[Changeling : the Lost] Un séjour à l'asile

[Clovis]

Autant Victor n'était pas quelqu'un d'impulsif qui aurait pu aboyer de hargne à l'encontre des paroles sardoniques de l'inconnu, autant son ton grinçant et empreint de folie sadique avait de quoi le rendre plus tendu. De peur ? D'agacement ? De colère ? D'indignation ? Lui-même n'aurait pu le dire, mais la présence de cet individu malade lui était en tout cas désagréable, tout comme elle l'était de toute évidence aux compagnons d'infortune du Cyclope : le géant, l'allure penaude et dolente, fixait ses pieds sans rien dire. La sorcière, quant à elle, bien qu'en retrait, fixait le psychopathe d'un air mauvais... à moins que ce ne fût qu'une impression due à son expression naturellement revêche. Morris, lui, après un instant de silence échauffé, partagea ses conclusions avec un déplaisir évident qui se comprenait aisément. La réaction de l'Ogre fut alors presque surprenante, celui-ci reprenant la parole sur un timbre posé, bien qu'il fût visible qu'il devait s'imposer ce calme :

« S'agit pas d'faire preuve d'courage ou d'êt' sport. S'agit d'faire c'qui faut... c'qu'est juste. » Gronda-t-il à l'adresse du dément, réagissant à ses remarques provocatrices sur la lâcheté et la cruauté.

Il avait aussi bien noté sa remarque sur son « papa », ne jugeant pas utile de s'attarder dessus : au mieux, le fou ne pourrait donner que quelques renseignements parcellaires, et au pire, ils en ressortiraient plus confus qu'avancés... sans compter que cela ne ferait que prolonger l'inconfort que suscitait sa compagnie.

Quoi qu'il en fût, ayant prononcé ces paroles, Victor fit ensuite un pas pour venir à la hauteur de l'homme de fer sur l'épaule duquel il posa une de ses paumes surdimensionnées.

« Ça m'fait pas plaisir non plus ; ça non. Mais... ce s'rait pas responsable d'faire autrement. Parfois, y'a plus l'choix. »

Sa voix, en dépit de ses sonorités toujours rugueuses et grognantes, avait revêtu des accents de sagesse qu'il adressa à toutes les personnes présentes, y compris Jim et la « ténébreuse » qu'il vit de retour parmi eux. Il y eut jusqu'à son œil unique qui, d'habitude empli d'une vivacité presque belliqueuse, s'habita d'une lueur plus placide. Cela ne dura toutefois qu'un instant, après lequel il pressa doucement le bras de Morris en signe de réconfort, puis prit une inspiration en recentrant son attention sur sur l'insensé :

« Si que'qu'un compte m'en empêcher, qu'il le fasse maint'nant. » Annonça-t-il tel le bourreau brandissant sa hache, armant son poing et allant pour le balancer à pleine force dans la gorge de l'odieux drôle afin de lui écraser la trachée et de le faire passer de vie à trépas aussi promptement que possible. Le geste était précis et promettait d'être dévastateur, mais il ne possédait nullement le caractère froid et professionnel qu'on aurait pu lui prêter. Les traits de Victor étaient transfigurés par une sombre résolution, et un grognement d'effort autant que de détermination émanait depuis sa poitrine jusqu'à sa gorge pour sortir entre ses dents serrées, accompagnant le mouvement de son bras dont les muscles se gonflaient sous l'influence du Glamour que l'Ogre leur infusait presque involontairement.

A moins que quelqu'un n'arrête Victor (en lui criant "Attends !", en lui posant une main sur le bras ou en faisant quelque chose du genre), il va jusqu'au bout de son acte. Pour rendre le coup aussi décisif que possible, il envoie la sauce : il utilise le Contrat de la Puissance de la Terrible Brute (Might of the Terrible Brute ; le 1er des Contrats de Pierre), et applique une Attaque Féroce (pour avoir +2 à son jet de Force + Bagarre)... si tu l'estimes possible.

[Asdel]

Jim était horrifié par la scène, le dément, enchainé dans ses excréments et sa propre folie, la sentence de mort, que Thomas avait jugé bon d'affirmer pour tous, et le grand Victor qui s’apprêtait à frapper l'homme à la gorge, lui broyer la trachée dans une explosion d'os et de sang...Jim voulut s'avancer, mais il était paralysé par l'horreur, sa propre violence lui disait que c'était une bonne chose, tuer ce fou dangereux qui avait profondément marqué Victor et les autres, mais devant lui il voyait les fontaines du liquide vital couler...Une exécution de plus, paralysé, il ne pourrait pas l'empêcher sauf si, dans un suprême effort...Le bras est armé et commence d'avancer...Moonlight bouge un muscle, il ouvre la bouche, commence d'hurler et...

[darkbaron]

La sentence est de Morris, pas de Thomas.

L'individu étant en bonne partie enchaîné, épuisé et affamé, il ne put échapper au violent coup de l'ogre. Dans un autre contexte, il aurait pu être un adversaire autrement plus redoutable, mais il était actuellement sans défenses et n'eut d'autre choix que de subir le coup. Un son guttural s'échappa de sa gorge alors que ses yeux s'écarquillaient sous la surprise et la violence du coup. Du sang s'échappa de sa bouche, se répandant en crachats écarlates sur le sol et les parois de la cellule. Au bout de quelques secondes, la masse du monstre s'affala doucement avant de devenir totalement inerte. La vie avait quitté cette créature.

Les Changelins étaient désormais réunis et plus grand chose ne les retenait en ces lieux. Quelle était l'étape suivante ? De son côté, Yulia se dirigeait tout simplement vers la sortie principale de l'édifice afin de se rendre dans la cour, mais elle n'obligeait personne à la suivre...

[Clovis]

L'éclat de voix naissant de Jim, que Victor ne remarqua réellement qu'après coup, trouva un écho presque absurdement comique dans le hoquet étouffé et surpris que poussa l'inconnu en sentant tout à coup la masse impitoyable du poing de l'Ogre faire impact contre sa gorge. Le temps sembla alors se figer dans la pièce entière excepté pour le géant anonyme qui se mit à éructer une espèce de son continu de tuyau bouché en essayant d'inspirer par une trachée désormais inopérante. Une lueur puis des éclats frénétiques de panique s'allumèrent dans ses yeux alors qu'il se mettait à gesticuler, portant ses mains à sa bouche et à son cou en des gestes tremblotants qui perdirent rapidement en vigueur alors que tout son corps se retrouvait privé d'oxygène. Après une poignée de secondes de ces gesticulations pénibles à observer, il émit une profonde expiration pareille au chuintement d'un sifflet cassé, et s'écroula sur lui-même, suspendu à ses chaînes comme un pantin laissé à l'abandon par son marionnettiste.

Pendant ce temps, Victor s'était reculé, autant pour ne être éclaboussé de sang ou frappé accidentellement que sous le choc de ce qu'il venait de faire. Le regard fixe et le souffle coupé, son sens des responsabilités lui interdisait de détourner l’œil, et il supporta l'agonie du hère monstrueux sans trembler, bien qu'aussi rigide qu'une statue. Ce n'était pas la première fois qu'il tuait, certes non, mais c'était la première fois qu'il le faisait non pas sous la coercition, mais par nécessité, et même par devoir. Il ressentait un peu de ce que l'on appelle le sentiment du devoir accompli, mais cela était noyé sous la profonde... tristesse ? Non, plutôt consternation, de n'avoir eu d'autre choix que de faire ce qu'il venait de faire.

Sans avoir forcément un sens de la justice très élaboré, Victor se rendait bien compte que, quelque part, il avait été juge, juré et bourreau, et cela ne lui plaisait pas. Retenant l'envie de grogner, gémir et crier de frustration, il passa distraitement les phalanges de sa main contre l'étoffe de son vêtement, comme pour la nettoyer du dernier souffle du psychopathe qui s'était imprimé dessus.


Se retournant, il ne soupira pas, mais grogna d'une voix blanche en sortant de la pièce :

« Finissons c'qu'on a à faire ici : on s'assure qu'tout l'monde est bien là, on détruit tout c'qui pourrait encore permettre à ct'endroit d'exister, on prend c'qui pourrait être utile, et on s'en va. »

Oui, ils ne devaient pas oublier le but original de leur escapade : les lancer vers un avenir meilleur, mais aussi faire en sorte que plus aucun être ne puisse être séquestré ici pendant au moins un bon moment. Jetant un coup d’œil à l'escouade changeline, il avisa la sorcière a l'air énigmatique, Morris à la mâchoire toujours crispée, Jim bouche bée sous le spectacle de l'exécution, et Thomas qui semblait ne plus savoir où se mettre. Ce dernier rappela au Cyclope l'existence de Maggie, et il se demanda où la bonne dame pouvait bien être, espérant qu'elle avait pris la poudre d'escampette avant même le début des hostilités pour s'orienter vers des perspectives d'emploi plus saines. Cette pensée ne traversa toutefois son esprit que fugitivement, car son regard se posa ensuite sur les deux infirmiers, recroquevillés dans un coin et comme deux ronds de flan. Alors qu'il se disposait à reprendre les investigations interrompues par le cas de l'inconnu, Victor gronda :

« Ah, vous deux, cassez-vous. Barrez-vous loin, bordel de merde, et faites plus jamais des trucs pareils. »

Quelqu'un de plus zélé et attentif aurait certainement pris soin d'interroger le duo sur leur employeur pour en savoir plus sur les dessous de l'affaire, mais l'Ogre n'avait pas la tête à ça : après ce qui venait de se passer, tout ce qu'il voulait, c'était boucler leur fuite et sortir à l'air libre...

[Asdel]

Jim se ressaisissait tout en gardant dans sa rétine l'image du coup de poing, la trachée explosée, la gerbe de sang. Tout cela avait été si facile pour Victor, un seul coup, et l'autre passait de vie-à-trépas.
Déglutissant et revenant à la réalité, Jim regarda Victor, avant de lui demander:

"On devrait peut-être s'arrêter là et partir comme Yulia non ?"

[Clovis]

Se retournant en entendant la voix toujours un peu secouée mais raisonnablement maîtrisée de Jim, Victor ressentit presque une sorte de soulagement à se retrouver face à face avec son visage hanté et incertain, mais digne et correct, dont la vision venait contraster avec celle de l'inconnu hirsute et dément. Au nom de « Yulia », il se demanda un moment de qui diable il voulait parler, mais ne tarda pas à comprendre en avisant d'un coup d’œil la silhouette drapée d'une robe chatoyante qui avait commencé à s'éloigner sans mot dire. Encore une fois, l'envie de filer illico presto le piqua, mais il répondit finalement avec un grognement négatif, avant de préciser plus clairement :

« J'veux pas qu'les gars qui nous ont séquestrés puissent avoir les moyens d'recommencer d'sitôt. Faut réduire leurs affaires en miettes, et détruire les dossiers qu'ils ont... si vous l'avez pas d'jà fait. » Ajouta-t-il en remarquant le paquetage que le Ténébreux transportait, et qui indiquait qu'ils avaient trouvé une salle des archives ou quelque chose du genre. « Et pis j'aurai pas la conscience tranquille avant d'êt' sûr d'êt' passsé à côté d'rien. T'imagines si on laisse un pauv' gars com' nous enfermé ici ? »

Car oui, autant l'expérience que l'anonyme venait de lui faire vivre lui laisserait un sale goût dans la tête pendant longtemps, autant il s'en mordrait les doigts de condamner quelqu'un comme lui, comme Morris ou comme Jim à ne pas profiter de leur évasion à cause d'une négligence de leur part. Ainsi donc, sur cette justification qu'il espérait suffisante, n'aimant pas les palabres, le Cyclope se disposa à reprendre ses investigations de façon complète... si tant était que personne d'autre n'avait de quoi objecter...

[darkbaron]

Personne n'objecta, mais il était évident qu'il n'y avait en ces lieux plus personne à sauver : toutes les autres cellules étaient vides et on n'y trouvait que sang et crasse dans le meilleur des cas. Il n'y avait plus le moindre occupant, à l'exception de rats. Les dossiers de Jim confirmaient d'ailleurs ce point : on avait en tout et pour tout dix dossiers et on pouvait d'emblée exclure ceux de Jim, de Thomas, de Yulia, de la vieille, de Victor et de Morris. Cela n'en laissait que quatre, dont on pouvait exclure celui du malade isolé que Victor venait de soulager. Il n'en restait alors que trois, qui étaient tous barrés. La vie avait dû quitter ces trois malheureux.

En somme, il ne restait plus qu'un bâtiment lugubre et vide, symbole d'une période brève et pénible de leur existence. La vie elle-même avait abandonné les lieux.

[Asdel]

Jim sortit les dossiers, ils étaient tous là.

"On fait quoi maintenant ? Un dernier tour pour faire sauter le bâtiment ou bien on décanille ?"

En disant cela, il regardait Yulia qui disparaissait déjà dans les Ténèbres.

[darkbaron]

La neige tombait dans la cour. Elle formait un épais manteau sur le sol, rappelant que l'hiver était toujours là et régnait en maître sur l'hémisphère nord.

Fort étrangement, ils n'étaient pas seuls dehors. Près de Yulia, il y avait un autre individu : un homme de taille moyenne et assez fin, aux cheveux bruns. Ses yeux brillaient d'une lueur mordorée et les traits de son visage, plutôt velu au demeurant, rappelaient vaguement ceux d'un loup. D'ailleurs, quand il ouvrait la bouche, ses canines étaient proéminentes. De plus, ses mains s'achevaient par de jolies griffes qui devaient être redoutables en combat.

Il s'adressa à Yulia d'une voix grave et sur un ton particulièrement respectueux.

"Je vois que votre mission a été accomplie sans encombres. Le refuge est prêt. Vous connaissez déjà l'adresse."

[Clovis]

Une rapide inspection, suivie d'un bref conciliabule avec Jim, indiqua sans guère de doute possible qu'il n'y avait plus grand-chose de valable à faire en ces lieux d'emprisonnement. Sa conscience ainsi soulagée, Victor, las, répondit avec concision à la question du Ténébreux :

« Mettons l'feu à c'qui reste et fichons l'camp. »