TDF. Chapitre 7.3. - Réunion sous le tilleul

[Crépuscule]

"Je l'espère aussi.

Je pense que cela a un rapport avec mon frère, Reswald. Il a rejoint le roi Robert pendant sa rébellion, apportant par là l’opprobre sur notre nom dans tous le Bief.
Sur la fin de la guerre, il a été chargé avec 3 autres, des fieffés de Castral Roc, de retrouver et d'assassiner les enfants Targaryen. Il a refusé de participer plus longtemps à cela et a disparu. Quelqu'un au conseil doit chercher un moyen de pression, peut être pour le faire sortir, ou s'assurer de son silence, je ne saurais trop dire, mais il semble à présent plus que probable que quelqu'un à Port Réal à peur des secrets connus par Reswald. Comme qui a donné l'ordre de tuer les enfants de Rhaegar.

La dernière fois que je l'ai vu, c'était à la Trémière, il était passé parlé à mon père. Il était accompagné d'un autre qui fuyait avec lui, un balafré.

Enfin, on parlera de ma quête du Balafré plus tard, revenons plutôt au récit d'Aleth. On en était aux hommes en noirs venus enlever Alyse, des hommes en noirs qui se sont révélés avoir dans leurs bagages, bien enroulés, des manteaux d'or ... "

Jolan n'avait pas trop envie de s'épancher sur ce passage et laissa Aleth poursuivre.

[Iris]

Aleth était satisfaite d'avoir fait une pause au bon moment et reprit en précisant un détail :

" Les hommes en noir plaisantèrent en enlevant Alyse, la décrivant comme la future plus jeune pensionnaire de la Maison de la soie. Pour moi il s'agit d'une dénomination de maison de tolérance et le signe que le commanditaire est lié à un tel établissement, qu'il en soit propriétaire ou associé. Nos suspects venant de Port-Réal, la localisation de cet établissement me paraît être vraisemblablement la capitale des Sept Royaumes. "

" Je me permets une digression : je voulais demander au juge Thoros s'il connaissait cet établissement, mais Myrosh m'a ... interdit de poser moi-même mes questions, m'assurant qu'il les poserait pour moi. Je suppose qu'il l'a fait, mais il n'a pas jugé bon encore de m'entretenir à ce propos ou au sujet d'une mystérieuse dornienne qui l'aurait abordé à Rubriant. Je suppose qu'il se méfie de moi et estime préférable de maîtriser tous les aspects d'un problème avant de s'ouvrir de ce qu'il sait... d'autant qu'il me semble qu'il ne m'apprécie guère."

Pour l'instant elle paraissait bien le lui rendre. De toute évidence, freiner un accès à une information qu'elle convoitait était une des choses qu'elle détestait le plus

" Avec un peu de chance, il sera plus bavard avec vous." conclut-elle avec un effort pour chasser l'irritation ressentie et revenir au passé.

Un instant silencieuse, elle évoquait le souvenir de la chevauchée, rappelant le souvenir de ces quelques heures :

" Nous retrouvâmes la piste et pûmes la remonter rapidement grâce à Jack. Pourtant il advint un fait un peu étrange : les quatre cavaliers, à l'orée de la forêt, s'étaient séparés. Le groupe de trois avait pris la décision de traverser la forêt avec Alyse, tandis que le colosse la contournait. Je n'en appris que plus tard la raison. Sur le moment, nous étions confus et hésitions à suivre le colosse et les trio, n'étant pas tout à fait sûr alors d'avec qui se trouvait Alyse. Je suis heureuse que nous ayons fait le bon choix, les conséquences auraient été terribles !"

" Nous nous engageâmes dans la forêt et dûmes passer une nuit à la belle étoile. "

Réfléchissant avec une mine très sérieuse : "Il y a beaucoup de petites bêtes qui se promènent la nuit dans les feuillages et il fait froid et humide au petit matin... mais c'est quand même assez amusant en fin de compte !"

" Jack nous révéla qu'il avait remarqué que des hommes nous surveillaient durant la nuit. Nous étions perplexes mais le temps pressait. Dans ce terrain plus accident, l'avancée était plus lente, mais nous voyions que nous gagnions du terrain, et nous décidâmes de poursuivre alors qu'il commençait à faire sombre. Enfin, nous fîmes halte et Jack partit en éclaireur. Il revint avec des nouvelles inquiétantes : les trois hommes n'étaient pas prêts de dormir, ils discutaient du viol d'Alyse... Il fallait agir sans attendre !"

" J'étais d'avis de venir aussi pour aider Alyse à s'échapper, mais Béric fut inflexible et me cantonna à l'arrière à garder les chevaux."

" Je ne connais donc les événements que par le récit de Jack qui dut d'une certaine façon avoir pitié de moi. Après un bref combat, l'un des trois, se présentant sous l'identité de Ser Prédeaux prit Alyse en otage. Il déclara que le colosse était Sandor Clegane et sembla dire que le commanditaire de tout cela était puissant et dangereux. Après quoi il parvint à s'enfuir et laissa heureusement Alyse saine et sauve."

S'exprimant d'une lenteur délibérée, Aleth ajouta : "Pendant ce temps, seule , sans armes et bien en sécurité à l'arrière, je faisais la connaissance de ceux qui nous avaient espionnés la nuit précédente."

[Casaïr]

"Que de beau monde ! s'exclama Darren, bien qu'il ne connaissait aucun des noms donnés par Aleth, hormis sans doute de réputation. Et donc, poursuivit-il, l'air amusé, toi, frêle jeune fille sans défense, tu fus reléguée à la garde des chevaux jusqu'à ce que..."

Il réfléchis un instant puis repartit de plus belle : "il m'a semblé t'entendre évoquer des hommes, rencontrés à Rubriant. Sont-ce ces mêmes brigands qui te sont apparus ?"

[Iris]

Aleth était ravie que Darren suive aussi bien. Quel agréable jeune homme ! Toujours à l'affût, écoutant vraiment, donnant l'impression à son interlocuteur qu'il était quelqu'un de spécial, avec de la valeur... Assurément, une partie de son charme résidait dans cette qualité, cette capacité à envelopper autrui de sourire et d'attention.

" Oui ! Il s'agit de Torman et Ulric." s'anima-t-elle avant que l'intervention de Jolan ne coupât son élan.

[Crépuscule]

Alors qu'Aleth se remémorait sa rencontre avec les hiboux, Jolan revoyait quant à lui tout l'assaut en détail, il se souvenait de leurs visages, de la rage qu'il avait ressenti, de leurs gémissements de douleur, de l'odeur du sang sur l'acier.

"Prédeaux et Clegane, deux de vivants, c'est deux de trop. Un jour, quand nous aurons récolté tout ce qu'on pourra apprendre dans le Bief sur le fond de cette histoire, il me faudra finir de déterrer les dernières pièces de ce puzzle à Port Réal. Alors il me faudra être prêt à jouer à un tout autre jeu. Je ne connais encore la manière, cela me prendra peut être toute une vie, mais je ne laisserai pas les crimes contre nos maisons impunis. "

Le ton sec de Jolan tranchait avec la narration légère d'Aleth.

[Casaïr]

Les réflexions du chevalier furent interrompus par la colère, voire la haine qui transparaissaient des mots de Jolan, ce qu'il comprenait plus que parfaitement ; lui aussi réagirait de même si son domaine et sa famille étaient attaqués aussi directement.

"Si les Sept me permettent une telle action dans le futur, j'aimerai pouvoir t'aider le jour où tu auras besoin d'une épée pour venger les tiens, Jolan. Où que je serai, tu n'auras qu'à m'appeler, et je viendrai."

Le sourire était sincère, Darren n'appréciait guère ce genre de personnage capable d'enlever une fillette pour la changer en catin de bas étage -et pour quelle obscure raison qui plus est ? Une vengeance ? Soupirant, les mains sur les hanches, il retourna son attention sur sa cousine.

"Thorman... et Ulric, c'est ça ? J'ai l'impression que ce sont de drôles d'oiseaux pour te retrouver dans ce qui est sans doute le pire endroit pour ce genre de personnes, non ? demanda-t-il, légèrement moqueur. A moins que... Non, deux courtisans ? Voulaient-ils changer de vie pour plaire à leur belle ?"

[Iris]

Aleth garda le silence et resta en retrait durant les vœux de vengeances et d'assistance mutuelle des héritiers Hastwyck et Risley. Les deux hommes faisaient serment d'entraide : l'un sacrifiait ses gains au tournoi pour sauver l'autre, qui jurait de venir à son secours où qu'il soit, quoi qu'il fît.

Le pacte conclu, la conversation reprit un tour plus léger grâce à Darren qui avait ce talent prodigieux de ramener le sourire peu importe ce qui se passait peu avant. Aleth ne releva pas l'hypothèse faisant de Torman et Ulric de faux brigands mais eut un petit rire gêné et flatté à la fois. Sur quoi elle reprit le fil :

Figure-toi deux solides et grands gaillards portant des cheveux bruns leur arrivant aux épaules et un début de barbe... à moins qu'ils ne soient juste mal rasés ? Le premier a les yeux clairs et un peu enfoncés, le second bruns et plus grands. Ils sont vêtus et équipés comme on s'y attendrait de brigands : ils auraient pu sortir tout droit d'un roman. Torman parle beaucoup et parfois vite, et il est très, très attaché à l'honneur de sa bande. Ulric ... hum... il est plus réservé et il me paraît plus difficile à cerner... Il ne se comportait pas de la même façon à notre première rencontre et à Rubriant. "

"Mais surtout, c'est prodigieux de voir à quel point ils sont bien accordés ! Je me suis même demandée s'ils n'étaient pas frères, en tous cas ils paraissent inséparables... et ils sont très drôles ! L'un commence, l'autre rebondit, et ainsi de suite ! Ils improvisent sans cesse leur comédie, avec beaucoup de conviction. Ce sont de fameux acteurs, doués pour des choses qui n'ont ni queue ni tête, comme pour afficher une mine vraiment effrayante, et peu de temps après, une frimousse avec des sourires si ridicules qu'il est impossible de ne pas rire !"

Songeant au contraste entre Rubriant et la forêt, elle souriait, trouvant manifestement cette histoire amusante, une vraie histoire de roman d'aventure, où il lui arrivait à elle aussi des péripéties !

" Mais quand ils sont apparus, je n'en menait pas large ! "

Aleth réfléchit un moment pour trouver comment décrire au mieux la scène :

"Il faisait sombre et je n'entendait ni ne pouvait rien voir des combats plus loin. Nous avions été avertis par Jack de mystérieux rôdeurs, mais je ne pouvais croire qu'ils auraient pu nous rattraper alors que nous avions chevauché sans relâche, certes moins vite que sur une route en plaine, mais tout de même... La seule pâle clarté provenait de la lune et des étoiles qu'on devinait entre les feuillages des arbres. "

" Quand soudain, j'entendis des hiboux qui s'interpellaient par hululements. Tu te doutes de ma surprise et de mon inquiétude quand ils se sont en sus mis à parler et à sortir de l'ombre."

" Avec le recul je me demande s'ils n'avaient pas fait un pari stupide avant de m'aborder... le même genre de pari qui les a conduit à me rejoindre sous ma tente à Rubriant, au milieu d'un camp remplis d'hommes en armes qui se seraient fait une joie de les écharper. Je dis ça car Ulric s'engagea dans la forêt dans une grossière, risible et maladroite tentative de séduction. Si je n'avais pas eu une mauvaise expérience dans cet affreux village avant Noircouronne, j'aurais peut-être pu trouver cela amusant, mais à ce moment je m'inquiétais aussi grandement de ne pas être prise pour ce que je suis : un petit tas de Dragons d'or sur patte. Jolan m'avait prêté des vêtements pour que je n'ai pas à porter de robe durant la poursuite, mais je n'ai jamais eu à traverstir mon langage ni à m'improviser une fausse identité crédible."

" L'un et l'autre parlaient avec familiarité, me prenant pour une servante je suppose. Ils étaient curieux de notre expédition et voulaient en savoir plus. Je m'efforçai de dire autant la vérité que possible : j'étais là en qualité de soigneuse, nous étions lancés à la poursuite des ravisseurs d'une fillette... "

" Au fil de la conversation, je compris que nos ennemis étaient passés à l'aller par la forêt, qu'il y avait eu un combat et que l'un des brigands, un dénommé Wulfgar, se trouvait alors entre la vie et la mort par la faute du colosse -- Sandor Clegane, comme je l'appris plus tard. Torman et Ulric évoquèrent leur chef, Duncan le rouge, et le décrivirent comme quelqu'un d'une extrême prudence et fermement attaché à certains principes dont celui-ci : les gens que la Confrérie de la Liberté enlève seront bien traités et toujours rendus contre rançon. "

" Malheureusement, je crains de ne pas être crédible en servante... Les deux me percèrent à jour sans grande difficulté. Je me rappelle encore bien du sourire de connivence qu'ils échangèrent avant de se mettre à me vouvoyer et prendre une corde pour m'attacher..."

Aleth fit une pause avec un sourire malicieux : "Saurais-tu deviner pourquoi ou comment j'ai échappé à la captivité ? "

[Crépuscule]

La réaction de Darren apporta à Jolan un peu de sérénité. Ce chevalier avait décidément derrière sa façade bien des qualité qui le rendait un homme qu'il sera heureux d'avoir côtoyer. Il espérait avoir l'occasion de le connaître plus qu'il n'en laissait paraître au premier abord.

Il remercia silencieusement Darren d'un regard qui se passait de mots, parfois les mots étaient inutiles, le corps pouvait tout autant parler que la bouche.
Après cela, il se détendit progressivement, écoutant de nouveau Aleth et repensant alors à la belette. Avait-il rejoint Duncan ? L'aideront-ils ? Lui chassant la bande à Thallia du marais de la Sorcière, voudront-ils encore l'aider ...

Il se reconcentra sur les propos de son amie ... il n'allait pas répondre ... mais en y repensant, connaissant la réponse, il fit le lien avec le surnom que lui avait donné Ulric quand il l'avait vu en compagnie d'Emmett ... la septa des bois ...

[Casaïr]

"Saurais-tu deviner pourquoi ou comment j'ai échappé à la captivité ? "

La question pleine de malice de sa cousine le surprit autant qu'elle l'égaya. Il réfléchit, mais il avait l'impression qu'il lui manquait un je ne sais quoi pour l'aiguiller.

"Eh bien, répondit-il tout en continuant de chercher, je ne te vois pas leur proposer de choses "polissonnes"... peut-être de soigner leurs verrues plantaires ? Ou leur apprendre à lire ou à écrire ? Les bonnes manières !" Il faillit éclater de rire mais se retint. "Désolé, mais je ne vois pas. Je dois bien l'avouer, je suis plutôt mauvais au jeu des devinettes. Mais j'aime bien en entendre les solutions !"

[Iris]

Aleth eut un petit rire de contentement avant de répondre : "Il y avait pourtant un indice ! Rappelle-toi, j'ai dit que Torman était farouchement attaché à l'honneur de sa bande. La Confrérie de la liberté met un point d'honneur à rendre intacts les nobles enlevés. Or l'attaque sur la Trémière était le fait d'hommes n'arborant aucun blason et s'en prenant à une enfant dont des brigands auraient pu demander rançon. "

Laissant un instant à Darren pour qu'il prenne bien la mesure de la situation : "Torman ne pouvait supporter que les siens se vissent imputer un enlèvement dont ils n'étaient pas responsables. Il ne voulait pas que leur réputation de bandit d'honneur fût ternie : il préférait me laisser libre et renoncer à ma valeur en or."

" Comme tu vois, j'ai juste eu la chance que mes presque ravisseurs aient une conscience."

Réfléchissant à la suite des événements, elle reprit : "Ils me raccompagnèrent en portant mes lourds sacs de remèdes pour le cas où mes compagnons auraient été blessés lors de leurs combats contre les ravisseurs. Nous parlâmes encore un peu... Je leur confiais de quoi soigner leur ami Wulfgar, en leur expliquant de mon mieux comment faire usage de quoi. Peu après, ils disparurent dans les bois. "

" Par la suite j'eus des nouvelles de Wulfgar lors de ma tentative d'assassinat et d'autres par Emmet la Belette au tournoi de Rubriant."

Les souvenirs de ces rencontres lui étaient agréables et elle considérait avec plaisir la dernière soirée à la Trémière : "Nous rentrâmes tous ensemble à la Trémière et y arrivâmes le lendemain soir. Nous fûmes gaiement accueillis et l'ambiance était à la fête. Le soldat Sacha était tiré d'affaire, Mestre Beren de la Maison Cuy s'en était assuré. Il est bien plus âgé et expérimenté que notre Mestre Corwin et me parla un peu de l'ancien mestre des Castellane, occupant désormais une charge de premier plan à Villevieille... j'aimerais assez le rencontrer à l'occasion... Après cela, je flânais un peu dans les jardins avant de voir à quoi ressemblait la fête du côté des gardes et surtout dire au revoir à Jack dont je pressentais qu'il était du genre à disparaître sans prévenir. J'avais raison, mais c'est le lendemain qu'il fila en emportant un cheval sans rien demander à personne ! " malgré cette précision, il était évident qu'elle n'avait aucun grief à son égard. Elle ajouta : " Il me promit néanmoins de passer..." et acheva sa phrase avec le soupir de qui doute un peu que ses souhaits soient un jour exaucés.

" Pour faire court, nous décidâmes d'emmener Alyse Hastwyck à Waterford, le temps que le domaine de la Trémière ait de meilleures défenses. Nous apprîmes qu'un accord entre Lord Cendregué et Lord Hastwyck était proche d'aboutir, les fonds devraient contribuer à la renaissance du domaine. "

Embarrassée, elle précisa : " Le jour de notre départ, Ser Emmon Cuy nous rejoignit et accepta que sa Maison aidât les Hastwyck le temps que les Castellane pussent envoyer des troupes en renfort. Je n'appris qu'à Rubriant que les Lord Cuy et Hastwyck se détestaient cordialement..." A sa mine, elle imaginait Ser Emmon Cuy devoir avouer à son père qu'ils allaient aider un moment des gens qu'il souhaitait voir disparaître...

" Quand nous revîmes à Waterford se déroula un conseil en présence de Père et Tristifer pour décider de ce qu'il conviendrait de faire des manteaux d'or et des informations récoltées. Ma proposition fut retenue... j'espère que j'avais raison dans mon analyse de ce qu'il convenait de faire... Toi, Darren, comment aurais-tu vu la situation avec les informations dont nous disposions alors ?"