[OdE Chap. 7-60] L'abbaye de Sainte Isold | 7h45

[Casaïr]

"Je lui en parlerai, elle sera sûrement heureuse de savoir qu'elle a la possibilité d'étudier ici si elle le désire."

Aeldred cherchait comment poursuivre la conversation mais, ne trouvant pas, préféra se concentrer sur sa tisane.

[Pwyll]

Acceptant cette marque supplémentaire d'hospitalité, Pwyll réfléchissait aux paroles rapidement échangées et revint sur un point qui pourrait l'intéresser.

"Ces ouvrages qui décrivent la thé-o-lo-gie, est-ce que certains pourraient parler en particulier des menaces, aussi bien dans le monde concret que dans le mystique ? La façon dont votre religion voit les morcails par exemple. Si c'est vraiment long d'apprendre tout ça, on pourrait au moins commencer par ces sujets si vous n'y voyez pas d'inconvénient, qu'Aeldred sache dès le départ les dangers de tout ça. Quelqu'un pourrait nous trouver votre livre le plus approprié, nous désigner certains passages ?"

[Iris]

L'abbesse questionna un peu les visiteurs sur Terfynisel, sur les moyens dont disposait le frère Fredelme, mais ne chercha pas à approfondir particulièrement. Les tisanes bues, elle guida les visiteurs vers le scriptorium en les confiant à un moine assez âgé, du nom d'Alduin. Elle prit quelques minutes en lui parlant à part pour lui expliquer la situation. L'érudit les invita à le suivre dans le scriptorium.

La pièce était orientée vers le nord , avec des vitraux tout le long, et les pupitres des moines et novices se trouvaient proches de cette source de lumière constante. Des moines et des novices s'exerçaient dans le silence. Il y avait peut-être une douzaines de personnes. Un bureau massif, côté intérieur, était occupé par la responsable du scriptorium, une femme entre deux âges, qui se tournait vers le groupe qui arrivait.

Les livres en consultation -- essentiellement en copie -- étaient ouverts pour la personne qui les étudiait. Les autres ouvrages courants se trouvaient sur des présentoirs, et on devinait un couloir derrière le bureau de la responsable des lieux, avec d'autres livres.

Le guide décrivit sommairement le principe : copier permettait de s'imprégner en profondeur d'une œuvre, c'était un exercice spirituel ; et pour certains, c'était une manière de composer leur bibliothèque ; il y avait en outre bien sûr, la copie à destination commerciale, avec des calligraphes et des enlumineurs qui travaillaient sur le même ouvrage, et parfois beaucoup de monde unifiait ses efforts pour livrer un manuscrit précieux.

[Casaïr]

"Donc, si je comprends bien, résumait Aeldred, si je désire une copie d'un de vos ouvrages, soit je le copie moi-même -en supposant que j'en aie le temps bien sûr-, soit je peux en acquérir un ? J'aimerais en apprendre plus sur Soustraine et les élus en général, que me conseilleriez-vous ? Par quoi devrais-je commencer ?"

Une autre question le taraudait et il regretta de ne pas l'avoir posé à Gudela tant qu'elle était là mais tant pis. Alduin saurait peut-être lui répondre.

"Mère Gudela tenait à ce que je comprenne bien ce que j'étais devenu, et que je devais sans trop tarder démarrer mon instruction. Y a-t-il des conséquences à être un élu non instruit par l'église ? Je veux dire, un élu peut-il... mal tourner, un peu comme les morcails pour les demorthèn ?"

[Iris]

Alduin n'eut aucun mal à répondre à la première question, toujours à voix basse pour ne pas déranger :

" Les saintes paroles de Soustraines bien sûr !"

En 666 pages.

" Les vies de saints et les exégèses apportent un éclairage complémentaire et très précieux, mais l'essentiel reste la révélation du prophète."

La seconde question provoqua une expression de malaise :

" Les morcails sont des sorciers... et les élus qui n'apprennent pas à se protéger... en deviennent aussi, hélas."

[Casaïr]

Six cent soixante-six pages. Aeldred ne s'était pas attendu à un tel pavé. Le devenir d'un élu non encadré en revanche ne le surprit guère : comme pour les demorthèn, il fallait accompagner l'élu afin qu'il ne se perde pas en chemin, c'était quelque chose qu'il comprenait.

"C'est certain, je n'aurais certainement pas le temps de faire ma propre copie, je ne pense pas rester ici suffisamment longtemps."

En tout cas, je n'ai pas prévu de rester plusieurs semaines, se dit-il en imaginant la somme de travail à fournir.

"Sera-t-il possible de venir l'étudier ici tant que je serais à Llewellen ?" demanda-t-il, certain qu'au moins cette solution lui coûterait nettement moins cher que l'acquisition d'une copie en bonne et due forme.

[Iris]

" Certainement. Nous serions heureux et honoré de vous recevoir parmi nous."

" Il y a également des lectures commentées et des leçons pour les croyants et simples curieux de Llewellen. Pour commencer c'est peut-être plus vivant que les heures à étudier les textes."

[Pwyll]

Pwyll avait pris conscience de l'ampleur de la tâche consistant à effleuré les enseignements de ces gens de l'Unique. Il avait espéré obtenir des pistes rapidement, mais rien ne s'obtenait sans effort.

Il se dit qu'en savoir plus sur leur façon de voir les choses ne pouvait pas lui faire de mal.

"Les lectures commentées m'intéressent. Les sujets sont connus d'avance ? Certaines sont-elle consacrées à des sujets comme les feondas ou alors la façon dont le monde est construit d'après l'Unique ?"

[Iris]

La partie de phrase "d'après l'Unique" fit un peu tiquer Alduin leur guide, mais il ne releva pas :

" Hum... le plus souvent, les sujets sont moins... plus proches des préoccupations quotidiennes : la patience, le deuil, le renouveau... Les gens aiment beaucoup les vies de saint : elles illustrent le message de Soustraine de manière vivante et concrète. La lecture actuelle narre l'arrivée de Jamian en Gwidre. Comme il a défendu le royaume contre des hordes feondes, ce sujet sera évoqué j'imagine dans les prochains jours. "

" Les sujets sont annoncés d'une fois sur l'autre. Cependant, la mère Gudela m'a demandé de veiller à vous aider de mon mieux, je peux aussi préparer des lectures ciblées répondant à vos interrogations."

[Pwyll]

"C'est d'abord à toi, Aeldred de voir ça, mais toi tu sais lire au moins. Je voudrais bien entendre ce que vos textes disent à propos de l'apparition du monde, de sa fin et des feon... démons des, de, enfin les démons. Ce qu'ils sont, pourquoi ils font ce qu'ils font et comment les repousser."

Ces gens semblaient bien perdus dans leurs histoires à dormir debout, mais qui sait, il y aurait peut-être une part de vérité au milieu du fatras.

Pwyll pensa aux C'maoghs qui lui avait ouvert la révélation sur l'arbre de vie... cette sensation de partage total et de chute des limites de son esprit lui manquait.