TdF - Chap. 5.3 - Du lierre sur la soie noire

[Iris]

Retrouvant un peu de sérénité et de sang froid à présent qu'il n'était plus directement question d'un certain Garde de Nuit :

" Je vous donne raison sur un point : attendre et espérer que d'autres prennent pour moi des décisions qui me conviennent est une erreur.

" Cela vaut en cette matière comme dans les autres. J'ai encore du mal à être tout à fait sûre de ce que je veux, je crois... "

" Je sais que je mourrais d'ennui si j'épousais un homme qui n'attend de moi que d'élever nos enfants. En me rendant à Villevieille, j'ai découvert l'hospice où sont soignés des blessés graves. Malgré tout ce que j'ai pu y voir, j'y ai pris goût. Mes actions et mes décisions pouvaient avoir une portée : elles ne se limitaient pas à choisir la couleur du tissu d'une prochaine robe. J'ai aimé voyager, et cela même si cela m'aura valu une tentative d'enlèvement et une flèche dans l'épaule. J'ai détesté cette expérience, mais je n'imagine pas rester terrée pour échapper à cette violence. "

" J'irai prochainement au tournois de Rubriant, autrement appelé "grand marché des célibataires du Bief"... La Jouvencelle me favorisera peut-être là-bas au point que j'en oublierai toute notre entrevue pour me réjouir d'épouser promptement un chevalier sur son blanc destrier..." Elle faisait bien sûr référence à la plaisanterie de Dame Adrienne. Le regard dans le vague, songeuse : "Je ne suis pas pressée de me marier et je choisirais avec soin. "

Puis à Dame Adrienne qui pourtant paraissait déçue :

" Je vous remercie pour m'avoir laissé entrevoir un choix dont j'ignorais pouvoir bénéficier."

"Il faudra que je fasse mes courses avec Cecily... en tant que femme, elle devrait pouvoir accepter et comprendre ce genre d'initiative. "

Quelque part soulagée d'un poids, elle conclut sa longue tirade, elle rit joyeusement : "Et quant à parler de choix, n'oublions pas que mon Garde de Nuit pourrait fort bien préférer une femme qui sait ce qu'elle fait !... Parce qu'en matière de corps, je ne m'y connais que pour les recoudre !"

[DukeTogo]

Dame Adrienne avait sourit à l'aplomb de la lady et écarquilla les yeux à la dernière phrase d'Aleth. Elle considérait certainement que l'aide qu'elle proposait prévalait sur l'inexpérience derrière laquelle Aleth se retranchait.

"Il n'est pas difficile de savoir quoi faire quand on est instruit par les bonnes personnes. Et une fois cet art maitrisé, même une jeune lady peut coudre son nom dans le coeur d'un homme. Il faut de l'instinct, de l'initiative et de l'habilité. Dans votre cas, il ne manque que du courage."

Elle procéda à une légère inclinaison de tête.

"A bientôt, lady Castellane."

[Iris]

Aleth salua Dame Adrienne selon les formes symétriques, réflexe conditionné. Mais elle se demandait ce qu'elle avait pu dire qui la fasse écarquiller les yeux ? Une femme qui paraissait n'être jamais surprise ? Apparemment elle avait dû dire quelque qui avait un sens différent de celui qu'elle lui donnait ? ...

"Et quant à parler de choix, n'oublions pas que mon Garde de Nuit pourrait fort bien préférer une femme qui sait ce qu'elle fait !... Parce qu'en matière de corps, je ne m'y connais que pour les recoudre !"

Elle avait voulu exprimer que Jack Bulwer pouvait parfaitement préférer une pensionnaire de Dame Adrienne : elle doutait de pouvoir anticiper correctement les réactions du Garde de Nuit... qui lui assurait qu'il ne lui tiendrait pas un discours moralisateur en se rappelant qu'il avait eu une éducation noble ? Quant à recoudre des corps, Aleth parlait de chirurgie... Y'avait-il des double-sens qui lui échappaient ? Et cette histoire d'instruction par les bonnes personnes ?... était-ce une invitation à venir ..? recevoir des leçons ?... En tous cas cette histoire de thé de lune était de toute évidence utile au plus haut point et justifiait à elle seule une visite : Aleth n'avait aucune envie de se retrouver chargée de six enfants et passer sa vie dans les langes.

...et puis... tout ça était follement amusant ...!

[Iris]

Le plan d'accueil du Garde de Nuit Jack Bulwer était en trois parties. L'écharpe était en voie d'achèvement et serait prête ; Dame Adrienne était d'humeur compréhensive, voire franchement encourageante (à un point qu'Aleth eut de quoi occuper ses rêveries durant les jours suivants) ; il ne restait que les brigands.

Fort heureusement, Jolan et Béric avaient décidé de s'attaquer au problème "Thalia Penn" de sorte qu'ils capturèrent plusieurs de ses hommes, à la plus grande joie d'Aleth. Elle s'empressa de dissuader son oncle de les pendre (des fois qu'il fût du genre à penser qu'effrayer le chaland avec des cadavres pourrissants était une marque d'autorité) et de voir avec Mestre Corwyn pour que ces messieurs dans les geôles puissent être soignés correctement. Elle s'assura également que le régime alimentaire des prisonniers était raisonnablement consistant et équilibrés, histoire qu'ils soient en état pour leur transfert pour le Mur.

... le spectacle de la jeune Lady s'affairant dans la prison avec un sourire ravi devait offrir un contraste saisissant avec la mine patibulaire des "clients" de Jack Bulwer. Plus qu'à espérer qu'il passe prochainement... avec de quoi emporter en sécurité ceux qui étaient les moins commodes... Après tout, ces brigands, tant qu'ils n'étaient pas frères jurés, pouvaient encore espérer s'en sortir en s'évadant : Aleth était consciente du risque et prudente.


Ce fut donc le cœur léger qu'elle se prépara pour quitter Waterford, avec la satisfaction d'avoir tout préparé au mieux.

[DukeTogo]

Aleth dut négocier quelque peu avec l'oncle plénipotentiaire qui nourrissait une haine féroce contre Thalia Penn qui avait l'audace de délester occasionnellement le domaine de diverses richesses. Il décida qu'on en pende un malgré tout et concéda de garder les autres pour le frère juré quand il se rappela qu'il s'agissait de Jack Bulwer.

"Noircouronne... Oui, bien sur... Corvin ? Corvin ! Venez là, bon sang ! Venez donc par ici et faites-moi le plaisir de m'apprendre comme vous êtes à la bonne avec le mestre des Bulwer.
Soudain souriant et aimable, lui tendant un verre de vin: "C'est comme un frère pour vous, non?"

Dans le même temps, il congédiait sa nièce d'un sourire qui disait peu ou prou "Allez les grandes personnes travaillent..."

***

Corvin hochait la tête machinalement aux demandes de lady Castellane. Elle fut un peu surpris de le voir très irritable. Se calmant un moment, il s'excusa de son enervement et lui avoua qu'il était très inquiet de la voir partir pour Rubriant, maugréant à mi-mots après les chevaliers qui auraient à coeur de soustraire Aleth à son amitié. Il coupa court à la conversation en proie à une colère intérieure qui blessa un peu la lady. Jusqu'au moment du départ de la délégation Castellane qui aura lieu le lendemain, il l'évitera autant que possible, ne la croisant qu'au diner ou il ne lèvera pas le nez dans son assiette.

Suite au chapitre 6 !