[OdE - Chap.2.1] La dernière limite

[Casaïr]

Une cascade d’eau glacée coula entre les omoplates du chasseur. Je… J’ai… C’est pas possible, ça ne peut pas…

Avalant difficilement sa salive, c’est presque en tremblant qu’il avança d’avantage en direction de lui-même. Mais ce ne pouvait pas être lui, ou même une version de lui enfant.

« Qu’est-ce qu’il a, ton papa ? Il est blessé ? Je peux peut-être l’aider… »

Oui, c’est sûrement ça ! Il est juste blessé, et pas en train de…

Aeldred sentait que le traumatisme de son enfance n’attendait qu’une occasion pour le briser pour de bon, et il ne fallait surtout pas lui donner de moyen d’y parvenir. Cet enfant n’est pas moi, ce n’est pas moi !

[Iris]

"Mon papa il est en train de tuer ma maman ! Personne ne veut m'aider !" pleurnicha le petit être sur un ton déchirant qui rappelait de mauvais souvenir à Aeldred.

D'ailleurs.... les ombres de cette cavernes lui paraissaient semblables à une forêt de nuit, avec les troncs de sapin qu'on discernait à peine, que la nuit fût sans lune ou que le ciel fût couvert...

Le sol sous ses pieds, celui qui le séparait de lui-même... tout lui était horriblement familier...

[Casaïr]

Aeldred recula d'un pas en voyant la forêt se matérialiser autour de lui. Pour un peu, il aurait pu sentir l'odeur des aiguilles de pin lui chatouiller désagréablement le nez, une odeur qu'il n'aimait plus vraiment depuis cette nuit-là. Mais... Il était là, enfant. Qu'est-ce que je dois faire ?... À l'époque, il lui avait fallu du temps pour trouver une âme secourable, il ne se souvenait même plus de qui était finalement venu à son secours. Était-ce réel ou un pur fantasme ? Pouvait-il sauver sa mère, ou était-il en proie à la maladie qui rongeait le village ? Il n'arrivait plus à séparer le vrai du faux, mais...

Il a besoin de moi... !

Raffermissant sa prise sur la poignée de son épée, décidé à intervenir quoi qu'il lui en coûte, il tendit la main vers le garçon pour le relever.

"Emmène-moi, je vais t'aider."

[Iris]

Aeldred le grand prit le petit garçon par la main et ils s'enfoncèrent sur le sentier, dans la forêt...


...

Pendant ce temps, Burgred se préparait tout en réfléchissant à ce qu'il devait faire des objections de Pwyll. A priori ça devait passer... bon, un petit gabarit comme Oanell aurait dans tous les cas plus de facilité pour passer, mais ça irait...

En bas tout était calme. Peut-être qu'Aeldred était sonné... ou juste que le son portait mal...

[Arthus]

Je pense qu'il y a méprise : Burgred est déjà dans le toboggan (accroché à la corde), en route pour rejoindre Aeldred, et plus en haut en train de papoter avec Pwyll!

[Iris]

Burgred s'engageait et descendait dans le noir, s'éloignant progressivement de ses compagnons, se sentant un peu serré par moment, mais ça allait et tout doucement il arrivait... Il sentait un vrai sol et l'ampleur d'une vraie salle, mais sombre.

[Casaïr]

Aeldred se sentait un peu idiot, songeant qu'il tentait de rassurer un petit garçon qui n'était autre que lui. Le sentier qu'ils suivaient tous deux lui était plus que familier : c'était celui qu'il empruntait tous les jours pour aller de chez lui au village et inversement. Ici il reconnut un arbre sur lequel il avait tenté, bien maladroitement, de graver son nom avant de s'entailler méchamment le doigt ; là il entendit le ruissellement caractéristique de la rivière qui s'égayait entre les rochers, et qui était alimenté par le ruisseau qui passait près de chez lui, un peu plus en amont.

Il voulait parler au garçon, mais que pouvait-il dire ? Je connais ton histoire, je sais comment elle va finir mais ne t'en fais pas, tu trouveras un jour des amis qui compteront vraiment pour toi ? C'était stupide, il savait très bien que ça lui aurait fait une belle jambe qu'on lui tienne ce genre de discours à l'époque. Et quand on voyait le temps qu'il lui avait fallu pour se sociabiliser un peu...

La nuit était calme, trop calme pour le chasseur. Était-ce comme ça dans son souvenir ? C'était trop loin, et il ne s'était pas vraiment rattaché à cela alors qu'il courait à perdre haleine, de maison en maison, jusqu'à ce que...

Finalement, la maison apparut. Elle lui sembla tellement sinistre mais ce n'était sans doute qu'un effet de son imagination galopante. Il avait ses repères et se serait bien élancé de lui-même vers la maison, se rappelant pratiquement dans les moindres détails de ce qui avait été fait à l'époque pour sauver sa mère. La porte fracassée à coup de hache quand les épaules se révélèrent incapables de la faire bouger. Le spectacle effroyable quand l'intérieur de l'atelier de son père se révéla à lui. Le regard de son père, surtout. Mais il avait la sensation que même en le voulant, il n'aurait pas pu faire ainsi.

Se secouant, il regarda le garçon, sachant pertinemment ce qu'il ressentait pour l'avoir vécu avant lui, une terreur sourde et implacable encore tenue à l'écart par un mince espoir se débattant tant qu'il pouvait devant le drame qui se jouait chez lui.

"Faisons vite, dis moi ou sont tes parents, je vais sauver ta maman, je vais tout faire pour !"

Il s'en voulut immédiatement de dire cela, il n'y avait aucune chance qu'il y parvienne à temps. Et l'enfant comme l'adulte qu'il était devenu haïraient l'homme qui avait osé faire une promesse impossible...

[Iris]

Pour commencer, Burgred estima qu'il était arrivé mais qu'il n'y voyait goutte. Ensuite, il n'entendait rien de bien concluant. Et puis il n'était pas en train de piétiné un Aeldred inconscient, donc a priori, Aeldred n'était pas inconscient en bas du toboggan. C'était une bonne nouvelle, non ? Mais foutre'c'maogh, où est-ce qu'il était passé cet abruti ?

[Arthus]

Mi-inquiet, mi bougonnant à propos du jeune chasseur, Burgred alluma une torche en roseau retrouvée au fond de son paquetage, puis tira son épée de son fourreau pour faire face à une éventuelle menace.

Alors qu'une lueur tremblotante et caligineuse perçait timidement les ténèbres, Burgred se souvint brièvement que c'est au bon sens d'Aeldred qu'il devait de posséder ce moyen d'éclairage.

A cette pensée, l'énervement de façade du garde s'effaça complètement devant l'inquiétude pour le jeune homme.

Il se saisit de la corde avec la main qui tenait son épée, prêt à demander au reste du groupe de le rejoindre.

Mais avant d'envoyer son signal, il promena sa torche autour de lui pour savoir où il se trouvait, et estimer sa situation.

[Iris]

Burgred constata que le jeune chasseur... n'était plus là !

Par contre, il y avait un tunnel partant sur sa gauche, et semblant une sortie assez évidente à cette salle.