[OdE 3] Dans mon potager (Forêt engloutie)

[Pwyll]

Surpris par la conclusion tranchée d'Oanell, Pwyll remarqua : "Après les bizarreries qu'on a traversées pour se rendre compte qu'un pauvre garçon revenait d'entre les morts et attirait des choses pas bien naturelles, je me dis qu'on peut au moins se poser des questions sur les choses vraies enfouies sous certaines histoires rendues jolies pour plaire à l'oreille.

Les gens morts ça pose un tas de souci quand c'est pas une mort en bonne et due forme on dirait bien."

Pwyll balaya du regard la pièce et le potager qu'on apercevait par un bout de fenêtre. L'effroi puis une pointe de culpabilité passèrent sur son visage avant qu'il n'ajoute :

"Si c'est pas loin, on pourrait voir de nous même dans cette ruine et en avoir le cœur net, même si c'est pas trop ce que font d'habitude les honnêtes gens, c'est sûr."

[Casaïr]

- Quand à cette histoire de « fantôme », si vous voulez mon avis, ce n’est que foutaises. Des personnes qui écriraient une histoire en étant mort ? Pff. Conte à dormir debout.

C'est vrai qu'on a pas parlé à un pendu nous-même, rétorqua, mutin, le jeune homme. À dormir debout, tout à fait !"

"Après les bizarreries qu'on a traversées pour se rendre compte qu'un pauvre garçon revenait d'entre les morts et attirait des choses pas bien naturelles, je me dis qu'on peut au moins se poser des questions sur les choses vraies enfouies sous certaines histoires rendues jolies pour plaire à l'oreille.

Aeldred hocha la tête, pour une fois sur la même longueur d'onde que son costaud d'ami. Quel que soit le degré de véracité de cette histoire, tout n'était forcément pas inventé. Par contre, le jeune homme espéra que Pwyll n'émette pas une idée farfelue...

Les gens morts ça pose un tas de souci quand c'est pas une mort en bonne et due forme on dirait bien... Si c'est pas loin, on pourrait voir de nous même dans cette ruine et en avoir le cœur net, même si c'est pas trop ce que font d'habitude les honnêtes gens, c'est sûr."

... Comme celle-là. Et en même temps il comprenait bien ce qu'il voulait dire par là.

"Donner une sépulture décente, non pas à une mais deux personnes -tu oublies sa femme elle aussi coincée dans les ruines-, me semble un acte digne de toi, répondit Aeldred, le regard perdu dans le vague. Maintenant je ne suis jamais allé aussi loin, la route la plus longue que je connaisse est celle menant à Louarn, empruntée pour mon service d'ost à l'aller comme au retour. Bien sûr je pourrai assez facilement trouver notre chemin, mais on ne sait pas si c'est loin ou le temps que ça nous prendra pour nous y rendre..."

... et on ignore tout de ce qui pourrait nous y attendre...

Si l'histoire avait un fond de vérité, au moins les fantômes coincés là-bas n'étaient pas agressifs, juste... perdus. Cela pourrait en valoir la peine finalement, mais la durée du voyage restait à étudier, ainsi que le matériel à emporter (notamment des cordages, vu la dangerosité des lieux). Bien que se sentant sur le point de céder à la fantaisie de son robuste camarade, Aeldred tenta de lier son regard à celui d'Oanell tout en lui demandant :

"Et toi, qu'en penses-tu ?"

[NailsEater]

- J'en pense que ce 'est pas à moi d'en décider. Je vous rappel que Blodwen à besoin de nous ici. Si vous voulez partir à l'aventure - et on sait ce que ça a donné la dernière fois -, il faudra en parler à la Dame des lieux. Et si vous comptez sur moi pour la convaincre, je vous laisse soin de me convaincre avant.

Repartir encore faire n'importe quoi. Avec toutes ces histoires étranges, Oanell en perdrait sa curiosité. Mais en même temps ... si sa réaction semblait tranchée, c'est parce qu'elle avait bien trop à faire au domaine et que laisser Blodwen pour partir en voyage ... Mais si on y ajoutait une valeur politique ? Peut être y avait-il quelque chose à glaner de ce côté des marais ?

Elle observait les garçons, attendant de voir comment ils comptaient la convaincre, tout en se demandant si Ultana ne pourrait pas la conseiller sur ces histoires de fantôme. Sa confiance en Ethel était moindres et même si elle aimait beaucoup ces deux là ...

[Pwyll]

"Mais... si on demande à Dame Blodwen, elle va nous missionner pour revenir de là-bas avec un accord commercial favorable à la Terfynisel en trois exemplaires, des plantes rares, une méthode de drainage des marécages et des matériaux de construction pour refaire ici à l'identique le château en ruines. Sans oublier une campagne de présentation de ses projets d'avenir pour la région à faire signer aux familles nobles des environs. Enfin, je dis ça, c'est une impression, vous la connaissez mieux que moi."

[Casaïr]

Aeldred en serait presque tombé de sa chaise en entendant Pwyll. C'était plutôt court, mais ça semblait tenir la route et, oui, censé. Le jeune homme regardait son ami sous un jour nouveau, redoutant que ce soudain éclair de lucidité ne soit rapidement emporté par une pensée triviale, "pwyllesque" pourrait-on dire. Une chose est sûre, avec Pwyll, c'est parfois idiot, systématiquement inattendu, mais en tout les cas rafraîchissant ! En attendant, il regardait sa compagne, le regard rieur.

"Je crois que je n'aurai pas dit mieux. Alors, du coup, on part quand ?"

Il se garda bien de dire qu'il était bien loin d'avoir penser à tout ce qu'avait débité Pwyll d'une traite, mais ce n'était sans doute pas nécessaire, non ?

[NailsEater]

Hmm certes. Mais j'avoue que partir comme une voleuse ne me plait pas trop.

Oanell ne voulait pas perdre la face si facilement mais ... leurs argument faisaient sens. Elle leur offrit tout de même quelques secondes de réflexion avant d'ajouter :

Bon c'est d'accord ! Mais cette fois si, je prend ma lyre ! Je ne me sens pas à l'aise quand je ne l'ai pas. De quoi avons nous besoin et qu'allons nous dire au chateau pour justifier notre départ ?

En vérité, elle s'inquiétait un peu mais en même temps s'ils décidaient de partir juste eux deux... Rien que d'y penser la jeune barde frissonna. Bonjour les ennuis !Peut-être que ce sera l'occasion de continuer mes études sur les alentours de Terfynisel. Elle se leva et commença à faire les cent pas tout en listant les différentes choses à mener avec eux. Il faudra penser à voir si il y a une cartographie des lieux ... et s'il n'y en pas, il sera temps d'en commencer une.

[Casaïr]

Aeldred était ravi qu'Oanell se soit laissé convaincre. À dire vrai, il pensait qu'elle refuserait jusqu'au bout et soupira d'aise pour marquer sa satisfaction.

"J'espère bien que tu prendras ton instrument ! rit-il. Ce serait malheureux de ne pas profiter de tous tes talents pendant ce voyage."

Puis, réfléchissant : "Nos besoins seront assez simples en fait : des rations pour quelques jours, de l'eau, des couvertures, Une tente pour au moins deux personnes -il faudra monter la garde la nuit, on n'est pas à l'abri d'un animal sauvage-, de l'éclairage et de quoi faire du feu. Ho, et des cordages aussi : L'endroit est éboulé et donc dangereux et difficile d'accès, mieux vaudra s'encorder pour éviter les problèmes..."

En parlant de ça... Il regarda sa compagne, pensif avant de continuer, sur un ton plus lent : "Il faudra aussi que tu prennes des vêtements plus... adaptés à la situation. Là où nous irons, les robes ne seront pas les atours les plus pratiques."

Le jeune homme avait la sensation de s'aventurer en terrain glissant mais c'était une demande censée, il fallait bien le reconnaître.

"Quant à notre départ..." Aeldred semblait pris de court. Depuis qu'ils étaient revenus de Swelbecky, et malgré ce qu'avait laissé entendre Blodwen avant de s'y rendre, il n'avait pas encore été engagé officiellement au service de la nouvelle suzeraine de la région. Un regard vers Pwyll lui rappela que lui aussi n'était, finalement, plus vraiment lié au service des Mac Terfynisel ( très certainement au grand soulagement de Blodwen). Soupirant, il avança, peu sûr de lui : "finalement, n'étant pas encore -ou plus- au service de Blodwen, notre absence à Pwyll et moi n'a guère besoin d'être justifiée. La tienne par contre, oui. À bien y réfléchir, peut-être une mission diplomatique, un accord de commerce à trouver ? On manque de tout ici ou presque, mais il y a sans doute quelque chose que l'on peut échanger contre l'une ou l'autre des ressources dont dispose notre voisin, qu'en penses-tu ?"

[Iris]

Dans les jours qui suivirent, les aventuriers en herbes se préparèrent pour leur excursion hivernale.

• Oanell alla trouver Dame Blodwen pour faire part de son idée d'aller en savoir plus sur les marches sud-ouest du domaine Mac Terfynisel, là où il entrait en contact avec celui des défunts Mac Bretor. Cette proposition était dans le ton de ce que la châtelaine désirait : des initiatives et du progrès. Les relations avec l'ancien barde du domaine, Maelor, étaient polies, mais les deux n'avaient de toute évidence pas la même approche des affaires. Au printemps prochain, il y avait fort à parier que Maelor et Dame Gloada partiraient.
  
  Aeldred n'avait pas grand-chose à faire à part ranger, nettoyer, réparer... Grâce à Oanell, il avait du travail à ne plus savoir qu'en faire, ce qui lui évitait de trop croiser sa dàmàthair et premier amour, fiancée privée de son promis. Les ruptures durant la période des fiançailles étaient réputées cause de malédiction. Comment expliquer autrement le célibat prolongé de Pwyll ?
  
  Pwyll enfin s'occuper le moins mal possible de son intérieur. Sa nouvelle voisine Préïva passa lui offrir quelques panais qu'elle avait en quantité. Un légume idéal pour parfumer les bouillons lui expliqua-t-elle. Elle paraissait reconnaissante du petit service que le colosse au grand cœur lui avait rendu. Elle prit bonne note du départ de Pwyll en voyage et promit de veiller sur sa maison durant la période. Entre la demorthèn au popotin fringant et la gorge généreuse de Préïva, Pwyll avait de quoi rêver sur des femmes dont il ne savait au fond pas grand-chose.

Enfin arriva le temps du départ. Ils s'engagèrent vaillamment à pieds. Si les marais étaient moins mystérieux, ils auraient pu gagner du temps en traversant en bateau, allant ainsi presque en ligne droite, mais d'un commun accord ils optèrent pour un trajet sûr : Swelbecky, puis rejoindre la route qui menait de Louarn des Mac Loarans aux alignements de Tursal en passant par le domaine d'Eaux salées, domaine des Mac Readan, passer l'auberge des Salicornes, puis entrer sur les anciennes terres des Mac Bretor. Chaque nuit, ils firent halte chez un habitant, bénéficiant de l'hospitalité légendaire des tri-kazéliens contre quelques nouvelles, la musique d'Oanell ou de menus travaux. Ils ne dormirent qu'une fois à l'auberge -- précisément à l'auberge des salicornes qui leur parut animée, bruyante et pleine de gens portant des épées (hilderins et aventuriers ou mercenaires). De cette première partie de voyage, ils apprirent que les Mac Readan étaient officiellement dirigés par le seigneur veuf Wylard Mac Readan, mais ce dernier était toujours par monts et par vaux pour chasser les feonds dans une quête démente et sans fin. En son absence c'était sa nièce Geilis qui gérait le domaine et qui recevait les prétendants qui la voyaient comme une précieuse héritière. Les Hilderins disait-on, s'intéressaient aussi beaucoup à ces terres dont le seigneur paraissait se moquer.

Le domaine des Mac Bretor disparus était assez pauvre et loin de la capitale des Mac Loarans de Louarn qui ne pouvaient contrôler directement ces terres. L'ansailéir local était donc leur agent et du moment qu'il collectait les maigres impôts, les Mac Loarans ne faisaient pas beaucoup d'effort pour s'occuper des environs. L'occasion pour les Mac Terfynisel de grignoter les franges de ces terres ? D'installer un chevalier vassal des Mac Terfynisel ? ... Les bardes devenaient aussi souvent nobles que les guerriers. Pas de la même façon, mais c'était le résultat qui comptait, non ?

Les voyageurs découvraient le panorama : un village terne dans un creux de vallon dominé par la silhouette noire et décharnée du château brûlé, tandis que non loin s'étendaient la forêt engloutie...

Et maintenant ? Quel était le plan ?

[Casaïr]

Courant de droite à gauche, Aeldred s'affairait à préparer son voyage en même temps qu'il déblayait à grand peine l'atelier de son père. À ce sujet, il aurait voulu demander de l'aide ici ou là, mais on ne changeait pas si facilement ce qu'on était, et il s'aperçut rapidement qu'il avait encore du mal à s'adresser aux villageois, surtout pour demander un service. Alors, il préféra laisser cela de côté pour l'instant, cherchant à en faire le plus possible de lui-même sans se blesser. Lorsque le moment viendrait où il ne pourrait plus faire autrement...

Il ne pouvait toutefois pas totalement cacher son changement d'humeur qui contrastait drastiquement avec le jeune homme taciturne qu'il avait été il y a seulement quelques semaines plus tôt ; il était moins sujet aux sautes d'humeur et se montrait plus positif, affable même (enfin, quand il s'en sentait suffisamment capable). Le jeune homme négocia des vêtements plus résistants pour le trajets et l'exploration à venir en échange de menus services et/ou monnaies sonnantes et trébuchantes (bien que sa bourse ne lui permette guère de faire d'excès), tâcha de trouver quelqu'un pour s'occuper de ses poules en son absence et tenta (sans beaucoup de réussite) de renouer le dialogue avec ses anciens amis malgré le fossé qui s'était creuser entre eux depuis bientôt dix ans. Encore une fois, ses tentatives étaient parasitées par une timidité excessive qu'il ne se connaissait pas et échouait invariablement au moment de simplement ouvrir la bouche pour dire "bonjour". Se maudissant tout en se contentant d'un vague signe de la main, Aeldred s'en retournait invariablement à ses affaires, se promettant de mieux faire le lendemain... et de peut-être demander à Oanell des conseils à ce sujet.

Le temps passa vite et ce n'est qu'à la veille du départ qu'il se rendit compte qu'il n'avait pas vu Rhea depuis quelques jours. Il en profita alors pour passer la soirée avec sa sœur pour lui remonter le moral et lui tenir compagnie, ne sachant pas trop s'il devait parler ou pas de ce qui était arrivé à Swelbecky. Finalement, il hésita tant et si bien que la soirée passa sans que le sujet de la mort de son fiancé ne soit abordé, et il fut incapable de déterminer si cela était ou non une bonne chose.

Le lendemain, le petit groupe partait pour cet étrange voyage, guidé par un simple conte dans un livre, sans vraiment savoir ce qu'il y aurait à y gagner, si ce n'est le sentiment d'avoir fait quelque chose de bien. Enfin, c'est ce qu'Aeldred espérait au fond de lui. Leur seule nuit à l'auberge rappela à Aeldred que, comparé à tous ces gens d'armes, qu'ils soient soldats de passage, chevaliers ou autre, que porter une épée ne faisait pas de lui un combattant, sans savoir si c'était un bien ou un mal. Bah, l'avenir nous le dira bien assez tôt, songea-t-il. Et puis, même si l'épée ne lui apportait pas de réel réconfort quant à ses capacités, son arc lui permettait toujours de démontrer ses quelques talents lorsque nécessaire. C'était bien suffisant pour l'instant, non ?

Les jours passèrent assez vite finalement, et la destination du petit groupe arriva plus tôt qu'escompté par Aeldred qui se rendit compte qu'il n'avait jamais été aussi loin de chez lui de toute sa vie. Un instant, son visage perdit des couleurs, alors qu'il se demandait bien tard si c'était vraiment une bonne idée de vouloir jouer les samaritains aussi loin de Terfynisel. Ici, point de soutien d'aucune sorte, il leur faudrait se débrouiller par eux-mêmes, et se renseigner sur place. Un point qu'Aeldred n'arrivait même pas à réaliser dans son village de naissance...

Se frottant la tête énergiquement, il se retourna vers ses compagnons : "Bon, je propose qu'on aille déjà trouver un coin où laisser notre excédent de matériel et trouver des gens pouvant nous en apprendre un peu plus sur l'histoire des lieux puis, suivant le temps que cela prendra, faire un premier repérage des lieux sans nous y enfoncer : le château est dans un triste état, je ne veux pas qu'on se retrouve coincé dedans ce soir sans possibilité de retraite. Je veux bien m'occuper de cela si vous préférez rester au chaud, ça ne me gêne pas et... enfin à vous de voir", finit-il, un rien piteux.

Il était évident que les vieux travers d'Aeldred n'avaient pas complètement disparus même s'il faisait de gros efforts pour les faire taire. Il y avait cependant des moments où le naturel revenait bien vite, trop vite même, au galop.

[Iris]

Le hameau se présentait comme une juxtaposition de maisons en torchis et toit de chaume, pas de la meilleure tenue. Le sol était boueux, argileux, ce qui servait à un petit atelier de potier qui n'était actuellement pas en activité. Il y a avait plusieurs prés à proximité, dont l'herbe était d'un vert terne propre aux jours gris de l'automne et de l'hiver.

Le passage des voyageurs était inattendu et un duo de frères d'une dizaines d'années les accueillirent non loin de la haie vive entourant une fermette. Les garçons demandèrent d'où ils venaient et où ils allaient avant de leur apprendre qu'il n'y avait pas d'auberge ; en général les colporteurs et varigaux crêchaient dans la grange de l'ansailéir. La nature de barde d'Oanell intéressa immédiatement les gamins : il y avait si peu de loisirs que toute nouveauté ou spectacle était une bonne nouvelle.