[OdE Chap 8-34] L'épuisement et l'usure

[Iris]

18e ceitéan 910 - 7 juin 910 - début de matinée

Jazkez avait cheminé de nuit avec Kiddle pour finalement arriver au fort près de Moudenn sans encombre. Tairdelbach avait fait l'effort de l'accueillir brièvement pour s'informer des derniers développements de la situation.

Pwyll avait disparu après un coup de folie.

Après s'être enfoncé au sud, il était remonté au nord avec un otage, et dans un ultime sursaut, avait semé ses poursuivants. Il ne devait d'avoir poursuivi encore son chemin qu'à sa puissance, mais il était désormais très affaibli. Il avait fini par s'endormir à demi sur un îlot et repartir, telle une bête fauve. Croisant des pêcheurs effrayés, il se fit néanmoins mener sur les dernières centaines de mètres jusqu'à la forteresse de Tairdelbach. Celle-ci était en alerte et l'intrus fut repéré et récupéré. Le retour du colosse parti un jour plus tôt était accueilli avec des émotions contrastées : Armel le nocher était déjà rentré, et son histoire avait fait le tour des lieux.

Pwyll était assis sur une banquette dehors, sous un rayon de soleil à côté du terrain de tir, sous le regard lointain et inquiet du personnel du château. Pwyll était-il un héros ? Un monstre ? Un fou ?

Tairdelabach avait été averti immédiatement et avait envoyé quérir Jazkez pour l'avertir du retour de l'auxiliaire Pwyll, limoneux, boueux et épuisé.

Spoiler () :

Si Jazkez demande à parler d'abord seul à Pwyll, Tairdelbach ne s'y oppose pas.

[Pwyll]

Le monde alentours semblait irréel, mais un peu moins inconfortable que l'état actuel de son corps. Respirer lui faisait mal aux côtes. Pour lever un bras, il devait forcer des épaules courbaturées et de grandes ampoules percées et rougeâtres couvraient ses paumes.

C'est surtout en son for intérieur qu'il était le plus gravement touché, toutefois. Pas de Madennig, des ennuis pour tout le monde et plus d'avenir pour lui... Si seulement il l'avait ramenée, il aurait pu se contenter d'un tel troc, mais là, rien. Plus rien.

Il lui semblait reconnaître le chevalier qui approchait. Pwyll avait envie de regarder le sol, mais il fit face à Jazkez et attendit en silence. Ce serait malpoli de gâcher l'entrée en matière qu'il devait ruminer depuis la nouvelle de son arrivée à Moudenn.

[Caeso Senjak Khan]

La nuit avait été une nouvelle fois trop courte mais la raison plus agréable à entendre. Point de nouvelle disparition, au contraire, on aurait retrouvé Pwyll. Jazkez s'habilla prestement refrénant en son for intérieur l'espoir utopique qu'avec le retour de son ami celui de Madennig suivrait. Avait il une piste ? Bonne ou mauvaise ? S'il était seul... Il chassa ces pensées parasites et sortit rapidement. Tairdelbach était présent et accéda à la demande de l'Osfer de le voir un moment seul. Il s'approcha à grandes enjambées, la tête pleine de questions. La mine fatiguée du garde-féond et l'état de sa tenue, même pour Pwyll, en disait long sur ce qu'il avait du affronter pour parvenir vivant jusqu'ici. Il troqua sa mine sérieuse contre son air habituel, maintenant libéré des griffes de Losgadh.

-Je viens de recevoir un pigeon de Losgadh. Leur poste de chef de la diplomatie vient de se libérer suite à un décès précoce et inattendu, apparemment assassiné par une bête sauvage des marais à l'apparence humaine. J'ai pensé que je pourrais te recommander.

Il s'approcha de son ami et l'enlaça comme le font les compagnons d'armes puis s'écarta en se nettoyant le devant de son chemisier tout humidifié.

-T'as pas pris le chemin le plus court pour rentrer j'imagine...

Il recula d'un pas et observa Tairdelbach resté à l'écart.

-Je suis content que tu sois en vie. Je dois être le seul je pense. Kiddle est sain et sauf, je l'ai ramené de Losgadh. Je pensais que mon séjour la bas serait plus long mais j'ai senti un peu de tension à mon arrivée et je n'ai pas voulu abuser de l'hospitalité du seigneur. Il va bien d'ailleurs, si tu veux des nouvelles.

Jazkez laissa échapper un long soupir en regardant son ami.

-Des nouvelles de Mad ?

[Pwyll]

Il fut presque surpris par les effusions de Jazkez. Ce type de contact semblait très étrange après les heures de fuite et de combat qui semblaient occuper un espace immense dans sa mémoire, dorénavant.

"J... je, euh, j'ai raté l'occasion. Je sais pas ce qu'ils t'ont raconté, mais je suis content que tu aies pu revenir de chez ces tarés. Ils détestent les hildeux et... j'ai cru que je devais faire vite pour la trouver. J'ai posé des questions, aux patrouilleurs. Pour faire court, la cheffe des patrouilles de nuit, Maoga son nom, je suis sûr qu'elle a vu passer la barque avec Mad, sûr."

Pwyll prit un moment, ses poings énormes se contractèrent en craquant. On pouvait peut-être imaginer le cou de cette Maoga entre les doigts repliés.

"J'ai pas voulu la pousser, elle était chez elle, avec ses gamins et tout. J'ai cru que Mad était dans les prisons de Losgadh, comme un grand con, merde... j'ai gâché ma chance en entrant là-dedans et en menaçant la noble, une Mac Lormel, genre une cousine de Gulguenn qu'on m'a dit. Mais elle savait pas où était Mad, j'en suis sûr. Du coup, je pense que Maoga travaille pour quelqu'un d'autre, j'en sais rien, un truc dans le genre. Et Mad... Mad avait été emmenée plus loin, juste un peu plus loin je crois. C'était la pleine nuit, ils n'ont pas pu avancer bien plus loin. J'aurais dû la cogner, la faire parler, mais j'ai pas pu, pas trouvé le courage."

Il respira en gardant difficilement le contrôle. Il ne voulait pas pleurer comme une fillette face à un frère d'armes.

"Maoga était plus chez elle quand j'ai fui le château et, une fois que j'ai quitté la ville, le monde entier était à mes trousses, putain... une patrouille d'au moins dix connards m'est tombé dessus, je sais pas combien ils ont de bonhommes là-bas, mais t'imagines, dix gars ? Je m'en suis sorti de justesse, mais j'ai pas pu faire ce que je voulais, fouiller plus au sud... Et maintenant ils ont dû la tuer ces pourris, je suis... pardon chevalier, j'ai tout foiré. Je mérite pas, mais au moins je te demande pardon, j'ai pas assez réfléchi et voilà le résultat."

Justement, il reprit les réflexions qui le hantaient depuis son retour et dès la fin de son périple, quand les gens de Moudenn l'avaient repéré. Il en ressortit quelques mots de plus, Pwyll essayait de tout régler, de ne rien oublier et ça se bousculait :

"Il faudra pas rester avec moi mon gars, je suis la peste mauve en personne maintenant et Moudenn pourra pas me garder, pas plus que Terfynisel. Personne pourra. Faudra que tu t'occupes de donner ma ferme à Kiddle et peut-être voir avec mon voisin, un bon gars, s'il récupère une bonne partie de la production il acceptera sans doute d'aider, de partager des commis avec mon terrain, enfin tu vois ? Kiddle et Dred au chat, l'autre paumé, ils pourront se serrer les coudes, et Ethel aussi... Merci d'avoir ramené Kiddle. J'avais l'accord d'une fille là-bas, une patrouilleuse serviable, pour le faire partir avec Armel, le nocher, mais ça a foiré apparemment. Comme tout ce que j'ai fait."

Il se tut et jeta un regard en coin vers l'expression du chevalier.

[Caeso Senjak Khan]

Les sentiments de Jazkez étaient aussi agités que les explications et implications des mots de Pwyll déversés comme un torrent tumultueux trop longtemps retenu. Il ignorait qui était cette Maoga qui semblait concentrer toute sa hargne mais entendait de la bouche même de son ami le récit tragique des événements tel qu'on lui avait conté à Losgadh. Les reproches et mots acerbes qu'il lui destinait restèrent néanmoins bloqués au fond de sa gorge.

-T’inquiètes pas pour tes poules, Aeldred se fera un plaisir de s'en occuper pour toi le temps qu'il faudra. Mais c'est vrai que je suis plus préoccupé par ta situation. Je leur ai fait croire que tu étais devenu une sorte de féond suite à ton combat dans les marais et que tu avais perdu la raison. Mais ça tiendra pas longtemps la route et ça changera pas le fait qu'ils voudront probablement te remettre la main dessus.

Il regarda de nouveau en direction de Tairdelbach.

-Pour notre hôte je pourrais pas dire mais il y a forcement quelqu'un d'ici avec des yeux et des oreilles pour Losgadh. Ta réapparition a Mouden va forcement se savoir. Si Tairdebach doit faire un choix il privilégiera certainement ses relations de voisinages plutôt que son amour naissant pour l'ordre hilderin. Je pense que nous devrions partir avant que Tairdelbach n'ait pas d'autre alternative que celle de nous livrer.

Jazkez réfléchissait visiblement peu satisfait des choix et des solutions qui se présentaient à son esprit.

-On doit faire confiance à Mad. Si elle est déjà morte, rien de ce que nous ferons à partir de maintenant n'y changera rien. Si elle est en vie, elle trouvera un moyen de rentrer à Terfynysel. Nous avons fait tout ce qui était faisable voir plus. Mourir ou êtres capturés nous même ne la ramènera pas.

Je vais voir comment se présente la chose avec Tairdelbach.

Il commença à s'éloigner et fit volte face pour revenir vers Pwyll.

-Une dernière chose. Si d'aventure Madennig ne devait jamais reparaitre et si tu devais te venger, cherche la trace d'une certaine Mades, la fille du vieux pécheur et de sa copine Jazeka. Ce sont très probablement les deux ravisseuses de Mad. Je n'en sais pas plus malheureusement. Tu leur rappelleras que Mad avait un Osfer et un compagnon.

Il posa sa main sur l'épaule de Pwyll. Son regard était perçant et serein.

-Çà prendra peut être du temps mais je m'occuperai de Gulguen. Je t'en fais le serment.

Spoiler () :

Jazkez attends d'entendre la parole de Pwyll puis va voir Tairdelbach

[Pwyll]

Pwyll saisit l'avant-bras de Jazkez pour lui témoigner sa reconnaissance suite à son serment et montrer qu'il prenait le chose au sérieux, c'était aussi pour le retenir un peu.

"Il n'y a plus de "nous" Jazkez, tu ne peux pas être associé à moi. Tu ne peux pas foutre ta réputation en l'air plus qu'elle ne l'est déjà. Je suppose que tu vas rentrer à Terfynisel faire ton rapport, mais surement pas m'emmener. Je vais essayer de convaincre Tairdelbach de m'utiliser dans ses plans à venir concernant la forêt engloutie, toute la partie sauvage surtout, un espèce de larbin de terrain qu'on peut envoyer au danger sans état d'âme... Pas question de crécher ici, mais peut-être qu'il acceptera de fermer les yeux sur ma présence dans le marais et même que des patrouilleurs m'aident discrètement à survivre avec des provisions et de l'équipement. J'ai ruminé ces dernières heures et je ne vois pas d'autres solutions pour moi si je veux continuer à rester dans les parages."

Pwyll tenta un sourire, mais il était bien triste et palot.

"Qui sait, peut-être qu'on se recroisera et que je pourrai enfin tenir ma parole."

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez renâclait un peu mais il était difficile de ne pas admettre que tout allait être différent.

-Allons voir Tairdelbach. S'il accepte que tu restes dans le coin, ce sera forcement officieux. Je peux lui proposer de t’arrêter officiellement en tant qu'auxiliaire hilderin corrompu et que je t’emmène à Déas pour ton jugement. Tu t'échapperas malencontreusement pendant le trajet de retour a Terfynysel. Après tu seras libre, de rester dans les environs s'il est d'accord, ou de partir. Si tu veux nous contacter passe par Ultana.

Ils firent quelques pas en direction de leur hôte.

-Et la prochaine fois que j'affronterai un féond, si c'est toi, crie bien fort que je ne te crève pas un œil par inadvertance !

Il grattifia son ami d'un petit regard malicieux.

[Iris]

Tairdelbach attendait les deux hommes avec retenue. Il attendait que les étrangers s'exprimassent.

[Pwyll]

Pwyll exprima son assentiment.

"Bonne idée la condamnation publique et la fuite. On doit lui parler de ça en privé."

Il se lève en grognant un peu et se dirigea vers le régent du domaine en laissant la parole au chevalier.

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez salua Tairdelbach de la tête.

-Bien. La situation n'est pas satisfaisante ni pour vous ni pour moi, j'en ai conscience. Mon osfei n'a pas été retrouvé et reste toujours captive, je l’espère, quelque part. L'intervention de mon auxiliaire sur Losgadh n'a pas aidé, au contraire, à éclaircir les circonstances de sa disparition. Ce qui s'est passé à Losgadh ne peut rester sans suite et vous n'avez pas, eut égard à votre hospitalité et votre aide, à subir les conséquences de notre présence sur vos terres. Avec votre accord, je compte emmener cet homme à Déas afin qu'il soit jugé et puisse répondre de ses actes devant l'ordre hilderin. C'est je pense la solution la plus sage et la moins violente.

Il observa un bref instant de silence.

-En ce qui me concerne cet auxiliaire ne fait plus partie de l'ordre hilderin. Si d'aventure dans un avenir plus ou moins proche il devait reparaître dans la région, cela serait de son initiative personnelle. Il serait alors potentiellement à la disposition discrète de quiconque voudrait utiliser ses services, répréhensibles et condamnables en l'état actuel, mais néanmoins efficaces et précieux pour celui qui saurait les utiliser.

Jazkez jeta un coup d'oeil a Pwyll puis a Tairdelbach.

-Comment voyez vous la situation ?