TdF - Chap. 8 à 12 (transversal) - Lysette la pipelette

MJ DukeTogo
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Iris
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TdF - Chap. 8 à 12 (transversal) - Lysette la pipelette

Message : # 54018Message Iris
14 juin 2016, 20:52

Chantonnant gaiement tandis que se balançaient en rythme ses jupons troussés sur les côtés pour être moins malcommodes, elle descendit les quelques marches menant à la grande cuisine du château dominée par de belles voûtes en arrête. Comme toujours il y avait ici beaucoup d'animation, entre les repas à préparer pour les seigneurs, ceux des serviteurs et des gardes, et bien sûr l'approvisionnement en victuailles diverses : volailles, pigeons, porcelets, bœuf, oies, esturgeons, cabillauds, lottes... Tout le long de la journée le feu était allumé dans la grande cheminée où pouvaient être suspendues simultanément trois marmites tandis qu'une broche de rôtisseur se tenaient prête à accueillir le gibier à rôtir. La cuisine était le cœur palpitant de la demeure, rien à voir avec les grandes salles luxueuses mais plus froides ou compassées des étages des maîtres : ici on riait et on colportait toutes les nouvelles. En tous cas, c'était ainsi que Lysette la pipelette voyait les choses -- parfois au grand dam' de la cuisinière en chef qui trouvait que la jeune fille bâillait un peu trop aux corneilles.

Repoussant d'un revers de la main la mèche bouclée qui tombait dans sa figure, elle souffla bruyamment après avoir posé lourdement un seau d'eau, manière d'attirer l'attention de sa patronne pour signifier qu'elle était sur le point de démarrer une conversation. C'était une heure creuse et la bonne à tout faire le savait, surtout, surtout elle était impatiente de pouvoir cancaner un peu. Fort curieuse et impatiente d'en savoir toujours plus, elle méritait certainement son surnom, mais l'honorable maîtresse des repas trouvait rafraîchissant de bénéficier de cette intarissable compagnie qui trouvait passionnant le plus infirme incident. Sans doute fallait-il régulièrement la recadrer et la renvoyer au travail, mais elle ne rechignait pas et acceptait de bonne grâce de souquer ferme après avoir coupé ses navets tout en partageant ses élucubrations.

Les héros étaient de retour de Rubriant : la lady, le séduisant Jolan et l'admirable maître d'armes, avec en plus un chevalier, le plus beau qu'elle eût jamais vu ou imaginé ! Rien qu'avec cela, elle aurait eu de quoi commenter pendant plusieurs jours, mais en plus le Lord (le vrai, pas son cadet mal luné siffleur de bouteilles) revenait bientôt avec le jeune futur seigneur. Tout était pour le mieux !

Lysette la pipelette prit une grande inspiration, typiquement annonciatrice d'un flot de commérages...
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Re: TdF - Chap. 0.3 - Lysette la pipelette

Message : # 54023Message DukeTogo
14 juin 2016, 22:48

Il y'eut une servante qui réclama après le troubadour, si drôle et charmant. N'était-il pas parti à Rubriant avec les autres pour le tournoi? A moins que ce ne soit lui qui ne se soit coiffé, étoffer de quelques livres de muscles pour porter une armure de chevalier.

L'arrivée du nouveau venu avait fait le tour du château et permettait de changer des imitations relatives de mé-mé-mé-mestre Corvin.

Mais silence, voilà que réapparaissait Daveth, le chef des serviteurs qui voulait superviser le service des héros de Rubriant. Quelques regards courroucés plus tard, un reniflage de plats et voilà Lysette et Lyanna apportant le boire et le manger aux messieurs installés dans la grande salle. Un homme dégarni mais barbu, le vieux canard boiteux, le séduisant chevalier, le taciturne maître d'armes et le grand échalas dont on doutait de la sexualité à voir le temps qu'il prenait à entretenir les rosiers du château.
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Chap. 7, jour 1 - Après le repas du soir

Message : # 54056Message Iris
17 juin 2016, 22:47

Daveth était arrivé encore au mauvais moment : impossible de cancanner tout son soûl avec lui dans les parages ! Tout juste avait-elle pu faire comprendre à ses camarades qu'elle brûlait de s'exprimer et qu'elle avait certainement un avis sur tout un tas de choses. Par chance, elle fut appelée à faire le service du repas des messieurs ! Elle pouvait les regarder de plus près et les écouter... en quête de la moindre miette à commenter !

De retour dans les zones du château consacrée au service :

" Qu'il est beau ! Ses cheveux, on dirait de l'or ! J'ai jamais vu un chevalier avant, mais c'est comme ça qu'ils doivent être : des soleils brillants, avec une épée pareille et l'armure aussi ! "

" Il m'a effleurée la main et m'a souri quand je lui ai passé le ragoût à la sauce à l'amande... j'en avais des frissons tout partout ! "

Elle agitait la main devant sa figure comme si elle essayait de se rafraîchir d'une bouffée de chaleur, le tout en cabotinant, car même quand elle était sincère-- et elle l'était !---, elle n'était pas sérieuse, incapable de se retenir de rire de tout ce qui se présentait comme sujet.

" Et c'est pas comme l'amoureux des roses, le chevalier il a l'air vraiment d'un homme... les autres aussi, mais franchement un boiteux et un brûlé... brrr... il faisait peur lui, avec ses cicatrices... et quelle idée de s'habiller tout en rouge ? ça fait bourreau... comme s'il voulait s'habiller couleur sang de ses victimes, eeerrrkk ! J'ai entendu que c'était un prêtre rouge... je me demande si ça veut dire qu'il y a aussi des prêtres bleus ou jaunes ? Ouais, en tous cas j'irais pas lui poser la question, c'est clair ! "

Trottinant gaiment : "Quand même c'est plus facile quand le Lord il est là, parce que là, ce soir, on a " Elle se mit à compter sur ses doigts : "un... deux ... 3... 4 services ? c'est ça ? ou y'en a plus encore ? Les messieurs guerriers, et puis avant la Dame et les petites ladys... et Tristifer, il mange tout seul ou avec le Mestre au final ? ... Et lady Aleth, elle mange quand au juste ?... Et pourquoi elle mange pas avec les autres ? J'aurais cru qu'elle dînerait avec le jeune Hastwyck... mais elle voulait p'tet pas être la seule fille avec les hommes... Mais elle aurait pu manger avec les dames alors ! ça nous aurait rudement facilité la vie quand même. Ralalala ! Et pour le petit déjeuner, ils vont faire pareil, à manger séparément, chacun dans son coin, un au jardin, un dans la salle à manger ? Pfff... Vivement que le Lord revienne ! "

" En tous cas il sera sûrement rudement content avec la victoire de Béric ! Dans un tournoi y'a qu'un seul vainqueur et c'est nôtre Maison qui a gagné ! Ah ça, c'est pas rien !"

Rengorgée dans sa dignité de bonne à tout faire d'une illustre Maison noble, elle songea avec une pointe d'excitation : "Il faut absolument que je parle à Hostella ! Il faut qu'elle me raconte tout !!"
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Re: TdF - Chap. 0.3 - Lysette la pipelette

Message : # 54191Message DukeTogo
29 juin 2016, 22:00

Plus tard, il y'eut le diner de "Lord" Tristifer et de la fille ainée du vrai seigneur.

Tristifer était non seulement moins agréable à l'oeil que le ser précédemment installé mais également à l'oreille. Et voilà qu'il vilipendait vertement Lysette qui n'y comprenait rien : en quoi un vin pouvait t'il être sourd? Bouchonné, ça veut bien dire ça, non?
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Heureusement qu'il est parti avant le dessert !

Message : # 54238Message Iris
03 juil. 2016, 22:17

Lysette était dépassée par la situation. Deux services à table le même soir pour une fille de cuisine, c'était une ascension fulgurante ! ... mais peut-être la devait-elle à toutes ses collègues qui ne voulaient plus servir Tristifer ? Vivement qu'il ne soit plus assis à la table du seigneur ! Un pochetron colérique, voilà ce qu'il était ! D'ici quelques années, il aurait un bon gros pif tout rouge, assorti au contenu de son verre ! Ah ça, Lysette en avait vu des ivrognes, et ils devenaient de plus en plus moches (bien fait !). Le vin avait déjà dû lui chambouler tout le cerveau s'il se plaignait que le pinard était sourd. Maman l'avait toujours dit : trop boire, ça rend les hommes idiots. Apparemment ça marche sur les nobles aussi. Si seulement Tristifer pouvait être tellement saoul qu'il se prenne les pieds dans les escaliers, et bim-badaboum, le cou cassé net, comme un poulet à qui on lui tord le kiki... et fini les gueulantes !

Toute à ses pensées homicides, Lysette dissimula de son mieux son sourire de joie à voir l'imbuvable intendant se barrer pour... pour quoi ? Bah, peu importe. Au moins il était parti.

Ne restait que la lady qui ne disait rien. Bizarre, non ?... Hum... à la réflexion, elle ressemblait à sa mère, à rester comme ça, sans réagir à côté d'un tourbillon aviné... C'était sûrement ça, la noblesse : Lysette n'aurait jamais pu faire ça. Jamais, même en rêve ! Pour sûr, elle était jolie dans sa belle robe et elle picorait comme un oiseau. Pas joyeux-joyeux le piaf.

Vivement que le vrai seigneur revienne, lui au moins il mettait une bonne ambiance ! Et avec le troubadour qui jouait si bien et le si beau chevalier, ce serait un vrai château de conte de fée !

La jeune servante pensait à tout et rien tout en rangeant et transportant les couverts et reliquats de repas en direction de la cuisine; De bons restes faisaient un bon dîner pour le personnel de maison. Lysette espérait qu'elle arriverait à avoir de bons morceaux !


Demain, ce serait jour de marché, une bonne occasion d'aller à Waterford en faisant les courses pour les cuisines... Il y avait toujours de l'animation et de nouvelles têtes. Lysette adorait ce jour, elle le chérissait et l'attendait avec impatience, espérant à chaque fois qu'il y aurait plein de nouvelles savoureuses à récolter.
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Chapitre 08 - Jour du marché

Message : # 54369Message Iris
19 juil. 2016, 22:47

La clarté filtrait à travers les volets en bois. Ce n'étaient pas encore les rayons du soleil, les murailles et les tours laissant les logements des serviteurs dans l'ombre pendant un bon moment, toutefois chacun ici savait qu'il était temps de se lever. Le fond de l'air était un peu plus frais, il avait plu durant la nuit, mais le soleil chasserait très vite cette fraîcheur.

Lysette partageait une chambre avec d'autres servantes, chacune à tour de rôle allant chercher de l'eau fraîche au puits pour faire leur toilette, après quoi elles enfilaient leurs vêtements : une chainse (chemise longue, blanche de lin) et un corset assez souple par dessus, ne servant souvent qu'à essayer de faire pigeonner leur décolleté ; enfin le tout était complété d'un tablier et d'un bonnet ou fichu, ce dernier servant à éviter de laisser tomber des cheveux dans la soupe, ou d'être couverte de poussière en faisant le ménage. Les cheveux étaient toujours attachés, pour des raisons pratiques et aussi de décence : "une fille en cheveux", c'était une des dénomination des prostituées, leur manque de vertu se lisant directement dans leur toison crânienne étalée librement aux yeux de tous.

Chacun et chacune connaissait son devoir et sa liste des tâches à accomplir : ranger un peu la chambre, qu'elle soit en état, car Daveth le maître des serviteurs ne plaisantait pas avec ce genre de détails ; relancer le feu dans la cuisine ; préparer les petits déjeuners de la garnisons et des serviteurs d'un côté ; s'occuper de celui des maîtres de l'autre. Bien sûr, ils se débrouillaient pour tous le prendre à un horaire différent, histoire de bien faciliter les choses... C'était alors que la routine du matin démarrait : les soldats s'entraînaient, à l'écurie on s'occupait des chevaux, lessiver et nettoyer. Dans le jardin d'agrément, quelques élus vérifiaient que tout était en ordre tandis que côté potager et basse-cour, on récoltait oeufs et légumes. Les deux jardins étaient bien sûr côté sud, pour bénéficier de la lumière au maximum, mais ils étaient séparés par un mur et une porte souvent fermée, de la même manière que les gens de la haute ne se mêlaient pas à ceux d'en bas.

D'amusante manière, l'imbuvable Tristifer logeait dans la tour du mestre, avec les corbeaux, mais c'était globalement le côté "serviteur" . On y trouvait côté cour le puits, l'entrée de la cuisine, et les logements des serviteurs ; côté jardin, c'était le potager et la basse-cour. Lui qui criait du matin au soir (et surtout, sifflait des tonneaux entiers de vin) n'était rien d'autre qu'un intendant qui se prenait pour le maître. Il faudrait vraiment lui faire un jour comprendre quelle était sa place (en bas de la tour, précipité par accident lors d'une soirée de beuverie ?).

Assise sur un chariot qui servirait à acheter des denrées en masse pour nourrir tout le monde au château, Lysette et ses compagnons se dirigeaient désormais à pas lents vers le marché de Waterford.
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Chapitre 08 - Jour du marché - arrivée

Message : # 54380Message Iris
21 juil. 2016, 21:53

Le trio avança tranquillement jusqu'à Waterford. La voie quittait le château puis rejoignait la route reliant la bourgade côtière à la route de la rose. Sur une bonne partie du trajet on devinait la rivière, tout en longeant des haies en bord de champ, tandis que des arbres vénérables offraient de l'ombre aux voyageurs et aux bêtes des prés. De nombreux sentiers permettaient de se rendre ici à une ferme, là à un lopin de terre. A l'approche de la petite ville, on voyait quelques terrains vagues et prés d'où surgissaient des ruines d'anciens murs d'époques oubliées. Des cabanes en bois et de petits potagers appartenant à des citadins modestes se laissaient deviner. Cela et les prés communautaires permettaient à la plupart des gens de subvenir à leurs besoins même sans gagner de nombreux cerfs d'argent.

D'ailleurs avait-on besoin de beaucoup plus ? Suffisamment de terres pour tout le monde, un sol fertile, suffisamment d'eau grâce à la rivière et à un climat clément, un été doux et long, un seigneur pondéré et juste (même si son frère avait un grain... au moins le fils paraissait aussi bon que son père)... Que demander de plus ? Ah les Castellane venaient de gagner un tournoi, c'était bien ça aussi ! Dire qu'on travaillait pour une Maison qui avait du prestige, ce n'était pas rien... rien à voir avec les servantes du domaine du vieux grincheux d'à côté ! Non, Castellane, c'était un nom, un vrai, un bien ancien, un qui vous rendait fier !

Franchement, tout allait bien et c'était chouette !

Lysette fredonnait un air sans queue ni tête en regardant le ciel. Un héron venait pêcher grenouilles et poissons au milieu des roseau. Des hirondelles dansaient avec grâce. Des papillons s'égayaient au milieu des fleurs de cynorhodon.

Un bel amoureux et des cancans savoureux, voilà bien les seules choses qui manquaient encore. Décidément, la vie était bien meilleure depuis qu'elle travaillait et n'était plus coincée à la maison avec toute la tribu qui piaillait, se plaignait, réclamait... Quel foutu bordel ! Et quelle plaie de devoir ensuite toujours tout nettoyer et ranger !
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Chapitre 08 - Jour du marché - place du marché

Message : # 54416Message Iris
31 juil. 2016, 22:37

Le trio emmena le chariot jusqu'à une rue donnant sur le marché. L'un d'eux gardait les chevaux et le véhicule pendant que les deux autres faisaient les courses. Lysette étant en position subalterne, fraîche recrue et fille à tout faire, elle avait pour mission de transporter les cagettes du marché. Le ballet commençait : oignons, ail nouveau, fromages, volailles vivantes dans de grands paniers tressés d'où elles caquetaient, paniers d’œufs, quantité de farine...

Ce fut alors que Tristifer arriva. Lysette avait les bras chargés d'aubergines d'un joli violine profond. Elle écouta le discours du faux Lord, partagée entre perplexité et inquiétude quant à la malhonnêteté du Gros Flowers qui vantait toujours tout son étal en disant qu'il était pauvre et ne vendait pas assez cher. Mais des brutes commençaient à tirer parti de la situation et à voler et dépouiller des marchands ! Lysette avec ses aubergines était trop encombrée pour bien voir ce qui se passait, mais ça ne lui plaisait pas. Heureusement que c'étaient les aubergines et pas les oeufs ! Aïe aïe aïe !

Bousculée, Lysette perdit l'équilibre et tomba durement sur le pavé, mais elle tint bon sa cagette et la traîna à quatre pattes sous un étal encore en place, priant le Père de garantir son précaire abri. Elle rattrapa une aubergine qui filait avait qu'elle ne fût piétinée par des brutes. Elle voyait des sabots, des chausses, des sandales de corde... Un peu de tout en fait. Un instant elle se fit la réflexion qu'elle n'avait jamais examiné autant de pieds de sa vie. Au-dessus elle entendait vociférer et elle voyait bien qu'elle était loin de pouvoir filer. Fallait-il tenter sa chance toute seule, sans ses légumes ? Ce n'était pas sérieux ! Plus d'honneur que d'honneurs ! Enfin... elle était partagée... Sauver les repas du château ou son intégrité physique... Elle avait mal au genou et le frotta avec sollicitude tout en guettant une accalmie et une occasion de filer.

Des paniers renfermés des volailles furent renversés : les poules, les cailles et les canards s'égaillèrent ! Celles qui pouvaient voler s'enfuirent rapidement, et bientôt ce furent les lapins qui s'évadèrent à leur tour ! Une bande de lapins fonçait dans sa direction et plusieurs la piétinèrent impitoyablement de leur petites pattes pas si douces que ça quand elles étaient lancées à vive allure...
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Chapitre 08 - Jour du marché - place du marché

Message : # 54534Message Iris
11 août 2016, 22:49

En boule, piétinée par les lapins, elle releva la tête avec l'air de quelqu'un qui tordrait sans délai le cou du prochain lapin qui s'approcherait. Un bon lapin était un lapin civet !

Elle commençait à reculer laborieusement, sursautant à chaque bris et cri proche, tout en tirant sa cagette et luttant avec ses jupons qui tombaient sous ses souliers et qu'elle piétinait donc un pas sur deux. S'agaçant, elle s'arrêta accroupie en essayant de se trousser, mollets à l'air et cuisses presque visibles pour enfin pouvoir bouger à son aise. Si quelqu'un y trouvait quelque chose à redire, elle lui fourrait ses doigts dans les yeux et son genou dans les parties !

Mais là, sur le tonneau, nez à nez avec elle, un gros lapin qui avait pris possession d'une botte de carottes et les dégustait en la dardant d'une expression provocatrice.

"Ragoût en sursit, va !" lui lança-t-elle "Si tu crois qu'la boustiffaille va pouvoir s'faire longtemps la mal, tu te peux te gratter ! Tu perds rien pour attendre !"

Le lapin parut rire. En tous cas ses moustaches frémissait en rythme. C'en était trop ! Lisette se releva les mains sur les hanches : "Ah c'est comme ça mon gaillard ! J'ai trucidé plus d'un poulet, j'vais t'faire ton affaire ! J'aurais ma vengeance ! "

Les manches retroussées de même que les jupons relevés sur les côtés comme pour aller au lavoir, Lysette approcha, pour finalement bondir sur la bête, et se ramasser tandis que le lapin filait.

Jurant dans sa barbe, étalée sur le dos, elle entrevit Béric et des gardes qui commençaient à s'occuper du bordel. Mais Lysette n'eut pas le temps de réfléchir à cette arrivée opportune : un stand à proximité venait se s'effondrer sous le poids d'un abrutis qui avait été projeté dessus et il tombait sur les aubergines ! La fille de cuisine se précipita pour ramasser celles qui filaient (moins coriace que le lapin qui la regardait encore d'un peu plus loin). L'homme à terre fit mine de vouloir se relever, elle le frappa avec une aubergine, puis avec un seau et cela suffit. Cette fois, voie libre ou pas, Lysette chargeait avec sa cagette et elle mordrait quiconque s'opposait à sa sortie de la place du marché !
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Chapitre 08 - Jour du marché - retour au calme

Message : # 54870Message Iris
23 août 2016, 22:04

Lysette atteignit le chariot des Castellane, un peu essoufflée et surexcitée de ses trépidantes aventures. Ses collègues étaient effarés, pour sa part, elle se sentait prête à retourner en découdre en allant récupérer les abricots qui figuraient ensuite sur la liste. Ce n'était pas un peu de défi qui allait l'impressionner ! C'était presque comme les bagarres généralisées avec ses frères et les gosses des voisins ! Et vlan, prends ça dans le pif ! Ah tricheur, il m'a sauté dessus dans le dos ! ... A l'époque, elle avait eu des bobos et perdait trop souvent pour aimer ces bêtises où excellaient les garçons, mais avec la distance du temps et l'éclairage de la nostalgie, ces violences enfantines devenaient charmantes, presque de saines activités sportives. Dommage qu'arrivée à la puberté, tout soit passé à la trappe au profit des blagues graveleuses et des tentatives d'attouchements, avec sans doute d'autres arrières-pensées encore.

Trépignant encore sous adrénaline, elle raconta par le menu son combat contre les lapins et l'abrutis qui s'était effondré près d'elle et qu'elle avait achevé d'assommer.

A un moment elle s'arrêta net, une question bien embêtante ayant paralysé son corps à force d'exiger de la réflexion : "Si Flowers est arrêté, il n'y aura plus de stand Flowers la semaine prochaine, ni celles d'après ? ça veut dire qu'y'aura plus que les produits du coin ? J'achetais pas souvent chez lui, mais j'aimais bien regarder ses étals." conclut-elle en soupirant.

L'émeute se dissipait. Les fauteurs de trouble fuyaient la garde qui reprenait le contrôle. Des gens sortaient en masse du septuaire et il y avait un gros attroupement du côté de chez les Bartheld. Lysette, peu pressée de rentrer au château malgré l'insistance anxieuse de l'un de ses compagnons, décida de jeter un coup d'oeil pour se tenir au courant de ce qui se passait. Les jolis pains de la femme Bartheld étaient renversés... quelle pitié ! Mais elle n'était pas comme le guerrier au cheveux long, à ramasser des pâtisserie, elle avait sa dignité ! N'est pas fille de cuisine de Castellane la première venue, non, non !

Mais que faisaient les gens ici ? Il y avait des blessés, mais aussi beaucoup de curieux sonnés qui s'étaient regroupés là par réflexe grégaire ou pour savoir ce qui se passait, ce qui attirait d'autres badauds perdus... Agile et déterminée, Lysette se faufila, en alternant les moments où elle sautait, marchait sur la pointe des pieds, ou bien essayait de s'accroupir voire de marcher à quatre pattes.

Lady Aleth s'exprima assez fort pour qu'il ne fût pas difficile de l'entendre : un disspanserre ? C'est quoi un dispand-serre ? Ah, elle cause des blessés apparemment... Ah ben oui, ils avaient dit ça au château qu'elle avait appris à Villevieille ! Lysette se sentit très fière d'avoir disposé d'informations lui permettant d'interpréter et bien comprendre les mots bizarres de la lady qui causait si souvent d'une manière trop-trop... ah ben oui, comme le mestre... trop mestrine ? En tous cas c'était rudement gentil de soigner tout le monde. Elle avait bien dit "tout le monde" ?

Lysette resta un moment à méditer : elle avait un bobo au genou. Rester à attendre permettait de papoter et cancaner pendant qu'elle attendait, avec un vrai prétexte pour ne pas reprendre le travail : elle était blessée ! La lady avait dit que c'était sérieux ! ... mais est-ce que ça ne serait pas gênant d'être rafistolée par la lady ? Et si elle lui demandait pourquoi elle n'était pas au travail ?
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