[OdE Chap.4] Le procès d'Aeldred (Forêt engloutie)

[Casaïr]

Aeldred écoutait Fredelme, sentant la résignation se faufiler petit à petit dans son esprit.

"Si on n'était pas autant pressé par le temps..."

L'idée de le mener jusque dans un monastère pour tenter de le guérir lui plaisait bien, mais il fallait tout d'abord convaincre les hilderins de l'utilité d'un tel acte, et le jeune homme se sentait totalement dépassé par celui-ci. Il finit le contenu se chope, s'essuya d'un revers de manche avant de se lever.

"Je vous remercie, Fredelme, pour tout. Je ne veux pas abuser de votre temps, je vais voir ce que la ville a à me proposer."

[Iris]

Fredelme et Aeldred

Le vecteur était surpris et paraissait assez soucieux : " Mais qu'est-ce que tu veux faire au final ? Et pourquoi partir si brutalement ? Tu sais, tu me me déranges pas. ... et je t'ai déjà dit que tu peux me tutoyer, voyons !"

[Casaïr]

Il ouvrit et ferma la bouche à plusieurs reprises, cherchant comment formuler des pensées que lui-même avait encore du mal à appréhender.

"Je souhaite trouver un médecin capable de comprendre Aeldred et qui puisse dire aux hilderins que la condamnation à mort n'est pas une solution le concernant", parvint-il finalement à dire.

Il aurait aimé faire plus, voire le faire lui-même, mais il n'était pas médecin, demorthèn, ou quoi que ce soit d'approchant. Et sa voix n'avait de fait aucun poids dans cette histoire.

Mais quelqu'un dont c'était la spécialité pouvait sûrement faire quelque chose, non ?

Quant au tutoiement...

"C'est vrai, vous me l'avez déjà dit, dit-il avec un sourire un peu gêné, et je pense que vous me le direz encore."

[Iris]

Fredelme avait une expression de perplexité et secouait la tête tandis qu'il regardait Aeldred s'agiter :

" Je ne comprends pas bien. Tu as cherché depuis que tu es arrivé un spécialiste dans une science reizhite dans une petite ville talkéride, et tu veux ratisser à nouveau les lieux ?..."

" Et puis si ce garçon au chat est vraiment dérangé, ... Je veux dire, toi et tes compagnons, n'êtes pas des experts et vous êtes convaincus qu'il n'est pas conscient de ce qu'il fait. Si c'est si évident pour vous juste en le voyant, pourquoi les hilderins ne le verraient pas ? "

" ... et puis... si tu cherches un médecin... tu as parlé à celui du Fort de Dèas ? Il y en a forcément au moins un vu le monde qui travaille là-bas."

[Casaïr]

"Maintenant, si nous sommes convaincus de la chose, c'est uniquement parce que nous l'avons côtoyé le temps du voyage et que nous avons pu constater son état. Quelqu'un qui le voit pour la première fois ne verra qu'un benêt amoureux de son chat..."

En tout cas, c'est ce que je pensais aussi. Aeldred garda cette pensée pour lui avant de poursuivre.

"Les hilderins veulent le juger pour tentative de meurtre, ce qui pour eux mérite exactement la même punition que s'il avait réellement tuer Jaskez, et ils s'en ficheront de voir qu'il n'est pas capable de dire si ses actes étaient mal ou pas. Si on prend à son chat, il réagit de façon complètement animal. Le reste n'a aucune importance pour Aeldred. Sans quelqu'un capable de dire au juge qu'il n'est pas responsable de ses propres actes et qui peut l'étayer tout en ayant une certaine autorité en la matière, il finira pendu, ou décapité, ou je ne sais quelle peine les hilderins infligent à ceux qui tuent les leurs."

Et dès qu'ils lui demanderont s'il s'en veut pour son geste, il sera déclaré coupable... pensa le chasseur, désemparé.

"Pour ce qui est du médecin de la citadelle de Déas... Je n'y ai pas vraiment pensé, mais cette discipline étant peu commune, je ne le pense pas adepte de celle-ci. Et je suis prêt à poursuivre encore mes recherches, oui. Je n'ai jamais été un grand chanceux dans ma vie, à l'exception de ces derniers mois, mais je ne suis pas encore prêt à abandonner tant que le soleil ne sera pas couché."

[Iris]

Fredelme considérait avec un peu d'inquiétude l'agitation anxieuse d'Aeldred et tentait de l'apaiser de son mieux... sans grand succès.

" Si la seule chose qui suffit pour comprendre que le garçon est dérangé ou possédé, est un peu de temps, vous devriez pouvoir l'obtenir."

" Le procès a déjà lieu plusieurs mois après l'attaque. Les bardes sont coutumiers de ces procédures et ils savent demander des reports, ce genre de choses. Oanell est bien barde ? Pourquoi t'inquiètes-tu tant ? "

[Casaïr]

"Je..."

Aeldred s'humecta les lèvres, peu sûr de ce qu'il allait dire.

"Il n'y a pas longtemps, avec Pwyll et Oanell, nous sommes tombés -enfin, surtout Pwyll en fait- sur un couple de tueurs. Du peu que nous avions pu découvrir, il s'avérait qu'ils étaient en fait possédés. seulement..."

Son humeur devint plus sombre, et ses mains et ses lèvres tremblèrent quand il parla.

"Seulement, plutôt que de permettre aux esprits qui les hantaient de reposer en paix, et de libérer les pauvres gens sous leur emprise, ils furent simplement brûlés, tout comme leur maison. Et... Pendant les événements de Swelbecky, je crois que... que nous avons erré dans les Limbes, ou en tout cas quelque chose qui n'était pas notre monde maintenant. J'ai revu -et pas seulement moi, un autre garde qui m'accompagnait a vu la même chose- mon père s'attaquer à ma mère. J'ai revécu cette scène, sauf que... mon père semblait lui aussi possédé. Mes parents, ce couple, ils sont tous morts parce qu'on s'est arrêté à ce nous voyions sans chercher plus loin. On n'a pas essayé de comprendre pourquoi ça leur était arrivé, s'il y avait une autre explication, et surtout une façon de les aider. Tout ça parce qu'ils sont persuadés que les demorthèn ont réponse à tout en ce qui concerne les esprits mais ils ont tort, tous autant qu'ils sont !"

Sentant le rouge de la colère lui monter aux joues, Aeldred s'astreignit au calme, posant bien à plat ses mains sur la table.

"Je voulais tous les aider, mais je n'ai pas les connaissances nécessaires pour cela. J'ai échoué deux fois déjà. Je ne veux pas d'un troisième échec..."

[Iris]

Fredelme se frottait le crâne en quête d'inspiration et de bons conseils :

" Dans tous les cas, tu as fait de ton mieux : tu n'es pas le seul et unique responsable de tout ce qui se passe de mal en Tri-Kazel."

" Ton sens des responsabilités et ton désir de progresser te font honneur. Tu es quelqu'un de bien, confronté brutalement à des choses qui le dépassent."

" Peut-être que c'est un signe de l'Unique, ... une manière de t'appeler à accomplir ton destin... Tout ce qui t'arrive, c'est tellement extraordinaire, ce ne sont peut-être pas que des coïncidences... A Terfynisel tu es un des rares à avoir été confronté aux démons des Limbes, et un des rares aussi à percevoir les limites de l'enseignement traditionnel. Tu n'es pas de ceux qui se contentent d'écouter ceux qui pensent savoir, tu veux savoir par toi-même."

" Je pense que tu n'es pas quelqu'un d'ordinaire, mais bien que tu as quelque chose qui te distingue... Cette souffrance peut devenir guidance. Tu as les moyens de plus subit les événements. "

" Ce malheureux que les hilderins détiennent, je peux venir avec toi si tu veux, et leur parler des monastères où il pourra trouver la paix. Et toi qui a toujours été avide de connaissances, tu pourrais venir en Gwidre et peut-être y étudier pour trouver les réponses à tes questions."

[Casaïr]

"C'est vrai ?!"

Aeldred avait presque sauté sur la table de joie en entendant les paroles du moine et dû faire un effort visible pour se calmer.

"Ce... c'est vrai ? Vous feriez ça ? Je ne veux pas vous forcer la main ni quoi que ce soit vous savez." Il toussa, un peu gêné par son propre enthousiasme avant de reprendre plus sereinement : "Je vous remercie pour votre aide, et je serai ravi de vous accompagner en Gwidre. J'adorerai voir où vous avez étudié."

Un poids de plusieurs kilos venait manifestement de quitter les épaules du jeune homme qui réfléchissait déjà.

"Il faudra que je dise à Oanell ce que je compte faire, mais avant de vous suivre en Gwidre, j'aimerai juste réparer l'atelier de mon père. Je le lui dois. Puis le donner à Oanell, comme... Présent ? Quand cela sera fait, je vous suivrai où que vous alliez."

"... Vous croyez qu'on peut donner un atelier comme cadeau de fiançailles ?"

[Iris]

Aeldred sautait d'une émotion extrême à l'autre, et Fredelme avait un peu de mal à suivre par moment.

" Oulà, attends, on parle de quoi ? De fiançailles, de cadeau, d'études, de voyage, de témoignage... ça fait beaucoup d'un coup pour moi !"

Un peu perplexe :

" Par quoi commencer ? Ah oui, je suis en mission dans la région de la Forêt engloutie, je ne peux pas en partir juste comme ça, même si je serais ravi de voyager avec toi. Par contre, je peux contacter mes maîtres et mes correspondants. Étudier coûte de l'argent... mais il existe des bourses, notamment pour les étudiants étrangers. L'ordre des vecteurs est soucieux de permettre aux non-Gwidrite d'accéder aux révélations de Soustraine. Il faut compter en général environ trois ans pour devenir vecteur diplômé et ordonné. "

Après une pause : "Et comme il faut un peu temps pour que les courriers arrivent à destination, tu peux l'utiliser pour régler tes affaires ici, si c'est ton souhait d'étudier en Gwidre. Je ferais mon possible pour t'y aider."