TdF - Chap. 6 - Le tournoi des Frères

[DukeTogo]

Le soleil se levait radieux sur Waterford et le château Castellane.

Chacun vérifiait qu'il emportait bien tout ce qu'il avait préparé.
Les chevaux étaient sellés et les chariots étaient chargés de tentes et autres équipements incontournables.

Il restait peu de temps à Gylehan pour empaqueter ses affaires car un soldat venait le chercher dans une cariole.
La boulangère n'était pas l'épouse du tisserand pour rien. Avec le troubadour faisant montre d'une incroyable agilité manuelle, elle avait cousu des vêtements colorés pour lui.
Elle ria de bon coeur de Gyles-le-tardif : "Le problème - ou l'avantage - d'une belle tenue, c'est qu'on en viendrait à oublier ton joli nez de menteur. Allez, emportes donc du pain au lard !"

Penchons-nous un instant sur les préparatifs des uns et des autres et leur état d'esprit...

[Iris]

La joie à l'idée d'un nouveau voyage l'emportait sur l'inquiétude quant aux événements négatifs susceptibles de se produire. Aleth allait assister à son premier tournois et avoir l'occasion de croiser la quasi totalité de la société noble du Bief.

Songeant à cette occasion, elle estima qu'elle n'avait vu que bien trop de monde dans sa jeune vie : depuis la mort de Dugal, alors qu'elle-même n'avait guère que neuf ans, la Maison Castellane s'était repliée sur elle-même. Ses contacts s'étaient limités à un séjour chez son grand-père maternel, Lord Risley ; puis un an au Grand Septuaire de Villevieille, avec surtout des religieuses. Elle pouvait compter le nombre de nobles avec qui elle avait eu des échanges et cela avait été bref à chaque fois. Il y avait le père de Jolan, Lord Hastwyck (infréquentable, un caractère épouvantable) ; Ser Emmon Cuy... Il devait être présent au tournois et s'était montré coopératif dans une situation difficile à la Trémière : il fallait au moins le trouver pour le saluer. Peut-être que Père et Jared arriveront en même temps ? Après tout, ils feront le même trajet, ce serait dommage de ne pas en profiter. Lady Alysane Bulwer ? Elle devait se trouver un époux qui lui laisse les coudées franches pour la maîtrise de son domaine. Ce serait plaisant de la revoir. Les Harte et les Manning viendraient peut-être aussi. Une ambitieuse comme Lady Silva Harte-Manning ne pouvait pas ne pas désirer se présenter au monde, pas avec tout le mal qu'elle s'était donnée pour être susceptible de diriger un très vaste double-domaine. Là aussi, le minimum était de la saluer après sa récente invitation à son mariage. Aleth se demandait ce qu'il était advenu du pupille, Ser Etan Verraz. A part ceux-là... Il y avait les Tarly... avec un aîné, Samwell, cumulant les gaffes... Lord Merryweather, qui cherchait à redonner son rang à sa Maison... Les Cendregué... Une relation importante pour Jolan, il fallait au moins essayer de voir si elle pouvait lui faciliter les choses, ne serait-ce que parce que les Cendregué étaient liés par contrat aux Hastwyck pour le développement du port de la Trémière. Ah oui, elle avait vu aussi Ser Edwyd Fossovoie, en quête d'une épouse (et de la dot qui allait avec ? Ou de la dot, l'épouse devenant l'accessoire associé ?)

Studieuse, Aleth avait révisé les noms des Maisons nobles du Bief autant que possible, pour éviter les impairs et avoir une chance de s'y retrouver... et il y avait bien des noms...

Malgré sa conversation avec Dame Adrienne et les réflexions autour de l'arrivée de Jack Bulwer, Aleth ne perdait pas de vue que le tournois offrait une occasion rare de rencontrer les célibataires du Bief. Son futur époux avait de fortes probabilités de figurer parmi les personnes présentes. Il ne fallait sans doute pas chercher plus loin la triste humeur de Mestre Corwyn. C'était sans doute important, mais cela demeurait un peu abstrait pour la jeune fille. De toute façon, je ne suis pas pressée de me marier. Il s'agit juste de faire connaissance et m'informer, rien de plus.

Chagrinée par la remarque de Lady Silva Harte-Manning qui avait paru trouver la garde-robe d'Aleth définitivement trop juvénile, et tenant à éviter des piques ou moqueries sur sa tenue de la part des autres jeunes filles qui seraient présentes, Aleth avait fait ajuster ses corsages. Le résultat n'arrivait pas à la cheville de Dame Adrienne faisant le marché, mais cela devrait faire l'affaire. Le but n'était tout de même pas d'attirer l'attention, seulement de ne pas se couvrir de ridicule en portant les mêmes coupes de vêtements qu'une fillette. Mais si la coupe était modeste, en revanche, le travail de broderie était des plus soigné. Sur ses effets personnels, destinés à un usage privé, elle brodait généralement des motifs de lierre. Cette plante était moins présente sur les grandes tenues voire totalement absente sur celles réalisées au couleurs de la Maison : rouge et or. C'était un véritable défi que de trouver des motifs gracieux permettant d'évoquer des tours sur une robe féminine. Au final, elle avait opté pour des motifs de tours en bas, très stylisés, et puis des arches et des rosaces, usant de motifs géométriques complexes apparaissant en architectures pour composer un ensemble qui évite d'évoquer la pesanteur des pierres.

A défaut de plaider pour son sens de la séduction, ses tenues disaient son goût du dessin, de la broderie, de la botanique et de l'architecture, avec une connaissance raisonnable du langage symbolique poétique. De ce point de vue, elle estimait que c'était une honnête présentation d'elle-même, un message qu'elle pouvait assumer.

...

Préparant son départ, Aleth était allée trouver sa soeur Lysanor et Alyse Hastwyck pour leur demander si elle pouvait leur rapporter de Rubriant quelque chose qui leur plairait, l'idée étant de ramener à chacune une petit quelque chose : les pauvrettes ne pourraient pas assister à la fête, il fallait bien un lot de consolation. Ne connaissant pas leurs goûts, le plus sûr lui paraissait de s'enquérir auprès d'elles.

...

Aleth enfila son nouveau manteau de voyage, noir et à capuche. Elle en avait assez d'attirer l'attention et les ennuis à chaque déplacement et cherchait des solutions à tâtons. Elle récupéra également une dague pour la ranger discrètement (autant que possible) mais à portée de main quand elle chevaucherait. Avec seulement six leçons d'escrime en tout et pour tout, elle ne ferait pas long feu si on s'attaquait à elle, mais cela valait mieux que de n'avoir aucun moyen de se défendre. Par pure coquetterie, elle songeait aussi à en acheter une plus jolie à Rubriant. L'élégance n'était pas un obstacle à l'efficacité.

...

Dans l'ensemble, Aleth était de bonne humeur, impatiente d'arriver et de voir du monde, mais certainement bien plus portée à tendre l'oreille et guetter des silhouettes dans les feuillages ou les ombres. Elle cherchait un équilibre entre vigilance et anxiété démesurée, soucieuse de ne pas se laisser gâcher le seul tournois avant plusieurs années.

[MeiYaw]

Je ris de bon coeur à la taquinerie de mon amie, et je la serre dans mes bras.

Ma chère, chère amie, je te remercie une fois de plus de ton aide et de ta générosité J'espère pouvoir te rapporter un souvenir du tournoi, ou à défaut un premier prix au concours de chant ?

Je la serre encore contre moi, et lui chuchote à l'oreille : "Tu reverras mon joli nez très vite, je te le promets !"

Sur ces mots, j'attrape mon sac dans lequel j'ai glissé mon tout nouvel ensemble, ainsi que mon costume de fête habituel. J'y ai également mis une tenue plus décontractée et de quoi me changer et je porte biensur mes habits de voyage. Mon nécessaire de toilette est prêt, mes besoins en la matière étant bien rodés depuis ces dernières années grâce aux multiples voyages que j'ai entrepris, et j'emporte, comme à mon habitude, tout ce qui pourrait être utile pour me grimer : cela pourrait, pourquoi pas, être utile durant notre séjour à Rubriant. Heureusement Ayleth m'avait aidé à rassembler toute mes affaires la veille au soir, de sorte que ce matin, il ne me restait qu'à charger la carriole.
Mes instruments de musique qui normalement ne me quittent jamais, avaient été fait porter au château la veille, afin de faciliter le départ du jour J. Au final je voyagerais relativement léger,

Je passe à l'arrière boutique prendre la part de pain au lard promise et glisse une piécette dans les poches de ma bienfaiteuse.

Un baiser sur la joue, puis je grimpe au côté du soldat, sourire aux lèvres/

[Maëlys]

La nuit s'était finie bien tard pour Béric, fort occupé par une importante discussion en compagnie de son ami Kieran Orell. C'était inutile certes mais il préférait comme à son habitude que trop de choses soient dites que pas assez.
Après avoir fini cette bonne discussion, il était passé à l'écurie pour vérifier comment se portaient les deux chevaux qu'il devait emmener, d'un côté sa jument avec qui il s'était tellement entraîné en vue de la joute (et qui devait risquer le moins durant le voyage) et de l'autre le cheval pour faire le déplacement. Il s'en suivit une vérification méthodique de toute son matériel d'équitation.

Toutes ces actions avaient déjà été faites plusieurs fois au cours des jours précédents mais il répétait inlassablement ces gestes, se rendant bien compte que la moindre erreur pourrait lui coûter beaucoup quand au succès de ce tournoi sûrement unique pour lui.
La nuit était déjà bien avancée lorsqu'il rentra dans sa chambre mais le sommeil était encore bien loin. Reprenant ses habitudes militaires, il occupa le temps en préparant son armure et ses armes en vue du tournoi, les nettoyant puis les huilant avant d'empaqueter le tout en vue du voyage.

Une fois tout ceci terminé ... Le sommeil était au rendez-vous et il se laissa choir, entraîné dans des rêves de chevalerie...

Puis au petit matin, il se leva bien tôt pour finir de préparer ses affaires. La nuit avait été courte mais une sorte d'ivresse passait à travers ses veines, la même qu'il ressentait la veille des batailles bien des années auparavant... Il savait bien qu'il paierait le prix fort la journée suivante mais bien dur de faire autrement dans cette situation.

Dès le soleil levé, il alla dans la cour des Castellane, le convoi ne devait pas tellement tarder à partir ...

[Iris]

Au moment du départ, montant sur son cheval revêtue de son nouveau manteau de voyage qui tranchait avec le vert tendre de la robe portée dessous, Aleth repéra où étaient Béric et Gyles. Elle avait quelques idées en tête. Les deux hommes ne pouvaient s'y tromper : regard direct, intense, un fond de trépignation... et puis une expression d'hésitation et de réflexion : en parler ou pas ?

Pour ce qui était du voyage en général, elle supposait que Béric avait donné ses instructions et se prépara pour sa part à avancer, quelque part au milieu tout en songeant : "Prochaine embuscade, je devrais peut-être mettre pied à terre et m'abriter sous un chariot sans attendre que les flèches tombent des arbres ?... C'est ridicule, je ne peux pas me cacher préventivement, de quoi j'aurais l'air ? D'avoir peur. Comment puis-je être prise au sérieux si j'agis de la sorte ? "

Elle aurait toute la journée pour aviser quant à poser ou pas ses questions.

[Maëlys]

Le soleil était levé depuis peu et quasiment tout le monde était présent autour du convoi, Aleth et ses valises, Gyles et sa bonne humeur, ainsi que la bonne troupe de garde qui accompagnait l'ensemble. Enfin il manquait surtout une personne ... Jolan qui décidément avait du mal avec la notion d'horaire ces temps-ci.

Interpellant un des hommes, il lui dit :

"Va voir où se trouve Jolan et ramène-le, on a un horaire à tenir si on veut pas mettre trois semaines à aller sur place."

Il le laissa ensuite partir avant de reporter son attention vers leur petit convoi, inspectant une dernière fois les préparatifs. Ce faisant, il lui sembla remarquer quelque chose dans le regard d'Aleth ... Comme lorsqu'elle a quelques reproches à lui faire mais attend le moment opportun, devant dans tous les cas attendre Jolan, il alla la voir.

"Bonjour Aleth. As-tu quelque chose à me dire par hasard ?"

Pas du genre à s'étendre, comme à son habitude surtout quand ses hommes sont présents, mais au moins c'était direct !

[Iris]

Étonnée de l'approche directe de Béric, Aleth eut un battement de paupière avant de s'exprimer avec un grand sourire :

" Eh bien en fait, je me disais que je suis désormais tout à fait guérie et que nous pourrions reprendre les entraînements !"

Après une seconde de regard "super mignon" signifiant "Alllllez ! Dites ouiiiiii !", elle compléta avec un argumentaire concessif : "Oh je sais, vous n'aurez pas le temps à Rubriant... et j'imagine que Jolan et Gyles seront tout aussi occupés avec leurs épreuves et concours respectifs... mais nous avons un peu de temps chaque matin et le soir avant d'arriver à destination ..."

Sautant du coq à l'âne, d'un ton de demande d'information : "Pour Rubriant, qu'avez-vous prévu quant à ma sécurité ? J'aurais quelques courses à faire, or avec tout ce qui est prévu, je doute que vous ou Jolan, ou même Gyles, ayez des disponibilités pour m'accompagner. Dois-je détourner durablement deux de nos gardes de leurs tâches pour pouvoir visiter la ville à mon aise ? "

[Maëlys]

Béric sourit en entendant la demande d'Aleth ... Elle restait toujours la même, quelque soit la situation, un peu le genre de femme qui cherche toujours à tirer toujours plus la couverture de son côté.
Cherchant à jouer un peu à son jeu, il lui répondit :

"Sûre d'être parfaitement remise ? Les muscles mettent un général un bon mois et demi avant d'être totalement en place."

Il laissa quelques secondes planer avant de continuer :

"Bon ... dans tous les cas tu as raison sur ce point, il serait temps de reprendre. Mais au début ce sera surtout du travail pour t'assouplir un peu et on verra ensuite suivant la progression.
Quant à Rubriant, nous aurons avec nous trois cavaliers, il sera toujours possible qu'un voir deux soient avec toi si tu en as besoin, je tâcherai également d'être présent au possible."

[Iris]

Aleth manqua de bondir à "sûre d'être parfaitement remise ?"...

" Vous ne voulez tout de même pas que je me déshabille pour vérifier vous-même l'état de mon épaule ?"

Mais parvint à se retenir de lui couper la parole et le laisser parler jusqu'au bout.

" Béric, vous n'avez pas honte de jouer au chat et à la souris avec moi ?"

Pesant plus ou moins ce qui était dit : "Concernant les exercices d'assouplissement, si vous ou Gyles me dites quoi faire, je dois pouvoir m'en occuper seule je pense." Et donc travailler quand personne n'aura de temps pour moi. Et avoir plus de temps de professeur d'escrime disponible pour les choses sérieuses.

Réfléchissant un instant à tout autre chose, à voix plus basse, ne tenant pas à être entendue de tous les hommes d'armes présents (qu'elle supposait rire sous cape) : "Au mariage des Harte-Manning vous étiez très en retrait. Il est impératif que vous vous fassiez un peu plus voir et nouiez des liens. Peut-être avec Ser Emmon Cuy que nous avons déjà vu, ou d'autres, peu importe. Ne vous privez pas de l'occasion de faire connaissance par peur qu'il m'arrive malheur sitôt que vous tournez votre regard ailleurs. Vous aurez besoin d'être connu et reconnu, comme homme d'honneur, de confiance et de bonne compagnie. Une opportunité comme celle de Rubriant ne se représentera pas de sitôt. "


Sauf si Béric tenait à poursuivre la discussion, Aleth avait fait le point de l'essentiel de son point de vue et regarda un instant dans la direction par laquelle Jolan devait arriver.

[Maëlys]

Au sujet de l'entraînement, Béric ajouta simplement :

"Nous verrons ceci une première fois ce soir ou si une pause si profile dans la journée. Après, il sera possible de le faire seule en effet."

Puis il acquiesça à la remarque vis à vis de son "retrait", se contentant de ces quelques mots :

"Merci de vos attentions Aleth."

Après de là à savoir si il allait prendre en compte ou non la remarque, c'était tout une autre histoire.