[OdE Chap.7-21]Au milieu de la nuit

[Pwyll]

Pwyll remercia Aeldred du regard et d'un signe de tête.

Il parla, tout bas, évidemment :

"Faut être doué pour dresser un rat dis donc. Je sais de quoi je parle... Je suppose qu'on va rentrer pour se présenter et voir ce qu'on peut faire. Rester tout seul, c'est pas malin tu sais dans ce drôle de monde. Nous on est juste de passage ici. Pas d'histoire !"

À vrai dire, il ne desserra pas encore son emprise et emporta le gamin avec lui.

Il se dirigea vers l'issue d'où ils avaient débouché dans la cour. Tout le monde était trempé, il était tard. La vie était toujours aussi bizarre.

[Iris]

Le trio se retrouva dans un couloir obscur, avec un pot de chambre rincé par l'eau de pluie. Ils étaient trempés, il faisait plutôt frais, et il allait falloir déterminer la suite des événements.

[Casaïr]

Aeldred se sentait sale, épuisé et surtout trempé. La nuit était déjà bien assez longue pour lui et elle ne faisait que se compliquer.

"Vu ton comportement de tout à l'heure plus tes propos à mon encontre, sache que tu ne dois ta présence ici qu'à la gentillesse de Pwyll. Tu as donc tout intérêt à répondre à nos questions sans chercher à nous truander si tu veux qu'on t'aide."

Il n'en revenait pas de chercher une solution à un gamin qui était prêt à lui tirer dessus vingt secondes plus tôt. Si ça ne tenait qu'à lui il l'aurait laissé se débrouiller avec les gardes mais la présence du grand gaillard à côté de lui ne le lui permettait pas. Il soupira plus fort encore, exprimant ainsi à la fois son mécontentement et sa résignation.

"Pour commencer, comment t'appelles-tu, d'oû viens-tu et quel âge as-tu ?"

Ainsi démarra l'interrogatoire.

[Kiddle]

Aïe ! Vous êtes méchants...

Toujours sous l'emprise du géant, le gamin ne conteste pas longtemps, inutile de préciser que l'idée de s'attaquer à cet individu devient soudain très très irréalisable.
Ayant vite compris qu'il valait mieux répondre à ce qui semble être un interrogatoire, il se dit aussi qu'une fois son prénom donné l'autre va certainement poursuivre : et où sont tes parents, pourquoi tu traînes tout seul, et tu dois être un voleur, un des ces misérables, et tout le tralala.

Ki..Kiddle ! Aïe mes parents m'attendent, ils doivent s'inquiéter à l'heure qu'il est hein...vous voulez pas avoir de soucis avec mon père... ho aïe..heu mon père est quand même costaud...aïe ho, arrêtes tu me fais mal !

La voix essaie de paraître honnête, mais curieusement tout ça ne colle pas au personnage, vont-ils s'en apercevoir ? Après tout il fait noir, il pleut, ils n'ont peut-être pas vu que Kiddle avec ses cheveux emmêlés, ses haillons, son teint hâlé, ressemblait plus à un sauvageon qu'à un gosse de bonne famille.

[Pwyll]

Pwyll tenait toujours Kiddle d'une main, pour éviter qu'il se fasse la malle...

"Bah non, Kiddle on n'est pas méchant. Réfléchis. T'as l'air d'un voleur et t'as menacé mon ami de le tuer, pour rien. Notre seul tort cette nuit, c'était d'avoir la chiasse. On te dénonçait au garde, tu finissais sans doute à la potence. Réfléchis avant de débiter des conneries. Qu'est-ce que tu fous là ?"

[Kiddle]

Bah c'est quoi la chiasse ?

Disant cela, il rentre la tête dans les épaules de crainte que le colosse ne lui file une torgnole.

Hein bah je réfléchis avant de dire des conneries monsieur, et moi je te dis monsieur que j'ai rien volé tu peux vérifier. Mais là ça va être difficile dans le noir...

[Casaïr]

"Tu n'as rien volé encore", rectifia Aeldred en levant un doigt. "Mais tu n'es pas du château sinon tu ne serais pas sauvé en nous voyant et tu m'as tout de même menacé avec ton arc. Cette seule raison est suffisante pour te punir."

Il regardait l'adolescent et ce qu'il en discernait rentrait en contradiction avec ses dires. Il semblait encore plus pauvre que ne l'avait été le clerc à une époque, plutôt malingre -pour ne pas dire maigre- mais possédait malgré tout un arc. Il devait donc être habitué à l'utiliser, à chasser pour subsister à ses propres besoins. Cela lui pinça le cœur mais il ne devait pas se laisser attendrir. C'était sans doute aussi un menteur invétéré et habitué à se faufiler partout où le lui permettait sa fine carrure, soit pratiquement partout.

"Je remarque que tu n'as toujours pas répondu à la question de mon ami : que fais-tu là ? Et si tes parents sont dans les parages, on te raccompagne jusque chez eux. Hors de question que tu fourres encore ton nez là où il ne devrait pas être. D'ailleurs, si ton père est si costaud, je pense que c'est plutôt toi qui as du soucis à se faire pour avoir osé pénétrer sur le domaine de Dame Mac Mawgan sans y être invité. Remarque, mieux vaut une trempe paternelle qu'une condamnation par la loi. Tu en penses quoi, Pwyll ? "

Aeldred laissait au gamin une chance de dire la vérité. Restait à lui de la saisir.

[Kiddle]

Il relève la tête, mais il est difficile de lire ses émotions car ses cheveux noirs sur les yeux cachent son regard. Seule sa voix continue de le trahir, plus aiguë.

Mon père me laisse faire ce que j' veux, il est mort de toute façon ! Et toi t'es pas mon père, t'es pas du château monsieur, sinon tu resterais pas là avec la chiasse et ton ami dit que c'est la chiasse qui fait que vous nous avez surpris. Dès fois ça t'arrive d'être surpris hein tu comprends c'que j'veux dire ? Bah moi j'ai pas le problème de la chiasse, j'ai le problème de la faim!

[Pwyll]

Pwyll fut parcouru de secousses irrégulières et laissa échapper un gloussement en décalage avec sa masse imposante.

"C'est pas si éloigné la chiasse et la faim, mais je reconnais que la faim donne sans doute plus de motivation que la chiasse à se promener de nuit dans un château, même si Dred et moi on serait une sorte de contre exemple."

Pwyll desserra l'étau de sa main sur Kiddle, pour poser une prise plus amicale sur son bras droit.

"Si j'comprends bien, tu peux compter que sur ça pour te nourrir. Mais t'as vraiment une famille à nourrir aussi ? S'il est costaud ton père, il devrait pouvoir trouver du travail. Du travail, nous on pourrait peut-être en avoir à proposer, contre de la nourriture déjà, mais faudrait plus quelqu'un de malin et discret, qui connaît la nature, une sorte d'éclaireur. On en avait un, mais, tu vas rigoler, il s'est mis à préférer les livres ! On n'a pas vraiment besoin d'un père de famille costaud par contre, plutôt quelqu'un de libre qui voudrait voir un peu du pays."

[Casaïr]

"Hé, j'ai toujours aimé lire ! répliqua Aeldred en souriant. Mon père avant commencé à m'apprendre avant que... bref, de toutes façons tu as une dette envers nous -tu peux demander à Pwyll, il s'y connait sur le sujet-, et effectivement, on a peut-être une place pour toi quand on rentrera à Terfynisel, à la condition que tu arrêtes le chapardage."

Il s'apprêtait à ajouter que les gens au village étaient gentils mais il n'était pas vraiment en position de l'affirmer et se ravisa. Ils l'étaient sans doute avec les autres en tout cas. Il se rendit compte qu'ils ne s'étaient pas vraiment présentés en bonne et due forme et le clerc mit un point d'honneur à rendre la politesse à Kiddle.

"On ne s'est pas encore présenté : moi c'est Aeldred et le grand corniaud à côté de moi s'appelle Pwyll." Il se tourna vers son ami, l'air interrogatif. "Enfin, on parle de l'emmener dans nos bagages mais il faudrait déjà qu'on en parle à Dame Blodwen et Oanell. On ne peut pas se ramener avec lui la bouche en cœur et en battant des paupières dans l'espoir qu'il soit accepté. Une idée ?"