TdF - Chap. 12.5 - Le monde ne change pas

MJ DukeTogo
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Iris
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TdF - Chap. 12.5 - Le monde ne change pas

Message : # 59137Message Iris
24 mai 2017, 09:41

Aleth se tenait dans la cour du château, le regard perdu en direction de la route.

...

Mestre Corvin et Jolan Hastwyck étaient morts.

Les funérailles de Bénédicte Tor avaient eu lieu, bientôt suivies du départ de Jared, l'héritier des Castellane, chargé de ramener la dépouille de Jolan Hastwyck sur ses terres natales.

Un coursier était parti pour Hautjardin prévenir du drame et assurer que Ser Darren Risley arriverait, même si c'était avec un peu de retard.

Ser Béric le droit, Myrosh d'Asshaï, Ser Darren Risley et Gyles Waters venaient eux aussi de partir. Ils allaient à Villevieille pour trouver le Balafré et le tuer.


...

La table des repas était presque vide. Lord Rhéomar, Dame Guenièvre, Tristifer, Lady Aleth, Lady Lysanor, Kieran Orell. Il manquait cinq convives. Certains ne reviendraient plus jamais, pour le meilleur ou pour le pire.

Aleth ressentait le vide et l'absence, comme si elle avait l'habitude de s'appuyer sur un meuble et qu'il était soudain absent, la privant d'un support familier. Les hommes étaient partis à l'aventure, pour des missions importantes, et elle attendait au château -- comme n'importe quelle femme bien née, comme si sa vie était suspendue en l'absence de mâle présence, comme si elle ne pouvait exister que par la grâce du regard et de la parole des guerriers. Eux qui partaient savaient aller vers des drames et des dangers, et escomptaient à leur retour retrouver tout à l'identique, dans un domaine immuable ?

Il était tôt encore. Le ciel était bleu, parsemé cependant de quelques nuages annonçant de prochaines pluies. Aleth ne comptait pas demeurer immobile et intangible, elle voulait vivre aussi par elle-même -- pas seulement quand des événements exceptionnels l'autorisaient à partir là à l'aventure, ici à un mariage ou à un tournoi.

D'un pas décidé, elle partit chercher son père pour lui parler de sa décision, dans l'espoir qu'il l'approuverait, mais prête à se passer de sa bénédiction au besoin.

Lord Rhéomar venait de passer trois nuits et deux journées très éprouvantes. Sa fille ne s'attendait pas à être reçue autrement que distraitement.

Après une révérence respectueuse, elle vint rapidement aux faits :

"Père, vous avez autorisé Ser Béric le droit à m'instruire en matière d'escrime. Lui et Ser Darren Risley se proposent de se partager cette mission, en fonction de leurs disponibilités respectives. "

" Je les remercie pour leur bienveillance et reconnais la valeur de leur enseignement."

" J'estime cependant avoir trop de lacunes pour me permettre ce rythme de rares leçons de qualité. Je dois gagner en force et en endurance. Je ne veux plus jamais poignarder un homme et lui laisser pourtant assez de vie et de force pour faire de moi ce qu'il veut."

" C'est pourquoi je tiens désormais à participer à l'entraînement de nos gardes."

Son ton, son attitude indiquaient clairement qu'elle avait conscience de ne pas avoir le niveau, mais qu'elle était tout autant convaincue de n'arriver à rien de bon si elle ne s'y mettait pas sérieusement, chaque jour.
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Re: TdF - Chap. 12.5 - Le monde ne change pas

Message : # 59177Message DukeTogo
26 mai 2017, 14:32

Dame Guenièvre tiqua un peu, se retenant de répondre. Lord Rhéomar n'avait pas besoin de l'avis de son épouse pour se prononcer.

"Aleth, tu t'entraineras autant qu'il le faudra mais de façon privée. Pas parce que tu es ma fille, mais parce que tu es une... noble."

Avait-il voulu dire fille ? Peut-être. Bien que non péremptoire, le ton était clair. Guenièvre dut voir la déception d'Aleth et intervint.

"Il est bon que tu sois proche du peuple, j'ai eu de bons échos de tes oeuvres en ville. Ce que veut dire ton père, c'est que par ton rang et ton sang, il est inconvenant de devenir une... camarade d'exercice de nos soldats."

"Hé, c'est normal que la petite veuille se défendre." lâcha Kieran Orell.
- Oui, je sais. Et je suis d'accord pour qu'elle soit armée." répondit Rhéomar et d'ajouter à sa fille "Discrète mais armée."

Aleth savait qu'il n'était pas utile d'insister.
HRP : On va faire les sujets un par un. Par exemple, les marais, Darren, les chiens, un nouveau mestre (liste non exhaustive). A chaque fois, tu définis le cadre de départ et les participants. Tu peux tout à fait décrire que tu abordes un sujet avec un ou plusieurs personnages.
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Non, il ne change pas ^^

Message : # 59180Message Iris
26 mai 2017, 17:36

Aleth se contenta de serrer les dents et ravaler sa colère, qu'elle contenait de son mieux -- surtout pour ne pas crier ce qu'elle pensait. Elle devait se taire. Se soumettre à la volonté qui s'imposait à elle. Elle n'avait pas le droit de parler, alors elle ne dirait rien.

Elle quitta les lieux, et retourna dans sa chambre pour y dissimuler sa colère. Elle franchit les couloirs d'un pas trop vif et ferma la porte trop brutalement, renversa tout ce qui se trouvait sur son chemin vers la fenêtre, jetant à bas fils, aiguille, broderie, et s'assit sur l'un des cousièges. Des larmes de dépit coulaient à présent, qu'elle chassait rageusement de ses manches.

" Alors comme ça je peux être violée et tuée, c'est moins grave que des convenances creuses ? "

"Père, comment pouvez-vous être aussi borné ? Même Kieran Orell est d'accord avec moi !"

" Vous me laissez le droit de porter une arme -- offerte par Béric, car jamais vous n'auriez eu l'idée de me donner les moyens de me défendre ! -- Mais vous refusez de me laisser les moyens de savoir m'en servir ! Vous savez pourtant pertinemment que Béric n'a jamais le temps ! Vous vous en moquez ! Tout ce qui compte pour vous ce sont les apparences ? Les apparences de quoi ? De dignité, de bonheur ? Qu'est-ce que ça vaut ? Personne ne vient jamais nous rendre visite à Waterford ! Après toutes ces années de mensonge et de trahison de Corvin, vous vous accrochez encore à des oripeau de bienséance ? "

Elle chercha un mouchoir, et tenta de se calmer. Elle était furieuse, mais elle savait aussi qu'il était vain de frapper des murs de ses poings -- ils ne bougeraient pas pour elle. Ils n'écoutaient pas. Ils étaient indifférents à tout ce qui comptait pour elle.

L'horizon était gris de pluie. Le vent soufflait depuis la mer.

Aussi ardente avait été sa colère, aussi profond fut son abattement. Elle se sentait prisonnière, pieds et poings liés. Cette seule pensée ravivait une froide colère, une indignation impuissante qui se muait en mépris et en cynisme.

" Que je ressemble à une lady vous importe plus que ma vie et ma santé ? Mon bonheur ne vaut que s'il est précisément ce que vous daignez me donner ? En fait vous ne me connaissez pas et vous ne m'aimez pas non plus. Vous êtes seulement attachés à l'image d'une fille imaginée. La personne réelle que je suis vous indiffère. "

Lord Rhéomar ne mesurait sans doute pas la gravité de la cassure. Il avait coupé Aleth dans son élan, mais ce faisant, il avait perdu l'aura de père idéal qui l'entourait. Elle avait aimé, respecté et honoré cette image. Elle avait ardemment voulu lui plaire et le satisfaire, convaincu qu'il était bon, généreux et sage. Aujourd'hui cet édifice s'effondrait.

En qui pouvait-elle encore croire ?
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Fin du JOUR 1 après départ

Message : # 59181Message Iris
26 mai 2017, 17:46

Le soir, Aleth dut se faire violence pour aller dîner et contenir sa morosité. Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle serait restée dans sa chambre à ruminer et digérer en regardant le ciel pluvieux qui s'installait. Il manquait tant de gens, cela rendait la grande salle sinistre.

... Lysanor...

Regarder sa cadette mélancolique lui donnait le sentiment de regarder un miroir teinté de cauchemar. Elle n'était pas sûre de pouvoir y faire quoi que ce soit -- seul Gyles parvenait à quelque chose avec la fillette -- mais n'avait rien d'autre à faire.

Elle s'astreint à une politesse irréprochable, et quitta la table du repas dès que ce fut acceptable.
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JOUR 2

Message : # 59182Message Iris
26 mai 2017, 19:18

Le jour s'était levé. Aleth était réveillée depuis un moment déjà, et se tourna vers la fenêtre, sans conviction. Elle n'avait envie de rien, ou plutôt, elle avait l'impression que rien de ce dont elle pourrait avoir envie était accessible. Elle soupira, le visage enfoncé à demi dans l'oreiller.

Béric, Darren, Myrosh et Gyles étaient encore en mer -- ils atteindraient Noircouronne au mieux demain.

Au moins n'était-elle pas sur un bateau à souffrir du mal de mer. Mais ne pas être malade n'était pas un motif suffisant pour se réjouir.

"Il a quand même dit que je m'entraînerai autant qu'il le faudrait... "

Elle s'était redressée et assise. Mais déjà elle se tapait l'arrière du crâne contre la tête de lit.

" Ce n'est pas vrai. Si Béric trouve le temps de me consacrer une heure par jour, ce sera le bout du monde. Je n'apprendrai jamais rien à ce rythme."

Elle ramena ses genoux contre elle.

" Un entraînement, mais de façon privée... ! Il a honte de moi, il veut me cacher.

"Béric a mis des mois à accepter de me laisser ma chance et il se pose moins de question de statut ou de convenances que d'autres. Si je n'arrive même pas à avoir le droit d'apprendre sérieusement chez moi, c'est sûr, dans une autre Maison, ce serait non sans discussion, et point final. Je n'aurais pas de maître d'armes bienveillant ni de cousin. Je serais seule avec mon époux. Je l'entends déjà dire "tu n'as pas besoin de savoir te battre, je suis là pour te protéger.""

Morose, elle se leva :

" C'est Cecily qui m'a sauvée de l'archer, et Dame Adrienne de Corvin. Si les hommes sauvaient les femmes, ça se saurait."

Elle fit sa toilette, enfila sa robe vert tendre et se mit en quête de Lysanor.
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Message : # 59187Message Iris
26 mai 2017, 21:15

... Grande salle... Jardin... ? ... Ailleurs... ?

" Lysanor."

" Je t'en ai un peu parlé l'autre chose..."

" Je pense qu'il faut que les choses changent et j'aimerais t'aider."

" Tu auras besoin pour l'avenir d'être suffisamment instruite pour savoir lire, écrire et compter avec un peu d'aisance. Pour ce qui est des approfondissements, tu verras si tu prends goût à une matière, mais dans le cas contraire, maîtriser le chant ou un instrument de musique pourrait suffire."

" Je pense que tu as assez vu la tour des corbeaux. Nous pouvons faire ces leçons ailleurs : la grande salle, ma chambre, sous le tilleul -- enfin, quand il fait beau bien sûr."

" Qu'en dis-tu ? "

Aleth lui avait déjà fait un discours assurant à Lysanor qu'elle pourrait toujours parler à sa soeur si elle le souhaitait, elle ne revient pas sur la question.

Avec un sourire aussi engageant que possible -- compte-tenu sa propre humeur -- Aleth poursuivit :

" Je crois que tu n'aimes guère la broderie, mais moi ça me plait assez de décorer les vêtements, les écharpes... Dis-moi, y'a-t-il quelque chose qui te plairait ? Un chaperon brodé ? Un châle ? Des rubans ? De quelle couleur ? Si ça te tente, nous pourrions choisir les motifs ensemble ?"
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Lysanor

Message : # 59224Message DukeTogo
29 mai 2017, 22:36

Lysanor était calme et souriait doucement. Aleth vit sa jeune soeur songeuse, perturbé ou avec des moments. Le calme du jardin était parfait pour bavarder.
"C'est toi qui l'a tué?"
demanda Lysanor sans prévenir.
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Message : # 59229Message Iris
30 mai 2017, 07:51

Des nuages gris passaient dans le ciel qui était derrière d'un bleu profond. Il pleuvait par intermittence, mais pour le moment tout était tranquille dans le jardin. Aleth demeura silencieuse le temps de réfléchir à quoi répondre. La vérité était longue à narrer. Elle s'assit sur un petit banc de pierre, en parti dissimulé par un épais buisson de lavatere à la floraison rose foisonnante.

"Le tuer ? J'aurais voulu. J'ai essayé."

" Non, je l'ai juste blessé avec ..."

Elle sortit de sa manche l'arme offerte par Béric et la présenta : " Innocence."

Elle laissa sa sœur manier le stylet et en prendre la mesure, et poursuivit : " Béric me l'a offerte pour que je puisse me défendre. Je manque encore de force et d'habileté pour frapper juste."

Avec amertume, elle continua : "Père ne veut pas que les gens sachent que je suis armée, ni que je veux apprendre à m'en servir. Il veut que j'apprenne seulement avec Béric ou Darren, en privé. "

Avant de narrer la mort de Corvin -- si Lysanor voulait la connaître --, Aleth lui demanda : "Voudrais-tu apprendre toi aussi ?"

Un petit démon au fond d'elle lui soufflait qu'elle semait peut-être les graines de la subversion et de la désobéissance au sein de la Maison Castellane.
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Re: TdF - Chap. 12.5 - Le monde ne change pas

Message : # 59290Message DukeTogo
04 juin 2017, 13:08

Lysanor écarquilla les yeux avec fascination. Un infime mouvement de tête disait que oui. La jeune fille commença à avoir les yeux rouges, gagné par une émotion grandissante. Il fallut un certain temps avant qu'elle exprime tout ce qui la traversait. Elle réalisait que Corvin lui avait menti, faussant la vérité chaque jour un peu plus. Elle confia qu'elle avait été jalouse de l'intérêt du mestre pour Aleth et qu'elle avait été méchante avec Alyse Hastwyck. La grande soeur guida sa cadette vers un raisonnable lucide. Aleth posa discrètement le stylet derrière sa robe quand elle entendit des bruits de pas. C'était leur mère qui passait. Dame Guenièvre décida de ne pas les déranger, approuvant cette proximité entre soeurs.
Une bonne heure plus tard, Lysanor avait fini de renifler et fut débordante d'amour pour sa soeur ainée.

Elle aussi serait forte.
HRP : D'ici mardi, je suis réaliste sur ma disponibilité. Je t'invite à lister RP les intentions d'Aleth jusqu'au retour de ces messieurs (Jared et l'autre groupe).

Je pense qu'on fera l'enterrement de Bénédicte sur ce fil.
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Le vol des papillons

Message : # 59293Message Iris
04 juin 2017, 14:42

Aleth était un peu soulagée que Lysanor commençât à s'ouvrir à elle, tout en ayant du mal à cerner la nature de la relation entre l'enfant et le mestre -- et préférant au fond ne pas chercher à imaginer les détails. Corvin était mort, Lysanor était libérée : c'était désormais tout ce qui comptait.

Dans un chuchotement, Aleth reprit : "Pour les armes, je t'apprendrais tout ce que je pourrais apprendre de mon côté. Nous nous entrainerons en secret."

Intérieurement, devoir entraîner Lysanor dans de nouveaux secrets la désolait.

"J'aurais préféré que tu puisses t'entraîner avec moi, mais Père a la tête aussi dure que Tristifer, et comprend tout aussi mal les femmes. Peut-être qu'avec le temps il acceptera." Mais c'était plus un souhait qu'une croyance.

Plus fort : "En attendant, nous allons reprendre les leçons. Je peux t'enseigner la lecture, l'écriture, le calcul, l'intendance, la botanique, l'histoire et l'architecture. Tout ne t'intéresse par forcément... mais ça ne peut pas nuire d'avoir des bases, et tu pourras approfondir ce qui t'intéresse vraiment. "

Avec un léger sourire : "Tu ne m'as pas dit ce que tu voudrais comme vêtement, chaperon ou châle, ni quels motifs tu souhaites. " sur quoi elle entraîna sa sœur vers les armoires contenant les réserves de tissus et de fils, ainsi que les vêtements qui attendaient que Lysanor grandît.

Il faudrait demander à Mère ce qu'elle avait prévu pour Lysanor et Jared. Lysanor allait-elle partir pour le domaine Risley ? Irait-elle au grand septuaire de Villevieille ? Et Jared ? S'il voulait devenir Ser, il fallait qu'il entre un jour ou l'autre en formation en tant qu'écuyer.

De manière générale, Aleth s'inquiétait de l'état d'esprit de sa mère -- et bien peu de son père à qui elle tenait rancune de traiter ses filles comme tout le monde, craignant davantage l'opinion des autres que les dommages réels dont elles pourraient souffrir. Elle n'avait plus ou pas confiance, ni en Corvin, ni en Jolan, ni en Tristifer, ni en Père. Cette ombre suspicieuse recouvrait de plus en plus la gente masculine, au point de douter de la valeur de presque tout le monde. Quant à ceux qui n'étaient pas déjà considérés avec dépit, la confiance dont ils bénéficiaient encore était des plus fragile. Ces temps-ci seul Jack Bulwer et Ser Béric le droit étaient totalement épargnés par le soupçon : le premier parce qu'il était hors du monde, le second parce qu'il lui avait offert une arme et s'était excusé d'avoir douté d'elle.

Jusqu'au retour des hommes, Aleth passerait presque la moitié de chaque jour avec Lysanor, entre leçons, couture et broderie. Soucieuse d'éviter que Lysanor ne s'ennuyât trop en travaux d'aiguilles, elle lui proposât de lire à voix haute les ouvrages à étudier, tandis qu'Aleth cousait ou brodait à côté, lui laissant tout loisir de questionner et approfondir à l'oral.

Le reste du temps était consacré à l'économie du domaine. Elle passerait ainsi du temps avec son irascible oncle -- totalement indifférente à ses sautes d'humeur -- pour clarifier différents points problématiques. Jusqu'ici la Maison avait payé trop peu cher les Mestres en obtenant en retour un mestre n'ayant pas terminé sa formation ; à l'avenir il faudrait un mestre pleinement formé, mais les finances du domaine ne le permettaient pas forcément, ou tout juste. Il fallait de l'argent, et toutes les pistes étaient bonnes à étudier.
  • Y'avait-il des affaires "sauvables" parmi celles sabotées par Corvin ?

    Le marché de Wateford était à réorganiser de fond en comble. Il n'était pas normal que des habitants des environs payassent leur place en sous-location à un marchand étranger, cela revenait seulement à appauvrir les gens d'ici alors qu'il fallait développer une économie peu diversifiée et fragile, dans un climat d'insécurité chronique. Quel était la position de Tristifer à cet égard ?.. Et que prévoyait-il pour résoudre les problèmes qui se poseraient avec Rubriant et Lord Florent -- bien trop amical envers Lyndal Flowers ?

    Il fallait identifier tout ce qui était nécessaire pour faire fonctionner le marais salant et dans quels délais. Qui pouvait la renseigner ? Comment organiser le travail ? D'ailleurs y'avait-il assez de bras dans le domaine ?

    Concernant le vin Castellane, il fallait au moins pour un moment oublier Rubriant, et donc trouver d'autres débouchés. Le domaine du Puits des Dulver n'était pas une piste valable -- quelque sympathique fût son fils -- faire affaire avec le Vautour revenait juste à se faire plumer et dépouiller. Quelles étaient les autres options envisageables ? Noircouronne ? Villevieille ? Les îles Boucliers ? ... Quelle était la position de son oncle ? Et quelle démarche avaient déjà été accomplies pour faire avancer ce dossier ?
Dans la mesure du possible, Aleth cherchait à en savoir plus sur l'état des comptes et des accords commerciaux, afin de voir quelles possibilités étaient envisageables. Ele songeait à la restauration du septuaire, et examina les coûts de ce projet, mais était trop amère pour le moment pour avoir l'élan de porter ce projet alors qu'il fallait surtout trouver des ressources et des alliés.

Faisant taire autant que possible sa rancœur envers son père, elle tint ses parents au courant de la situation économique, des difficultés prévisibles (Rubriant et Lord Florent) afin de connaître leur sentiment sur chacun des dossiers. A défaut d'être heureuse ou d'avoir confiance en ses aînées, elle s'efforçait de se comporter en agent loyal.

Avant de partir pour Hautjardin, Aleth comptait demander à sa mère si elle jugeait possible d'obtenir l'accord de Père pour réserver un pourcentage de l'exploitation du marais à Aleth (10%) et Lysanor (5%) sous forme de rente perpétuelle et transmissible à leurs propres filles par la suite.
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