[OdE - Chap.7-12] La reconnaissance du père II (Madenig)

[Casaïr]

"Mmm ?"

Aeldred se retourna en s'appuyant sur un coude, un peu surpris.

"Qu'y a-t-il ?"

[Madennig]

Après qu'il se fut tourné, elle répondit, toujours tout bas :

"Rendors-toi... "

Puis elle sortit son bras du sac de couchage et tendit une main vers lui, avec un sourire doux.
Leurs sacs étaient tout de même éloignés de 30 centimètres au moins. Et sa main se trouvait maintenant entre leurs deux territoires. Ouverte et attendant patiemment que lui aussi fasse un geste.

[Casaïr]

Aeldred haussa davantage les sourcils. Il regardait la main de la jeune fille, cherchant visiblement quoi faire pour finalement prendre une décision : celle de s'en rapprocher. Rampant comme un ver de terre, il combla doucement l'espace les séparant. Ce n'est qu'à une dizaine de centimètres au plus qu'il s'arrêta.

"Ça va être difficile, tu viens de me couper dans mon élan", la taquina-t-il en souriant.

Il prit néanmoins la main de Madenig dans la sienne tout en s'allongeant. son regard plongeait dans celui de l'ostienne, tandis que sa main libre tentait de s'avancer jusqu'à sa joue.

[Madennig]

La main qui tenait maintenant celle de Aeldred serra doucement sa prise. Madenig n'avait que des petites mains, mais elles étaient abimées par les entrainements à manier épées, haches, et arcs.
Elle se laissa approcher la joue, et ferma les yeux, laissant entrevoir dans la pénombre un visage serein et encore un peu souriant. Il lui sembla qu'elle lui disait "merci..." quand elle sombra dans un sommeil sans rêve : une sorte de petit miracle en soi.

[Casaïr]

La nuit de garde fut calme et ennuyeuse de l'avis de Madenig après avoir été réveillée par Cerdan, sa main toujours dans celle d'Aeldred. Son ami d'enfance se garda bien de la moindre remarque mais avait l'air content pour la jeune fille. Après un petit déjeuner rapide, la troupe reprit la route et ce fut en milieu d'après-midi qu'ils aperçurent d'autres voyageurs allant ou revenant de Llewellen. Après des adieux bien différents suivant les convoyeurs et des remerciements de circonstance, les ostiens reprirent la route de Louarn.

Le soir rattrapa vite les jeunes qui durent se mettre en quête d'un abri. Heureusement, les deux anciens connaissaient un peu le coin et savaient qu'il y avait une petite cabane de pêche pas loin.

"C'est pas très grand mais on devrait pouvoir tenir dedans. Y a que deux lits par contre, une fois arrivé on tirera au sort ceux qui y auront droit. Pas besoin de tour de garde pour le coup, c'est franchement calme ici."
"On pourra même faire un brin de toilette", soupira d'aise Aeldred.

Le temps d'arriver à la cabane, le crépuscule s'était bien installé, parant le ciel de rouge et d'or. La rivière qui coulait paresseusement à quelques mètres de la cabane leur permit de se raffraichir avant d'en récupérer dans un seau pour la faire chauffer.

Rigann se tourna vers les nouveaux alors qu'Aeldred s'affairait à préparer le souper.

"Alors, vous en avez pensé quoi de votre première sortie ? C'était calme mais ça fait toujours prendre un peu l'air."

[Madennig]

Madenig regarda Cerdan, avec un demi-sourire, puis ses bottes. C'était vrai que ça lui avait fait du bien. Une saine fatigue saisissait son corps, et l'envie de rentrer dans l'Ordre Hilderin se faisait plus vif aussi. Mais elle ne préférait pas parler de ses projets aux ostiens.
Des gouttes d'eau perlaient encore de son menton, elle venait de se laver le visage et les mains.

Finalement, elle répondit à Rigann.

"Ça m'a vraiment plu. Comptez sur moi pour toutes les autres fois. Je préfère de loin escorter des convois que de broder des fleurs, c'est certain."

Elle laisse passer un instant, espérant au moins leur arracher un sourire avec cette dernière phrase, avant de reprendre.

"Et vous ? Vous ferez quoi après ? Vous avez bientôt fini votre année."

[Casaïr]

Rigann leva la tête et la tourna à demi dans la direction de Llewellen.

"Moi je vais sûrement m'installer dans les parages. Je veux dire, pour Goulven c'est le plus simple, elle est l'aînée d'une famille de six enfants alors que moi je suis fils unique. Et puis, mes parents ne sont pas si loin, je pourrais toujours venir les voir souvent. Et toi 'Dred, une fille à retrouver peut-être dans ton chez-toi ?"

Aeldred se rembrunit instantanément, toute joie semblait s'être envolée.

"Personne ne m'attend chez moi, sauf ma sœur."

Ces quelques mots refroidirent l'atmosphère.

"Désolé, 'Dred, je voulais pas..."
"C'est pas grave. Tu pouvais pas savoir. On a pas tous une famille à problème ici." Puis, dans un soucis de détendre l'ambiance, il reprit : "Et si on faisait le tirage au sort pour dormir ?"
"Ouais, bonne idée."

Cerdan alla ramasser quatre bâtons et en cassa deux à la moitié. On les déposa dans un sac puis, chacun son tour, les ostiens plongèrent la main dedans pour savoir s'ils dormiraient par terre ou dans un lit cette nuit. La bâton qu'Aeldred récupéra était l'un des plus courts, ce qui ne sembla guère l'étonner. Madenig en tira un long tout comme Cerdan, ne laissant à Rigann que le deuxième court.

"Bon, les anciens par terre, les bleubites dans les lits. Y a pas de justice si vous voulez mon avis."
"J-je peux échanger si vous voulez..."
"Non Cerdan, on a décidé des règles tous ensemble, on les a accepté. revenir dessus serait injuste. Allons nous installer."

Les ostiens firent de la place pour installer les sacs de couchage au sol avant de sortir et de permettre à Madenig de s'installer la première sous les draps. Puis les trois garçons rentrèrent et s'allongèrent à leur tour avant de rapidement s'endormir. Un mouvement au sol réveilla immédiatement Madenig. Aux aguets elle jeta un œil et vit Aeldred se lever avec son sac et sortir aussi discrètement que possible.

[Madennig]

Madenig s'en voulait un peu quand même d'avoir lancé ce sujet. Mais seulement un peu. La question avait été déviée... Et surtout Aeldred n'avait pas vraiment répondu. Elle ne proposa pas son lit comme Cerdan, acceptant la règle à son tour, et fut contente de s'endormir. Un rêve oppressant commençait déjà à raidir son corps quand la sortie de Aeldred la réveilla.
Les deux autres dormaient et tout en posant sa cape sur les épaules, et en enfilant ses bottes sans les lacer, elle supposa qu'il ne pouvait pas dormir...

Une fois dehors, elle s'aperçut qu'il s'était assis près de la rivière et commençait à s'allonger. Elle n'hésita pas une seconde avant d'aller le rejoindre et de s'assoir juste à coté de lui.

"Tu veux mon lit ? Tu trouveras peut être plus facilement le sommeil que sur le sol dur." dit-elle assez bas pour ne pas troubler le calme du décors.

[Casaïr]

L'arrivée de Madenig le fit se redresser pour l'observer. Le regard d'Aeldred semblait briller dans la semi obscurité d'une lune à demie pleine.

"Désolé, je ne voulais pas te réveiller. Tu peux retourner te coucher, il fait trop chaud là-dedans pour moi. En plus, j'ai beau apprécier Rigann, l'entendre ronfler si près de mon oreille ne me donne pas vraiment envie d'y retourner", plaisanta-t-il.

il tendit une main pour prendre celle de la jeune fille et elle put se rendre compte à quelle point celle-ci était brûlante.

"Tu as encore des problèmes pour dormir ? Tu peux rester un peu si tu veux. Si ça peut t'aider."

[Madennig]

Quand elle prit la main de Aeldred, elle s'inquiéta. Elle posa sa main sur le front de celui-ci, comme Clervie avait pu le faire des centaines de fois avec les enfants dont elle avait la garde.

"Tu vas bien...?"

Et au lieu de répondre directement, elle continua.

"Comment je vais faire quand tu seras plus là ?"

Elle le regarda dans les yeux, cherchant intensément une réponse en lui. Elle semblait vraiment démunie face à sa nouvelle solitude programmée.

"Tu es mon binôme. Je saurais rien faire sans toi, même pas dormir correctement."

Puis elle sourit tristement, et baissa les yeux.

"Il vaut mieux que j'en profite tant que tu es là... Fais moi une place !"