[OdE Chap.7-85] Les adieux

[Pwyll]

Pwyll avait consacré les quelques jours écoulés dans l'attente de la guérison d'Ethel et Kiddle a quelques tâches :

- Ecouter les explications de Madennig sur les principes du combat à deux armes et, dès qu'elle avait été en état, s'entraîner sous sa supervision à cet exercice et en profitant de l'équipement militaire disponible au château comme l'équivalent de quintaines.
- Des promenades méditatives, consacrées soit à ressentir le monde sans intellectualiser, soit à réfléchir aux principes essentiels des enseignements demorthèns.
- Récupérer Tullochgorm le rat dans les ruines de la ferme et réunir le plus possible de moutons (ou autres bêtes de la ferme) égarées dans les environs. L'idée était de mener ce rassemblement dès que possible pour éviter les pertes et de confier ces bêtes, jusqu'à leur départ vers Terfynisel, à une personne du village d'Orée de la Forêt, en échange de la possibilité d'en conserver une choisie de concert.
- Prévenir la damathair qui aurait la charge de Nolwenn de cette démarche, en indiquant qu'il restituerait le troupeau ou son équivalent quand elle serait en âge de s'en préoccuper ou en aurait le besoin. Il conserverait le bénéfice associé à l'exploitation des bêtes d'ici là, bêtes qui auraient sans doute été perdues sans son intervention.

Le gaillard avait tendance à manger en un peu moins grande quantités, même s'il se nourrissait au moins autant que la moyenne. Il essayait de mettre en application les conseils qu'il avait reçus à la source sacrée.

Pour Madennig qui le cherchait, il semblait probable qu'il serait en plein entraînement ou bientôt de retour de la ville ou encore de la forêt, selon le jour concerné. Ils finiraient bien par se voir au château.

"Qu'est-ce que t'as ? T'as l'air contrariée et excitée en même temps."

[Madennig]

Madennig fit une moue d'autant plus contrariée quand elle se rendit compte que Pwyll pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert ! Mais elle sourit très vite à nouveau, se souvenant de ce qui l'amenait.

"Oui ! Jazkez vient de partir pour Terfynisel. Il sait pour nous deux ! Et ça l'énerve pas mal... Il pense que, lors des prochains combats, je risque de te protéger prioritairement, vu mes sentiments pour toi ! Mais j'y ai réfléchi. On peut se mettre d'accord, toi et moi. La prochaine fois, nous défendrons Jazkez en priorité ? Toi parce que tu dois lui sauver la vie, et moi, parce que je suis son Osfei. Ce sera pas très compliqué, j'imagine... Qu'est-ce que tu en penses...?"

"Quand nous serons de retour à Terfynisel, nous pourrons lui en parler !"

"Après, il y a une autre solution, mais bon..."

[Pwyll]

Il ouvrit et referma la bouche, joua des sourcils et retint sans le vouloir sa respiration durant les explications de l'osfei.

"Bon. Alors, ça lui plaît pas, mmh. On aurait dû lui dire directement, on a été bêtes, ça serait mieux passé. Sinon c'est quoi ces histoires de qui défend qui... t'es son osfei de toute façon, évidemment que ton devoir c'est de couvrir ton osfer. Si prochain combat il y a, le mieux c'est juste de se mettre d'accord pour agir avec intelligence. Il faut adapter nos réactions à la situation, pas se calquer sur une idée pour faire plaisir à Jazkez, c'est la meilleure façon de se faire tuer. Mais bon, oui, si tu veux, si la situation se présente et que Jazkez comme moi avons besoin de renfort, tu vas vers lui, bien entendu. C'est quoi l'autre solution ?"

[Madennig]

"Oui.. Oui.. se mettre d'accord avant... Naturellement, mais, là, ce serait dans le feu de l'action, quand l'instinct te fait prendre des décisions rapides. Je pense qu'il parlait de ça."

Elle baissa un peu les yeux pour dessiner une feuille nervurée du bout de sa botte dans les graviers. Moins enthousiaste.

"Et à propos de la seconde solution... Et bien, peut être, laisser tomber jusqu'à.. Ce que je devienne un jour Osfer, moi aussi. C'est risqué, tu pourrais bien trouver une autre femme d'ici là, mais..."

"...Entre Jazkez qui préférerait que j'aille au bordel avec lui, plutôt que d'être amoureuse du meilleur homme que j'ai rencontré... Et Aeldred qui m'avoue que je lui fais penser à tous ses échecs en même temps à chaque fois qu'il me voit... J'y vois aucune logique, aucun bon sens... J'ai l'impression qu'on a pas de chance tous les deux. Que ce qui nous arrive, ce qui nous rassemble, déséquilibre d'autres chemins... Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire... Si tu veux, je peux te le dessiner !"

[Pwyll]

"Je voulais dire, se mettre d'accord par défaut : dans un combat, on fait au mieux, on cherche pas à prouver quoi que..."

Puis la rouquine aborda l'autre solution, ce qui calma directement le fermier raté.

"Oh... c'était ça la dispute avec Dred... il abuse merde, tu lui rappelles ses échecs ? Mais, enfin, je suppose que je vois de quoi il parle, mais,il voudrait aussi qu'Oanell et toi vous vous déguisiez en porte quand il est dans les parages ? Ou ça risque de lui rappeler toutes les portes qu'il a poussées ou tirées dans le mauvais sens au cours de sa vie ? Pfff..."

Il devait se calmer et éviter de pleurer comme un grand dadais. On pouvait deviner que son regard se mouillait légèrement.

"Hhhaaa oui, pas de chance, on dirait bien, mais je t'en veux pas du tout de parler de ça, t'as raison c'est important. Pour tous les deux. Je n'ai pas l'intention de trouver quelqu'un d'autre, j'en voudrais pas, tu sais bien. C'est quoi cette histoire de bordel ? Encore une sale blague de Jazkez. Quelquefois j'ai l'impression que ces deux là sont les extrêmes opposés d'une personne équilibrée qu'on a coupée en deux..."

Il fit un geste d'impuissance de ses grands bras.

"Bah, explique moi, comment on ferait, alors ? Et tu vivrais où alors ? C'est quoi ton dessin ?"

[Madennig]

Madennig mit un genou à terre. Toute l'attitude de Pwyll la touchait profondément, et ça lui donnait autant envie de se battre pour eux d'eux que de devenir chevalière un jour. Pour la première fois, il y avait de la concurrence dans ses envies...

"Là..."

Elle dessine quatre traits parallèles dans le gravier.

"C'est Aeldred, Jazkez, toi et moi... Réunis autour de Terfynisel pour des raisons différentes. Tant qu'on reste ainsi parallèle, on peut se soutenir, car même si ils ne veulent pas l'avouer, nos routes se soutiennent."

En effet le sable dispersé d'un coté comme de l'autre des traits se mélangea et offrait des monticules solides, des guides.

"Si nos deux routes se rejoignent... Alors... on s'éloignera des leurs.. Et nous ne pourrons plus les guider, ni eux non plus..."

Elle réunit les deux traits du centre, pour n'en faire plus qu'un, laissant un peu plus d'espace entre les trois traits.
Elle eut une mine soucieuse, et un soupir, avant de s'asseoir sur le sol.

"Je continuerai à t'apprendre ce que je sais, et toi aussi. Je ne compte pas quitter Terfynisel, tant que Jazkez me gardera comme Osfei et qu'il sera affecté là-bas. Je t'aime quand même, j'y peux rien, ça fait pas partie des trucs que je peux contrôler."

[Pwyll]

Il avait observé et écouté tout ça avec une mine un peu défaite, mais concentrée.

"Les lignes là, euh peut-être, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris. Ce que j'ai compris, c'est que tu penses que ce serait mieux pour tout le monde qu'on freine un peu. Peut-être même pour nous, si Jazkez voit ça d'un mauvais œil, c'est pas rien. Ça me rend bien malheureux toute cette situation, mais au moins on sera pas séparés vraiment. On continue de se voir et peut-être que la situation ira dans notre sens. Si on survit à ça, ce sera bon signe. Puis, on pourra peut-être voler quelques baisers par-ci par là..."

Il serra Madennig dans ses bras et resta longtemps, pour ne pas qu'elle puisse voir ses larmes couler en silence. Son contact le réconforta pourtant et il commençait déjà à reprendre confiance en l'avenir, comme toujours.

[Madennig]

Voler des baisers, seulement des baisers ?... La candeur de Pwyll la fit sourire, malgré elle. L'émotion rendait aussi plus complexe son désir de lui répondre de vive voix. Si l'occasion se présentait, elle savait qu'elle lui volerait bien plus que des baisers. Mais il faudrait le dire ensuite à Jazkez, pour ne pas avoir de secret pour lui. Elle n'avait pas pour habitude de raconter ce genre de choses. Mais c'était ça, Osfer-Osfei.

A cet instant, seuls la chaleur et le parfum de la peau de Pwyll avaient de l'importance. Et elle en profita.

"Je t'offrirai d'autres fleurs... Pour pas que tu m'oublies. Et quand je saurais écrire, je te laisserai des petits mots avec." murmura-t-elle. "Mais nous ne sommes pas encore rendus à Terfynisel... Et Aeldred n'est pas là... Si tu avais du temps ce soir, on pourrait... se promener tous les deux...?"

[Pwyll]

"Les fleurs, je pense bien les comprendre, les mots, je serai bien incapable de les lire, mais s'ils sont de toi, je les garderai précieusement, le bon côté c'est que je ne verrai pas tes fautes ! Bien sûr qu'on pourra se promener ce soir. Jusqu'au départ, on pourra passer pas mal de temps ensemble, mais faut savoir que sur la route tu m'auras aussi sur le dos, je voudrais pas te lasser. Reste la question de ton logement, là-bas. Tu verras avec Jazkez..."

Il hésita un peu.

"Je sais pas si c'est une bonne idée du coup, mais tu es la bienvenue chez moi, évidemment. Par contre, je te garantis pas de pouvoir rester sage et... ça risque d'être vu comme une vie de famille ou un truc ressemblant par ton osfer, je le crains."

[Madennig]

"On verra comment ça se passera une fois rentrés. Si nous réussissons à régler les problèmes avec la Morcaï, Jazkez aura moins de soucis. Je ferai ce qu'il faut pour qu'il sente qu'il peut compter sur moi. Possible que je sois à nouveau à Swelbecky, tu sais, mais quand j'aurais des heures de permission, elles seront pour toi ! Ta ferme, les moutons, ceux que tu hébergeras... Quand j'aurais besoin de m’entraîner, je viendrai aussi te défier !"

"Donc... à ce soir, Pwyll...? Garde un peu de tes forces pour moi, d'accord ?"

Elle entrecroisa ses doigts avec ceux de Pwyll, un instant. Elle se sentait bien plus légère, maintenant, et elle pouvait retourner à ses activités.