[OdE Chap. 7-4] La reconnaissance du père I (Madenig)

[Casaïr]

L'échange fut passionné mais un rien court pour Bryn qui visiblement en voulait davantage. Il n'était cependant pas en état -et encore moins en position- de refuser la demande de la jeune femme aux lèvres brûlantes.

"Tu es sûre ?..."

Il abaissa son pantalon, soudain intimidé, et découvrit une cuisse presque entièrement violacée, striée de lignes blanchâtres, signatures cruelles de la morsure du martinet.

"Il voulait que je puisse me rendre utile à la maison, il a donc évité le dos ou les bras. Mais ça ne fait presque plus mal, tu sais ?"

Le garçon mentait, ça se voyait. Les traces de pommade récentes ne masquaient pas la cruauté inscrite dans les chairs du jeune homme.

[Madennig]

Ses doigts tremblant effleurèrent les conséquences douloureuses de ses propres idioties. Des larmes de colère gorgèrent ses yeux : Bremalen avait raison, le service d'ost serait dur pour elle. Tous ces hommes à qui il faudra obéir, ces pères en puissance, ces pères qu'elle déteste tant. Les excuses qu'elle aurait pu prononcer envers Bryn restèrent bloquées dans sa gorge. Au fond, elle ne se sentait pas si fautive...

"Quand je rentrerai du service, nous partirons tous les deux. D'accord, Bryn ?"

Elle aurait eu peut être mieux fait de faire ses excuses. A la place, elle préféra lui donner l'espoir de jours meilleurs.
Sans le quitter des yeux, elle s'allongea lentement à coté de lui. Puis, esquissant un sourire si humble qu'il aurait pu se demander si c'était toujours bien elle qui était à ses cotés, elle lui dit tout bas :

"Tu m'as gagnée... Dépêche-toi d'en profiter avant que je ne change d'avis..."

[Casaïr]

Voilà bien quelque chose à ne pas dire à un jeune homme !

Bryn, tout sourire, se redressa et embrassa la jeune fille tandis qu'une de ses mains s'en allait se promener sur son corps, débutant par sa poitrine, puis descendant jusqu'à...

"Bryn ? Où tu es mon vieux ?"

C'était la voix de Rob, un des amis du garçon qui décida d'ignorer les appels...

"Bryn, c'est important ! Bremalen a réunit tout le monde sur la place !"

Cette fois il s'interrompit bel et bien. Le demorthèn recourait très rarement aux réunions, les rendant toujours extraordinaires. Cela pouvait donc être soit très mauvais soit très bons. Avec une grimace, Bryn lâcha :

"Vas-y, je te rejoins."

L'importun parti, Il se tourna vers sa conquête, contrit.

"Désolé, mais je crois qu'on va devoir y aller avant que des adultes ne viennent nous chercher et nous trouvent l'un sur l'autre."

[Madennig]

La magie opérait enfin, librement.

Mais c'était sans compter sur cet empêcheur de tourner en rond de Bremalen. Elle avait oublié de revenir le voir pour s'excuser et bien sûr il se vengeait. Elle ne savait pas comment, mais sûrement que des sauterelles s'étaient ruées chez lui pour le prévenir que Madenig allait encore faire des siennes !...
Elle grogna presque quand Bryn commença à lui expliquer qu'il fallait y aller. Elle tenta tout de même de le faire changer d'avis, lui montrant au travers de quelques baisers qu'il serait bien mieux ici que sur la place du village... Mais le jeune homme était bien plus raisonnable que Madenig, et cela ne servait à rien.

"Je n'irai pas." gronda-t-elle, mécontente, en croisant les bras contre sa poitrine presque dévoilée. "Vas-y si tu veux, je t'attends là."

Il y avait peu de chance qu'elle ait la patience de l'attendre, mais ce petit mensonge était trop délicieux pour pouvoir s'en passer.

"Tu me raconteras..."

[Casaïr]

Bryn regarda Madenig qui boudait, un sourire en coin. Il se rhabilla rapidement, embrassa sa belle dans le cou, lui mordilla le lob de l'oreille pour ensuite emprisonner ses lèvres entre les siennes.

"Tu sais, souffla-t-il, ça risque d'être intéressant. J'ai entendu dire qu'il préparait un "coup". Bon, le tuyau vient d'Aedan et on sait tous les deux ce que ça vaut, surtout que je ne suis même pas certain qu'il ait lui-même comprit de quoi parlait Bremalen."

Il se leva et tendit doucement la main vers la jeune fille.

Qu'elle accepte ou non, Bryn s'en irait (promettant de revenir si elle s'entêtait).

[Madennig]

Même si maintenant elle suivait Bryn pour rentrer, elle restait en arrière pour mieux resserrer les liens de sa chemise et de son pantalon et secouer ses cheveux pour en faire jaillir les brin d'herbes sèches.
Tout cela l'avait mise de mauvais poil.
Madenig ne dissimula pas son humeur massacrante quand ils arrivèrent sur la place. Elle se contenta de lancer un regard plein de reproches au demorthèn, de loin, avant de se mettre en retrait derrière les autres villageois.
Bryn avait du se rapprocher de ses parents ou de ses amis, mais de son coté, elle préférait rester en dehors du cercle.

[Casaïr]

Bremalen s'assura que tout le monde était là, faisant un signe de tête aux éventuels retardataires -Dont Bryn et Madenig- avant de toussoter dans sa main.

"Mes chers amis, je vous remercie d'avoir répondu à mon appel. Vous vous doutez bien que je ne vous aie pas réuni sans raison. Je tenais à vous parler de la jeunesse de Salaïs, et plus particulièrement de nos jeunes entre quinze et seize ans."

Quelques grommellement se firent entendre, aussi bien d'adultes "responsables" qui ne comprenaient plus "la jeunesse d'aujourd'hui" que des jeunes qui se sentaient désignés comme fauteurs de troubles, Madenig en tête. Bremalen leva les mains pour faire revenir le calme avant de reprendre.

"Nous devons bien admettre que, là où nous vivons, il n'y a pas grand chose pour occuper des jeunes en pleine croissance et qui cherchent encore leur place dans le monde des adultes..."
"Y a qu'à les envoyer dans les champs", rouspéta le vieux Tom*, et ses propos furent applaudis par quelques autres villageois, vite découragés par le regard plus sévère de Bremalen.
"C'est vrai, nous pourrions faire cela, concéda-t-il, mais ne serait-ce alors pas prit comme une punition ? Moi je pense qu'il faut canaliser plutôt que contrarier. Faites-en l'expérience avec une rivière : faites un barrage pour l'empêcher de passer, que fait-elle ? Elle gonfle, enfle tant et plus pour finalement se déverser sur les côtés, noyant les rives, saccageant la terre. La nature reprend toujours ses droits, et nous n'échappons pas à cette règle."

Les gens remplissant la place ne pouvaient qu'accorder ce point au demorthèn souriant. Il poursuivit.

"Nous n'avons pas grand-chose donc, mais nous avons ces jeunes, et je pense qu'il faut leur donner une chance de faire leurs preuves : je vais organiser une collecte dès maintenant, et remettre la somme ainsi récoltée au vainqueur du tournoi que je vais présider. Celui-ci gagnera en plus une lettre de recommandation qu'il pourra remettre à la caserne Hilderine de Llewellen afin d'avoir la chance, un jour, de devenir chevalier."

La nouvelle cloua sur place tout le monde. Madenig en se tournant vit l'air ébahi que lui renvoyait Bryn. C'était là sa chance ! Elle pourrait enfin prouver à tout le monde, y compris son père, ce qu'elle valait vraiment ! Mais Bremalen n'en avait pas terminé.

"Il y aura plusieurs disciplines pour tester nos chers enfants : Course d'orientation, escalade -à ce mot, Bremalen fusilla littéralement du regard Madenig tout en continuant de sourire-, combat à l'épée de bois, et même tir à l'arc pour ceux qui s'en sentent capables. Vous avez deux semaines pour vous préparer, bonne chance à tous."

Et les jeunes exultèrent.

Spoiler () :

* Il y a toujours un vieux Tom quelque part pour bougonner sur les jeunes

[Madennig]

Madenig se sentait aussi excitée que le reste des enfants du village. Voilà de quoi animer les conversations avec des pronostics farfelus et occuper les jeunes avec des entraînements pendant deux semaines. Mais au fur et à mesure que les familles se recomposèrent en cercle autour de leur propre progéniture pour l'encourager, Madenig sentit le vide qui se formait autour d'elle, et son humeur bougonne reprit doucement le dessus.
Au lieu de chercher un quelconque encouragement auprès de son père, elle fila directement dans la maison de Clervie. Maintenant assise sur le lit, elle restait à attendre dans la pénombre de la chambre de la dàmàthair que celle-ci rentra chez elle.

[Casaïr]

En filant comme elle le fit, Madenig ne vit pas la tête de Bryn. Elle arriva rapidement chez la dàmàthair qui vivait dans une maison fortifiée à même de protéger les enfants du village, mélange de pierre et de poutres robustes. La chambre de Clervie se trouvait à l'étage, jouxtant la pièce qui servait de dortoir aux touts petits, face à l'escalier.

Madenig dût attendre un long moment avant que Clervie n'arrive. Elle l'entendit ouvrir la porte du bas puis la refermer en chantonnant un air guilleret, gravit l'escalier avant de rentrer dans la chambre, surprise d'y voir l'adulescente.

"Madenig ? que fais-tu ici ? Après l'annonce de Bremalen je m'attendais déjà à te voir courir partout en houspillant les garçons de faire plus d'efforts."

Elle lui sourit gentiment avant de s'asseoir à ses côtés.

"J'ai vu Keelin tout à l'heure. Elle m'a dit avoir traîné du côté du moulin et vu deux jeunes gens en plein ébat..."

Elle lui jeta un regard en coin amusé, mais ce n'était pas forcément du goût de Madenig : Keelin était une jolie brune aux yeux gris mais surtout au tempérament de peste qui adorait colporter des ragots.

[Madennig]

Madenig soupira d'impatience lorsque Clervie lui souria en racontant ce que la petite peste avait vu, elle n'était pas d'humeur. Tout ce temps à attendre sa Dàmàthair lui avait permis de tourner et retourner la situation dans sa tête. Et rien n'allait comme elle le voulait. Le dos courbé par ses petits soucis, elle lança un bref regard gêné à celle qui l'avait quasiment élevée, à celle qui en avait vu de toutes les couleurs par sa faute, à celle qui regardait en ce moment même son petit mouton noir avec tendresse.

"Tu peux me rendre jolie ? Une robe peut être, une coiffure ? Et vite s'il te plait..."

Madenig regarda par la fenêtre, le jour commençait à décliner. Cela semblait l'inquiéter.