[OdE - Chap.2.1] La dernière limite

[Arthus]

Blodwen feignit également l'indifférence vis-à-vis de la présence ou de l'absence d'Oanell, essentiellement pour lui laisser le choix : ainsi, la barde pourrait décider de rester pour assister à l'entrevue ou de sortir, éventuellement pour aller discuter avec Aeldred et, pourquoi pas, le réconforter.

Elle s'assit dans le siège qui lui proposait Hafnir, avant d'entrer dans le vif du sujet.

Bonsoir, commandeur.

Le message que vous m'avez fait porter indiquait que vous aviez receuilli un hilderin blessé à la rosace, sire Jazkez de la garnison de Swelbecky.

J'ai aussi appris que vous aviez envoyé Cendres et Roparz en reconnaissance vers Swelbecky, pour rassembler davantage d'informations sur la situation là-bas.

Avez-vous plus de détails à me communiquer? Que pensez-vous que nous trouverons là-bas? Et enfin... quelles mesures envisagez-vous?

Elle fit une courte pause, avant de reprendre :

"En ce qui me concerne, je me tiens prête à mobiliser la garde de Terfinysel si nécessaire. J'offrirai également mon expertise médicale à ceux qui en auront besoin, à commencer par le malheureux que vous hébergez."

Elle prit soudain un air préoccupé, avant de conclure sombrement :

Si sire Jazkez a préféré rallier Terfinysel seul, sans ses compagnons et surtout sans sire Uilleam...

[Iris]

Hafnir n'avait pas grand-chose à dire de plus :

" Non, nous ne savons pratiquement rien. Jazkez aurait dit que les autres étaient partis dans le marais. Il a parlé de folie, mais c'était mélangé et incohérent. Nous n'avons rien de concret."

" Dans un premier temps, Cendres et Roparz vérifieront si Swelbecky est menacé ou pas : il est tout à fait possible que les hilderins soient partis dans les marais et qu'un incident violent ait abouti à la blessure de Jazkez. D'après ce qu'on m'a dit, il avait... a... une tendance à la provocation. Aeldred, celui de Swelbecky j'entends, est très attaché à son chat. Il se peut qu'il n'y ait pas à chercher beaucoup plus loin. Ce qui m'étonne davantage, c'est l'apparente passivité des dàmàthair et de l'ansailéir. D'après Cendre et Roparz, ce n'est pas quelqu'un qui se mette en avant, mais renoncer à envoyer quelqu'un quérir des soins pour un blessé... ce n'est pas la même chose... Je suis également très étonné par l'absence de délégués de Swelbecky ici lors des funérailles de Breth Mac Terfynisel. Peut-être que quelque chose s'est passé là-bas et que les gens, par peur sont restés claquemurés chez eux, en attendant que le danger passe."

" Envoyer des gardes de Terfynisel ne pourra manquer de rassurer les gens de Swelbecky quant au souci que vous avez d'eux. Cette mesure visible sera utile, mais peut-être pas suffisante pour régler le fond du problème... dont nous ignorons totalement la nature."

Le commandeur étant humain, il s'était concentré sur ce à quoi il pouvait répondre et avait un peu oublié certains aspects des points abordés par Blodwen qui étaient plus marginaux par rapport à l'essentiel du point de vue du Ronce.

[Arthus]

Blodwen écouta attentivement Hafnir, et acquiesca imperceptiblement lorsque le commandeur évoqua l'éventualité d'envoyer la garde de Terfinysel à Swelbecky.

"Effectivement, déterminer la nature du problème me semble également être une priorité.

J'ai déjà eu l'occasion de côtoyer brièvement sire Jazkez à Swelbecky la semaine dernière, et l'impression qu'il m'a donnée était qu'il était surtout un esprit plaisantin, prompt à provoquer et enclin à minimiser les risques encourus. Je ne sais par contre pas s'il conserve habituellement ce trait de caractère en cas de danger, réel ou non. Connaître sa personnalité ne nous sera donc d'aucune aide actuellement.

En revanche, deux éléments seraient beaucoup plus susceptibles de nous aider, et ce avant même le retour de Cendres et de Roparz.

Le premier est l'absence globale de communication de Swelbecky, malgré les évènements récents, comme vous le signaliez. Il faut ajouter à cela le fait que Sire Jazkez a préféré rallier Terfinysel seul malgré ses blessures plutôt que de rester dans le village dont il avait la garde, auprès de ses frères d'armes. Cela signifie aussi qu'aucun des Hilderins de Swelbecky n'a pu l'accompagner, alors que son état requérait des soins urgents ainsi qu'une escorte. Enfin, je suppose que si sire Jazkez avait été pris d'une crise de folie et avait décider de rallier seul Terfinysel sans que ses frères Hilderins ne l'aient remarqué, son absence aurait dû avoir été découverte à l'heure qu'il est, et Terfinysel est probablement le premier endroit où sire Uilleam aurait envoyé un messager pour tenter de le retrouver.

Tout semble donc indiquer que Swelbecky a été confronté à une menace grave, de nature à paralyser toute communication vers nous. Il faut dès lors s'attendre à ce que la totalité de la garnison et de la population de ce village ait été mise hors de combat... ou pire."

Elle laissa un lourd silence souligner ses derniers propos, avant de reprendre posément:

"Le second élément, et sans doute le plus utile actuellement, est l'état de sire Jazkez. Le comportement ainsi que le récit que vous m'avez décrit semblent indiquer qu'il a été victime d'une crise de folie. Deux choses peuvent principalement provoquer cet état : un choc psychologique violent, ou un empoisonnement.

De par la formation que m'a donnée Sire Aloïs ainsi que par ma connaissance des plantes, je sais reconnaître certains symptômes d'empoisonnements, qu'il s'agisse d'une infection de blessure ou d'ingestion de substances hallucinogènes. Je souhaiterais donc pouvoir examiner et éventuellement interroger Sire Jazkez pour tenter de déterminer la cause de son état mental actuel. Cela nous en apprendra peut-être un peu plus sur la situation à laquelle nous sommes confrontés, tout en offrant une chance supplémentaire de guérison à ce malheureux.

Je vous avoue que, vu la situation et les blessures qui m'ont été décrite, je n'exclus pas un cas d'hystérie collective au cours duquel les Hilderins auraient pu tout simplement... s'entretuer. Je ne dis pas non plus que d'autres explications existent et soient aussi vraisemblables, mais je pense qu'il faut tenir compte de cette possibilité, et prendre les précautions qui s'imposent en cas de reconnaissance vers Swelbecky.

Et en ce qui me concerne, j'envisage prioritairement deux types d'action une fois que nous en saurons plus : l'envoi de guérisseurs lourdement escortés pour tenter de sauver ceux qui peuvent l'être à Swelbecky, voire les ramener ici; et la préparation à la défense de Terfynisel en interdisant les voyages jusqu'à Swelbecky jusqu'à nouvel ordre.

A la fin de ses propos, Blodwen sembla hésiter un bref instant, avant d'aborder un autre sujet de préoccupations :

"Il y a... un dernier point sur lequel je m'interroge. Que faire vis-à-vis des invités actuellement aux château, en particulier en ce qui concerne la délégation Hilderine? Personnellement, j'aurais tendance à vouloir les informer tout en prenant les rènes de la coordination des actions entreprises sur le domaine, mais... je ne sais pas ce qui est le plus opportun. La situation est potentiellement grave, et pourrait prendre une nature plus épidémique que martiale.

Je ne souhaite pas perdre le contrôle de la situation au profit d'une réflexion abordée uniquement sous l'angle militaire, mais je ne souhaite pas non plus commettre d'impair diplomatique vis-à-vis des représentants de cet ordre, qui sont directement concernés par ces évènements qui impliquent l'un des leurs."

[Iris]

Hafnir écouta jusqu'au bout, patiemment comme à son habitude et s'efforça de répondre au mieux aux derniers points évoqués :

" Prévenir les Hilderin ou non ? "

Il prit une inspiration.

" Étant donné que vous êtes venue ici cette nuit, cela vaudrait mieux. Si vous étiez restée au château, vous auriez pu prétendre ne pas savoir ce qui s'était passé à la rosace. Les hilderins seraient partis avant que vous ne fussiez officiellement informée."

" Concernant la prise de décision, vous n'êtes totalement libre ni avec les Ronces, ni avec les Hilderin. C'est d'ailleurs un des revers de l'accord que nous avons : entre une menace concernant les attributions des Ronces et une autre concernant spécifiquement le domaine, je devrais favoriser la première. En d'autres termes, si un feond agissait non loin tandis que vous étiez attaquée ici par des voisins malintentionnés, le premier serait notre priorité. J'ajouterai que nous n'avons pas le droit d'agir en cas de guerre privée, ou plus précisément, nous sommes limités à la légitime défense."

" Les hilderins sont en revanche qualifiés pour intervenir dans un contexte politique de type guerre privée, comme force d'interposition, surtout pour éviter l'escalade dans la violence."

" Dans le cas présent, tant que nous ignorons ce qui a lieu à Swelbecky, nous n'avons pas vraiment idée de qui est censé être prioritaire dans l'action. C'est la limite de l'existence de plusieurs forces armées avec des attributions très proches : nous empiétons toujours, à un moment ou un autre, sur celles du voisin et réciproquement. Que vous proposiez de coordonner l'action sera accepté je pense, ne serait-ce que jusqu'à l'arrivée à Swelbecky."

Regardant les papiers sur lesquels il travaillait avant l'arrivée de Blodwen et Oanell :

" Elwigg a décidé de s'engager dans les Ronces. Je vais demander à Osta-Baille une dérogation afin qu'il puisse faire ses classes ici."

[Arthus]

Un doux sourire illumina le visage de Blodwen à l'annonce de la décision de son ami :

"Merci, Commandeur. Je pense qu'Elwigg a pris la bonne décision, tant pour nous que pour lui."

... mais ses traits reprirent bien vite leur gravité habituelle :

"... Concernant la situation qui nous occupe... comme je vous l'ai dit, je souhaiterais examiner Sire Jazkez, et l'interroger s'il est en état de l'être. Je pense pouvoir en apprendre plus sur ce qui s'est passé là-bas en le faisant."

[Iris]

" Jazkez ? Ah oui bien sûr. Je vous y emmène. "

La précédant à la porte, Hafnir précisa :

" Nevena est à son chevet, elle n'a pas évoqué de poison pour autant que je sache."

Le commandeur les guida à la cellule du blessé, toqua et entra sans attendre.

" Bonsoir, guérisseuse Névéna. Dame Blodwen vient s'enquérir de l'état du hilderin Jazkez."

Avisant l'étroitesse des lieux :

" Je vous laisse, je serai dans mon bureau."

Après son départ, Nevéna, qui s'était levée se contenta de murmurer : "Blodwen." sans savoir comment se comporter, manifestement gênée et se tenant en retrait.

[Arthus]

Avant qu'il ne parte, Blodwen dit à Hafnir :

"Merci, Commandeur. Je viendrai vous chercher dès que j'en aurai terminé ici, pour que nous allions ensemble au castel Terfinysel. Je compte organiser une réunion avec le représentant de la délégation Hilderine [insert nom, qui a dû être communiqué lors de la réception], ainsi qu'avec le capitaine de la garde du domaine."

Une fois dans la petite chambre, Blodwen resta interdite pendant de longues secondes devant Nevéna.

Finalement, elle prononça simplement le mot "Mère..." faiblement, avant de prendre celle qu'elle avait si longtemps prise pour sa tante dans ses bras. Elle resta ainsi pendant de longues minutes, avant de déserrer son étreinte et de murmurer :

"Je... je veux que nous trouvions le temps de parler de... de tout ça... Mais... le moment n'est pas encore venu. Je dois examiner Sire Jazkez, et gérer au mieux cette inquiétante situation. Mais ne t'inquiètes pas, dès que ce sera possible, je... nous parlerons, mère. Sache seulement que, pour moi, rien n'a changé à ton égard. Je t'aime toujours tendrement."

Elle se tourna alors doucement vers Jazkez, qu'elle réveilla doucement en posant sa main fraîche sur son front.

[Iris]

Hafnir partit en glissant un : "N'oubliez pas de dormir, la journée de demain sera longue."

Névéna avait bien du mal à retenir ses larmes qui noyaient ses yeux. Elle faisait des efforts pour se maîtriser, l'émotion lui nouant la gorge.

Jazkez était inconscient et dormait. Rien dans son état n'indiquait qu'il pût s'agir d'autre chose que d'un blessé choqué après une perte massive de sang.

[Arthus]

Visiblement, Jazkez dormait à poings fermés, et un simple contact physique ne suffirait pas à le réveiller. Nevena lui avait probablement administré une tisane apaisante pour l'aider à dormir, sa faiblesse physique due à sa blessure avait probablement fait le reste.

Blodwen se mit tout de même à l'examiner, précautionneusement pour ne pas qu'il se réveille. Elle examina ainsi son nez, sa bouche et ses oreilles, à la recherche de traces d'une substance suspecte (autre qu'un éventuel remède de sa mère). Si elle le pouvait, elle examina les contours de ses blessures (y compris les éraflures de moindre importance, s'il en avait), et le dessous de ses ongles. Elle passa ensuite en revue son équipement, notamment l'endroit où son armure avait été percée, ainsi que ses armes.

Enfin, s'il était disponible, elle alla examiner le pot de chambre pour tenter de détecter des traces inhabituelles dans les selles et l'urine du patient.

Dans son examen, Blodwen se sert du maximum de sens possibles : le toucher et la vue, bien sûr, mais aussi l'odorat... Oui, c'est peu ragoûtant, mais c'est ça, la médecine!

Une fois cela fait, elle s'apprêta à interroger brièvement sa mère :

"Mère..."

Avisant soudain l'état de Névéna, Blodwen se dirigea doucement vers elle, lui prit la main, et la serra tendrement.

"Ca va aller, mère, je suis là..."

[Iris]

Jazkez ne paraissait pas avoir été victime de drogues ou d'une quelconque substance (tisane apaisante mise à part). Il y avait quelques marques de griffures sur ses mains. Ses ongles étaient par endroit un peu sales, mais pas davantage que la plupart des gens dans la région qui était humide, les bâtiments assez mal entretenus. Il pouvait s'agir du résultat d'une bagarre ou bien cela pouvait être anodin.

Le plaisantin était bien fatigué, toute son énergie restante était mobilisée dans le seul objectif de survivre.

...

Quant à Nevéna elle eut un sourire triste : "Je suis désolée, je n'arrivais pas à te le dire."