement depuis Rubriant.

Une fois la session terminée, Darren se dit qu'il était maintenant plus que temps d'avoir une discussion avec sa tante et, après avoir demandé où il pourrait la trouver, dirigea ses pas vers elle.

[Iris]

Aleth avait échoué à inciter son oncle à plus de mesure. Elle examinait son repas d'une mine neutre, trouvant difficilement l'appétit en présence d'un Tristifer pris de folie des grandeurs et s'apprêtant à générer de nouvelles catastrophes. Pourquoi Père lui confiait-il le domaine sans le moindre garde-fou ? Tristifer avait-il raison de se considérer comme la véritable source des décisions dans la Maison Castellane ? A cette pensée, Aleth avait très envie de partir, loin. Fallait-il épouser Emmon Cuy pour cela ? Ou bien serait-elle plus libre et plus heureuse si elle devenait septa ? Elle ne pourrait alors plus se marier, mais était-ce si grave que cela ?

" Mon oncle, je ne comprends pas bien en quoi je pourrais vous être utile. Qu'attendez-vous au juste de moi ?" questionna-t-elle enfin, vaguement inquiète du programme de la soirée et ne voyant aucune solution brillante pour détourner son obstiné parent de son projet. Depuis quand se souciait-il d'avoir à ses côtés une personne appréciée ? Que savait-il d'ailleurs de ce que les villageois pouvaient ressentir ?

Elle se demandait comment aborder le sujet de la soirée. Elle avait évoqué une bonne nouvelle, mais Tristifer devait déjà avoir oublié. En même temps, était-ce vraiment une mauvaise chose ? Elle se sentait tellement impuissante devant la manie grandissante de son oncle, si anxieuse à l'idée que son père puisse effectivement être porté à tout passer à Tristifer, qu'elle hésitait et n'arrivait pas à trouver une approche significativement moins mauvaise que les autres.

[DukeTogo]

Darren trouva sa tante Guenièvre dans ses appartements qui l'invita à entrer. Elle regarda son neveu calmement et alla fermer la porte de la chambre pour qu'ils puissent être au calme et s'assit en face de lui, le visage paisible.

***

Dans la grande salle :

"Je vois bien que tu ne comprends pas..." répondit-il décu. "C'est que tu m'as prouvé à plusieurs reprises que tu sortais du lot, aurais-je eu tord? La chose est assez simple, très chère nièce. J'ai conscience que nos gens sont inquiets, qu'ils se posent beaucoup de questions. Rends-toi compte, ils ignoraient qu'ils engrossaient un homme irrespectable, un voleur, un contrebandier qui se croyait tout permis. Ce temps est révolu, ajouta t'il en embrochant une petite tomate, c'est comme ça. J'ai déjà envoyé un messager à Seldon pour que l'auberge soit prête ce soir. Tiens, nouvelle idée : il y'aura sept personnes à ce conseil restreint. Les autres pourront écouter. Notez, Corvin.
Enfin, si tu préfères rester au château faire de la broderie ou tenir compagnie à ta mère, libre à toi."

[Casaïr]

"Ma tante", la salua Darren avec un léger sourire avant de s'asseoir.

Il attendit qu'elle se soit installée à son tour avant de lancer sans préambule :

"Je suis au courant de ce que vous avez demandé à Aleth, du sacrifice que vous jugez nécessaire pour m'empêcher d'aller sur le Mur. Je vous avouerai que j'en ai conçu de la colère et de l'incompréhension. J'ai pris le temps de me calmer avant de venir vous voir afin de ne pas être discourtois, mais ne vous attendez pas à ce que j'accepte cette décision tant que j'aurai mon mot à dire là-dessus."

Sentant l'énervement le gagner malgré lui, le chevalier s’exhorta au calme avant de poursuivre.

"Comprenez bien que j'apprécie les efforts que vous faites pour m'empêcher de disparaître dans le Nord, mais êtes-vous vraiment obligée d'infliger une telle épreuve à votre fille aînée pour sauver un neveu que vous connaissez à peine ? Je pourrai être le dernier des pendards et n'avoir aucune reconnaissance devant votre geste, ou pis !"