[OdE - Chap. 12.6] Ambition [FOCUS]

[Casaïr]

"J'le connais un peu, oui, ça lui arrive de trainer ses guêtres par ici. Il sait comment faire pour qu'les gens l'aiment bien, me semble même qu'il y a quelques demoiselles à Brégan qui sont tombées en pâmoison pour lui, ajouta-t-il en riant franchement. Mais pour être honnête, il m'a pas beaucoup parlé de toi, mais c'est pas faute d'avoir essayé !"

Il s'interrompit, le temps de saluer un homme qui se rendait à Brégan avec son chariot, probablement pour participer au marché, avant de reprendre.

"J'préfère m'faire moi-même une idée des oisillons qui atterrissent dans mon nid, et te méprends pas, j'parle pas de favoritisme quand j'dis que j'veux savoir où tu es douée, c'est pour justement te trouver quelque chose d'utile à faire ici. L'coin est calme, et, à part d'la surveillance en haut d'la tour et des patrouilles, il reste pas grand chose à faire, passé l'entrainement s'entend. Parfois, j'en ai qu'on apprit un peu de médecine, alors j'les envoie faire le tour des fermes alentour pour s'occuper des gens, ou des bêtes s'ils préfèrent. Ceux qui sont habitués à évoluer en forêt vont relever les traces dans les Mòr Forsair, pour s'assurer qu'y a pas de brigands ou de bêtes sauvages à rôder -d'ailleurs, soit dit en passant, tes deux copains m'ont l'air de foutus citadins, pas sur eux que je pourrais compter sauf pour un pique-nique dans les champs !"

Il prit un petit chemin qui se rapprochait d'avantage des fermes avoisinantes, saluant aimablement les gens que l'improbable duo croisait.

"Toi, t'es barde, alors, comme Briaval." C'était moins une question qu'une affirmation, aussi reprit-il rapidement : "Tu dois savoir bien parler alors, et avoir la bougeotte. J'pourrai t'employer comme messager entre nous, Brégan et les Ronces d'à côté. Pas d'mauvais bougres, tu verras. Ca t'occupera toujours un peu, entre deux tâches plus monotones."

[NailsEater]

- Je ne me débrouille pas trop mal pour parler en effet, un peu trop même parfois. Et je comprend assez bien les autres, pas de la même manière que Briaval ... Sinon, je suis assez douée de mes mains, cuisine, couture, un peu de bricolage. Je sais lire et écrire aussi.

Oanell chercha ce qu’elle savait faire de plus, mais ici, au milieu de nulle part, il y avait peu de ses connaissances qui lui servirait.

- Sinon, j’ai diverse connaissance apprise en université mais je ne suis pas sûre qu’elles vous servent à grand-chose !

Retrouvant le sourire au fur et à mesure de la conversation, la barde se laissait aller à s’ouvrir doucement à Maugan. Elle se rendit compte que parler lui manquer, les conversations enrichissantes lui manquait. Peut-être fallait-il voir cette année comme l’acquisition de connaissance nouvelle. Après tout, Briaval disait toujours que n’importe quel endroit pouvait constituer un point de chute et que n’importe quel personne pouvait devenir un repère ou une aide.

- Quand à ma bougeotte comme vous dites, je ne suis pas le genre de personne à tenir trop longtemps en place en effet. Je n’aime pas ne rien faire et ne supporte pas de me sentir inutile. Je sais que je n’ai pas l’air comme ça mais je suis persévérante et plutôt débrouillarde.

Elle sourit pour la première fois à son instructeur.

[Casaïr]

Les plis du visages de Maugan se déplacèrent pour laisser un sourire poindre en réponse de celui de la jeune fille.

"Bin t'auras plus d'une occasion pour me montrer c'que tu sais faire, dam ! Allez, l'est temps de rentrer, il va bientôt faire faim, et j'dois vérifier des trucs."

Ils prirent ainsi un autre chemin qui décrivait une boucle traversant les champs et retournant à l'angarde, ce qui demanda au binôme une petite heure de marche tranquille pendant laquelle Maugan maintint au pas la jeune barde qui avait trop tendance à se laisser aller à une simple promenade.

Une fois rentrés, il envoya la jeune fille au sommet de la tour pour relever l'un des deux plantons avant de s'en aller dans la petite bâtisse qui lui tenait lieu de bureau.

[NailsEater]

"Bin t'auras plus d'une occasion pour me montrer c'que tu sais faire, dam ! Allez, l'est temps de rentrer, il va bientôt faire faim, et j'dois vérifier des trucs."

Oanell acquiesca et suivit Maugan, accélérant le pas. Elle commençait aussi à avoir faim et mal aux pieds. L'instructeur la laissa au pied de la tour, lui demandant de prendre la relève d'un de ses collègues. Elle râla en montant ces satanées marches, elle arriva en haut, essouflée.

- Je viens prendre la relève. Je vous laisse voir qui pars et qui reste.

Elle avança dans la "pièce" et repris la place qu'elle occupait quelques heures auparavant. Réfléchissant à ce pourquoi elle était là et aux conversations qu'elle avait eu avec Maugan.

[Casaïr]

Deux jours passèrent. Deux jours d'ennui profond rythmée uniquement par les séances d'entrainements aux armes et par les patrouilles ou la surveillance du haut de la tour. Et comme si cela ne suffisait pas, la pluie venait parachever la morosité ambiante avec ses lourds nuages noirs obscurcissant la lumière, donnant l'impression d'un crépuscule permanent.

Alors qu'Oanell était chargée de ranger du matériel, elle vit une femme à l'air affolé se diriger vers Maugan qui s’empressa de la mener vers son modeste bureau où ils restèrent un long moment. Quand il en ressorti, après une accolade de réconfort envers l'inconnue, le sergent se dirigea vers la trompe d'appel pour souffler dedans. Aussitôt, les jeunes recrues se dirigèrent vers la petite place de l'angarde, au garde à vous. Cela aurait presque pu être un joli moment, s'ils avaient été ne serait-ce qu'un peu plus nombreux et si la pluie avait bien voulu leur laisser un peu de répit. C'est donc trempés qu'ils attendirent que leur sergent instructeur leur parle.

"J'viens d'être prévenu par Lyzanor que son époux, Beron, n'était pas rentré avec les autres bûcherons et elle craint qu'il lui soit arrivé malheur. J'ai donc décidé d'envoyer deux d'entre vous vérifier où il se trouve. Il est p'tèt blessé, coincé quelque part, en tout cas, s'il faut lui porter secours, il vaut mieux le retrouver rapidement : avec ce temps, une vilaine blessure peut vite s'infecter. Antain, vu qu'tu sais un peu soigner à c'que tu m'as dit, tu vas prendre tes affaires ainsi qu'une sacoche de soins à la réserve. Oanell, tu l'accompagnes, ce s'ra p'tèt le moment pour utiliser tes bons mots et l'rassurer s'il est pas bien."

"Vous prendrez le sentier est qui vous emmènera direct au camp des bucherons puis, sur place, vous prenez au nord : c'est par là qu'vous l'trouverez on dirait. Ho ! et prenez un brancard aussi, vous aurez sans doute à le ramener vous-même s'il peut pas marcher. Des questions ? Très bien. Allez-y et dépêchez-vous !"

[NailsEater]

Surprise, une fois de plus, par l'arrivée de Maugan, Oanell ne s'attendait pas à de telles nouvelles. Antain et elle se répartirent les tâches à faire pour partir au plus vite.
Chacun rassembla de son côté ce dont ils auraient besoin pour la route et pour s'occuper du bûcheron.

Une dizaine de minutes plus tard, ils se mettaient en route. C'était la première fois qu'ils partaient seuls en mission et la tension se ressentait. Le début du trajet n'était pas très enjoué, Oanell ne supportant plus le silence tenta de lancer la conversation.

- Alors comme ça tu sais soigner ? Tu as appris en école ?

Ce n'était pas très subtil mais elle préférait ça à ruminer toute seule dans sa tête.

[Sandy.Julien]

Le jeune homme leva vers Oanell un visage déjà marqué par une vie difficile. Derrière les longues mèches rebelles, ses sourcils froncés lui donnaient un air farouche. Il braqua sur elle un regard bleu limpide et...
Ce fut comme si elle venait de briser un sceau mystérieux : les traits d'Antain se détendirent, ses épaules s'affaissèrent un peu, et un large sourire se dessina sur son visage.

"Eh ben c'est que déjà tout petit, je trainais toujours avec Ansilla, c'est celle qui soigne les vaches et les porcs, chez nous, et elle m'a appris des tas de choses, comme poser une attelle ou faire un emplâtre, et à cueillir les simples aussi, et quels champignons faut pas toucher sinon des fois on en meurt ; et je sais aussi comment qu'on fait les petits veaux, elle m'a montré aussi, et pis y a les chasseurs, des fois, ils m'emmenaient avec eux et c'est comme ça que j'ai appris à, comme qui dirait, rapiécer un peu un bonhomme, mais faut avoir le coeur drôlement bien accroché, et la main sûre aussi, ça c'est obligatoire, parce que celui qui tremble, ouhlala, il fait pire que mieux, et c'est pas joli-joli, mais en général, c'est pas bien compliqué, hein, soigner un homme c'est..."

Il avait déclamé son monologue presque sans reprendre son souffle, soudain enthousiaste et volubile, mais il se rendit compte que la jeune fille, surprise par ce flot verbal, le considérait avec des yeux écarquillés.

"... c'est... ben c'est comme un porc en fait."

Il déglutit, un peu surpris lui-même d'en avoir tant dit... Toutefois, parler lui avait ôté un poids dont il n'avait pas senti la présence jusqu'alors, une angoisse sourde qui s'insinuait dans ses os et le rendait nerveux. Il se rendit compte que jusqu'alors, il s'était tenu voûté, et se redressa. En réitérant son immense sourire.

[NailsEater]

Quand Antain se retourna vers elle pour répondre à sa question, Oanell fut parcouru d'un petit frisson, appréhendant sa réaction. Peut-être avait-elle touchée un point sensible ? Je l'ai mit en colère ! Bah voilà trop forte !

Mais d'un coup, celui-ci se mit à sourire et à débiter un monologue enjouée sur ... elle ne savait pas trop sur quoi d'ailleurs, tellement ce changement d'attitude l'avait perturbée.

- Un homme c’est un peu ... comme un porc ?

Elle avait les yeux écarquillées et avait répété machinalement les derniers mots entendus. Puis réalisant le double sens de cette phrase se mit à rire, de ces rires un peu incontrôlables presque nerveux.

- Ce n'est pas moi qui vais te dire le contraire ! Elle essayait de reprendre son calme -après tout ils étaient en mission- mais ne retint pas quelque gloussement.
Je suis désolée, je ne suis pas sûre d'avoir tout compris et tout écouté. En tout cas merci, j'avais peur que tu ne dises mot de tout le trajet ... le temps m'aurait paru long !

La jeune femme essuya ses yeux par réflexe, avant de se rappeler qu'il pleuvait. Elle remit alors ses lunettes sur son nez, dépitée.

[Sandy.Julien]

Ils marchèrent d'un bon pas, comme si forcer l'allure leur permettait d'échapper à l'averse abondante. Antain se révéla un compagnon volubile, et peu avare de ses secrets : le garçon se passionnait pour la nature et les bêtes, et connaissait effectivement quelques remèdes qu'il évoqua avec force gestes et explications. À mesure qu'ils s'approchaient du camp des bûcherons, toutefois, Oanell se rendit compte qu'il manifestait une sorte d'enthousiasme forcé, comme pour déjouer l'atmosphère sinistre qui pesait sur les lieux.
Une fois sur place, ils interrogèrent les compagnons de Beron, qui ne furent pas d'un grand secours : le bûcheron s'était éloigné bien longtemps et on craignait qu'il n'ait connu un sort funeste. Il n'était pas rare, selon eux, que des bêtes plus ou moins hostiles rôdent dans les environs et s'en prennent aux imprudents.
Oanell et Antain prirent donc le chemin du nord sans guère d'informations, mais la mine sinistre des hommes et leur pessimisme avaient douché l'entrain du jeune garde. Il cheminait à présent en silence, dardant des regards inquiets en tous sens, à l'affût du moindre signe d'une présence animale.

[NailsEater]

La compagnie d'Antain se révéla plus joyeuse qu'Oanell n'avait cru de premier abord. Il lui parla de ce qu'il aimait et connaissait; les animaux, la nature, les remèdes qu'il avait et savait préparer. La jeune barde écoutait avec attention et se surpris à oublier la pluie.

Quand ils arrivèrent sur place cependant, l'ambiance n'était plus à la conversation facile et autres joyeuseté. Les bûcherons ne savaient pas où se trouvait leur hommes et ne semblait pas croire à sa survie. Ils les remercièrent pour leurs indications et se mirent à nouveaux en route. La tension, palpable, se voyait à leurs yeux qui s'agiter, scrutant les environs. Les deux ostiens se tenaient sur leur garde avançant désormais en silence.

Oanell s’inquiétait, peut être auraient-ils dû demander aux bûcherons de les accompagner. Malgré les entraînements de Maugan, la jeune barde ne se sentait pas l'âme d'une guerrière. Elle sentait encore les courbatures de la veille et peinait à se rappeler les quelques mouvements qu'ils avaient appris. Elle détaillat alors Antain, se demandant s'il s'en sortirait mieux qu'elle en cas de danger.