[OdE Chap 8-32] Le vilain breithan - souvenirs de Jazkez

[Iris]

L'osfer ne manifesta pas d'émotion particulière :

" Tu as commencé à réfléchir, continue."

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez se tenait toujours debout devant l'Osfer Riwalenn, habitué à ne pas provoquer d'histoire à moins qu'il ne le décide lui même.

-Je n'ai jamais arrêté de réfléchir à vrai dire ! C'est plutôt sur le délai de réflexion de l'ordre à résoudre un problème simple que je me pose des questions. Ils doivent bien se bousculer au portillon les apprentis chevaliers en herbe tout pressés qu'ils sont de cuir au soleil dans leurs armures ? Alors pourquoi garder un mauvais élément ? Vous comptez vraiment sur moi pour vous débarrasser des féonds ? Sérieusement ?

Le jeune homme se mordit la lèvre, réfléchissant rapidement aux peu d'alternatives qu'il lui restait. Devenir auxiliaire hilderin le passionnait encore moins que son travail actuel dans les écuries.

-Sortir par le haut alors ? Si je deviens Osfer, combien de temps suis-je obligé de parader avant d’être libéré de mes fonctions ? On est pas chez les unistes à priori, je ne suis pas obligé de consacrer ma vie à porter la soutane ?

Il ricana brièvement.

-Faudra déjà trouver un Osfer pour supporter un Osfei comme moi. Je lui donne pas une semaine pour qu'il ait envie de me faire passer mon Anro !

[Iris]

L'osfer Riwalen resta un long moment silencieuse à regarder le vilain breithan à l'égo surdimensionné.

" Une fois Osfer, il serait plus respectueux de travailler quelques temps et de ne te retirer qu'avec une bonne raison, comme te marier à une seigneuresse bien sous tout rapport. Tu pourrais aussi prendre véritablement la soutane." ajouta-t-elle avec un ton de haussement d'épaule.

" Quant à ton anro, tu le passeras quand tu seras digne de prendre quelqu'un sous tes ordres. Si ça n'arrive pas, tu mourras. "

" Nous partons dans trois jours pour Koskan et sa région."

[Caeso Senjak Khan]

" Nous partons dans trois jours pour Koskan et sa région."

Jazkez entendit la phrase bourdonner dans ses oreilles. Il réfléchissait à toute allure sachant très bien que son avenir tel qu'il le concevait venait de partir en fumée. Il lui fallait gagner du temps afin de se réapproprier la maîtrise de la situation et garantir sa survie.

-Koskan ? ... Entendu.

Il remua sa langue nerveusement dans sa bouche.

-Je m'occuperai des chevaux pour le départ. Lesquels dois-je préparer ?

Il observait Riwalen, essayant de deviner ses intentions.

[Iris]

" Ma jument s'appelle Blanche."

" Tu verras auprès des services des écuries pour choisir ta monture parmi celles disponibles pour les osfei."

Riwalenn regardait toujours Jazkez avec le même air détaché. Peut-être réfléchissait-elle à l'état de la caboche du vilain breithan ?

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez s'efforça de rester de marbre mais il ne put empêcher ses sourcils de se hausser ni ses yeux de s'écarquiller. Son esprit et ses pensées s’agitèrent d'avantage alors qu'il intégrait laborieusement les conséquences et implications du dernier mot prononcé par Riwalenn. L'effort qu'il fit pour garder le silence à ce moment là lui fit serrer les dents si fort qu'il eut mal à la mâchoire pendant toute une semaine. Le jeune homme tenta de se redonner une contenance et après un infime mais sec acquiescement de tête il fit volte face et sortit presque en courant de la pièce laissant l'Osfer Riwalenn, son Osfer, seule. Ce n'est que lorsqu'il fut arrivé aux écuries qu'il se réfugia dans un box vide et se laissa aller à un sourire rayonnant.

-Morch ? Vieille Carne t'es là ? Je crois que tu devineras jamais ce qui vient d'se passer !

A l'aube du troisième jour, le vilain Breithan était introuvable. Une belle jument blanche harnachée piaffait aux cotés d'un cheval alezan également sellé. Jazkez leur tenait la bride à tous les deux et leur flattait l'encolure ou la croupe. Il était habillé avec la tenue réglementaire de l'ordre qui n'avait jamais semblé aussi propre. La toilette toute récente du jeune homme dans le froid matinal lui rosissait les joues. Même sa posture avait changé. Il avait abandonné sa démarche trainante qui lui donnait imperceptiblement cet aspect vouté et bombait presque le torse, lui donnant un air grandit. Lorsque Riwalenn parue de l'autre coté de la cour, il s'aligna entre les deux équidés et serra ses pieds l'un contre l'autre en relevant un peu le menton.

-Silence dans les rangs. Voila le patron. Blanche, je compte sur toi. Pas de crottin avant qu'on soit en route. Pigé ?

[Iris]

L'osfer Riwalenn se déplaçait d'un pas tranquille et régulier, comme si tout arrivait forcément à point ? Ou bien parce qu'il en fallait vraiment beaucoup pour qu'elle décidât de se dépenser ?

Vêtue sobrement, de vêtements solides et bien coupés, elle vint à la rencontre de la terreur du personnel de la caserne, l'affreux breithan devenu un osfei flambant neuf. Elle flatta sa jument en guise de bienvenue et adressa un léger sourire à l'osfei Jazkez :

" Bon travail, osfei Jazkez." dit-elle seulement avant de monter à cheval et se diriger vers la sortie de la caserne puis de la ville.

Jazkez était désormais un osfei prometteur, son avenir était ouvert et allait pouvoir reprendre sa vie en main, un pied après l'autre, au rythme de son cheval alezan. Riwalenn n'était pas du genre à faire la conversation pour meubler les heures. Elle ne reprendrait la parole que bien plus tard, en vue d'une auberge choisie pour une halte pour le déjeuner. Pendant ce temps, Jazkez ignorait qu'une nouvelle missive de sa sœur était déjà en route et qu'elle aurait du mal à lui parvenir.

Quelques heures plus tard...

Les cavaliers avaient quitté Osta-Baille depuis cinq heures, au pas. Ils arrivaient à un relai campagnard de belle tenue "Le bouquet de bleuets". Les chevaux furent confiés aux bons soins du palefreniers ; une halte de deux bonnes heures était prévue, avec du repos pour les chevaux et un déjeuner pour les hilderins.

Avant d'entrer, Riwalenn prit sa bourse :

" A partir de maintenant, tu reçois une solde d'osfei que je te verserai. Je paie pour le couchage et le fourrage de ton cheval. Pour le reste, tu es libre de gérer tes daols à ta guise. Chaque mois, sitôt que je recevrai ma solde, tu recevras la même somme hors garnison, à savoir 200 daols de braise. Normalement la moitié est versée sur un compte, dans la garnison dont tu dépends, mais nous allons dans une ville qui n'a pas de convention nous facilitant la tâche. Cela signifie que la prochaine solde que je recevrai pourra être décalée dans le temps. Aucun autre versement n'est à attendre entretemps. "

Spoiler () :

Pour information, le Jazkez de 910 reçoit 300 daols de braise hors garnison, sinon 250dB / mois et doit payer Madennig sur cette somme.
Riwalenn est probablement mieux payée (il faut croire qu'elle s'est moins mise de gens à dos...), mais la paie de Jazkez osfei reste confortable. S'il s'est intéressé à la question en voyant ses anciens amis breithan devenus osfei se plaindre de vivre avec à peine 100 dB/mois, ou bien payés au lance-pierre, il devrait savoir qu'il s'en sort bien. En revanche, vu la rigueur de Riwalenn, s'il n'a plus de daols, il est bon pour jeûner, manger les restes ou être limite à la soupe populaire.

[Caeso Senjak Khan]

Quitter cette vieille prison d'Osta Baille avait été la meilleure chose qui lui soit arrivé depuis longtemps. Pendant plusieurs heures il avait lorgné par dessus son épaule, s'attendant à voir surgir il ne savait pas trop bien qui ou quoi pour mettre fin à cette évasion et le ramener pieds et poings liés à son sombre bercail. Mais la masse imposante de la cité s'était progressivement estompée avant de disparaître complètement au détour d'un sentier. Riwalenn n'avait pas dit un mot. Jazkez non plus.

Quand ils parvinrent au relais ou selon toute vraisemblance ils allaient faire halte et que Riwalenn lui tendit une bourse pleine de daol, il commença à accepter la véracité de toute cette histoire d'Osfei presque entièrement convaincu que cette femme n'était pas assez retors au point de simuler une telle mise en scène. Ne sachant toujours trop quoi dire ou comment se comporter et après avoir acquiescer bêtement à tout ce qu'elle lui disait, il profita d'un moment pour écrire à sa soeur.

[Iris]

Jazkez avait pu commencer -- peut-être même finir -- une lettre pour sa sœur. A quelle adresse l'envoyer ?

En attendant de trancher, Jazkez utilisait son argent modérément et prudemment. L'ambiance était tranquille, rythmée par le voyage, les soins aux chevaux, et chaque matin des exercices martiaux.

Deux jours plus tard, alors que Jazkez commençait à s'habituer tout doucement à son statut, il faisait halte au Faisan Plumé avec l'Osfer Riwalenn pour leur dernière nuit avant d'arriver à Koskan.

Ce fut là qu'il la vit : Magraid !

[Madennig]

Oui, c'était bien Magraid qui sauta avec force dans ses bras du jeune Breithan. Pourquoi s'encombrer de plus de cérémonie ? Ils n'étaient plus au cœur du domaine des Mac Rhidian où leur étiquette barbante devait être observée à la lettre. Ils n'étaient plus que des anonymes, perdus sur un chemin traversant la pampa grisâtre. D'ailleurs, c'était la faute de sa Damathair, si elle n'avait pu sauter dans ses bras cinq secondes plus tôt. Toujours à replacer les mèches trop libres de l'enfant. Elle avait émis quelques soupirs de contestations, faisant remarquer à "Nana" que c'était Jazkez, là, juste là ! Mais Nana voulait qu'elle soit présentable.
Voilà deux ans qu'ils ne s'étaient pas revus. Magraid avait un peu grandi, mais elle n'avait que peu changé. Jazkez pouvait le voir maintenant qu'elle relâchait son étreinte pour le voir tout entier. Son visage était radieux.

"Mon frère ! Ce sont les C'maogh qui t'ont mis sur ma route !"

Forcément, ça ne pouvait être l'inverse.

"Je suis si contente...Oh... tant d'histoires depuis que je suis partie de chez nous. Tu n'as pas si mauvaise mine... "

Elle n'avait pas remarqué que Jazkez était accompagné.

"... Que fais-tu ici, t'es-tu enfui ? Oh non...! Je sais, tu as réussi à les convaincre de te laisser vivre ta vie ! C'est parfait dans ce cas, car nous voilà en route pour Tuaille. Ce n'est pas ce que j'espérais, mais maintenant que tu es là, je sais que je pourrais m'y faire. Les gens racontent tant de légendes sur cette région... Peu connue d'ailleurs !"

Avait-elle décidé d'ignorer sciemment l'Osfer Riwalenn ?