[OdE - Chap.2.1] La dernière limite

[NailsEater]

Prenant d'un coup un air malicieux, elle s'approcha du jeune homme, le fixant dans les yeux, puis glissa à son oreille en répétant ses propres mots

- "on peut sûrement faire plein de trucs dedans"

Elle s’éloignât d'un coup, un sourire rayonnant :
- Tss je pourrais presque croire que tu envisageais autre chose que de voir cette atelier ! Attention à ce que tu dis !

Se dirigeant alors vers la porte, elle montra la sortie et ajouta :

- Après vous, mon cher hôte libidineux !

[Casaïr]

Aeldred faillit avaler sa langue quand Oanell lui ressortit sa propre phrase qui, toute innocente qu'elle en avait eu l'air au début, prenait maintenant un tout autre sens.

"T... tu..."

... ne perds rien pour attendre ! se promit-il, rougeoyant comme un feu de forêt et la gorge plus sèche que jamais. Bien sûr, il ne voyait pas encore comment se rattraper mais une occasion se présenterait sans doute ! Se levant presque sans trébucher, il ouvrit la porte après avoir attrapé une lanterne au passage, laissa galamment passer la jeune femme avant d'avancer d'un pas raide en direction de l'atelier. En passant, il lui montra le reste du terrain dont il avait hérité en reprenant la maison de ses parents : la clairière traversée par une clôture à la fois pour se protéger lui comme ses quelques poules des animaux sauvages, le poulailler au fond avec ses poules trop bien nourries, le grenier surélevé à la porte barrée actuellement, l'ancien potager côté ouest transformé en champ de tir improvisé, expliquant ne pas vraiment avoir la main verte, le ruisseau juste derrière.

L'atelier, quant à lui, était du côté est de la maison et était doté de deux portes : une avec un seul battant, qui portait toujours les stigmates de ce jour où les autres habitants l'avaient enfoncé pour tenter d'empêcher l'irréparable, et la grande double porte utilisée pour charger le chariot. C'est par celle-ci qu'il décida d'entrer, sachant par expérience que l'autre était de toutes façons trop abîmée pour s'ouvrir sans s'arracher de son chambranle. La rouille avait fait son œuvre avec les années, et c'est en ahanant sous l'effort qu'il parvint à ouvrir l'un des battants. Il alluma sa lanterne de façon à ce que sa flamme brille vivement. elle consommerait plus d'huile mais l'obscurité de ces lieux ne valait pas qu'il souffre pour elle.

Finalement, il entra le premier et un trop plein de souvenirs le submergea. Même si les lieux étaient dans un état déplorable (toit crevé presque en son centre, les divers établis disparaissant sous les gravats, la poussière et autres saletés), il revoyait son père y travailler comme si c'était hier. Si sa spécialité était dans la fabrication de tonneau, c'était aussi un bon charpentier, et il se souvint de tout ce qu'il avait fabriqué de ses mains. Il tremblait légèrement pendant qu'il regardait autour de lui et que des images se succédaient. Il évita ostensiblement de regarder un endroit qui, malgré l'état des lieux, ne laissait aucun doute sur ce qui était arrivé. La tâche brunâtre, trop grande, trop horrible, et la hache toujours présente juste à côté, personne n'ayant osé y toucher.

C'était peut-être pas une si bonne idée que ça...

"Voilà ! claironna-t-il, espérant détourner Oanell de cette vision malsaine, c'est là que mon père travaillait. C'est plutôt vaste et une fois remis en état, je suis certain qu'il y a moyen de faire de grandes choses ici, mais je n'ai pas vraiment les talents nécessaires, et encore moins les idées. En fait, si j'arrive à redorer mon image, j'aimerai bien demander l'aide des gens d'ici pour réparer le toit, peut-être remplacer les poutres maîtresses pour stabiliser la structure affaiblie par des années de négligence, réparer les portes pour éviter de se casser le dos chaque fois qu'on veut entrer ou sortir, enfin bref, redonner à l'atelier tout son intérêt. Tu en penses quoi ?"

[NailsEater]

Oanell observa les lieux. Les proportions plus que raisonnable du lieu lui plurent. Il y avait, en effet, de quoi faire avec cet espace. Son regard finit par se poser sur la hache dans un coin de la pièce, réprimant un frisson elle décida de ne pas réagir et continua son inspection de l'atelier. Il y avait ici un nombre conséquent d'outils et de matériel. Son âme d'artiste déplora l'état dans lequel ils se trouvaient.

Elle attrapa un des ciseaux à bois sur l'établit et commença machinalement à frotter la rouille.

-Je ne saurais te dire dans l'immédiat quoi faire de cet endroit, mais il est évident qu'il y a un potentiel non négligeable. Pour commencer peut être remettre les outils en état et stockés, au moins les petits, dans la maison pour qu'ils ne prennent plus la rouille. Tu voudrais le garder en atelier de tonnelier ?

Elle continuait de fureter un peu partout même si le manque de lumière ne l'aider pas beaucoup. Essayant de mesurer l'espace et de noté les travaux à faire. Outre le toit, la remise en état des outils sera un chantier à prendre en compte. Le bois près de l'ouverture du plafond avait moisi et la porte principale semblait condamnée.

- Pfffiou ! En tout cas, il n'y a pas de quoi s'ennuyait avec cette maison.

[Casaïr]

"Je ne sais pas trop en fait, avoua Aeldred. Mais c'était un lieu où mon père pouvait exprimer son talent, et pas qu'en fabriquant des tonneaux ! Alors, si quelqu'un de créatif souhaite en faire quelque chose..."

Il vit Oanell en train de fureter dans les vieux outils tout en parlant de les préserver et fut plutôt content qu'elle s'attache à cela plutôt qu'au reste.

"J'ai déjà récupéré quelques outils à la maison. Pas tous, bien sûr, mon père avait pratiquement un instrument pour tout, mais j'ai ceux qu'il préférait. Il les gardait dans une sacoche de cuir huilée qui, si elle n'a pas survécu à presque dix ans ici, a permis par son sacrifice de préserver son contenu. Je les ai nettoyé et depuis, je les utilise lorsque j'ai besoin de faire quelques travaux."

Il s'approcha de l'endroit où se trouvait Oanell mais trébucha sur une latte du sol déclouée, évitant la chute en se rattrapant à la jeune femme.

"P-pardon ! Je... ne voulais pas ! On ne voit pas grand chose ici, et les fenêtres sont en trop... mauvais état pour qu'on..."

Il se recula légèrement et eut un mal fou pour détourner le regard de celui de la jolie barde. Il tenta de reprendre contenance en toussant, mais c'était peine perdue. Finalement, il fit mine de se diriger vers la sortie en tendant la main vers Oanell.

"On rentre à la maison ?"

[NailsEater]

Elle attrapa la main q'u'il lui tendit et le suivit jusqu'à la maison. Une fois sur place, elle attrapa son paquetage et sa lyre.

- Je pense qu'il ne nous reste qu'à aller attendre ! Prêt ?

Elle regrettait un peu de devoir lâcher les outils et la maison d'Aeldred. Quelque part cette endroit lui redonnait un peu de son mentor. Il lui faisait penser à ses diverses maison qu'ils avaient habité ensemble. Tantôt petite et peu agréable, tantôt belle et offrant du bon vivre. Ses instants de vie avec Briaval lui manquaient. Pour cela, elle était heureuse d'avoir rencontré Aeldred.

- Tu sais, j'avais envisageais d'apprendre la lutherie pendant un moment. Cependant, le côté un peu instable de ma vie d'avant n'aidant pas je n'ai jamais dépassé le stade de quelques conseils par ci, par là.

Elle ne savait pas trop pourquoi elle lui racontait ça. Ça manquait d’intérêt mais elle en avait eu envie.

- D'en parler, ça me rappel la première fois que je suis tombée amoureuse.

[Casaïr]

"Une lutherie ? répéta-t-il en récupérant ses affaires. L'idée est plutôt plaisante je trouve. Et puis, j'imagine que quelqu'un qui aime les instruments comme toi saurait exactement comment concevoir un bel objet de ce genre."

- D'en parler, ça me rappelle la première fois que je suis tombée amoureuse.

Il avait tout juste enfilé sa veste de cuir quand il suspendit son geste. Pendant un moment, il ne fut pas certain d'avoir bien entendu mais il devait se rendre à l'évidence : c'était bien l'une des premières fois qu'elle évoquait son passé sans qu'il la questionne dessus.

"La... première fois ?"

Le temps avait comme suspendu son vol. Aeldred n'était pas bien sûr de la tournure de la discussion, ni quoi dire pour ne pas brusquer la jeune femme. Il ne savait même pas où elle voulait en venir ! Déglutissant avec peine, il la regarda en se demandant de quelle façon relancer la discussion.

"J'imagine que ce devait être... un bon souvenir, non ?"

Paaaaaaarfait ! Avec ça, je vais passer pour un jaloux si ça se trouve ! Je vais éviter de lui demander s'il y en a eu d'autres, ça m'évitera de m'enfoncer...

[NailsEater]

Oanell pouffa.

- Oui très ! Ça m'est un peu tombé dessus. On ne s'est jamais quittée depuis.

Elle serra fort sa lyre contre son coeur.

- J'ai mis longtemps avant d'avoir enfin l'occasion d'avoir mon propre instrument ! Au début je voulais absolument un luth comme mon mentor mais quand je l'ai vue, j'ai de suite sût que c'était elle l'amour de ma vie, la tendresse de sa voie montrait clairement qu'elle en se moquait pas d'Aeldred. Cependant, ça a été compliqué pour l'avoir ! Elle coûtait un eu cher et nous n'avions pas vraiment les moyens. Briaval a redoubler d'effort au travail et j'ai participé du mieux que je pouvais de mon côté. Et voilà !

[Casaïr]

Le chasseur ne s'était pas vraiment attendu à une telle réponse, mais la candeur d'Oanell le fit rire aux éclats.

Evidemment ! Ca ne pouvait pas vraiment être autre chose ! Et moi, je cours littéralement...

Finissant d'enfiler sa protection, il s'approcha de la jeune femme avec un grand sourire et en secouant la tête.

"Heureusement que tu existes, sinon, je me demande ce que je deviendrai sans toi !"

Et, sans lui laisser le temps de réagir, il l'embrassa sur le front.

"Merci, vraiment", souffla-t-il.

Il faillit l'embrasser pour de bon, enhardi par son geste mais n'en fit rien. En fin de compte, c'était peut-être aussi bien, non ? Il recula avant de se retourner pour prendre son carquois qu'il attacha à sa ceinture avant de faire de même avec son épée. il attrapa son sac, sembla se rappeler de quelque chose et rangea sur une poche de côté son carnet dans lequel il glissa sa plume, ainsi que sa bouteille d'encre qu'il boucha fermement. Puis, il se tourna vers Oanell.

"Prête ?"

[NailsEater]

-Tssss, je te rappel qu'on ne se connait que depuis quelques jours.

Elle sourit néanmoins, touchée par le geste du jeune homme.

"Prête ?"

- Toujours !

Ils se mirent alors en route, Blodwen n'ayant pas donné de point de rendez-vous ils choisirent d'aller attendre devant le château. Blodwen finirait sûrement par passer par là, au pire ...

- Dis moi, je repense à quelque chose. Ce matin à la rosace tu parlais de Lizon ? Vous vous connaissez bien ? Il est rare de te voir lancer le nom de jeune fille comme ça.

[Casaïr]

"On... se connaissait, on peut dire ça."

Entendre Oanell prononcer le nom de Lizon lui fit l'effet d'une douche froide. Il regarda le sol, comme s'il y cherchait quelque chose perdu il y a longtemps.

"C'est... Enfin, c'était ma seule amie quand j'avais quinze ans. Elle avait bravé l'interdiction de son père de me parler, et... j'avais l'impression d'une vie normale à ce moment. Chacun est devenu petit à petit le confident de l'autre, et... Bref, après deux ou trois mois, je me suis rendu compte que je tombais amoureux d'elle."

Il jeta un regard à Oanell, pour voir comment elle prenait l'information avant de reprendre.

"Je ne lui ai jamais dit. A quoi bon, du reste ? son père n'aurait pas vraiment été d'accord, alors je me suis contenté de ça. Ca m'allait bien, même si parfois c'était un peu... dur, poursuivit-il en souriant. Ensuite, j'ai effectué mon service d'ost, puis, comme elle avait un an de moins que moi, ce fut son tour, et au bout de deux ans... C'était fini. Plus de discussions, plus de fou-rire, rien."

"Je ne lui en veux pas, tu sais ? Je me dis que j'ai déjà eu de la chance d'avoir une amie. J'ai été déçu bien sûr, mais c'était mieux. Pour elle je veux dire."

Il prit une profonde respiration, revoyant la jeune fille telle qu'elle était quelques années plus tôt.

"Et aujourd'hui, quelques années plus tard, les seuls rapport que j'ai avec elle, son père ou ses deux petites sœurs, c'est uniquement lorsque je fais le tour des fermes pour voir qui pourrait avoir besoin de moi."

Il eut un rire désabusé avant de dire : "tu vois, ton premier amour a une plus belle fin que le mien !"