
Tout débuta quelques mois auparavant, la nouvelle République romaine a conquit ces dernières années toute la péninsule italienne et à poser le pied à Messine, en Sicile, île alors fortement occupée par les carthaginois, déclenchant la première guerre punique. C'est au début de l'été de l'année qui vit débuter le siège d'Agrigente que, sur la côte bordant le nord de la Mer du Milieu, à Massalia, dans l'un des dortoirs du port, qu'Eccomar se réveilla encore inquiété par le rêve qu'il venait de revivre, ce même rêve qui le hante depuis cet épisode sur cette colline au nord de Tolosa, ce loup qui leur était apparu. Il avait d'abord pensé que c'était un signe du dieu Belenos, une bonne augure pour leur mission, mais depuis leur retour, il avait plusieurs fois fait ce rêve étrange, le son sourd et régulier d'un coup de maillet planant dans les bois quand les ombres alentours s'étirent dans sa direction, prenant la forme d'une tête de loup dans les mâchoires s'abattent sur sa jambe et l'entraîne dans les Ténèbres. Il y avait longuement réfléchis, il pensait à présent que ce loup était celui de Sucellos. Si c'était un songe prophétique, Eccomar se demandait ce qu'il avait pu faire pour attirer l'attention du dieu au maillet.

Ce matin là, le regard plongé dans l'horizon au dessus de la mer que l'aurore tentait d'or, il pria Brigantia, mère de tous les dieux, qu'elle le guide vers la résolution de cette énigme. Alors que dans son dos, l'astre émergeait au dessus du Massif de la Grotte Sacrée (tel était le nom que lui donnait les locaux) , il vit dans la première lueur du jour, voler une triade de corbeaux volant vers le nord. Il y vit un signe divin, il était familier de l'ornithomancie, la divination par l'observation du vol des oiseaux, et ce matin là, il décida de suivre les signes.
Quand il annonça son départ aux Tolosates qui l'accompagnaient, pour tenter de résoudre ce mystère onirique et tenter de savoir ce qu'il pouvait présager, ces derniers plièrent bagage et il était inutile d'essayer les faire changer d'avis. Où Eccomar irait, ils l'accompagnerait. C'est ainsi que le silencieux Luern, le jovial Grannus, les deux vétérans, et le jeune Caleto chevauchèrent vers le nord à ses côtés.
(Lame Rouge n'était pas de l'expédition, il avait été envoyé remettre sur pied le refuge de Mutta, ils ne l'avaient que peu revu depuis leur précédente mission).
Était-ce une boussole divine ou le fruit de l'esprit de voir ce que l'on cherche à voir (et les deux étaient-ils vraiment incompatible ?), le fait est que peu de temps après leur départ, ils croisèrent un trio de corbeaux s'envolant à leur approche. Eccomar suivit leur direction. Leur pérégrination les fit traverser les terres des Salyens au nord de Massilia. Grannus leur indiqua que les relations avec les grecs étaient tendus et plusieurs des peuples des confédérations gauloises vivant dans ces régions n'étaient pas amicaux avec ceux qui étaient en relation avec les "emporiès" (les négoçiants). Il préconisa de ne pas s'attarder et de se faire discrets.
Leur errance les mena tout d'abord à proximité de l'opppidum Amboliacense. Le peuple des Tritolii qui l'occupait était coutumier des voyageurs, mais il était inutile de s'attarder et ils continuèrent à suivre la piste auspicieuse. Eccomar restant attentif aux signes, ils avançaient à une allure moyenne et la matinée fut bien entamée quand les rives de Druentia apparurent face à eux, au pied du massif Louerion, peu élevé mais s'étalant en gorge bordées de falaises. De leur côté de la rivière, en contrebas de leur piste, s'étendaient des marais inhospitaliers, et n'ayant revu de triade de corvidés depuis un bon moment et craignirent devoir s'y aventurer. Mais c'est alors qu'ils les virent s'envoler depuis les branches des arbres d'un petit bosquet, suivant le lit de la rivière vers le nord ouest.
Longeant les marais et le cours de Druentia, ils franchirent la rivière à un gué en amont de Kaballiôn moins d'une heure plus tard. Sur l'autre rive, se trouvait un petit rassemblement de marchands, mais la petite troupe n'avait besoin de rien et il ne s'y attardèrent pas. Devant eux, sur une colline surplombant la rivière se dessinait les palissades de l'oppidum de Kabâllion vers lequel leur progression les menait, mais quelque chose fit stopper Eccomar qui demanda à ses compagnons de faire silence. Ils distinguèrent alors plusieurs croâssement au loin qui ressemblaient presque à des voix criant "Laaaa Laaaa". Ecommar les suivit alors plein nord. Il se passa encore plus de deux heures sans autres auspices quand ils atteignirent un val étroit, nommé la vallée close pour les gens de la région.

Le druide se demandait si son expédition n'était pas une belle idiotie et s'il ne s'était pas trompé dans ses interprétations des signes. Le soleil était au zénith et leurs estomacs réclamait leur pitance. Une rivière serpentait au creux de la vallée, et à défaut de trouver une réponse, peut être trouveraient-ils un endroit tranquille pour se poser et abreuver leurs montures. Avançant encore un peu ils decouvrirent ce qui donnait son nom à ce lieu : c'était un cul de sac terminant sur un petit lac entouré de roche d'où naissait la rivière.

Impossible de continuer plus au nord à cheval. C'est alors qu'il les vit, dans un arbre en bordure du lac, trois corbeaux observant les hauteurs au dessus du lac. L'un d'eux s'envola en silence pour disparaître au delà de l'arrête rocheuse de la falaise. Il savait ce que cela signifiait, il devait le suivre, seul.
