[OdE 3] Dans mon potager (Forêt engloutie)

[Iris]

Aucune Steren Slaine n'était passée. Cela n'étonna pas Oanell car d'après ce qu'elle avait pu comprendre des écrits de ladite Steren Slaine, elle recevait de nombreux récits de contacts : varigaux et médiums divers.

Après la mort dans les ruines d'un vieux varigal, un eisdeach âgé était passé et était reparti assez perturbé -- à vrai dire il paraissait déjà assez tourmenté avant. Il était d'avis d'éviter le château quelques temps et à l'entendre, on pourrait y retourner sereinement quand la végétation y aurait poussé, surtout des arbres lumineux comme le bouleau ou bien des fleurs. Ce serait le signe que tout était revenu à la normale. Mais pour l'instant rien de tel : ronces et lierre et chardons uniquement.

Les eisdeach sont des médiums oeuvrant surtout sur les côtes. En creusant la questions, les apprentis investigateurs en vinrent à se demander si l'homme ne serait pas le mentor défunt de la jeune occultiste qui avait laissé le Manuel de la lune noire à Aeldred. De ce qu'ils savaient, ce mentor était décédé désormais et ne pourrait donc pas les éclairer sur la situation.

[Iris]

La nuit était sombre et l'humidité pénétrante. La grange était plongée dans des ténèbres presque complète et les voyageurs savaient qu'il leur fallait être prudent dans l'usage des lampes, tant le foin sec est susceptible de s'embraser facilement.

Une étrange histoire.

Deux amants se retrouvant par delà la mort ; un eisdeach les décrivant comme n'étant pas en paix, un couple ayant un comportement étrange et de l'avis de la population, tout à fait inattendu ; et la sensation impérieuse qu'il fallait faire quelque chose.

[Iris]

Le lendemain, après une nuit pleine de rêves étranges -- surtout pour ceux qui avaient consommé l'alcool local -- le trio partagea le brouet de l'ansailéir et se dirigea vers le château. Apparemment personne n'avait voulu y mettre les pieds depuis... eh bien depuis au moins l'étrange épisode de Bronn et Préïvia.

Le soleil était de la partie et la marche tenait de la promenade. Certes la silhouette des ruines était assez impressionnante, mais... c'était tout en fait. Aeldred repéra de nombreux signes discrets de la vie de la nature. Une famille de mésanges voletait dans les ruines en quête de nourriture. Tout était calme. Un peu mélancolique, mais rien de vraiment inquiétant ou effrayant. Il y avait là un crocus fané qui avait dû fleurir encore récemment, protégé des vents froids par les murs.

[Pwyll]

"Oh regardez le crocus, c'est bon signe si on en croit l'eisdeach !" Dit Pwyll en s'agenouillant à côté de la fleur morte. "Bon là il est mort, mais c'est un début." Pwyll creusait dans ses souvenirs des enseignements de la sagesse demorthèn pour trouver une explication aux propos de l'eisdeach et la signification que pouvaient avoir certains types de végétation par rapport à d'autres.

"Je suppose que le mieux à faire, c'est de retrouver les corps de ces malheureux dans le château. Il n'a pas l'air si terrible. Chercher des os, c'est pas l'activité la plus bucolique, mais au final ça devrait bien se passer vous allez voir." Pwyll réfléchit un demi battement de cœur avant d'ajouter "Et imaginez si on était des chiens, on serait terriblement excités par l'idée, c'est un ancien veneur et chargé de chenil qui vous le dit."

Empli de confiance suite à l'énoncé de ces titres prestigieux, Pwyll se campa face aux ruines et observa attentivement ce qui restait de l'édifice afin de déterminer si un autre point d'accès que celui de la porte principale semblait praticable, aussi bien pour une entrée que pour une sortie précipitée.

[Iris]

Le colosse botaniste fouilla dans sa mémoire. Il chercha un long moment. Il était sûr qu'il savait. Vraiment ! ... Et en fait, après un bon moment à se triturer la cervelle avec l'impression qu'il devait forcément avoir appris ça durant son enfant, il dut se rendre à l'évidence : soit il ne l'avait jamais su, soit il avait oublié. Mais qu'à cela ne tienne, c'était une bonne raison d'aller trouver la demorthèn à son retour ! Un chouette prétexte pour entamer une conversation !

Pwyll et sa bonhomie n'étaient pas dépourvus de logique ou de chance. S'il séchait totalement sur cette histoire de plante indicatrice, en revanche le fidèle compagnon en lui avait de l'instinct. Il commença à retardement -- rapport à sa relation conflictuelle avec sa mémoire -- mais sitôt qu'il fut en train, il ne mit pas trop de temps à trouver des gravats. Enfin, plus précisément, il discerna d'abord un gros trou -- sans doute une cave effondrée -- et dedans des pierres. Partiellement fixées grâce à la pousse de ronces, elles étaient presque stables, de sorte qu'il était possible de descendre prudemment sans se rompre le cou. A un moment Pwyll dérapa, peut-être à cause de cette ronce hargneuse qui s'accrochait à lui et le piquait au travers du tissu de son pantalon ?... Il manqua en tout cas de trébucher et de se coincer bêtement le pied entre les blocs de pierres. Un coup à se casser la cheville, ou pire, à avoir la jambe écrasée et être bloqué dans ce souterrain... Brr !

Voilà, il y a avait un cadavre. Des os, des vestiges de cheveux, des orbites creuses, les mâchoires ouvertes en un hurlement silencieux ... Mais Pwyll en avait vu d'autre dans le cauchemar, d'ailleurs il avait même tapé la causette avec un pendu pas sympa, alors juste un squelette tout silencieux et immobile, ça n'allait pas lui faire peur !

Restant un moment à examiner la situation, Pwyll se rendit à l'évidence que ça demanderait quelques efforts de récupérer les os (surtout de ne pas en oublier une partie !!)

Il fallait fouiller encore un peu pour la deuxième dépouille, plus ancienne et partiellement brûlée sans doute, mais c'était du domaine du faisable. Ce n'était au fond qu'une question de temps.

Un merle se posa non loin et attrapa de menus insectes sembla-t-il, et regarda Pwyll de ses yeux ronds et dorés, l'air presque interrogateur, semblant demander : "Tu comptes faire quoi maintenant ?" -- car le piaf tutoyait bien sûr l'humain, mais repartit avant de connaître la réponse.

[Casaïr]

Aeldred observa la fleur morte, dubitatif, cherchant quoi répondre à son ami. Ne trouvant rien d'intelligent, il se contenta de hausser les épaules avant de reprendre les recherches de son côté. Finalement, C'est Pwyll qui trouva le premier les corps, laissant une nouvelle fois le jeune chasseur perplexe.

"On a trouvé des corps en effet, mais si on s'en tient à l'histoire du livre, je ne crois pas que ce soit celui de l'homme revenu hériter de ses terres. Il aurait chuté à travers le plancher du château et serait mort en heurtant le sol d'une hauteur plutôt importante." Réfléchissant d'avantage il reprit : "On peut déjà rassembler ceux-là mais vérifier s'il n'y en a pas d'autre ne nous coûtera guère plus que du temps. Si cela peut permettre d'apporter une sépulture décente à plus de défunts, ça n'en sera que mieux."

Ce n'est pas parce que je ne crois plus dans les histoires demorthèn que je dois priver les autres de leurs croyances.

[Iris]

Aeldred, s'aidant du récit, réussit à déduire l'emplacement du second squelette à partir de l'état d'un bout de plancher qu'il discernait. Il aurait eu sûrement du mal à le trouver en cherchant au sol, car les os étaient cachés sous un énorme buissons de ronces.

Au final le trio parvint avec peine à récupérer tous les ossements (ou en tous cas une quantité convenable), qui furent respectueusement déposés chacun dans un linceul fourni au village.

Pwyll s'enquit des rites demorthèn locaux et apprit qu'on avait l'habitude de préparer les tombes dans une colline dédiée, sauvage -- et servant ponctuellement de pâturage pour les moutons. On creusait, préparait tout et pendant ce temps on allait chercher un demorthèn qui était par ailleurs l'un des gardiens permanent des abords des alignements de Tursal. L'homme remercia chaleureusement les trois voyageurs et loua leur piété.

On procéda aux inhumations et elles furent suivies comme c'est l'usage d'un petit banquet funéraire dont la fonction était de se consoler et de célébrer la vie.

Le trio de voyageur en avait fini ici. Ils avaient porté haut les couleurs de Terfynisel ! ... A présent... il leur fallait poursuivre leur aventure...

[Pwyll]

Passionné par les mystères demorthèn, Pwyll ne perdit pas une miette des faits et gestes de ce gardien de Tursal qui était revêtu à ses yeux de prestige, de pouvoir et de sagesse.

Le (vieux) garçon rassembla son courage à deux mains pour demander à l'homme s'il avait connaissance de précédents pour des ionnthèns aussi âgés que lui par exemple. Le cas échéant, une esquisse de réponse de la part du dépositaire du message secret des C'maoghs pouvait peut être éclairer un peu les hésitations de Pwyll quant à son avenir et même servir d'argument auprès de sa consœur de Terfynisel.

Ensuite, Pwyll profita du rassemblement lors du banquet pour poser quelques questions. Comment aller jusqu'à cette ferme au nord où avaient séjourné Bronn et Préïvia ? À quoi ressemblaient ces jeunes gens ?

Dans les deux cas, Pwyll s'efforce de tirer le meilleur parti de son attitude naturellement amicale et débonnaire.

[Casaïr]

La récupération des ossements fut, comme prévu, plus laborieuse que dangereuse, et c'est avec une certaine satisfaction qu'Aeldred put assister à la cérémonie leur permettant de reposer enfin en pais. Cela ferait déjà des esprits en moins pour hanter cette région. Avec de la chance, c'était peut-être leur acte qui ramènerait la vie sur cette colline, même si la disparition des objets responsables des malheurs des habitants du château en serait plus sûrement l'origine. En attendant, le jeune homme profita des réjouissances au côté d'Oanell, riant et plaisantant avec elle et ceux qui se trouveraient avec eux.

Un peu plus tard, il prit ses compagnons à part pour leur parler, bras croisés en signe de réflexion.

"On a résolu ce petit soucis, reste le plus important : le couple disparu. Lui est devenu fou après son passage dans les ruines d'après ce qu'on sait, il a enlevé une femme dont il était amoureux et, quand ils ont cherché à la sauver, les hommes engagés pour cette mission ont été attaqué par l'homme et sa compagne. Je ne sais pas vraiment à quoi on a affaire, mais ça ressemble un peu à l'histoire de mon père -même si maman n'est pas devenue folle avec lui. Si on décide de s'y rendre, il faudra nous préparer à une certaine résistance de leur part, mais j'espère bien que la destruction de l'objet responsable de tant de malheur puisse leur permettre de reprendre leurs esprits. Toutefois, ajouta-t-il en se tournant vers sa compagne, je préférerai que notre décision de nous y rendre soit unanime. Si un seul d'entre vous deux ne sent pas d'y aller, alors nous rentrerons. Je ne veux pas créer de problème ou de dissensions entre nous."

[Pwyll]

Pwyll écouta son ami avec attention et remarqua d'emblée : "C'est marrant, quand tu croises les bras comme ça, tu prépares souvent un mauvais coup."

"Mais sinon, je suis carrément partant pour les retrouver, j'ai même posé quelques questions à ce sujet !" ajouta Pwyll, pas peu fier d'avoir fait preuve, pour une fois, d'une certaine présence d'esprit.