[Oikouménè] 1.1. La Malédiction du Blond-Peuple

[Crépuscule]

Le soleil était haut dans le ciel et ne tardera pas à être au zénith. Volcos qui chevauchait non loin amena sa monture à leur hauteur.

"Nous devrions être au refuge de Mutta dans 4h tout au plus à ce rythme, et seuls les dieux savent ce qui nous attend là bas, autant profiter du chemin qui nous reste pour parler et nous préparer aux diverses possibilités.

Personnellement, je ne pense pas que les Rutènes soient derrière cela, Attalos leur roi a bien trop à faire en ce moment avec les Gabales du côté des terres d'Adsedillos."

Tout en parlant, la troupe parcourait aisément les larges chemins serpentant entre les collines, et allait à présent traverser une autre rivière peu profonde (le Girou). Au delà, les pentes s‘accentuaient légèrement pour s'enfoncer vers des monts boisés.

[Cialf]

-Tu as sans doute raison pour les Rutènes, au moins pour ce qui concerne Attalos. Mais il peut y avoir des ambitieux ou des hors-la-loi qui profitent de ce qu’il est occupé sur sa frontière de l’est avec ses meilleurs guerriers. Vois-tu quelqu’un qui pourrait jouer ce rôle ?

Je regarde attentivement les hauteurs boisées devant nous.

-Lame Rouge, crois-tu qu’il pourrait y avoir une embuscade ici ? Aussi près de Tolosa ? Cela me semble improbable, mais tu t’y connais mieux que moi.

[Crépuscule]

"Oui, c'est envisageable effectivement, ce serait assez futé.

Parmi les vassaux d'Attalos que je connais, je n'en vois pas, ils sont tous assez proche de lui, il s'est arrangé depuis pas mal d'année à s'entourer des membres de sa famille et de ce que j'ai entendu, il y a bien longtemps qu'il n'y a pas eu de bannisement, ce qui montre que les autres se tiennent à carreau. "

Quant aux éventuelles embuscades, Lame Rouge, ainsi que les plus expérimentés, savaient que face à une troupe de neuf cavaliers (et un mouton), aucun petit groupe de malandrin ne risquerait quoi que ce soit, et aussi proche de Tolosa, un groupe plus important aurait depuis longtemps été débusqué.

Une fois la maigre rivière franchie, le parcours devint plus tortueux pour suivre les flancs de petits monts qui se succèdent et les sentiers n'étaient pas plus larges que deux chevaux de front, souvent même plus étroits. Montant le versant d'un mont dominant les autres, les cavaliers arrivèrent sur une zone dégagé dû au sol rocailleux. Il fallait avancer doucement car le sol y était accidenté et la caillasse pouvait rouler sous les sabots de leurs chevaux.

La plupart des cavaliers franchirent sans trop de problèmes la zone accidentée, Eccomar ne fut pas le plus efficace, mais le cheval de Brennus aussi avait eu de mal et avait refusé d'avancer, l'obligeant à descendre pour le mener à pied sur une portion, en revanche, Grannus lui chuta de cheval après que ce dernier se soit affolé quand des pierres se sont dérobées sous ses sabots. Plus de peur que de mal, Grannus était bien rembourré, mais alors qu'il avait un bon moment monologuer avec Brennus auparavant, il resta plus silencieux après cela ... pour un cavalier, une chute de cheval n'était pas des plus reluisant.

Profitant de cette trouée dans la canopée, Eccomar et Lame Rouge avaient pus entrevoir une petite colonne de fumée s'échappant au dessus des arbres, plus haut vers le sommet. Le sentier continuait en montant un peu plus vers la droite.

[Cialf]

J’ai bien fait de poser la question : l’endroit est réellement propice à une embuscade. Bien sûr, il faudrait que nos ennemis soient téméraires ou fous, mais il ne fait pas exclure trop vite l’idée que nous pouvons avoir des ennemis téméraires ou fous. Plusieurs d’entre nous ont l’habitude de ce genre de terrain et seraient sans doute capables de repérer les premiers signes de danger : Lame Rouge, bien sûr, probablement Brennus et les deux Ibères…

Tiens ? Une fumée. C’est le premier signe de présence humaine depuis la rivière. J’échange un regard avec Lame Rouge, puis avec Volcos. Est-ce une ferme, ou bien un groupe de chasseurs ou de voyageurs ? En tout cas, ils ne cherchent pas à se cacher.

-Je n’ai pas l’habitude de cette route. Est-ce une ferme ?

[Crépuscule]

"Des chasseurs" repondit Grannus qui connaissait bien les environs.

"Il y a un petit groupe qui vit là haut."

[Cialf]

-Dommage. S’ils ont choisi de camper sur les hauteurs, ce n’est pas pour aller chasser au bord du Taran, et ils ne savent sans doute rien de ce qui se passe à Mutta. Crois-tu qu’il soit utile d’envoyer un éclaireur pour leur demander ?

[Crépuscule]

"Je ne pense pas qu'ils aillent chasser si loin ... je sais pas trop ... à moins qu'ils aient vu quelque chose dans les parages..."

Grannus n'etait pas du genre à trop se mouiller, pas le genre à souhaiter prendre des décisions ... ce qui expliquait qu'il n'ai jamais dirigé de troupe.

[Cialf]

-A ton avis, Lame Rouge ? S’ils avaient vu quelque chose de dangereux, ils seraient en train de cavaler vers Tolosa au lieu de prendre tranquillement leur repas de midi. Je crois qu’il vaut mieux poursuivre jusqu’à l’Aguotis, nous aurons plus de chances de croiser des voyageurs.

Je n’insiste pas pour envoyer un éclaireur. Notre cavalier le plus rapide serait, je crois, Caleto, mais son accent ibère risque de ne pas inspirer confiance aux chasseurs. Ils ne sont pas censés savoir que son père Donno est un de nos plus fidèles alliés. D’ailleurs, Lame Rouge paraît d’accord. Continuons.

[Crépuscule]

Après le passage accidenté, il leur fallut encore un bon quart d'heure à une allure réduite, en file indienne, afin d'atteindre les dernières collines. Le chemin s'élargit alors de nouveau tandis que la troupe attint un belvédère offrant une vue d'ensemble sur la canopée de la forêt s'étendant devant eux et plus loin sur une large plaine au milieu de laquelle ils pouvaient deviner le parcours tortueux de Taran.

Un peu à l'écart du belvédère, isolé au dessus d'un imposant rocher sortant de terre, un vieux chêne aux larges racines les dominait et imposait le respect. Quelque chose de mystique s'en dégageait, tous surent que ce lieu était sacré. Soudain les chevaux s'agitèrent, quelque chose les inquièta. Un loup sortant au milieu des fougères avança sur le rocher et s'arrêaa à côté de l'arbre centenaire, observant les cavaliers. Il resta là un petit instant avant de disparaître comme il était venu.

Note mythologique : Au loup!

Le symbolisme du loup dans l'antiquité est assez mystérieux et ambiguë. Néanmoins si on recoupe les différentes mythologie, certaines interprétations se recoupent.

Chez les gaulois, le loup était un symbole pour les guerriers, certains recouvraient leur casque d'une tête de loup après avoir mangé leur cœur pour s'attribuer ses qualités. Cette pratique est peut être lié au dieu Ogmios, que Jules César assimile à Mars, dieu de la guerre, lui même parfois représenté sous forme d'un loup. Chez les grecs, Arès a quant à lui le chien dans ses attributs, mais le loup a pu être substitué par la chien, hypothèse parfois évoquée.

Ces rites peuvent aussi être rapproché au dieu Dispater, le dieu-loup dont serait issues les gaulois, parfois représenté coiffé d'une peau de loup, il est également affilié à la nuit et à la mort. Jules César l'évoque dans la Guerre des Gaules sous la forme Dis Pater. A partir de là, il est assimilé à l'ancien dieu romain Dis Pater qui est devenu Pluton, dont le chien (Cerbère) est un de ses attributs. On peut se poser la question d'une origine commune entre l'ancien dieu romain et le dieux-loup. Il arrive que l'on trouve aussi des rapprochements entre Dispater et Sucellus dieu gaulois bienfaiteur parfois représenté avec un loup ou une peau de loup, parfois avec un chien.

Enfin, le loup est aussi lié au soleil et au dieu Bélénos, représentation que l'on retrouve chez les grecs et les romains pour son équivalent Apollon, la même comparaison est faite avec Lug. En grecque ancien et dans différents langages celtes, les termes utilisés pour désigner «loup » et « lumière » étaient proches. Cela a conduit a interprété « Apollon Lycien » soit par dieu de la lumière, soit par dieu-loup. Le loup est également l'attribut du dieu solaire pour ses actes justiciers. A Delphes, le temple d'Apollon était gardé par un loup de bronze, en souvenir d'un vrai loup qui aurait protégé les trésors du temple contre un voleur. Des hypothèses ont été faites selon lesquels le dieu serait d'origine gréco-celtique.

[Cialf]

Un loup ! A un pareil endroit, c’est un signe des dieux ou je ne m’y connais pas… En plein jour, c’est un signe favorable, messager de Belenos, symbole de lumière et de justice. De nuit, il est plus ambigu… S’il y a des choses obscures et troubles devant nous, le dieu nous aidera à y faire la lumière. D’ailleurs, il apparaît à côté du chêne, l’arbre qui soutient le ciel, et du rocher, qui descend jusqu’à la sagesse des ancêtres… Comme si les dieux s’étaient réunis pour nous accueillir. C’est presque un signe trop fort, notre mission a une importance que je n’imaginais pas. Je fais signe de se taire : on dit que si le loup voit le voyageur en premier, il lui impose le silence… Je fais avancer mon cheval dans la direction où il a disparu. Je dois contourner le rocher, mais s’il veut que nous le suivions, nous le retrouverons de l’autre côté. Les autres me suivent-ils bien?