[OdE Chap.6] La dispute de la caille et du lièvre

[Iris]

Cela faisait deux semaines que Jazkez avait quitté Terfynisel. Il était parti avec les dépouilles de ses camarades, les ramenant à la citadelle de Dèas. Là, il avait fait son rapport auprès d'Ergon Tamir, et avait expliqué que tant que son ancien capitaine et la sorcière ne seraient pas neutralisés, il ne pourrait trouver la paix. La commanderesse de la forteresse accepta de laisser l'osfer Jazkez à Terfynisel pour enquêter librement, charge à lui de faire des rapports réguliers sur la situation.

Jazkez était revenu en fin d'après-midi, et il avait retrouvé ses compagnons d'aventures. L'un d'eux -- mais qui ? -- avait proposé de boire quelques pintes à l'auberge.

Le soir posait son voile bleu sombre sur tout ce qui les entourait. Le chemin menant à l'établissement de l'ancien varigal était facile à suivre. Quelqu'un raconta à Jazkez ce qu'il y avait à savoir de cet homme : Joavan était une pince, un ancien varigal et il avait trouvé --paraissait-il -- un trésor qui lui avait permis de faire bâtir son établissement au carrefour entre la vieille route du sel, la route vers le domaine Mac Elowan, et la route (chemin ?) vers Terfynisel. Joavan était peu loquace, cupide, guère chaleureux, mais il courtisait -- sans grand talent -- l'une des dàmàthairs, Rhea, amie chère au coeur d'Aeldred.

[Pwyll]

Pwyll avançait d'un bon pas sur le chemin, plein d'entrain comme souvent, mais il cala bien vite son rythme sur celui d'Oanell dont les foulées avaient moins d'ampleur. Cette occasion de se retrouver, il fallait en profiter pour resserrer des liens mis à rude épreuve se dit le grand barbu.

- Ah c'est quand même pas trop tôt qu'on puisse se retrouver autour de godets bien remplis ! J'suis content que vous soyez là, tous. Tu sais Aeldred, avec cette histoire de Joavan qui drague ta plus ou moins frangine, si c'était moi j'irais lui parler face à face histoire de savoir cadrer un peu plus le bonhomme. J'pense pas qu'y soit animé de mauvaises intentions, c'est tout naturel de chercher à se marier, c'est juste que sa réputation... enfin si ça tombe c'est pas mérité, faut se méfier des racontars.

[Casaïr]

Aeldred avait accepté de quitter ses études ce soir pour profiter d'un peu de bon temps avec ses amis. Enfin, "accepter" était sans doute un grand mot quand Pwyll était venu, tout sourire, lui dire qu'il était "convié" à cette soirée. Ça sonnait presque comme un ordre dans la bouche du géant jovial mais le jeune homme était de bonne humeur, aussi consentit-il à se joindre au petit groupe.

Il avait calé son rythme sur celui de ses compagnons, restait en retrait d'Oanell. Cela faisait deux semaines maintenant qu'ils avaient rompu et, même s'il traînait presque tous les jours au château du côté de la bibliothèque, il ne l'avait finalement pas vu tant que ça, si ce n'est en coup de vent pour quelques amabilités d'usage. Il s'était fait une raison maintenant et songeait qu'il lui faudrait rebondir. L'image de Rhea épousant Joavan le fit grimacer, ainsi que ses mots sur la nécessité de le faire pour le bien du village. S'il devait se marier un jour prochain, lui ne le ferait pas "parce qu'il le faut" mais bien parce qu'il le veut. Et elle aussi du reste, qui qu'elle puisse bien être.

Le fait que Pwyll mette les pieds dans le plat en évoquant la situation entre l'ancien varigal et sa sœur sortit Aeldred de sa rêverie.

"Je ne suis pas sûr que ma sœur soit ravie que j'interfère dans ses affaires, et puis j'ai déjà discuté avec elle de ses intentions, je ne pense pas que je pourrais l'influencer en quoi que ce soit. Tout au plus puis-je veiller sur elle."

Quant à toutes ces rumeurs qui traînaient sur lui... Joavan était tellement secret que tout pouvait être aussi bien vrai que faux.

"Au pire, si ces histoires de trésors sont vraies, elle ne manquera de rien", dit-il en haussant les épaules.

[Pwyll]

- Ouais c'est sûr... mais juste discuter, faire connaissance tu vois ? Sans parler de Rhéa ! Ahah subtil hein !

Pwyll ponctua sa phrase d'une bourrade dans l'épaule d'Aeldred.

Il regarda son ami récupérer de justesse son équilibre et l'image vivace de sa jambe déchiquetée lui remonta en pleine figure... qu'est-ce qui avait sauvé Aeldred ? Les C'maoghs, forcément... mais... pfff, ce givre... il faudrait en reparler quand même.

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez mâchouillait un brin d'herbe en rigolant. Il se sentait beaucoup mieux depuis son retour de Deas. Morch et ses compagnons étaient rentrés à la maison. La femme de Catmail et de Genedig pourraient pleurer leurs maris retrouvés. Il restait encore a faire mais indéniablement ils avaient beaucoup appris. Son regard s'assombrit légèrement. Uilleam...

- Ouais c'est sûr... mais juste discuter, faire connaissance tu vois ? Sans parler de Rhéa ! Ahah subtil hein !

Il chassa cette pensée de son esprit et cracha la tige verte du haut de son cheval. Oanell et Aeldred étaient revenus de Tilliarch. Le voyage semblait avoir été profitable pour tout le monde. La jeune barde avait retrouvé le sourire et son regard. Aeldred avait toujours l'air contrarié par quelque chose. Cette histoire avec Rhéa ? Et le Varigal ? Il ignorait de quoi il parlait mais ça ne l’intéressait pas. Il contempla les reflets des nuages dans une flaque d'eau le long du chemin. Cela faisait comme des petites lumières blanches qui bougeaient.

-Bon alors qu'est ce qu'on fait maintenant pour cette histoire de sorcière ? Blodwen t'as demandé quelque chose Oanell ? et toi Pwyll, tu as revu Ultana ?

Il observa Aeldred et surprit chez Pwyll le même regard songeur.

-Et toi Aeldred ? Quoi de neuf ?

[Casaïr]

"Ho, eh bien..."

Aeldred penchait la tête tout en marchant, faisant mine de réfléchir.

"Disons que je me remplis la tête. Et je travaille avec les dàmàthairs de Terfynisel et de Swelbecky afin de m'habituer à... mieux structurer mes propos. J'ai cette fâcheuse manie à vouloir tout dire en même temps, Rhea me l'a suffisamment répété. Si je veux pouvoir enseigner, il faut que je me modère, que j'apprenne à dire l'essentiel. La concision. Autant dire que c'est pas gagné", rit-il de bon cœur.

Il frappa dans un caillou qu'il envoya voler dans les broussailles, parut satisfait du résultat.

"Et toi, Pwyll, la cohabitation avec Aeldred et son chat, ça se passe comment ? J'espère qu'il s'occupe mieux de ton potager que toi. Si tu as besoin, je peux toujours te donner des œufs de temps en temps. Je ne m'occupe pas de faire pousser quoi que ce soit, mais mes poules sont plutôt bien nourries. Une bonne omelette, ça requinque."

[NailsEater]

Oanell suivait tranquillement ses amis. Depuis qu'elle avait acheté à nouveau de lunettes, elle reprenait vie. On oublie vite à quel point ses petites choses sont indispensables. Elle écoutait les différentes conversations, contente de ses différents achats à Tilliarch. Elle semblait plus enjouée et avait repris quelques couleurs. Jazkez semblait lui aussi apaisé. Même Aeldred paraissait plus calme et serein. Il prenait ses leçons très à cœur et s'était trouvé une nouvelle vocation.

Ils mrchaient donc en direction de l'auberge, discutant des dernières nouvelles des uns des autres. le mariage de Rhéa et Jorvan était au centre des préoccupations d'Aeldred, mais Oanell choisit de ne pas intervenir à ce sujet. Quand Aeldred posa la question de la cohabitation entre Pwyll et Aedldre au chat. Elle s'approcha, curieuse d'entendre la réponse.

[Pwyll]

Pwyll attendait plutôt un autre type de réponse de la part d'Aeldred et surement pas à ce que la conversation parte de ce côté. Ses sourcils vinrent momentanément taquiner le haut de son front plissé d'étonnement.

- Bah... alors. Aeldred, il est... pas très bruyant on va dire. Sauf quand y grimpe sur une étagère pour suivre Roux, mais bon il le fait moins maintenant. C'est plus le toit son truc. J'lui ai dit que c'était glissant. Il a glissé d'ailleurs. Quelques bleus, mais enfin... Sinon il s'y prend pas mal avec les animaux, les chevaux sont habitué à lui aussi bien qu'à Roux maintenant. Pour la ferme, disons que mon cas est pas désespéré pour les plantations, c'était plus un truc qui me chiffonait à l'époque, enfin... euhm. Par contre les clôtures, toutes ces conneries là, quelle barbe !

Il lança un regard un brin malicieux vers Aeldred.

- Bon en tout cas t'es vraiment plus mort, hein, pas d'doute.

[Caeso Senjak Khan]

Jazkez fit claquer deux fois sa langue, sans que l'on sache si c'était en réponse à la remarque de Pwyll ou à destination de sa monture.

-D'ailleurs, Aeldred. Puisque Pwyll aborde le sujet finement et avec tact, si tu nous racontais un peu ce qui s'est passé la bas ? Tu sais le passage ou tu étais à moitié mort et en lambeaux et ou tu te relèves pour nous dire la messe frais comme un glaçon. Pwyll pense que c'est les C'Maoghs mais j'aimerais bien avoir ton avis de professeur sur la question.

[Casaïr]

Aeldred s'arrêta de marcher, le temps de réaliser ce que Pwyll venait de dire. Alors qu'il ouvrait la bouche,Jazkez en rajoutait. Il grimaça en regardant Oanell. Il aurait préféré en parler dans un endroit plus approprié.

"J'imagine que je n'ai pas le choix..."

Il inspira à fond, ferma les yeux et se lança.

"Je suis mort ce jour-là, n'en doutez pas. Je ne chercherais pas d'excuse pour mon geste, juste que... je l'ai fait sciemment."

Il leur laissa quelques secondes pour digérer avant de poursuivre.

"Quand je suis passé... de l'autre côté, je me suis réveillé dans une plaine grise, sans vie, glaciale, avec de la brume jusqu'aux chevilles. C'était les Limbes. Et alors que je prenais conscience de cela, des ombres m'ont pris en chasse. J'ai fui, combien de temps, je ne sais pas mais ça m'a semblé une éternité. Je... J'avais voulu en finir pour connaitre enfin une forme de repos, mais ces choses voulaient juste dévorer mon âme. Alors j'ai couru, jusqu'à ce qu'Il me trouve et me sauve. Il m'a ouvert la porte d'un endroit lumineux, accueillant, aimant. Les silhouettes que j'apercevais me tendaient les bras et j'avais la sensation que là-bas, je serais accepté tel que je suis. J'avais l'impression de rentrer chez moi après de longues années d'errance.

"Et alors que je me retournais pour voir ce que faisaient les ombres, je les vis fuir devant la pureté de cet endroit. J'allais entrer dans la lumière mais j'hésitais, alors Il m'offrit un choix : rejoindre les autres et goûter au repos, dans un monde où je ne connaitrais plus la douleur, les tourments, ou revenir auprès des miens. J'ai hésité mais, quelque part, je sentais au fond de moi qu'une grande partie des ténèbres qui hantaient mon coeur s'en était allée, tout comme j'avais la certitude que mon choix serait le bon quel qu'il soit et que je ne serais pas jugé pour cela.

"C'est ce qui a motivé ma décision de revenir. Combien de temps tout cela a duré, je ne sais pas, j'ai l'impression que le temps n'était pas le même là-bas qu'ici. Ce fut vraisemblablement assez court puisque nous étions toujours sur cet îlot lors de mon retour et quand je vous ai vu... J'ai compris à quel point mon égoïsme vous avait tous fait souffrir. Enfin, sauf vous, seigneur Jazkez, ajouta-t-il en souriant. C'est pour ça que je vous présente mes excuses, tout en sachant que mon geste ne mérite pas votre pardon."

Il soupira en regardant tour à tour ses compagnons.

"Voilà, vous savez tout."