[OdE Chap.7-64] La maison des fermiers - 13h

[Casaïr]

Pendant ce temps, Maorn guidait Kiddle à l'étage. Chacun des murs était percé d'une porte, celle directement face à eux était ouverte et il était possible de voir une masse de cheveux châtains dépasser de derrière le grand lit, surmontant deux grands yeux curieux. Les deux autres, sur leur droite et derrière eux, étaient pour le moment fermées. Maorn se dirigea sans la moindre hésitation vers celle qui se trouvait dans leur dos à leur arrivée sur le palier éclairé uniquement par la lumière provenant à la fois du rez-de-chaussée et de la seule chambre ouverte.

"C'est ici, expliqua le garçon, c'est la chambre d'mes oncles."

Il poussa le battant et force était de constater que, toute agréable qu'elle pouvait l'être, la chambre n'avait ni le luxe ni le confort de celles du château : il y avait ce qu'il semblait être deux lits de camps, faciles à démonter et à transporter, aucun coussiège près de l'unique fenêtre faisant face à l'ouverture par laquelle les deux adolescents venaient d'entrer -la dite fenêtre n'étant d'ailleurs pas faite de verre mais de papier huilé et muni d'une simple planche de bois amovible en guise de volet-, pas de tapisserie accrochée au mur ni tapis au sol et il y faisait assez froid. Il y avait toutefois un réchaud dans lequel il était possible d'y mettre des braises afin de chauffer la pièce et au pied de chaque lit se trouvait un petit coffre à vêtements.

"Sont vides, renifla Maorn comme pour répondre à la question muette de Kiddle qui ne serait sans doute jamais venue. Vous pouvez y poser vos affaires. Vais chercher le sac de ta p'tite copine pour le ranger. P'pa y dit que c'est être... galant ou chais pas quoi. Un truc d'adulte quoi."

[Kiddle]

Mais Kiddle ne l'entendait pas de cette manière et, avant que Maorn ne quitte la petite chambre, il referme la porte et secoue la tête.

Non, mais attends.

Pourquoi ils sont vides ces coffres ? Ils habitent où tes oncles ?

[Casaïr]

"Bah ici, mais ils sont pas du genre à s'encombrer de beaucoup d'affaires, expliqua Maorn sans se démonter. Une partie de leurs habits sont dehors, M'man doit les repriser. Du coup, ils partent le plus souvent 'vec c'qu'ils ont sur l'dos. C'des..." Il semblait chercher un mot. "... Des propres à rien comme dit m'man. J'comprends pas trop c'qu'elle veut dire par là mais bon. Elle s'plaint souvent qu'ils lui donnent plus de travail qu'aut'chose."

Il rouvrit la porte fermée par Kiddle, non sans le regarder d'un air étonné.

"Et sinon, ils z'ont une cabane dans la forêt avec leurs outils et tout, ils sont plus souvent là-bas qu'ici au final, y viennent à la maison surtout pour s'ravitailler et faire recoudre leurs vêtements. Parfois ils restent un ou deux jours pour s'reposer mais pas beaucoup plus. C'pour ça qu'la chambre est pas beaucoup utilisée, mais m'man la garde parce que c'est les frères de p'pa et que ça ferait mauvais genre de les virer pour de bon. Un truc comme ça. D'ailleurs y d'vraient bientôt rentrer, leurs ventres doivent commencer à leur rapp'ler l'chemin d'la maison. Sont pas très bons chasseurs !" s'esclaffa le garçon à ces mots.

[Kiddle]

Il craignait de voir Maorn fondre en larmes et foncer tout droit dans les jupes de sa maman, mais le cadet ne se laissait pas facilement impressionner. Il lui tint la porte pour le laisser passer, à la fois interdit et amusé :

Ah bon ?…C'qui fait q'tes oncles vivent dans la forêt sans savoir chasser ? bah…

Il le suivit dans l'escalier.

Ouais... t'as vu mon arc, et t'sais chuis pas mauvais à l'arc, j'pense même que j'vais tirer kék'flèches avant la nuit, si ça t'intéresse.

[Casaïr]

"C'pas c'qu'on leur demande non plus, rétorqua Maorn. Ils prennent des provisions, ici ou en ville et après ils filent en forêt pour ho-no-rer les commandes. Un truc comme ça."

Il avait fait bien attention de ne pas écorcher ce mot qui semblait important dans le dialecte obscur des adultes. La mention de l'arc de Kiddle cependant lui fit immédiatement oublier l'absence de ses oncles et attisa la curiosité du garçon.

"Tu pourras me montrer comment on fait ? J'sais bien que quand j'serais grand, faudra que je reprenne la ferme de p'pa et m'man mais savoir tirer à l'arc, c'est chouette ! Et Hiler dit que ce qui est chouette ça attire les filles."

[Kiddle]

Ouais d'accord Maorn, pendant q'les femmes discutent, tu m'trouves une botte de paille pour apprendre à tirer des flèches c'est mieux.

[Amnèsya]

Ethel discuta avec Alienor. De tout et de rien. Ça tournait autour de la vie du village des gens. Elle était toujours curieuse même elle était pas contre simplement observer et se poser tranquillement.

[Casaïr]

Deux heures passèrent tranquillement, temps pendant lequel Kiddle montrait à Maorn comment tirer à l'arc sur un couvercle de tonneau récupéré pour l'occasion (La fenaison n'était pas encore vraiment possible pour le moment, trop d'humidité dans les champs) tandis qu'Azenor et Ethel discutaient de tout et de rien. la jeune Nolwenn avait fini par descendre rejoindre sa mère, le regard dévoré de curiosité devant l'étrange accoutrement de l'Eisdeach mais n'avait encore pas pipé mot.

Bientôt, un brouahaha composé de bêlements et de piétinement se fit entendre alors que des moutons approchaient de la ferme, guidé par un homme à la longue barbe poivre et sel et à la chevelure identique. Toujours dehors, Kiddle et Maorn furent les premiers à voir venir le troupeau, jusqu'à ce que le gamin ne s'élance vers l'adulte.

"Papa !"
"Hola ! répliqua l'inconnu en souriant. Tout doux, sinon tu vas encore affoler les moutons et je vais devoir encore leur courir après."

Il nota la présence du jeune vagabond et le salua d'un geste de la main.

"Bonjour !"

[Kiddle]

Kiddle donnait quelques conseils de tir à l'arc et encourageait Maorn. Il récupérait les flèches qui n'avaient pas atteint leur cible lorsqu'un homme qui menait un troupeau fit son apparition. Il répondit à son salut en se redressant.

Bonjour m'sieur.

Il savait que la journée de travail était loin d'être terminée pour le fermier, il lui proposa simplement de l'aide mais tout en restant à distance.

Vous allez tondre vos bêtes ? besoin d'un coup d'main ?

[Madennig]

Azenor en entendant la voix de son mari, ne se leva pas tout de suite. Elle prit le temps de finir le rang en cours du tricot. Nolwenn avait joué en silence avec des bouts de laine, pendant que les deux femmes échangeaient avec calme sur différents aspects de leurs vies respectives.
La petite dernière était finalement assez sage. Ethel put remarquer qu'une fois la curiosité pour elle-même se fut tari, c'était au tour des garçons dehors d'être espionné au travers d'un interstice de la fenêtre.
Maintenant, il fallait préparer le dîner, mettre la table... La routine, ou presque. Au moins ce soir, ils auraient des invités !